Thread by @helenesergent

Bonjour à toutes et à tous ! C'est la 109e journée d'audience au procès du #13novembre. La cour doit d'abord entendre un enquêteur de la SDAT. Puis ce sera au tour de Sonia, cette jeune femme qui a permis aux forces de l'ordre d'intervenir, le 18 novembre 2015 à Saint-Denis

En 2016, Sonia a publié « Témoin », livre dans lequel elle racontait son quotidien bouleversé par les attentats. L'ouvrage démarrait ainsi : « J’erre entre deux mondes qui ne doivent plus s’approcher et que je mélange pourtant. Je ne suis plus personne » #13novembre

Depuis son appel aux policiers qui a permis de localiser le terroriste le plus recherché d'Europe à l'époque, Sonia a été contrainte de changer de vie. Son parcours a même amené les parlementaire à modifier la loi pour renforcer la protection des témoins. #13novembre

L'audience devrait bientôt reprendre. Le président a suspendu le temps de faire les sommations d'usage en raison de l'absence d'un des accusés dans le box, Osama Krayem. LT à suivre, pour @20Minutes #13novembre

L'audience est reprise : "Monsieur l'huissier, si vous voulez faire entrer le témoin", demande le président. L'enquêteur de l'antiterrorisme, costume sombre, s'avance à la barre. Il témoigne anonymement, sous l'identité de "SDAT 99" #13novembre

L'écran géant de la salle est déployé. Le commissaire de police diffuse un power point de la SDAT consacré au "parcours de Chakib Akrouh et Abdelhamid Abaaoud du 13 au 18 novembre" #13novembre

Le policier a déjà été entendu par la cour. Comme la fois précédente, il propose un témoignage très construit, découpé en 4 parties. La 1ere sera consacrée à "l'exploitation d’un témoignage providentiel". La 2e reviendra sur "la traque sans précédent" de la cousine d'Abaaoud

Sa 3e partie concernera l'intervention du 18 novembre
2015 à Saint-Denis puis l'enquêteur reviendra de façon plus générale sur le parcours du duo Akrouh/Abaaoud. Il rappelle que ces deux hommes ont participé aux attentats des terrasses à Paris le soir du #13novembre

Première piste exploitée par les enquêteurs : la découverte d'un des véhicules utilisés par les terroristes, une Seat noire, le 14 novembre 2015. Diverses armes longues y sont retrouvées, des couteaux également #13novembre

Grâce aux armes retrouvées et aux images de vidéosurveillance des terrasses visées, les enquêteurs comprennent que 2 terroristes, en plus de Salah Abdeslam, sont en fuite. #13novembre

Il évoque maintenant le "témoignage providentiel" de Sonia (qui sera interrogée aujourd'hui par la cour également). "Son propos semble confus, parfois désordonné mais retient immédiatement notre attention" explique l'enquêteur #13novembre

Le commissaire de police poursuit : "Elle explique qu’elle héberge une jeune femme, Hasna Aït Boulahcen, la cousine d'Abaaoud. Qu'elle l'aurait rencontré et qu'Abaaoud aurait promis une rétribution de 5000 euros à Hasna pour lui trouver un logement" #13novembre

Sonia indique aussi aux policiers qu'Abaaoud, habillé à l’européenne, aurait menacé de nouvelles attaques en France. Lors de son appel, elle donne aux enquêteurs le numéro de téléphone utilisé par Hasna Aït Boulahcen, la cousine du terroriste. #13novembre

Au regard de ce témoignage jugé sérieux et crédible, les policiers de l'antiterrorisme décident donc de convoquer Sonia le 16 novembre 2015 pour l'entendre dans le cadre d'une audition #13novembre

Après cette première audition de Sonia réalisée le 16 novembre 2015, la SDAT juge les infos livrées par cette femme comme "solides et vérifiables". "Deux scenarii se dessinent alors pour nous", poursuit le policier à la barre. #13novembre

1er scénario : "Abaaoud serait véritablement sur notre territoire, ce qui serait un cataclysme pour nos services, ce serait le signe d’un danger grave et le risque d’un nouvel attentat imminent"
2e scénario : "Il s'agit d'un piège mis en place par l’Etat islamique" #13novembre

Pour explorer la 1ere piste, la SDAT met en place un dispo de surveillance autour d'Hasna Aït Boulahcen. La jeune femme fait alors "feu de tout bois" pour "trouver un logement" pour son cousin Abaaoud qui dort depuis deux jours dans un buisson avec son complice Akrouh #13novembre

Les écoutes téléphoniques mises en place par les enquêteurs permet d'obtenir l'identité d'un interlocuteur belge qui a demandé à Hasna de récupérer un mandat Western Union pour financer le logement d'Abaaoud et Akrouh #13Novembre

En parallèle, Sonia prévient les enquêteurs que la planque trouvée par Hasna Aït Boulahcen se situe à Saint-Denis. Elle communique l'adresse, rue du Corbillon, dans le centre ville de cette commune du 93. #13Novembre

Sonia dit aussi aux enquêteurs que cet immeuble est susceptible d'héberger plusieurs dizaines de djihadistes. Cet élément pousse les policiers à redoubler de vigilance pour élaborer leurs plans pour interpeller Abaaoud et son complice #13novembre

Hasna, la cousine d'Abaaoud va chercher les deux terroristes cachés dans un buisson pour les conduire à la planque dégotée à Saint-Denis. "Le trio va avoir beaucoup de difficultés à trouver l'appartement mis à disposition par Jawad Bendaoud", explique l'enquêteur #13Novembre

Quand la SDAT a la confirmation qu'Abaaoud, Hasna Ait Boulahcen et Akrouh sont arrivés à Saint-Denis, les policiers décident d'intervenir dans la nuit du 17 au 18 novembre 2015. Mais les difficultés sont nombreuses indique le témoin à la barre. #13novembre

L'enquêteur explique ce contexte "particulier". D'abord, il y a "le risque d’attentat imminent". Ensuite, l’armement "indéterminé" du trio : "On sait qu’ils sont susceptibles d’avoir des armes lourdes et nous savons que nous avons à faire face à des combattants" #13novembre

"Nous savons aussi qu'ils ont assassiné 39 personnes dans les rues de Paris quelques jours avant", poursuit le témoin. De plus, les policiers n'ont "aucune possibilité de reconnaissance des lieux en amont" #13novembre

Après avoir détaillé l'intervention du Raid, le policier revient sur les "constatations très difficiles" pour les enquêteurs: "L’immeuble est touché avec des risques d’effondrement. Les cloisons des appartements sur 3e étage se sont effondrées", détaille-t-il #13novembre

Il y a ces nombreuses bennes de gravats à évacuer et des travaux de consolidations à réaliser. Finalement, les constatations ne peuvent débuter que dans le nuit du 18 au 19 novembre. L'enquêteur décrit le "capharnaüm" qui règne dans l'immeuble de la rue du Corbillon #13novembre

"1581 étuis de cartouches" diverses sont retrouvés, ainsi que des documents, des tablettes, des portables et les restes humains des terroristes. Le corps d'Hasna Aït Boulahcen sera retrouvé entièrement conservé. L'identité du trio est confirmée dès le 19 novembre. #13novembre

Sur l'écran, le policier projette les photos d'objets retrouvés à St Denis et sur lesquels l'ADN d'Abaaoud a été trouvé. On voit les baskets orange vif portées le soir des attentats par le djihadiste et qui ont tant marqué certains survivants des terrasses #13novembre

Comme lors de son précédent témoignage, le policier SDAT 99 livre énormément d'informations, le tout dans un débit très rapide. Pas évident de le suivre ! #13novembre

Il aborde maintenant le dernier "point" de son "exposé" : le parcours du duo Akrouh/Abaoud. Sur l'écran, une photo du "buisson conspiratif" à Aubervilliers et utilisé par les terroristes après les attentats du #13novembre

"Le duo Abaaoud/Akrouh était propriétaire de deux lignes téléphoniques. L'une a servi pour communiquer en circuit fermé avec la cellule belge" et l'autre pour communiquer avec les autres terroristes (notamment Bilal Hadfi) "durant la commission des attentats" du #13novembre

On voit maintenant sur l'écran les photos prises par la vidéosurveillance de la RATP le soir du #13novembre au métro Croix de Chavaux et Nation. Abaaoud porte toujours ses chaussures orange fluo

L'enquêteur souligne le caractère "précipité" de la fuite d'Abaaoud et d'Akrouh après l'attentat des terrasses. Pourquoi ont-ils abandonné leur voiture Seat noire dans laquelle se trouvaient des armes en état de marche ? #13novembre

"Aucun élément ne permet de dire qu'Abaaoud aurait abandonné un gilet explosif quelque part", assure le commissaire de police qui ajoute que les enquêteurs ont fouillé activement le buisson où il a dormi quelques jours et l'appartement de la rue du Corbillon #13novembre

Une magistrate l'interroge sur le profil d'Hasna, la cousine d'Abaaoud. "Elle était aussi radicalisée qu’imprévisible. Sa radicalisation était récente, elle était en lien avec plusieurs personnes qui se trouvaient en Syrie", explique le témoin #13novembre

Le policier souligne aussi l'ambivalence d'Hasna, la cousine d'Abaaoud, qui a été tuée elle aussi le 18 novembre à Saint-Denis : "C’est quelqu’un qui était capable de sortir en Niqab dans la rue et de boire du rosé en rentrant chez elle". #13novembre

Échange tendu entre un avocat de Sofien Ayari, qualifié de "combattant de haute valeur" pour l'Etat islamique par le commissaire de police de la SDAT. L'avocat lui demande sur quoi l'enquêteur se base pour définir son client ainsi. #13novembre

L'avocat insiste, demande au policier quels sont les éléments matériels liés à une tentative d'attentat à l'aéroport d'Amsterdam prévue le #13Novembre. L'enquêteur s'énerve un peu, sa langue fourche, au lieu d'appeler l'avocat d'Ayari "maître", il lâche un "mec". Quelques rires.

L'avocate générale intervient. Elle rappelle que ce sera au parquet, et non à ce commissaire de police, de porter l'accusation et d'apporter les éléments réclamés par l'avocat de Sofien Ayari. "Ça, c'est notre boulot", dit-elle #13Novembre

L'audition du commissaire SDAT99 est terminée. Comme lors de son témoignage en septembre, l'enquêteur a été très précis et passionnant. "Je me permets de vous féliciter pour votre connaissance du dossier", lance le président. #13Novembre

L'audience est suspendue jusqu'à 16h15. La cour entendra ensuite Sonia, ce témoin qualifié de "providentiel" par l'enquêteur de la SDAT. #13Novembre

L'audience est reprise. La salle s'est remplie peu à peu. Sonia, qui dispose d'un statut de témoin protégé, va déposer en visioconférence. #13novembre

"Vous avez vérifié que notre témoin sera entendue sous anonymat, avec visage masqué et voix changée ? ", s'assure le président auprès d'un technicien avant d'être mis en relation avec Sonia #13novembre

"Vous m'entendez ?", demande le président. "Je vous entends", répond une voix très grave et aux accents robotiques. Sonia, âgée aujourd'hui 48 ans, va maintenant prêter serment de "dire toute la vérité" #13novembre

Dans une déclaration spontanée, Sonia adresse ses "condoléances" aux "victimes qui ont perdu un être cher". "Toutes mes pensées vont vers eux bien entendu", dit-elle #13novembre

Je retranscris sa déposition spontanée : "J’hébergeais Hasna Aït Boulahcen. J’étais bénévoles aux Resto du cœur à l'époque et j’essayais de redonner une chance aux gens à la rue. Je ne savais pas qu’elle avait de la famille qui s’était radicalisée". (Sonia) #13novembre

"Le jour des attentats, on regardait le match de foot à la télé comme tout citoyen et à un moment donné (...) y’a eu un flash info qui annonçait des attentats. Hasna est passée devant la télévision en disant que c’était des mécréants, que c’était normal". (Sonia) #13novembre

"Le dimanche j'ai trouvée Hasna un peu bizarre. J’ai décidé de l’emmener manger quelque chose dehors, d’essayer de trouver un peu de chaleur et elle a reçu un coup de téléphone". La cousine d'Abaaoud était alors "surexcitée", explique Sonia #13novembre

"Quand elle m’a montré le téléphone, l’indicatif n’était pas français. Je lui ai demandé qui était au bout du fil et en fait c’était un monsieur qui lui demandait de récupérer son cousin qui soit disant avait des problèmes", poursuit le témoin #13novembre

Sonia poursuit : "Je lui ai demandé : quel cousin ? Elle m’a dit que c’était son cousin de 17 ans, qu'il était dehors. Prise par les sentiments, j'ai accompagné Hasna avec mon compagnon". #13novembre

Après des indications approximatives, Sonia aperçoit finalement un homme s'avancer vers Hasna et elle. Il porte des baskets orange, c'est Abdelhamid Abaaoud. #13novembre

Les deux cousins - Hasna et Abaaoud - se serrent dans les bras l'un de l'autre. Hasna lance "Abdelhamid tu es vivant !". Sonia explique qu'elle n'a pas compris sur le moment qu'il s'agissait d'un membre des commandos des attentats commis quelques jours avant #13novembre

"Il s’est approché, m’a serré la main. Aujourd’hui encore je le regrette. Il s’est présenté, moi non. Il a décliné son identité, j’ai demandé s’il avait participé aux attentats : ils m’a dit « oui, les terrasses c’est moi ». j’étais figée, écoeurée", confie Sonia #13novembre

"Il posait beaucoup de questions, j’ai pas réalisé que je me mettais en danger, je l’ai trouvé inhumain, avec un regard froid et vide. Ses mots résonnent encore dans ma tête comme le fait qu’il avait envie de nous faire tous sauter quand il se levait le matin"(Sonia) #13novembre

"Quand il est parti, il nous a dit de ne pas dire qui il était, qu’il voulait juste un hébergement pour une durée très courte", ajoute Sonia. Dans leur conversation, Abaaoud indique qu'il souhaite "terminer ce qu'il a commencé". #13novembre

En rentrant, Sonia pense à ses voisins, à sa famille, à ses amis: "Je me suis dit que je pouvais pas mettre tout le monde en danger, on a très mal dormi" #13novembre

Sonia veut absolument prévenir la police. Mais Hasna est présente dans l'appartement. "On a dû attendre des heures qu'elle parte et quand elle est partie j’ai appelé le numéro vert. J’ai expliqué qui j’avais vu, qui j’avais rencontré. On m’a pas cru", soupire Sonia #13novembre

"J’ai été un peu menaçante en disant que j’allais aller dans le commissariat à côté de chez moi", raconte Sonia. Finalement, la SDAT la rappelle et lui demande de se présenter dans leurs locaux pour être auditionnée. Sonia s'y rend immédiatement #13novembre

En arrivant dans les locaux, Sonia a un "3e choc" en croisant un homme venir récupérer des effets personnels. "C'était une victime des terrasses". Sur place, Sonia redit aux policiers ce qu'elle sait, ce qu'elle a vu, leur donne le numéro d'Hasna. #13novembre

"Je leur ai dit qu’il fallait qu’ils aillent vite, je voulais que ça s’arrête". Pendant son audition, les policiers demandent Sonia si elle avait remarqué quelque chose de particulier chez Abaaoud : "J’ai dit : « oui, des baskets oranges »" #13novembre

Sonia identifie ensuite Abaaoud sur des photo qui lui sont présentées. Pendant l'audition, elle raconte qu'elle est terrifiée à l'idée qu'Hasna tente de la joindre et qu'elle la soupçonne si elle ne répond pas (son portable lui a été confisqué le temps de l'audition) #13novembre

Une fois l'audition terminée, la SDAT demande à Sonia de les rappeler dès qu'elle a de nouveaux éléments. "J’avais peur. Je suis rentrée chez moi et effectivement je les ai rappelé : Hasna cherchait un hébergement pour son cousin et ses complices" #13Novembre

Quand elle retrouve Hasna chez elle, Sonia tente de la convaincre d'aller voir la police. La cousine d'Abaaoud refuse catégoriquement. Sur les conseils des policiers de la SDAT, Sonia lui fait boire de l'alcool pour obtenir des informations. "Ça a plutôt bien marché". #13novembre

Sonia raconte : "Je lui ai posé beaucoup de questions, et j’ai fini par avoir l’adresse de l’endroit où ils allaient dormir à Saint-Denis et connaître la suite. Ils voulaient viser un centre commercial à la Défense, un commissariat et une crèche." #13novembre

"J’aurais pas pu laisser faire ça. C’était pas possible. Y’avait déjà eu trop de victimes innocentes. Pour moi une vie n’a pas prix", poursuit Sonia qui a alors rappelé l'antiterrorisme pour les prévenir #13novembre

Le 18 novembre 2015, Sonia se retrouve finalement placée en garde à vue dans les locaux de l'antiterrorisme."4e choc", énumère sobrement la témoin."Mais je regrette pas ce que j’ai fait, je le regretterai jamais. Si je devais le refaire, je le referai", conclue-t-elle #13novembre

La parole est donnée aux avocats de la partie civile. Me Maktouf, qui est l'avocate de Sonia, lui demande : "Quelle est votre vie aujourd’hui ?". "Il m’arrive parfois de ne pas dormir, toutes les années à la même époque je pleure, je suis pas bien", répond le témoin #13novembre

"Je repense à toutes ces victimes, c’est dur pour eux. Ma psychiatre m’a fait prendre conscience que j’étais victime aussi mais je me l’interdit, je veux pas prendre leur place. J’ai sacrifié ma vie, ma famille, mais je suis là", lâche Sonia #13novembre

Elle évoque le "lourd sacrifice" provoqué par son témoignage. "Ça m’a coûté très cher. Pour moi, mes enfants et mon compagnon. Est-ce que je mérite cette vie là ? Comparé à des milliers de personnes vivantes.. Je me dis que oui" #13novembre

L'audition de Sonia est terminée. Beaucoup d'avocats de parties civiles ont tenu à la remercier au nom de leurs clients. Des applaudissements s'élèvent doucement des bancs des parties civiles, le président intervient immédiatement avant de remercier la témoin #13Novembre

L'audience du jour est terminée et suspendue jusqu'à la semaine prochaine. Merci d'avoir suivi ce LT. Le compte-rendu suivra ce soir sur le site de @20Minutes #13novembre