Partie I : Con Texte
Père était issu d'une famille type "anciennement-terrienne-qui-commence-à-s'enrichir-et-qui-monte-dans-la-capitale-régionale" (un film de Chabrol, quoi). Au vu de la situation familiale nouvelle, on se décida à lui donner une éducation premium.
Il était né en 42/43, entre bruits de bottes et grand-père au maquis (TARN-ET-GARONNE EN FORCE) : cet arrière-grand-père mythique dont au sujet duquel je vous avais causé.
Lequel était farouchement opposé à une éducation chez "ces p***** de calotins".
Mais il n'avait pas voix au chapitre.
(gag)
(Note pour les trolls : l'enrichissement datait de l'après-guerre, pas pendant. C'est con, au vu de la situation actuelle j'aurais pu me faire des potes, passons)
Voilà donc mon Daron parti chez les Jésuites, au sein d'un internat assez célèbre dans le milieu ; entre Pau et Lourdes ce me semble. Ma TL catho, toi-même tu sais. Nous sommes dans les années 50 : on oublie les soirées salsa, tu mords l'esprit ?
Note : je vais troller, mais papa n'a jamais eu le moindre mot contre les Pères. Il les a aimés, véritablement, et se félicitait de leurs bons soins. Sauf le coup de se mettre à genoux sur une règle en fer, les bras en croix, en tenant un missel dans chaque main. (Véridique)
Ah on fait moins les malins les 4eB à venir pleurer avec maman et son avocat chez le CPE pour une heure de colle hein !
Mais reprenons. Le voilà aux pieds des montagnes dans des dortoirs peu ou pas chauffés, à briser la pellicule de glace sur le lavabo le matin : tout confort. Plume sergent-major, et en avant pour un programme assez exigeant.
Partie II : discipline et pédagogie
Les Jésuites pratiquaient le "en même temps" d'une façon assez spectaculaire. Autant les leçons devaient être sues au mot près, autant l'élève était interrogé de façon souple et son interprétation souvent requise. Cela peut surprendre les plus
jeunes de ma TL, mais c'est vrai. Ce trait a souvent été relevé par leurs anciens élèves, célèbres ou non.
L'insolence n'était bien évidemment pas tolérée, sauf dans le cadre d'une libre expression mesurée mais réelle. Exemple : en cas d'insolence, les Pères donnaient le choix entre une grosse tarte de maçon ou 4h de version latine.
Toutefois, dans le contexte de l'après-guerre, ils cessaient rapidement de donner ce choix aux élèves "ruraux" : les mômes choisissaient tous la tarte dans la face, ils étaient habitués ! Mais 4h de Cicéron, putain la torture #CMKR
Parfois, les deux punitions étaient données à la suite. Par exemple, Père, de bon matin, avait jugé avisé de jeter un sceau d'eau glacée depuis le 1er étage sur la gueule du sonneur de cloche qui les réveillait chaque matin à 5h45. Branlée + Cicéron, c'était le tarif.
Notons que le lendemain, tout était oublié et qu'il n'était pas question de virer les mômes sous leur responsabilité. C'est une chose dont on devrait se souvenir. Accepte ta punition, sans rancune, et à l'inverse une fois la réparation faite, oublie la faute.
C'est vraiment le bon côté des chrétiens, le pardon. Y'a sans doute un coup de vice derrière depuis que Nietzsche est venu faire "coucou, you fuck*** bastards", mais quand même. L'époque, très égotique, pourrait y revenir. Bref.
Inutile de dire qu'à ce régime, le dabe devint assez vite une épée en latin. Il obtint donc la permission d'éditer un journal du collège, avec quelques amis. Journal dans lequel la satire envers les Pères serait tolérée, dans les bornes de la bienséance, évidemment.
Rappel : nous sommes dans les années 50 dans un établissement connu pour sa discipline de fer. Et les mômes de 13 ans peuvent éditer un journal satirique interne. Pas si mal.
Le nom de la feuille de chou ? "Le Micromégas Ulcéré". Mais si ! Au menu : critique détournée du Censeur, caricature du Père mathématicien, "édito" reprenant les règles du discours (exorde, narration, etc.) réclamant des sorties pédagogiques tout frais payés au bar du coin, etc.
Ayons en cet instant une pensée pour tous les profs de lettres de ma TL qui pleurent des larmes de sang en apprenant que des mômes de 13 ans éditaient un journal en hommage à Voltaire tout en suivant les règles de la rhétorique.
Faut dire que Rousseau c'était pas leur première option, soyons honnête. #CMKR
Mais alors, me direz-vous, comment se fait-il que Daron vostre se soit fait jeter dudit lieu ? C'est très simple : le seul sujet sur lequel on ne plaisante pas, c'est la RELIGION en cours de RELIGION. Donc,
Partie III : Danger à Tanger
Les cours de Religion, c'était au bas mot deux ou trois heures par semaine. Voilà mon Père admis en 3e, à 14 ans, prêt à franchir l'étape suivante : à lui le lycée jésuite puis la carrière en droit ! Mais. Mais.
MAIS.
Le cours porte sur l'Annonciation faite à Marie. Gros morceau puisqu'elle y est vue à l'époque, ce me semble, comme Corédemptrice. Voilà donc notre Jésuite qui résume l'affaire : l'archange Gabriel arrive, paf elle est enceinte, Saint-Esprit ; tout bien.
Et là, mon Père :
- Je n'y crois pas, à votre histoire !
- Plaît-il, Robert Senior ?
- Ben oui, à son âge, l'archange Gabriel il bande plus ! Comment voulez-vous que ça marche...
- BORDELUM DE PUTAM tu vas manger chaud
(je synthétise)
Après cette saillie, si j'ose dire, il ne fut plus question de torgnole, pas plus que de Cicéron. Viré le lendemain. Adieu, la carrière rêvée (par ses parents) de notaire de province, bonjour l'apprentissage.
Ça allait vite à l'époque.
Il a osé sortir ça, nature, dans les années 50, le vieux. Autant vous dire que lorsque je fus ado, pour l'impressionner, j'ai dû ramer.
Conclusion
On ne déconne pas avec Marie en cours de Religion chez les Jésuites. Jamais. Mais Père resta malgré tout fidèle à leur enseignement, toute sa vie. Jamais il ne m'emmerda avec des règles de vie trop dures, mais je devais tout justifier. Par le verbe et l'action.
Si j'avais été insolent, il regardait si le trait avait été spirituel. Si oui, j'avais droit à un "pas mal", et je m'en tirais au sec. Si non, privé de sortie pendant deux semaines... Je fus donc officiellement le cauchemar du CPE au collège (qui était un con).
Si je sollicitais une permission exceptionnelle, je devais écrire un discours valable. J'adorais ça, en réalité. On se faisait des "battle" en puisant dans Guitry, Rivarol, Desproges, Plaute, Diogène. Une fois, à la façon de Molière, mais point de vue versification on a ramé dur.
J'ai suivi, de mon propre chef, des cours de latin. Je voulais me rapprocher de lui. Pour mon malheur, et bien qu'il eut cessé les cours à 14 ans, il était encore capable de corriger mes versions et mes thèmes (oui on faisait les deux, en simple) en 3e.
*Méfiez-vous des vieux artisans avant de faire les savants en public. Conseil d'ami.*
Il revit deux de ses anciens Pères, un jour, à Bordeaux. Il m'invita à la réunion. Je voyais bien qu'il regrettait ce temps, et qu'il aurait voulu aller jusqu'au bout avec eux. Je me suis souvent demandé pourquoi. J'ai compris il y a quelques jours...
(Et c'est pourquoi je propose ce thread, en plus de la bonne blague.)
En réalité, il fut placé là par ses parents parce qu'il gênait. Il était fils unique, peu aimé. Les deux, à l'inverse de l'arrière-grand-père, n'avaient pas la fibre parentale. Ils se sont débarrassés de lui de cette façon, sous le couvert de "la bonne éducation".
Il est assez signifiant qu'il ait choisi un cours qui parlait de filiation particulière pour être viré et retourner ainsi chez ses parents, je crois. J'ai mis des années à comprendre ce simple fait - c'était sous mes yeux.
Une insolence a bien souvent des raisons cachées.
Pendant des années, je lui ai demandé pourquoi il ne m'avait pas envoyé chez les Jésuites. Il me trollait en disant "trop cher" ou encore "je donne moi-même les tartes assez bien". La vérité est qu'il ne voulait pas se débarrasser de moi. Merci, papa. #Fin
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Le vote, c'est comme une prière. Il n'est grand que lorsqu'on songe à autre que soi-même.
Je lis ici - c'est la règle - des gens qui se chauffent en permanence. Le hamster dans la roue. Sans doute convient-il de sortir de ce réseau (et d'autres), de cesser d'insulter les autres, amis ou adversaires peu importe. Sortir de soi et tenter de cerner ce que l'on espère.
Ce que l'on espère pour soi, c'est bien naturel... mais aussi pour les siens, pour ses compatriotes, pour le pays. L'émotion n'est d'aucune aide, en l'espèce. la situation est ce qu'elle est - point.
Avant de repartir, un mini-thread à destination de la #TeamProfs.
Je suis en contact depuis plusieurs mois avec un autre public pro, changement oblige. Laissez-moi vous narrer pourquoi ou comment vous vous faites avoir ⤵️
Je navigue depuis plusieurs mois (plus, si on compte la préparation) dans le monde des entrepreneurs. Car MOI, contrairement à VOUS, je suis un winner qui conscientise les acquis du deep-learning postural dans un empowerment décisionnel. *Baltringues de fonctionnaires moisis*
Bref - pour discuter avec des "collègues", la situation des profs n'est pas ignorée. Ils savent tous que le ratio qualification / étude / salaire est ridicule. Simplement, ils sont MORTS DE RIRE. Pourquoi ?
Me voilà bien ennuyé, car je l'avais promis. Je vais tenir. Mais le commentaire plus bas n'est pas viable car, au lieu de vérifier, j'ai suivi comme un âne bâté. Il faut vérifier, toujours. J'ai réagi comme un 4eB ! #Thread
Parlons donc ados abusé et trajet de vie cabossé 🥳
Bien entendu, l'ado abusé, c'est moi - ce fut, plus exactement. Je n'ai pas pris un abonnement ! Je me suis décidé à en parler pour deux raisons avouables :
La première est qu'avec ce témoignage, j'espère participer à la prise de conscience, lente, très lente, trop lente ; qui émerge en nos contrées dites "latines" (quelle qualification débile). Une petite pierre, c'est mieux que rien.
Le plus énervant dans cette histoire de #BacLocal n'est pas la réalité de la chose. C'est que, comme à l'accoutumée, cette réforme avance masquée en prétendant faire le contraire de ce qu'elle fait. Pourquoi ? Un Thread de Robert, qui n'en a plus rien à foutre ⤵️
Notons que d'autres pays, et non des moindres, usent de ce système. Leur équivalent du bac vaut un certificat de fin d'études, et basta. Ces pays ne s'en sortent pas moins bien que nous, parfois mieux. Sans que le rapport soit évident, bien sûr.
Je pense à la Finlande, aux pays anglo-saxons, etc. Certains, beaucoup même, en France, sont pour ce système de #BacLocal. On peut en débattre avec eux, je l'ai souvent fait ; de manière courtoise qui plus est.