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Apr 21 99 tweets 16 min read
Bonjour à tous,

115e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015 et suite aujourd'hui des auditions d'experts qui ont été chargé des expertises psychiatriques et psychologiques des accusés.
Le compte-rendu de la 114e journée avec les premiers experts à la barre est à retrouver ici >
franceinter.fr/justice/proces…

Et LT à suivre ici.
On débute avec l'audition d'un psychiatre belge, entendu en visioconférence depuis Bruxelles.
Gérard Charles a été chargé de l'expertise psychiatrique de l'accusé Sofien Ayari. "On s'est entretenu en français. Un interprète en arabe était prévu mais il n'est jamais venu."
Psychiatre : "et je me suis rendu compte que Sofien Ayari était parfaitement bilingue".
Sofien Ayari pour lequel il n'a décelé aucune pathologie mentale, explique-t-il encore "en bref".
Alors que le président lui demande de développer les éléments de personnalité de Sofien Ayari, l'expert psychiatre de 71 ans annonce : " alors là, je vais chausser mes lunettes pour pouvoir relire mon rapport. Car à mon âge ..."
Président : "il n'y a pas d'âge, monsieur l'expert"
L'expert psychiatre explique n'avoir pas décelé de trait de personnalité saillant, "mais le détenu se montre un peu plus prolixe quand il s'agit d'évoquer ce qu'il aurait du ou pu faire pour ses proches."
Expert psychiatre : "les réponses [de Sofien Ayari, ndlr] étaient excessivement limitées, ponctuelles. Il disait qu'il était un grain de sable dans un océan et que son propre sort importait très bien. Mais il n'a pas verbalisé de regrets par rapport aux faits".
Me Isa Gultaslar, avocat de Sofien Ayari rappelle que "cela fait plutôt 6 ans, cette expertise" et elle est "quand même plutôt acétique ... elle ne fait que six pages. Vous évoquez ses convictions inébranlables"
Expert psychiatre : "il m'a dit qu'il était musulman pratiquant"
Me Isa Gultaslar : "vous pensez qu'une expertise de 2016, six mois après les faits, est encore valable six ans après"
Expert psychiatre :"sur le plan de la maladie mentale, oui".
Me Gultaslar :"votre mission est de déterminer la responsabilité pénale à un temps T ?"
Psychiatre : oui
- pourtant, votre expertise est utilisée pour en tirer des conclusions sur sa dangerosité ...
- mon expertise évoque la dangerosité sur le plan de la maladie mentale
L'expert psychiatre poursuit avec le rapport d'expertise qu'il a effectué sur l'accusé Osama Krayem pour lequel "nous avons noté la difficulté pour lui d'évoquer des domaines de type émotionnel ou personnel. Nos questions se sont heurtées à un certain mutisme".
L'expert psychiatre dont le propos est une fois encore très succins, n'a pas non plus décelé de pathologie mentale chez Osama Krayem chez qui il a "constaté une certaine distance, froideur" qu'il analyse "comme une certaine méfiance, une volonté de contrôle de la situation".
L'expert psychiatre en réponse à une avocate de parties civiles au sujet d'Osama Krayem :
"L'autre n'apparaît pas dans son discours. A quoi l'attribuer ? Cela sort de mon domaine de compétence. C'est du domaine du verbe et ça c'est plus votre domaine que le mien, Me"
Me Gisele Stuyck, avocate d'Osama Krayem souhaite "revenir sur la question qui se pose du manque de collaboration de monsieur Krayem qui fait usage ici de son droit au silence et je tiens à dire que ce n'était pas convenu d'avance".
Me Gisele Stuyck explique également que "ce qui a changé depuis votre expertise ce sont les conditions de détention de monsieur Krayem qui a été incarcéré dans une cellule sans lumière du jour et tout était bétonné autour, il n'entendait aucun bruit."
Me Stuyck : "ne pensez-vous pas qu'Osama Krayem aurait adopté une posture distincte s'il avait été avisé de votre venue?"
Expert psychiatre : "il m'a dit qu'il aurait aimé se préparer, oui".
Fin de l'audition de l'expert belge.
"Merci monsieur l'expert, salue le président. Et aurevoir Bruxelles, je crois que c'était la dernière visio".
A l'écran, la magistrate qui se trouve dans les locaux du parquet fédéral belge qu'on a vu tant de fois à cette audience acquiesce.
Un autre expert belge, le psychiatre
Samuel Leisted, est présent à l'audience. Il est venu rendre compte de l'expertise de l'accusé Ali El Haddad Asufi.
Il revient sur le parcours scolaire de l'accusé "interrompu en 5e année", puis il tiendra un snack, des périodes de chomage"
Ali El Haddad Asufi pour lequel l'expert psychiatre souligne "une consommation de cannabis depuis l'âge de 16 ans, sans plus".
Il n'a pas décelé "de pathologie mentale", "pas de trouble de la pensée, de l'humeur, cognitifs etc."
Le président souligne d'autres éléments du rapport de l'expert : "méfiance, manque d'empathie envers autrui ..."
Expert : "c'est toujours la même chose dans le cadre des expertises psychiatriques, la méfiance est induite par le contexte. Mais on n'a pas quelqu'un de paranoïaque"
Interrogé sur la radicalisation éventuelle d'Ali El Haddad Asufi, l'expert psychiatre indique : "on retrouve quelques éléments, mais son discours est assez peu imprégné de religiosité et on ne peut pas dire qu'il était dans un état radicalisé complet".
Me Christidis (PC) met en parallèle "l'absence de culpabilité" relevée par le psychiatre chez Ali El Haddad Asufi "parce qu'il n'a rien à voir avec les attentats", alors que "beaucoup de victimes ont témoigné de leur sentiment de culpabilité alors qu'elles n'y sont pour rien"
Me De Taye au sujet du "manque d'empathie" relevé chez Ali El Haddad Asufi : "il est en détention depuis un mois alors qu'il clame aujourd'hui encore son innocence. Humainement peut-on comprendre qu'il présente moins d'empathie ?
Expert : "Je ne peux pas l'exclure"
Me Méchin, autre avocat d'Ali El Haddad Asufi : "est-ce que la radicalisation est une pathologie psychiatrique?"
Expert : "Non"
- Donc ce n'est pas vraiment de votre ressort ?
- Certains psy au sens large s'y intéressent, mais ce n'est pas du domaine de la maladie mentale.
Me Martin Méchin: "qu'est-ce que pour vous la radicalisation?"
Expert psychiatre : "la radicalisation s'inscrit dans le cadre d'un mode de pensée qu'on qualifie d'extrême et rigide, caractérisé par un manque de remise en question, on est dans le champs des distorsions cognitives"
Me Méchin : "vous évoquez des traits antisociaux chez Ali El Haddad Asufi du fait de ses antécédents judiciaire qui sont des infractions de roulage. Moi, j'ai déjà conduit en téléphonant, j'ai pas tous mes points sur mon permis. Est-ce que j'ai des traits antisociaux ?"
L'expert maintient que la transgression de certaines règles (comme les infractions routières) constitue des traits antisociaux.
Me Méchin : "on doit être environ 300 personnes dans la salle aujourd'hui. Je pense qu'environ 250 doivent alors présenter des traits antisociaux ..."
L'expert Samuel Leistedt poursuit son audition avec son rapport d'expertise sur Mohamed Abrini au sujet duquel il évoque d'emblée "le décès de son frère en Syrie. On en parlera à plusieurs reprises" mais aussi "un parcours professionnel fragmenté de plusieurs incarcérations"
"L'examen mental est absolument rassurant", indique encore l'expert au sujet de Mohamed Abrini. "Il est bien ancré dans la réalité" malgré "d'une organisation pathologique de la personnalité sur un versant antisocial".
Le président revient sur le "diagnostic de danger social" relevé par l'expert psychiatre au sujet de Mohamed Abrini.

Expert : "ce qui frappe c'est la capacité de transgression récurrente, le peu de considération des normes sociales."
L'expert psychiatre poursuit au sujet de Mohamed Abrini : "ces personnes n'apprennent pas des expériences négatives, comme par exemple les séjours en prison. On est face à quelqu'un qui a une capacité transgressive récurrente"
Président : "à deux reprises, il va aller quasiment jusqu'au bout, à Paris jusqu'au 12 novembre 2015 et à Bruxelles jusqu'à l'aéroport avant de renoncer et partir"
Psychiatre : "c'est un comportement qu'on peut qualifier d'adolescent. Les adolescents adorent tester leurs limites"
Le président lit un extrait du rapport d'expertise psychiatrique de Mohamed Abrini : "il dit sa culpabilité mais sans l'accompagner d'émotion et se montre passif, écrasé par la perspective de ne jamais sortir de prison"
Autre extrait du rapport psychiatrique de Mohamed Abrini qui le cite au sujet des attentats du #22Mars : "la Belgique, ce n'était rien, c'était une piqûre de moustique. Si tout s'était passé comme prévu, nous visions l'Euro 2016 avec des voitures remplies de TATP"
Au sujet des attentats du #22Mars 2016, où Mohamed Abrini a renoncé au dernier moment à déclencher sa bombe, "il va se mettre dans une file d'attente et il voit des gens qui patientent avec des enfants" explique encore l'expert psychiatre.
Expert psychiatre au sujet de Mohamed Abrini : "dans ce qu'on appelle l'évaluation du risque, nous donnons des évaluations du risque de récidive. Et chez une personne antisociale, par rapport à la population en général, le risque est déjà plus élevé."
Me Eskenazi, avocat de Mohamed Abrini, reprend la génèse de l'expertise. L'accusé a d'abord refusé car, "et vous avez vu suffisamment de cellules, pour pouvoir constater qu'il était dans une cellule particulièrement exigüe."
Finalement, le 1er entretien se déroulera ailleurs.
Me Eskenazi, avocat de Mohamed Abrini : "dans votre rapport, je lis "aucun élément objectif ne permet de mettre en évidence des éléments permettant d'évoquer de la manipulation ou du mensonge". Donc vous n'avez pas établi de mensonge dans ses propos ?"
Expert : non
Me Eskenazi : "j'ai essayé, mais les livres de psychiatrie, je n'y arrive pas. Donc je vais sur Wikipedia. Quand vous parlez de troubles sociopathes, ce n'est pas un sociopathe?"
Expert : "aujourd'hui, on parlerait de comportement antisocial"
- donc en bon belge, c'est antisocial
Me Eskenazi : "vous connaissez le taux de récidive en Belgique?"
Expert psychiatre : "autour de 65%"
- donc on est d'accord qu'il y a un bon nombre de comportement antisocial dans la population carcérale
Fin de l'audition de l'expert. L'audience est suspendue avant l'audition des experts Daniel Zagury et Bernard Ballivet au sujet de l'expertise psychiatrique de Salah Abdeslam.
L'audience reprend avec les rapports de l'expertise de Salah Abdeslam par les psychiatres Bernard Ballivet et Daniel Zagury.
"Je vais faire quelques observations préalables", débute Daniel Zagury.
"Un examen psychiatrique et psychologique ne peut être que décevant"
Daniel Zagury : "nous avons été d'emblée confronté à la banalité du mal c'est-à-dire le fossé immense entre l'énormité des crimes commis et la banalité de Salah Abdeslam. La participation à des projets criminels ne requiert ni d'être un grand malade ,ni un grand psychopathe."
Bernard Ballivet poursuit sur l'examen psychiatrique à proprement parler. Examen qu'a d'abord refusé Salah Abdeslam, à plusieurs reprises explique-t-il à la barre. "Finalement, nous avons pu le rencontrer le 12 novembre 2021. Il s'est montré courtois, calme."
Bernard Ballivet : "[Salah Abdeslam] a accepté l'entretient mais a fixé ses limites et a expliqué qu'il ne donnera pas de détails, ne voudrait pas s'exprimer sur les faits et ses motivations. L'entretien a duré 2H30. Il s'est montré très contrôlé, exprimant très peu d'émotion."
Bernard Ballivet : "la direction [de la prison] nous a expliqué qu'environ un an après son incarcération, il a commencé à avoir un comportement inadapté, il s'est replié sur lui, est devenu agressif avec les surveillants, il pensait que les surveillants voulaient le tuer."
Bernard Ballivet : "il voyait de la colle partout dans sa cellule et cherchait à enlever cette colle. Il y a eu un aménagement de ses conditions de détention : ses parloirs ont pu durer plus longtemps, il y a eu un aménagement de sa cellule. Et les troubles ont disparu"
Bernard Ballivet : "l'efficience intellectuelle est tout a fait normale. Ses propos sont clairs, aucun problème de mémoire, de raisonnement ou de jugement. On n'a pas retrouvé de pathologie mentale."
Bernard Ballivet : "la question principale porte sur son état mental au moment des faits. Il n'a rien voulu en dire mais a assuré qu'à cette époque il n'avait aucun trouble psychologique. Rien n'évoquait une activité délirante ou hallucinatoire."
Bernard Ballivet : "sur le plan psychiatrique, il n'y a pas d'élément relevant un état dangereux. [Salah Abdeslam] nous a semblé accessible à une sanction pénale dont il peut comprendre la signification".
Daniel Zagury reprend en conclusion : "[Salah Abdeslam] était attentif à peser chacune de ses paroles. Pour autant, à certains moments, il a semblé surpris lui-même de ressentir des émotions et d'aller un peu plus loin que ce qu'il avait prévu."
Daniel Zagury : "il a semblé soucieux de témoigner d'une image de lui-même opposée à ce qu'on réverbérait de lui. Comme s'il oscillait entre la protestation d'humanité et le maintient affiché d'un engagement déterminé."
Daniel Zagury : "Salah Abdeslam dispose d'un bon niveau expressif, son vocabulaire est précis. Après une cassure en 2010, il dit avoir travaillé de manière irrégulière avant une adhésion croissante au modèle de l'Etat islamique".
Daniel Zagury : "quand nous l'avons interrogé sur sa famille, il y avait à la fois un mouvement d'idéalisation et de retenue. Manifestement, il ne souhaitait pas mêler sa famille à son propre procès. En cela, il est semblable à l'immense majorité des sujets radicalisés"
Daniel Zagury : "Les sujets radicalisés que nous avons pu examiner se détachent, se désarriment de l'histoire familiale pour être des frères en Islam. Et tous tiennent le même discours."
Daniel Zagury : "[Salah Abdeslam] a fait l'autoportrait d'un jeune homme ouvert, sociable, sportif".
"Sur son virage dans l'engagement radical, il a évoqué l'impact de l'engagement militaire française et les massacres de Bachar Al-Assad."
Daniel Zagury : "A partir du moment où [Salah Abdeslam] avait "choisi son camp", c'est sa formule, son engagement était présenté comme absolu.
Mais il a évoqué n'avoir pas été insensible à l'émotion émanent du procès. Il l'a dit clairement, mais il s'est arrêté là."
Daniel Zagury : "on a été frappé par l'édulcoration de son récit et son insistance à répéter qu'il n'a tué personne. Il s'y accrochait, tout en répétant par ailleurs que l'attentat était un mal nécessaire."
Daniel Zagury : "selon lui, ce n'est pas une insensibilité qui a conduit à son engagement mais au contraire sa particulière réceptivité à la souffrance d'autres musulmans dans le monde."
Daniel Zagury : "[Salah Abdeslam] est entré dans un système totalitaire qui pense à sa place. Et à partir de là, toutes ses réponses étaient attendues et témoignent de l'adhésion à tous les principes de l'islamisme qui ne se discutent pas et n'acceptent aucune nuance."
Daniel Zagury : "à sa manière, Salah Abdeslam nous a dit qu'il ne pouvait pas prendre le risque du doute et de la dépression qui immanquablement le guetterait si le système de légitimation qui le soutenait venait à défaillir"
Daniel Zagury : "au regard de l'immensité du mal commis et des attentes qui en résultent, il est difficile pour ne pas dire impossible d'aborder un tel examen psychiatrique sans prendre du recul.
Il s'agit de ne pas faire comme s'il s'agissait d'un examen comme un autre."
Daniel Zagury : "Hannah Arendt avait un maître, psychiatre, Karl Jaspers qui dans une lettre lui a répondu que le mal était souvent banal. Cela va devenir la banalité du mal sous la plume de la philosophe, ce qui ne désigne pas la nature des actes mais de ceux qui les commettent"
Daniel Zagury : "son engagement dans un système totalitaire l'a débarrassé de toute pensée interne, il faut le rappeler pour ceux qui attendraient un sursaut d'humanité. Il faut un long cheminement, mais ce procès est très long et peut-être a-t-il permis un tel cheminement."
Daniel Zagury : "le carcan dans lequel est enfermé Salah Abdeslam admet difficilement des demi-mesures. Ou bien, il s'y raccroche, ou bien il risque un effondrement dépressif. Il l'a formulé ainsi."
D. Zagury : "Salah Abdeslam ne pourra authentiquement éprouver des sentiments à l'égard des victimes que sorti, s'il en sort, de l'arsenal déshumanisant qui pense pour lui et lui interdit d'éprouver. En attendant, les victimes ne le sont que d'une guerre dont il a été le soldat."
Daniel Zagury : "[Salah Abdeslam] nous a expliqué qu'après la mort on voit des anges, c'est ce que croient les musulmans. Ce n'est pas une métaphore, c'est une croyance absolue. Il y a une espèce de récitation d'un bréviaire radical, mais il était courtois et pédagogue"
Daniel Zagury : "ce qui est important de saisir c'est que ce système totalitaire prive l'individu de tout choix autonome. Il lui offre un idéal exaltant, partagé par tous ses frères. Le plus petit anonyme est promis à la vie éternelle."
Daniel Zagury : "Quand il s'exprimait c'était un peu comme s'il n'était pas Salah Abdeslam originaire de Molenbeek mais de Salah Abdeslam ayant voué son existence à dieu. Ce qui pour nous est inhumain dans la destruction de tant de vies innocentes est pour lui surhumain."
D. Zagury : "des processus psychiques l'éloignent de ce qu'auraient pu être avant ses réactions, le débarrassent de toute humanité, toute gêne. Et ce qui était interdit devient une injonction divine. Ce n'est plus "tu ne tueras point" mais "tu tues parce que dieu l'a commandé."
Daniel Zagury : "et pourtant, je suis en train de vous décrire une forteresse inattaquable, mais elle avait déjà commencé à se fissurer.
L'image qu'il donnait était tantôt celle de la véhémence exaltée et tantôt celle du jeune homme poli qui répond calmement aux questions."
Daniel Zagury : "il est probable que Salah Abdeslam oscille entre deux limites : celle de l'endurcissement et celle de l'ouverture, même modeste. Mais l'hypothèse d'une réhumanisation ne nous semblait pas exclue par plus qu'un endurcissement dans l'idéologie totalitaire"
Daniel Zagury : "[Salah Abdeslam] s'est efforcé devant nous de demeurer détaché quant au déroulement du procès. Mais la confrontation à la douleur des victimes semblait avoir mené à une évolution au cours du procès."
Daniel Zagury: "même s'il s'attendait à une sanction lourde, il pouvait envisager sa sortie de prison, nourrissait un projet de vie familiale. Il nous a fait part de sa crainte que cette expertise le déshumanise plus qu'elle ne l'humanise. Mais ce débat est le sien, pas le notre"
Daniel Zagury : pour Salah Abdeslam, "le risque d'un retour à des sentiments humain est le risque d'une perte de ceux qui le protègent et qui ont donné un sens un sa vie et peut-être à sa mort."
Daniel Zagury : "cet enjeu c'est un dilemme cornélien : soit renier le camp totalitaire dans lequel il s'était engagé, soit se renier lui-même. C'est redevenir le petit gars de Molenbeek ou reste le soldat de dieu. Et le danger serait de l'enfermer dans une de ces postures."
Daniel Zagury au sujet de Salah Abdeslam : "je sais qu'il y a eu un débat hier soir ... mais il est dans le "en même temps", voilà".

Légers rires dans la salle.
D. Zagury : "On cherche à mettre dans des cases rationnelles des comportements. Or les conflits existent chez lui. Ce qui nous apparait comme des contradictions ou des mensonges ne sont peut-être que le reflet de la coexistence de plusieurs registres dans la même personne"
Nicolas Braconnay (avocat général) : "comment faire la différence entre ce qui relève de l'oscillation et de l'évolution?"
Daniel Zagury: "il n'est pas figé comme d'autres sont figés. Il est devant un choix douloureux, difficile, mais c'est le sien."
Me Seban (parties civiles) : vous nous avez parlé d'un personnage dans le contrôle ..."
Daniel Zagury : "on s'est croisé dans un certain nombre de procès de grands pervers."
- exactement, monsieur Zagury
- on n'est pas là-dedans. On est dans une oscillation posturale.
Daniel Zagury: je ne sais pas si [Salah Abdeslam] n'a pas eu peur de la mort. Mais pour ces sujets, la mort n'est qu'un bref temps de passage vers un monde meilleur
Me Aboukaya : les vierges ...
- pas seulement. Les femmes n'ont pas un parterre d'hommes musclés dans leur paradis.
Me Reinhardt : "quel est son rapport à la vérité?"
Daniel Zagury : "la vérité de Salah Abdeslam est celle qu'il vous a donné. De même que vous et moi ne pouvons pas être limités à une tendance."
Daniel Zagury : "Les crimes les plus abominables, notamment les génocides, les actes de terrorisme sont souvent commis par des hommes ordinaires.
Me de Villèle : il peut redevenir un homme ordinaire?
- Il en a les moyens et je pense une personnalité assez riche. Il peut.
Daniel Zagury : "dans les procès, on attend des déclarations qui souvent sont dictées par les avocats ou plaquées. Alors que le psychisme humain ne fonctionne pas comme ça. Il fonctionne plus lentement. Je suis souvent plus sensible à une hésitation dans la voix, une larme ..."
Me Chemla : "je suis celui qui a du mal à croire à l'émotion [de Salah Abdeslam] et conserve des doutes."
Daniel Zagury : "en mots, il ne le fera pas. Ce serait une trahison pour lui. Il l'a fait apparemment à travers des expressions émotionnelles."
Me Chemla : "moi, je l'ai entendu exprimer des émotions sur son sort à lui, quand il était question de sa mère. Mais pas d'autres émotions."
Daniel Zagury: "j'ai été interrogé récemment par Antoine Garapon qui disait que dans les procès les accusés pleuraient, mais sur eux-mêmes"
Daniel Zagury : "se laisser aller à l'émotion pour les victimes c'est la première étape de la cuirasse dans laquelle il s'est moulée.
Mais je pense qu'il n'y a pas que ça."
Me Martin Vettes, avocat de Salah Abdeslam : "Salah Abdeslam a mis un certain temps avant de nous parler de son frère, dont on sait qu'il a joué un rôle important dans cette histoire".
Daniel Zagury : "la plupart de ces sujets se désarriment de leur histoire familiale"
Daniel Zagury : "c'est essentiellement la religion du semblable, les frères qui sont tellement semblables qu'ils disent tous la même chose."
Daniel Zagury : "il a évolué vers quelque chose de moins fermé, qui laisse entrevoir la possibilité d'une issue en dehors de cette carapace.
Me Ronen : "parce qu'il aurait pu rester enfermé ...
- Je pense à un détenu d'Action directe. 25 ans après, il était le même. Et en pire.
Me Ronen : "on peut faire un kamikaze en 24h, comme l'a dit Salah Abdeslam?"
Daniel Zagury : "au début on disait : il n'y a pas de profil type, mais des processus type qui sont généralement longs. Et on a vu qu'il y a généralement un processus long mais parfois il est court."
Me Ronen : "la position que soutient Salah Abdeslam c'est qu'il a renoncé ..."
Daniel Zagury: "il a cru qu'on lui reprochait une certaine lâcheté. Mais renoncer à tuer, même à se tuer, ce n'est pas de la lâcheté. Ceux qui se sont fait sauter étaient des grands courageux?"
Me Ronen : "ce procès, les témoignages des parties civiles, les photos et audio, ont pu influer sur le fait qu'il s'ouvre ?"

D. Zagury : "la réussite d'un procès c'est d'introduire une complexité vivante dans l'évolution de ce sujet dont tout le monde a été témoin"
Me Olivia Ronen : "le fait que Salah Abdeslam ait eu une vie sociale [pendant ce procès, ndlr] a pu jouer également?"

Daniel Zagury : "certainement. Il est à l'isolement, filmé par deux caméras en permanence, sauf quand il fait ses besoins. Rien que ça c'est délirogène"
Me Ronen : "quand Salah Abdeslam a eu une émotion la semaine dernière, c'est en évoquant sa mère ..."
Daniel Zagury : "c'est universel, Me. C'est toujours en parlant de sa mère qu'on exprime le plus d'émotion."
Fin de l'audition des psychiatres qui ont expertisé Salah Abdeslam.
Avant de suspendre l'audience, le président annonce la décision de la cour sur les demandes de versement et de diffusion de l'enregistrement intégral de l'audio du Bataclan réalisé par le dictaphone d'un spectateur.
Le président indique ainsi que
"la cour considérant que rien de s'oppose sur le plan juridique a versement d'une copie du scellé au débat", ce versement sera effectué avant le 6 mai prochain. "La demande de diffusion à l'audience est de ce fait sans objet."
Fin de l'audience pour aujourd'hui. reprise demain à 12h30 avec la suite (et fin) des expertises psychologiques et psychiatriques des accusés.
Salah Abdeslam peut-il redevenir le "petit gars de Molenbeek?". Question posée aujourd'hui dans l'expertise psychiatrique du principal accusé. On vous raconte tout ça dans le compte-rendu de cette 115e journée > franceinter.fr/justice/proces…

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Apr 22
Bonjour à tous,

116e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015. Dernière journée consacrée à l'examen des expertises psychiatriques et psychologiques des accusés. Dernière journée également avant une pause d'une semaine.
Aujourd'hui, il sera question des accusés Mohamed Amri, Ali Oulkadi, Muhammad Usman, Adel Haddadi, Farid Kharkhach, Mohamed Bakkali et Yassine Atar.

LT à suivre ici.
Et je vous retrouve dans quelques minutes dans le journal de @BrunoDuvic sur @franceinter
L'audience reprend avec l'audition de la psychiatre Ariane Casanova, qui est la seule entendue aujourd'hui.
Elle débute avec l'accusé Adel Haddadi dont elle retrace le parcours jusqu'à son départ pour l'Etat islamique.
Read 40 tweets
Apr 20
Bonjour à tous,

Au procès des attentats du #13Novembre 2015, nous débutons la 31e semaine et le 114e jour d'audience.

Pour retrouver le compte-rendu d'incroyable 113e journée d'audience, c'est par ici > franceinter.fr/justice/proces…
Cette semaine sera consacrée à l'examen des expertises psychiatriques des accusés. En l'occurrence aujourd'hui celle de Mohamed Amri, Hamza Attou et Ali Oulkadi, soit les trois accusés qui ont véhiculé Salah Abdeslam après les attentats.

LT à suivre ici.
A très vite.
L'audience reprend, en l'absence habituelle d'Osama Krayem.
Les bancs des avocats sont très clairsemés, en défense comme en parties civiles.

La première experte psychiatrique s'avance à la barre, Magali Bodon-Bruzel s'est chargée de l'expertise de l'accusé Hamza Attou.
Read 50 tweets
Apr 15
Bonjour à tous,

113e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre ... et encore la suite de l'interrogatoire de Salah Abdeslam, resté à nouveau inachevé hier soir.

Le compte-rendu d'hier, signé @sophparm est d'ailleurs disponible ici > franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, suite donc de l'interrogatoire de Salah Abdeslam. Mais aussi ceux des accusés Sofien Ayari, Mohamed Bakkali et Osama Krayem.

LT suivre ici.
Et retrouvez @sophparm dans le journal de 13h de @franceinter
L'audience débute avec la suite des questions des avocats de parties civiles à Salah Abdeslam.
Me Truong. "Si vous aviez pu, vous seriez allé en Syrie ?"
Salah Abdeslam, T-shirt gris à manches longues : "oui, je serais parti en Syrie. Pour ne pas revenir, en fait".
Read 64 tweets
Apr 13
Bonjour à tous,

Aujourd'hui, c'est le 111e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015.
C'est aussi le jour des interrogatoires de Salah Abdeslam et Mohamed Abrini (alias l'homme au chapeau). Derniers interrogatoires sur le fond de ces accusés.
Hier, les deux hommes qui sont venus récupérer Salah Abdeslam à Paris après les attentats ont livré leur récit de cette nuit.
C'est signé @sophparm et c'est à lire ici > franceinter.fr/justice/proces…
Le LT du jour est à suivre sur ce compte
@sophparm se charge de vous raconter l'audience à l'antenne de @franceinter
Read 128 tweets
Apr 7
Bonjour à tous,

De retour au procès des attentats du #13Novembre 2015 après une journée d'arrêt forcé pour cause de virus.

Le récit de la très riche et dense journée d'hier est signé @sophparm et à retrouver ici >
franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, pour la 108e journée d'audience, la juge d'instruction belge Isabelle Panou est de nouveau attendue.
Elle était déjà venue témoigner de longues heures devant la cour d'assises. On était alors au 5e jour d'audience ! (à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…)
LT à suivre ici.
Et retrouvez @sophparm sur l'antenne de @franceinter

A tout à l'heure après ce qu'on appelle désormais la "suspension Krayem", soit la suspension nécessaire pour permettre à un huissier de constater le refus de comparaître de l'accusé Osama Krayem.
Read 87 tweets
Apr 5
Bonjour à tous,

Au procès des attentats du #13Novembe 2015, c'est aujourd'hui le 106e jour d'audience.
Et l'audition d'un nouvel enquêteur belge sur la manière dont les attentats, puis la fuite des deux terroristes survivants des terrasses ont été coordonnée depuis la Belgique
Tout cela sera à suivre en LT ici.

Et avant cela, vous pouvez retrouver le compte-rendu de la journée d'hier, signé @sophparm par ici >
franceinter.fr/justice/proces…
L'audience débute. Connection établie avec Bruxelles. Grand écran déployé. Et apparaît à l'écran une enquêtrice belge déjà entendue à plusieurs reprises tout au long du procès.
Son audition va porter sur la coordination depuis la Belgique des attentats et après.
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