Thread by @marinetondelier

[Amis agents publics : #LePenNeDoitPasPasser]

Elue d'opposition à #HeninBeaumont depuis 2014, j'ai publié en 2017 une enquête sur le traitement des employés municipaux en mairie.

Ces passages ont été attaqués endiffamation. J'ai gagné en 1ère instance et en appel.

Extraits ⤵️

Les 1ers mois, les élus FN commencent par montrer leur plus beau visage. Un employé se souvient : «À la fin d’une réunion de travail, au printemps 2014, Bilde s’est levé et nous a dit: “Je vous invite à rester prendre un pot.” C’en était presque gênant... »
#LePenNeDoitPasPasser

Un cadre qui a fini par quitter la mairie abonde en ce sens : « Tout de suite après leur victoire, ils se sont montrés super sympas. Ils étaient souriants, accueillants, disaient bonjour à tout le monde.

#LePenNeDoitPasPasser

Certains employés ont connu un état de grâce, ils ont eu des promotions, des mutations. C’était une période de séduction. »

#LePenNeDoitPasPasser

Isabelle, qui travaille alors à la direction de l’Aménagement du territoire, se voit offrir plus de responsabilités. Elle est même augmentée. « Leur stratégie, c’est de vous mettre en confiance », explique-t- elle.

#LePenNeDoitPasPasser

Sa coopération, elle la paie de quelques insultes de la part de ses collègues («collabo», «garce», «putain»), qui la blessent. Elle considère faire « juste [son] boulot », qui compte beaucoup pour elle, et le FN l’a mise au pied du mur:

#LePenNeDoitPasPasser

«Ai-je le choix ?» a-t-elle demandé lorsque ses nouvelles responsabilités lui ont été proposées dans le bureau du directeur de cabinet. « Vous n’avez pas d’autre choix que de dire oui. »

#LePenNeDoitPasPasser

La stratégie de séduction dépasse le simple cadre pro- fessionnel. Les élus FN, adeptes des réseaux sociaux, demandent les employés en amis Facebook. Bcp acceptent, se sentant valorisés ou n’osant pas refuser. Ils ignorent encore que cela fait partie du piège qui leur est tendu.

Isabelle, près de trois ans plus tard décrypte: « Très vite, la nouvelle municipalité a identifié les personnes qui n’avaient pas les mêmes opinions qu’eux. Dans tous les services, des personnes leur ont fait remonter ces infos.

#LePenNeDoitPasPasser

J’étais plutôt à gauche, je ne m’en suis jamais cachée. Avec du recul, je crois qu’ils se sont intéressés à moi au tout début pour montrer qu’ils ne faisaient pas de chasse aux sorcières. »

#LePenNeDoitPasPasser

C’est en général Bruno Bilde, bras droit de Steeve Briois, qui fait la police des opinions. Dès les premiers mois, il convoque certains employés considérés comme un peu trop proches de l’opposition.

#LePenNeDoitPasPasser

En septembre, Florence, fille de l’ancien maire, se rend à la braderie de rentrée avec ses enfants. Elle achète quelques bricoles à une vieille connaissance qui est par ailleurs employée à la mairie. « On lui a ensuite reproché de parler à l’opposition! »

#LePenNeDoitPasPasser

Certains agents me confient en effet se sentir suspectés quand ils nous saluent dans la rue. D’autres me font des sourires gênés quand je les croise au marché, sans oser m’approcher. On cherche à nous enfermer dans des cases qui devraient dicter jusqu’à nos relations privées.

Les réseaux sociaux deviennent très vite l’instrument principal de la surveillance. Les faux pas sont traqués sur les profils personnels et dans les commentaires.

#LePenNeDoitPasPasser

Elisa*, mère de famille sans histoire qui travaille à la mairie depuis quinze ans et est très appréciée de ses collègues, a ainsi confié ses inquiétudes à un syndicaliste qui me raconte:

#LePenNeDoitPasPasser

« Bilde s’est un jour rendu dans son bureau et il a commencé : “M. le maire a reçu un mail avec en copie votre profil Facebook. Il est tombé de sa chaise. Vous aimez des pages comme ‘Hénin-Beaumont est antifasciste’ et des caricatures de Marine Le Pen.”

#LePenNeDoitPasPasser

Ils trouvent cela inconcevable d’avoir quelqu’un dans leur équipe qui ne pense pas comme eux. Un directeur l’appelle d’ailleurs en plaisantant “La gauchiste”. Une fois, il lui sort même : “Après les fichés S, il y a les fichés G.” »

#LePenNeDoitPasPasser

Les cas similaires sont multiples... Florence Binaisse, épouse de mon collègue d’opposition divers gauche Geoffrey Gorillot, me raconte encore: « Pendant un conseil municipal, Geoffrey a mis un commentaire qu’une employée municipale a aimé.

#LePenNeDoitPasPasser

Eh bien en direct, Bilde a envoyé un message à sa chef de service qui l’a rappelée à l’ordre: “Tu viens de mettre un ‘j’aime’, Bilde m’a déjà appelée, tu vas te faire convoquer, enlève-le tout de suite.”

#LePenNeDoitPasPasser

Une autre fois, une employé a ‘liké’ une photo de Geoffrey et moi, bien habillés, à un mariage, qui n’avait absolument rien de politique. Elle a reçu les mêmes types de reproches. » Flippant ! (...)

#LePenNeDoitPasPasser

Une cohorte de nouvelles têtes apparaît en mairie. Elles présentent l’avantage indéniable d’avoir choisi d’être là. Dès le début du mandat, A. Garénaux, conseiller municipal FN à Harnes, officie directement auprès du maire en tant que chef de cabinet.

#LePenNeDoitPasPasser

F. Vial, Parisien parachuté par le FN dans la ville voisine d’Oignies où il est élu d’opposition, prend la tête du service de la communication en septembre 2014.E. Rignaux, élu d’opposition FN à Montigny-en-Gohelle, est recruté au courrier en avril 2016.

#LePenNeDoitPasPasser

Le FN parvient en qq mois à tisser sa toile et quadriller ts les étages avec des gens de confiance. «Des taupes», glissent certains. «Des vrais kapos», surenchérissent d’autres. L’espionnage ne cherche pas à être discret, bien au contraire. Les agents doivent se sentir surveillés

Une ancienne responsable de service qui a quitté la mairie en 2015: «Ils se sont arrangés pour avoir des yeux et des oreilles dans tous les services. Dans le mien, on m’a imposé des agents encartés pour écouter, relater tout ce qu’il se passait. »

Lauranne, ancienne cadre, se souvient s’être rendue un jour dans un autre bâtiment que le sien pour terminer un projet. Le lendemain, sa responsable la rappelle à l’ordre.

«Elle me dit: “Est-ce que tu peux me justifier professionnel- lement qu’on t’ait vue entrer dans ce bureau pendant tes horaires de travail?”

#LePenNeDoitPasPasser

Chaque jour, je gardais ça en tête, je savais que tous mes déplacements étaient surveillés : le règne de la délation avait débuté. »

#LePenNeDoitPasPasser

Au service des ressources humaines, les nouvelles embauches font sourire: "C’est quand même beaucoup les copains ou les copains des copains". Mais ce que les employés reprochent à Steeve Briois, c’est de pratiquer le copinage au détriment des Héninois.

#LePenNeDoitPasPasser

L’un d’eux s’amuse : « Tu connais la thèse du FN sur le grand remplacement ? Ben ici, ils l’appliquent... mais à nous : ils remplacent progressivement les agents d’Hénin par des gens encartés ou très proches du FN. Ils font exactement ce qu’ils dénoncent. »
#LePenNeDoitPasPasser

É. Blanc a fait partie de cette vague d’arrivées. Ce jeune diplômé, détenteur de deux masters en droit public des facultés de Nanterre et d’Assas, a pris en septembre la fonction de directeur du service juridique.

#LePenNeDoitPasPasser

Il dit n’avoir jamais totalement épousé les thèses du FN mais ne les a pas non plus fuies. Il s’en est rapproché à la fac, par l’intermédiaire d’Audace, collectif de jeunes actifs affiliés au Rassemblement bleu marine.

#LePenNeDoitPasPasser

Avant cet engagement, il avait plutôt fait ses classes dans «les milieux gau- chistes», «jeté des œufs contre le FN au 1er Mai, ado- lescent» et voté François Hollande en 2012.

#LePenNeDoitPasPasser

« Quand j’ai compris que ses copains étaient les banquiers, je me suis senti trahi. Je voulais que le système saute et qu’on reparte sur de bonnes bases », dit-il.

#LePenNeDoitPasPasser

n septembre 2014, lorsqu’Antoine Mellies, assistant parlementaire de Steeve Briois, l’appelle pour lui signaler qu’un poste s’ouvre à Hénin, il saisit sa chance.

#LePenNeDoitPasPasser

Il débarque dans une ville où il ne connaît personne. Mais avec la municipalité FN, l’osmose sera de courte durée. Le jeune homme va déchanter: peu à peu il découvre des méthodes qu’il désapprouve.

#LePenNeDroitPasPasser

Avec des mouchards en poste à tous les étages, le maire et son fidèle acolyte, Bruno Bilde, espèrent pouvoir épier tous les employés. Ceux-ci commencent à se méfier les uns des autres dans un mélange d’angoisse et de honte.

#LePenNeDoitPasPasser

Ils se mettent à regarder leur téléphone et leur ordinateur avec toujours plus de suspicion. Le climat est étouffant, la psychose prospère. Des histoires de plus en plus folles commencent à circuler.

#LePenNeDoitPasPasser

L’un ne reconnaît pas son interface et apprend auprès de ses collègues que son ordinateur a été «emprunté» en son absence par des gars qu’ils ne connaissaient pas.

#LePenNeDoitPasPasser

Une autre, respon- sable de service qui a quitté la mairie en 2015 comprend qu’elle ne peut plus recevoir d’e-mails venant de l’extérieur de la mairie :

#LePenNeDoitPasPasser

« Je m’en suis rendu compte parce que la mission locale n’avait pas de réponses à une demande et a fini par m’appeler.

#LePenNeDoitPasPasser

Quand j’ai posé la question au service Informatique, ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de souci particulier et que c’était juste “une case qui s’était décochée” de leur côté. Mais bon, une case, ça ne se décoche pas tout seul... »

#LePenNeDoitPasPasser

Les preuves d’une surveillance discrète semblent être disséminées à dessein, comme pour suggérer à chacun de se tenir à carreau. Paranoïa? Espionnage généralisé? Un avocat s’est penché sur le fonctionnement de la mairie pour assurer la défense d’un employé:
#LePenNeDoitPasPasser

« L’essentiel est que les agents croient que c’est possible. Rien n’est fait pour faire taire les légendes. Bruno Bilde semble même éprouver un malin plaisir à surjouer les bad boys. »

#LePenNeDoitPasPasser

À cette époque, Marc*, directeur du service Infor- matique voit régulièrement des gens inquiets débouler dans son bureau:

#LePenNeDoitPasPasser

« Est-ce que mes e-mails peuvent être lus? – Est-ce que les téléphones portables sont sur écoute? Géolocalisables? – Est-ce qu’on peut voir ce qu’il se passe sur nos écrans? »

#LePenNeDoitPasPasser

À toutes ces questions Marc répond que «techniquement, c’est possible». Il ne peut se prononcer sur l’effectivité de ces contrôles pour une raison bien simple : il a très rapidement été écarté du processus décisionnel.

#LePenNeDoitPasPasser

À la mairie depuis quinze ans, cet homme, considéré comme chaleureux et bienveillant, est connu de tous. Et pour cause, sa fonction veut qu’il se déplace de bureau en bureau dès qu’on l’appelle pour une panne.

#LePenNeDoitPasPasser

Quand Bruno Bilde vient lui demander de faire des rapports sur l’utilisation d’internet par les agents de la commune, il s’y oppose:

#LePenNeDoitPasPasser

«Je n’en voyais pas le sens puisqu’une solution de filtrage était déjà pré- sente. J’ai refusé dès le départ afin d’éviter d’éventuelles déviances.» On lui retire alors toutes ses habilitations.

#LePenNeDoitPasPasser

En 2015, les employés finissent par signer une charte informatique, comme il en existe dans d’autres entre- prises, qui stipule que l’employeur peut consulter le contenu des recherches.

#LePenNeDoitPasPasser

Un jour, Édouard Blanc revient d’une audience au tribunal administratif avec un collègue du service Informatique. Sur le trajet, celui-ci lui confie, sur le ton de l’étonnement, qu’il a été sollicité par Bruno Bilde:

#LePenNeDoitPasPasser

ce dernier projetait d’utiliser le téléphone fixe de Franck Gluszak, directeur de l’accueil du public, pour espionner tout ce qui pouvait se dire dans son bureau. Sa cible est tout sauf un hasard: Franck Gluszak est membre du bureau de la #CGT.

#LePenNeDoitPasPasser

Le plan machia- vélique tombe heureusement à l’eau : « L’agent du service informatique lui a répondu que son projet n’était pas réalisable. »

#LePenNeDoitPasPasser

Du haut de sa tour de guet, l’adjoint aux affaires générales garde un œil sur tout. Et il ne se gêne pas pour le faire savoir: ses rappels à l’ordre ne cherchent même plus à être discrets.

#LePenNeDoitPasPasser

Au cours de l’été 2016, peu après les attentats de Nice, j’écris un post de blog sur le marché aux puces. Une fouille des sacs était organisée à l’entrée alors qu’à l’intérieur se trouvait un énorme stand d’armes.

#LePenNeDoitPasPasser

Je souligne la contradiction dans un billet ironique diffusé sur Facebook. Quelques heures plus tard, Elisa commente en écrivant: «Effectivement c’est contradictoire.»

#LePenNeDoitPasPasser

Je ne relève même pas: je ne la connais pas, j’ignore qu’elle est employée municipale, et son message se noie dans la masse de commentaires du même genre.

#LePenNeDoitPasPasser

De son côté, les choses prennent des proportions inattendues: alors qu’elle est sur la route des vacances, elle reçoit une salve de textos inquisiteurs de la part de Bruno Bilde.

#LePenNeDoitPasPasser

Du haut de sa tour de guet, l’adjoint aux affaires générales garde un œil sur tout. Et il ne se gêne pas pour le faire savoir: ses rappels à l’ordre ne cherchent même plus à être discrets.

#LePenNeDoitPasPasser

Au cours de l’été 2016, peu après les attentats de Nice, j’écris un post de blog sur le marché aux puces. Une fouille des sacs était organisée à l’entrée alors qu’à l’intérieur se trouvait un énorme stand d’armes.

#LePenNeDoitPasPasser

Je souligne la contradiction dans un billet ironique diffusé sur Facebook. Quelques heures plus tard, Elisa commente en écrivant: «Effectivement c’est contradictoire.»

#LePenNeDoitPasPasser

Je ne relève même pas: je ne la connais pas, j’ignore qu’elle est employée municipale, et son message se noie dans la masse de commentaires du même genre.

#LePenNeDoitPasPasser

De son côté, les choses prennent des proportions inattendues: alors qu’elle est sur la route des vacances, elle reçoit une salve de textos inquisiteurs de la part de Bruno Bilde.

#LePenNeDoitPasPasser

Le syndicaliste qui m’en informe plus tard en a fait constater le contenu par huissier « pour protéger la collègue ».

En voici le contenu ⤵️

#LePenNeDoitPasPasser

Cette volonté d’avoir prise sur les opinions est scanda- leuse. Un avocat défend plusieurs agents en contentieux administratifs:

#LePenNeDoitPasPasser

« Donner des instructions même orales à des agents pour leur interdire de “liker” telle ou telle page Facebook est une intrusion dans leur vie privée. L’agent fait ce qu’il veut sur un profil personnel.

#LePenNeDoitPasPasser

La comparaison avec d’autres lieux de travail est assez éclairante : en droit social, on ne concevrait pas que la direction de Renaud interdise à un employé d’aimer une page Peugeot.

#LePenNeDoitPasPasser

Ici, ce n’est pas parce que ce sont des agents de la fonction publique qu’ils doivent dire “amen” à tout. Ils ont aussi le droit d’avoir une vie privée et une opinion. »

#LePenNeDoitPasPasser

Cette surveillance généralisée a des conséquences attristantes sur les relations humaines. Un agent: «Comme on ne sait plus à qui on peut faire confiance, plus personne ne se livre.»

#LePenNeDoitPasPasser

L’ambiance au travail en est durablement affectée. Un cadre: «Plus personne ne ramène de croissants le matin. L’état d’esprit a changé.»

#LePenNeDoitPasPasser

Un autre agent: «On est toujours dans le doute. Est-ce que la personne avec qui tu as travaillé pendant six mois est maintenant au FN? Je considère que j’ai seu- lement deux ou trois personnes vraiment de confiance et encore, je ne leur parle pas au travail.»

Se mettre au pas ouvre certaines perspectives de carrière. Un employé témoigne: «Ici, y en a qui vont tellement tout le temps dans le sens du vent qu’on les appelle les chars à voile. »

#LePenNeDoitPasPasser

(...) / je passe à un autre chapitre pour que ce thread ne soit pas trop long :) /

Un soir, Eric, Lauranne et Mathieu, trois anciens cadres, me racontent à trois voix à quel point résister est devenu difficile:

#LePenNeDoitPasPasser

« Tout ce qu’on peut essayer de leur opposer rationnellement ne marche pas: on est sectaire ou de parti pris. Si vous cherchez à faire valoir vos droits, on va commencer à vous faire les pires difficultés. Ils tiennent toujours une ficelle.

#LePenNeDoitPasPasser

Ils jouent avec les titularisations pour chercher à nous intimider et à nous pousser à la faute. Leur crédo, c’est de diviser pour mieux régner. »

#LePenNeDoitPasPasser

Ne reste que la peur. Celle qui prend aux tripes, inquiète, muselle les agents de la mairie. Un sentiment diffus, désagréable, qui hante les bureaux, traîne dans un coin de la tête, vous poursuit chez vous. Peur d’être harcelé.

#LePenNeDoitPasPasser

Peur d’en payer les conséquences. Même ceux qui ont quitté la mairie depuis plusieurs mois ont du mal à s’en défaire:

#LePenNeDoitPasPasser

« Sitôt qu’on en reparle, on ressent une montée de stress, je le fais parce qu’il faut que ça se sache. – On ne peut pas les laisser gagner en se taisant... par solidarité avec certains de mes anciens collègues. » (...)

#LePenNeDoitPasPasser

Éric, ancien responsable du pôle aménagement, complète le tableau: « Quand il (le directeur de cabinet) a décidé de se mettre sur moi, il m’appelait tous les jours pendant un mois et demi pour me dire que je ne savais pas gérer mes dossiers.

#LePenNeDoitPasPasser

Il n’était pas rare que les agents soient convoqués dans son bureau pour alimenter des dossiers à charge. Il demandait systématiquement aux membres de mon équipe comment me prendre en défaut. Il a ins- tauré un management de la terreur. »

#LePenNeDoitPasPasser

A propos du DGS, un agent raconte notamment: « Morel une fois m’a chopée dans son bureau et m’a accusée de donner des infos à l’opposition. C’était une façon de m’intimider. De prêcher le faux pour savoir le vrai.»

#LePenNeDoitPasPasser

Une autre, qui a changé de boulot depuis, témoigne: «Il y avait une forme de harcèlement moral constant. À peine quatre jours après son arrivée, il me pourrissait déjà par téléphone. Pour la première fois de ma vie j’ai craqué au travail, en larmes. »

#LePenNeDoitPasPasser

Mais la peur bleue des agents municipaux, c’est surtout Bruno Bilde. Certains soulignent, à moitié amusés, à moitié inquiets : «Dans les réunions on sent qu’il est agité. Il ne reste pas en place : il sort, il rentre, il sort, il rentre. Il nous donne le tournis. »

D'autres témoignages sont beaucoup plus inquiétants. Un syndicaliste : « C’est lui, le manipulateur, il crie un coup, tout le monde se couche par terre, tout le monde fait profil bas devant lui. Même au FN!»

#LePenNeDoitPasPasser

Une de ses collègues remarque qu’«il aime se donner un genre bad cop en commençant par “si ça ne tenait qu’à moi”, genre je suis le plus méchant, je suis content, mais les autres ont pitié de vous alors...»

#LePenNeDoitPasPasser

Dans les services les gens disent: «Bilde, rien qu’on le voit arriver on se méfie, on lui parle surtout pas, même on l’approche pas : on sait de quoi il est capable. Il n’y a que les cartés et les sympathisants FN qui discutent avec lui comme si c’était leur grand copain. »

Doucement, sournoisement, l’étau se resserre autour des personnes récalcitrantes. La technique est toujours la même: engager une procédure au premier faux pas, menacer de sanctions et maintenir la pression en per- manence. Jusqu’à ce que la personne rentre dans le rang.

Ou s’en aille de son propre chef.

#LePenNeDoitPasPasser

Isabelle a senti le vent tourner après l’arrivée d’un jeune directeur à la tête de sa direction : « Je me suis vite rendue compte de ses lacunes. Il n’avait que quelques notions approximatives d’urbanisme, idem en management.

#LePenNeDoitPasPasser

Il se présentait comme le fils spirituel du directeur de cabinet, Gérard Moisan, et était là pour nous cadrer.» L’ambiance dégénère.

#LePenNeDoitPasPasser

«Au début, ils m’avaient dit: “Il y a les chevaux de courses et l’abattoir. Vous êtes les chevaux de courses, les autres sont l’abattoir.” Je restais stoïque mais ces propos me révoltaient.

#LePenNeDoitPasPasser

Puis le vent a tourné. Des chevaux de course, je suis passée à l’abattoir. On m’a demandé de ne plus adresser la parole à telle ou telle personne.

#LePenNeDoitPasPasser

Le Directeur de cabinet m’a appelée sur mon portable personnel pendant j’étais en arrêt maladie pour me demander de reprendre le travail au plus vite. À mon retour, c’est reparti de plus belle. Mon bureau était couvert de dos- siers. Mon directeur m’a assommée de travail. »

Isabelle, consciente des dysfonctionnements, en avertit les élus par écrit. Cette audace lui est vite reprochée.

#LePenNeDoitPasPasser

«Suite à mes courriers, la directrice des Ressources humaines a qualifié mon comportement de subversif. Elle m’a dit que c’était le dernier rappel à l’ordre avant sanctions alors qu’il n’y en avait pas eu auparavant.

#LePenNeDoitPasPasser

Je ne pouvais plus rien dire, le directeur m’humiliait auprès de mes collègues dès qu’il le pouvait. À un moment donné, on n'avait plus le droit de fermer la porte du bureau pour s'isoler du bruit.

#LePenNeDoitPasPasser

Quand j'enlevais la cale qu'il mettait dans l'embrasure, il la replaçait aussitôt. C’était très malsain.» La suite est une descente aux enfers.

#LePenNeDoitPasPasser

Stress, angoisse, arrêt maladie. Les pompiers se déplacent plu- sieurs fois, chez elle, mais aussi sur son lieu de travail sans que sa hiérarchie semble s’en inquiéter.

#LePenNeDoitPasPasser

« Un jour où mon directeur est arrivé après les secouristes, il a dit aux gens du service de dégager, sous-entendant que j’en rajoutais et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. »

#LePenNeDoitPasPasser

Plusieurs médecins insistent: Isabelle subit trop de pression. À l’hôpital, on lui diagnostique même un état de stress post-traumatique.

#LePenNeDoitPasPasser

«J’ai repris le travail trop tôt. Je me sentais coupable de ne pas y aller, j’étais per- suadée que le problème c’était moi. Ils m’ont démolie en un temps record. »

#LePenNeDoitPasPasser

Sa famille, impuissante et en colère, la voit sombrer. « Bruno Bilde m’ignorait totalement. Ils ont fini par me mépriser. »

#LePenNeDoitPasPasser

Je me souviens d’un rendez- vous avec Steeve Briois, Bruno Bilde et la DRH. Au lieu de m’écouter, ils ont tenté de me déstabiliser.

#LePenNeDoitPasPasser

Il y a un témoin de l’échange, mon représentant syndical, René Gobert, qui a conclu cette entrevue par “quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage”. »

#LePenNeDoitPasPasser

Isabelle finit par être affectée à un autre service puis mise au placard. Elle en profite pour passer des concours, qu’elle réussit. Sa porte de sortie.

#LePenNeDoitPasPasser

Dans la nouvelle municipalité qu’elle a intégrée, elle se reconstruit doucement et redécouvre la bienveillance au travail. Un temps, elle a pensé porter plainte puis a préféré tourner la page.

#LePenNeDoitPasPasser

La pression permanente fait des ravages sur ceux qui se retrouvent dans le collimateur. «J’en faisais des cau- chemars, j’allais travailler la peur au ventre. On était plusieurs dans ce cas. J’étais si stressé que j’avais peur de faire des erreurs au travail.»

Marc, le fameux directeur du service Informatique qui a refusé de faire des rap- ports sur l’utilisation d’internet, me raconte son histoire au téléphone après avoir hésité à m’appeler pendant plusieurs semaines.

#LePenNeDoitPasPasser

Son refus de fliquer les agents, il l’a payé chèrement. Marc sent qu’il est mis de côté et a la sen- sation d’être poussé à la faute: «On me disait de faire blanc, je faisais blanc, puis on me le reprochait.

#LePenNeDoitPasPasser

Je ne savais plus quoi faire pour qu’ils soient satisfaits de mon travail. J’ai été pisté dans ma propre équipe, par exemple, si je disais que j’allais au service des marchés publics, il y avait un coup de fil là-bas pour vérifier si j’y étais bien.

#LePenNeDoitPasPasser

Plusieurs fois, mon futur successeur est missionné à ma place sans que j’en sois averti. Bruno Bilde m’a mis un blâme parce que j’avais renouvelé l’antivirus sans appel d’offres public. “Vous essayez de me rouler dans la farine, j’en ai assez de vos histoires”, a-t-il dit.

Ensuite, quand j’ai fait changer les photocopieurs, il m’a menacé de me coller six mois de mise à pied pour un détail dans l’appel d’offres. »

#LePenNeDoitPasPasser

Le directeur comprend qu’il vaut mieux partir. Le poste qu’il occupe depuis cinq ans est stratégique et la hiérarchie souhaite y placer un homme plus obéissant. Sa demande de mutation à la caisse des écoles est acceptée sans difficultés.

#LePenNeDoitPasPasser

Le départ est dou- loureux. L’homme aime son équipe. Beaucoup trouvent le traitement « dégueulasse », quelques-uns sont en pleurs.

#LePenNeDoitPasPasser

«Le jour où j’ai déménagé, alors que j’avais chargé tous mes cartons dans une voiture, Moisan a débarqué en furie. Il demande à mon successeur de fouiller mes affaires, ce qu’il refuse.

#LePenNeDoitPasPasser

Alors de lui-même, il ouvre le coffre, en sort une lampe de bureau et une chaîne hi-fi pour vérifier si ça m’appartenait bien per- sonnellement. Evidemment, ça m’appartenait bien personnellement.»

#LePenNeDoitPasPasser

Dans sa nouvelle affectation, on ne lui donne pas grand-chose à faire et il finit par trouver un job ailleurs.

#LePenNeDoitPasPasser

«Tout ça me rend triste, j’aimais mon travail. J’avais fait plein de formations sur la gestion du personnel, la conduite de projets et la connaissance de soi, j’avais à cœur de bien m’occuper de mon équipe.

#LePenNeDoitPasPasser

J’ai quand même beaucoup perdu en responsabilités! Toute cette histoire a changé mon rapport aux gens. Je me suis renfermé et je ne fais plus confiance. Ça a fait aussi beaucoup de mal à ma famille. »

#LePenNeDoitPasPasser

Parmi les méthodes qui déstabilisent les agents, il y a les déménagements qui se sont multipliés dès les premiers temps du mandat, pour ne jamais cesser.

#LePenNeDoitPasPasser

Officiellement, il s’agit de simples «remises en cohérence». Si les agents y ont un temps cru, ils finissent par comprendre qu’on cherche surtout à saper les équipes et rebattre les cartes des complicités au sein des services.

#LePenNeDoitPasPasser

É. Blanc, s’en souvient : « Il m’est arrivé de voir débarquer le DGS Gérard Moisan et Bruno Bilde à 9 heures pour me signifier que le service entier déménageait au troisième étage et trente minutes plus tard les services techniques y procédaient.

#LePenNeDoitPasPasser

Aucune concertation, aucune partici- pation, en dépit des règles statutaires applicables en la matière, n’avait éclairé la décision. Et ma nouvelle place était on ne peut plus humiliante: entre le placard à balais et les toilettes.

#LePenNeDoitPasPasser

Quelques mois plus tard, le service retournait à son emplacement d’origine. Comme par hasard, c’était le jour de mon départ de la mairie.»

#LePenNeDoitPasPasser

Les changements inopinés ne concernent d’ailleurs pas que l’organisation spatiale de la mairie: «Ils changent aussi nos affectations, refont nos fiches de poste. Tout est fait pour nous déboussoler et casser le peu de confiance qu’il reste en nous.»

#LePenNeDoitPasPasser

Un syndicaliste, contacté par Elisa après une mutation sans préavis: «La veille du déménagement de son service, Elisa, dans le collimateur depuis un moment, se voit convoquer par la DRH.

#LePenNeDoitPasPasser

On lui propose de changer de service et on lui fait savoir que ce serait bien qu’elle donne une réponse rapide pour éviter d’avoir à déménager deux fois ses affaires.»

#LePenNeDoitPasPasser

La jeune femme n’a pas eu le temps d’accepter ou de refuser la proposition d’affectation: le lendemain, le service tout entier a déménagé... sauf elle.

#LePenNeDoitPasPasser

«Un soir, alors que sa nouvelle collègue quittait le bureau de son nouveau service, Bruno Bilde est entré dans la pièce et a fermé derrière lui:

#LePenNeDoitPasPasser

“C’est un beau placard doré, ils ont été trop gentils avec vous.” Il lui a même reproché d’avoir un autocollant “Défendons la République Résistons!” sur un casier à roulettes en métal... alors qu’elle avait récupéré le meuble en l’état. »

#LePenNeDoitPasPasser

La lune de miel entre les organisations syndicales et la municipalité n’a pas duré non plus. De nombreux adhérents ont mis un terme à leurs activités militantes.

#LePenNeDoitPasPasser

Le secrétaire général, René Gobert raconte: «Bruno Bilde a ciblé les plus vulnérables, ils ont su repérer les faiblesses des uns et des autres. Au début, au bureau de la CGT, il y avait 12 personnes. Un an après, il en restait 6, aujourd’hui, seuls qquns restent opé- rationnels.»

Le service des ressources humaines fournit quelque explication à cette vague de départs : « Il y a par exemple cet agent de catégorie C qui a eu un concours niveau catégorie B.

#LePenNeDoitPasPasser

On lui a fait comprendre que s’il voulait être nommé en catégorie B il fallait qu’il arrête son mandat syndical. C’est bien sûr difficile pour moi de le prouver. Sauf que comme par hasard, pile le jour où il a démissionné du syndicat, on nous a demandé de le nommer. »

La bagarre débute véritablement avec la CGT lorsqu’un de ses membres avertit La Voix du Nord de l’installation des caméras de vidéosurveillance. On ne brise pas impunément la loi du silence!

#LePenNeDoitPasPasser

René Gobert est alors pris pour cible. Tout semble ensuite fait pour le pousser à bout. La page Facebook anonyme « La Voie d’Hénin», dont je vous reparlerai plus tard, est utilisée pour le harceler.

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Le 18 avril 2016, un post tente de le faire sortir de ses gonds: «Pourquoi Gobert a-t-il été embauché à la mairie? Car sa fille a été très dévouée auprès de Dalongeville!»

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L’attaque a beau être basse, personnelle et insultante, elle est «likée» par trois élus, Nicolas Moreaux, Anthony Garénaux et Aurélia Beigneux, ainsi que par plusieurs employés.

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Récidive le 22avril 2016 sur «La Voie d’Hénin»: «Attention au judas Gobert. Le représentant de la CGT ne vous défend pas. [...] Agents municipaux, ne vous laissez pas manipuler par cet opportuniste de René Gobert. C’est un menteur qui ne sait même pas écrire.» Les mêmes «aiment».

Un mois plus tard, Steeve Briois poursuit l’acharnement et écrit au secrétaire syndical pour lui imposer un changement d’affection: celui qui jusque- là officiait comme animateur à la maison de quartier de Darcy se voit proposer un poste d’agent d’entretien des locaux.

Le 7 juillet, les nerfs à vif, le syndicaliste poste sur son profil Facebook une réponse de mauvais goût: une photo de carabine à plomb accompagnée du statut «J’aurais pas tiré sur la police ni sur le GIGN ni sur la municipalité. j’aurais tiré sur deux cons en mairie».

Steeve Briois demande immédiatement sa révocation de la fonction publique et dépose une plainte contre lui au tribunal de grande instance. René Gobert est en arrêt depuis. Pour dépression.

Le jour de son audition par le conseil disciplinaire, le 4 décembre, son avocat plaide la provocation. Il semble qu’il ait été entendu puisque le coupable n’écope non pas d’une révocation, la sanction la plus lourde, mais d’un blâme, une sanction pour faute légère.

Son avocat m’explique par téléphone: «Là où ils sont très malins, c’est que le cercle administratif et les décideurs de la commune ne portent jamais le glaive. Cela se fait en off, par exemple par le blog La Voie d’Hénin.

La diffé- rence essentielle avec les autres mairies sur lesquelles j’ai travaillé, c’est qu’à Hénin-Beaumont, quel que soit le contentieux, on peut démontrer un véritable harcè- lement et des insultes sur les réseaux sociaux.

Ils disent qu’ils n’y sont pour rien mais c’est la seule mairie où ça se passe comme ça. Leur stratégie de conquête du pouvoir ne laisse rien au hasard. En cas de contentieux administratif, tout le monde est au courant, la toile s’enflamme. »

Le but est d’isoler l’agent visé. Ses collègues finissent par s’en éloigner, craignant qu’il n’apporte des problèmes puisqu’il est devenu une cible manifeste de leurs chefs.

D’autres subissent également les foudres des élus sans oser en parler. Les menaces de sanctions disciplinaires envoyées à domicile avec accusé de réception sont devenues une pratique courante.

Un jour où j’alerte sur l’état psychique des employés en conseil municipal et où je demande au maire d’être vigilant, Briois répond, désinvolte: «Les gens sont heureux de travailler avec nous! Personne ne s’est encore suicidé!»

Tout va très bien, madame la mar- quise... Un cadre encore éberlué par la scène revient sur cet épisode: «Il s’est dépêché de passer au point suivant, mettant fin au débat de manière très abrupte. Tu semblais vraiment préoccupée. Ça nous a fait du bien de l’entendre. »

Certains, optimistes, se rassurent à leur manière, comme ce syndicaliste qui répète à qui veut l’entendre: « Le pouvoir d’un maire est éphémère. C’est comme une grande roue. Un jour t’es en haut, le lendemain tu peux être en bas... À Hénin on en sait quelque chose ! »