[Thread] Dans les "Nouvelles du Front", récit de 3 ans de mandat d'extrême droite, je raconte notamment le 1er Conseil municipal #RN de la ville, en 2014
Extraits⤵️⤵️⤵️
Vraiment, vraiment pas envie de vivre cela à l'échelle nationale.
Des centaines de sympathisants frontistes venus de toute la région ont investi les salons d’honneur, au premier étage de l’hôtel de ville d’Hénin-Beaumont. L’atmosphère se veut solennelle, mais les supporters du nouveau maire ont la revanche joyeuse.
Ils s’embrassent, se congratulent... C’est un peu leur 10 mai 1981 à eux. Comment leur en tenir rigueur ? Cette victoire, ils l’ont tellement attendue et espérée ! (...)
Marine Le Pen est là. Au premier rang du public. Elle figurait en position non éligible sur la liste de son fidèle lieutenant et n’aurait manqué la fête pour rien au monde.
Une heure plus tôt, quand des dizaines d’habitants de tous bords se sont présentés à l’hôtel de ville, impatients d’assister à ce bout d’histoire, ils ont trouvé porte close.
L’entrée principale, prétendument forcée durant la nuit, a été condamnée par la nouvelle municipalité. Une brigade de CRS se déploie pour faire reculer la foule de mécontents. Les habitants s’insurgent d’être ainsi tenus à l’écart:
«L’hôtel de ville est la maison des habitants d’Hénin-Beaumont quand même! – On paie nos impôts comme tout le monde, ils doivent nous laisser entrer ! » Certains commencent à crier au complot, au coup monté.
Pendant que la tension monte sur le parvis de la mairie, la nouvelle équipe municipale fait entrer ses supporters par une porte latérale. Les premiers rangs du public doivent être remplis d’amis pour l’intronisation de «Steeve», «l’enfant du pays» (...)
Le tri se fait sans ménagement. Claire Boutillier, can- didate sur la liste « Hénin-Beaumont passion » du MRC (Mouvement républicain et citoyen), se voit durement refuser l’accès :
« Une représentante de la police nationale m’a repoussée en disant que je ne pouvais pas entrer. Je lui ai donc demandé ce qui pouvait motiver son refus mais elle ne m’a pas répondu.
Après avoir pris ma pièce d’identité, elle m’a fait signe de me retourner contre le mur et elle a procédé à une fouille au corps, et ce, devant plusieurs dizaines de personnes. Je me suis sentie humiliée!
Une militante socialiste est venue à mon secours, outrée. Le commissaire m’a remis ma carte d’identité et m’a annoncé que je ne pouvais pas entrer pour assister au conseil, toujours sans aucune explication. » Celles-ci ne viendront d’ailleurs jamais.
Ambroise, jeune écolo en jean et chemise blanche, est repoussé, les mains retenues dans le dos, par un policier. «Alors que je faisais la queue, plusieurs CRS sont venus me chercher dans la file, m’ont attrapé et m’ont parqué dans la zone des “opposants”
On parle de policiers en civil. D’une société de sécurité privée. De cartes du parti qui feraient office de sésame pour pénétrer dans le bâtiment public. La confusion règne.
Voir les copains parqués comme des animaux me choque. C’est d’autant plus inconcevable que Steeve Briois claironne depuis une semaine qu’il sera le maire de tous les habitants. Pourquoi leur confisque-t-il cette journée?
Pense-t-il vraiment que nos colistiers auraient perturbé la séance? Sûrement voulait-il pour cette première séance un entre-soi confortable, comme s’il s’était agi d’une fête privée...
Jean-Marc Legrand, tête de liste UMP, n’a tout de même rien d’un hooligan, il finit par franchir le cordon de CRS mais arrivé au premier étage de la mairie, il doit se résoudre à stationner dans le couloir bondé: la salle du conseil est déjà pleine.
Elle ne peut s’empêcher de crier «résistance» sur leur passage. Elle se souvient: «Bilde a râlé, exaspéré : “Ah non, pas elle.” Là, deux mecs que je ne connaissais pas m’ont attrapée manu militari. J’ai essayé de me débattre mais je n’étais pas assez forte.
Ils m’ont littéralement jetée dans l’ascenseur direction le rez-de-chaussée. La scène a été assez violente, tu peux demander, il y avait des témoins!» Deux ans plus tard, les témoins en question sont toujours médusés.
Un employé municipal qui passait par là se rappelle: «Mme Gonzalez, elle s’est carrément fait enlever, kid- napper. Et c’était pas des policiers ni des gens de chez nous. Personne ne connaissait ces types. On était scotchés. »
Yvelise, ancienne conseillère, se souvient également s’être vu refuser l’accès à l’hôtel de ville plus tôt dans la matinée par Bruno Bilde. « Il a fait opposition avec son corps en nous menaçant : “Avant vous entriez comme ça, mais maintenant c’est fini.”
On est quand même parvenus à passer mais au premier étage, c’était bondé. On a vu Marie-Françoise Gonzalez se faire jeter dans l’ascenseur, on n’a pas osé intervenir, on ne savait pas vraiment quoi faire. » (...)
Dans la salle, la séance débute dans une ambiance survoltée. Le président de notre groupe d’opposition, Eugène Binaisse, prend la parole pour expliquer qu’il est plus compliqué d’être aux manettes que dans le camp adverse.
Marine Le Pen, donnant le ton du mandat qui se dessine, le singe, provoquant l’hilarité de ses voisins. Elle se moque avec méchanceté de ses mains tremblantes. (...) Du banc de l’opposition, je croise le regard mortifié de quelques colistiers.
Un couple, qui a été très actif durant la campagne, confie plus tard: « On essayait de rigoler et de tourner tout cela en dérision mais on était au bord des larmes. »
(...) Ensuite c’est moi qui dois intervenir. L’atmosphère est lourde, intimidante, mais je suis concentrée sur l’enjeu (...) Je me lance (...) Des collègues assis derrière Marine Le Pen remarquent qu’elle grogne littéralement pendant toute mon intervention. #LePenNeDoitPasPasser
(...) Au moment où Steeve Briois ceint l’écharpe tri- colore, l’assistance entonne une Marseillaise que je n’ai pas entendu résonner avec autant de ferveur depuis la victoire des Bleus, en 1998. (...)
On a l’impression désagréable d’être à une fête à laquelle on aurait été invités par méprise. Témoins invisibles, on assiste à leur moment de gloire, en silence. Steeve Briois appelle un à un ses 9 adjoint (...), sous des salves d’applaudissements.
(...) Le public déchaîné scande le prénom des élus. L’ambiance est chaude comme une baraque à frites. «Chris-to-pher! Chris-to-pher!» «Au-ré-lia! Au-ré-lia!» Les noms de famille sont superflus. Après tout, ils sont presque en famille.
Elue d'opposition à #HeninBeaumont depuis 2014, j'ai publié en 2017 une enquête sur le traitement des employés municipaux en mairie.
Ces passages ont été attaqués endiffamation. J'ai gagné en 1ère instance et en appel.
Extraits ⤵️
Les 1ers mois, les élus FN commencent par montrer leur plus beau visage. Un employé se souvient : «À la fin d’une réunion de travail, au printemps 2014, Bilde s’est levé et nous a dit: “Je vous invite à rester prendre un pot.” C’en était presque gênant... » #LePenNeDoitPasPasser
Un cadre qui a fini par quitter la mairie abonde en ce sens : « Tout de suite après leur victoire, ils se sont montrés super sympas. Ils étaient souriants, accueillants, disaient bonjour à tout le monde.