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May 2 103 tweets 17 min read
Bonjour à tous,

Reprise du procès des attentats du #13Novembre 2015 (et oui, c'est toujours en cours) après une semaine de suspension.
117e jour d'audience et dernière ligne droite de cette audience fleuve puisqu'on reprend avec les dernières auditions (témoins et victimes).
Aujourd'hui, trois témoins sont attendus à la barre : le sociologue Bernard Rougier, l'écrivain Mohamed Sifaoui et l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic.

D'autres témoins sont attendus demain avant une nouvelle session d'audition de 90 victimes à partir de mercredi.
Le LT sera à suivre ici.
Et retrouvez @sophparm à l'antenne de @franceinter

A tout à l'heure.
L'audience reprend, en l'absence cette fois de l'accusé Mohamed Abrini (et non Osama Krayem comme habituellement).
"On va poursuivre les débats", annonce le président.
Le premier témoin, le sociologue et auteur du livre "Les territoires conquis de l'islamisme", Bernard Rougier s'avance à la barre.
"Je vais faire une déposition en 4 points en essayant d'être aussi dynamique que possible".
Bernard Rougier explique avoir vécu au Moyen-Orient et "fréquenté un groupe de djihadistes, discuté avec eux". Cela a servi de base à son travail, explique le chercheur.
Bernard Rougier : "pourquoi les décapitations, les violences filmées, les mises en scènes macabres ? C'est une sorte de mise en scène de la loi religieuse, ce que j'appelle un positivisme religieux, qui explique que cet entité [l'état islamique, ndlr] a vocation à s'étendre."
Bernard Rougier : "dans le choix de la couleur noire [par l'état islamique, ndlr], le drapeau avec un logo tout à fait particulier, on a des éléments qui rappellent l'islam médiéval. Sur le plan idéologique, c'est du wahabisme primitif".
Bernard Rougier : "c'est une idéologie conçue dans l'extension. L'idée est celle d'une identité qui ne peut pas vivre dans la stabilité."
Voilà pour le premier point développé par le sociologue à la barre.
Le deuxième point développé par Bernard Rougier est la question de la territorialisation. "Il y a, à travers des sandwicheries halal, des salles de sport, une territorialisation qui va provoquer un nouveau codage de la société occidentale".
Bernard Rougier évoque un texte très connu des djihadistes : "les annulatifs de l'islam, en bon français : les clauses annulatoires de l'islam. A savoir : si vous avez un ami juif, vous n'êtes plus musulman, si vous ne faites plus vos 5 prières, vous n'êtes plus musulman"
Bernard Rougier : "il y a un imaginaire du djihad. Il faut que chacun y croie.. Et il y a un rapport particulier avec la délinquance. On peut vendre du cannabis et être un militant djihadiste. On a l'idée que le combat sacré effacera rétrospectivement tous les péchés. "
Bernard Rougier:"dans la prison comme dans les quartiers, il y a un système de rappel par lequel chacun rappelle à l'autre ses obligations, parfois via les réseaux sociaux. Vous pouvez donc vivre à Laeken, Schaerbeek, aux Buttes-Chaumont et vivre dans le temps de l'islam irakien"
Bernard Rougier évoque les différentes catégories de djihadistes : "les experts, capables de fabriquer des bombes, d'avoir une compétence de très haut niveau et ceux là sont très rares. Les tueurs, ils peuvent disparaître, le groupe les remplacera facilement."
Bernard Rougier : "vous avez aussi les complices, chargés d'assurer la sécurisation du réseau. Et les régisseurs. Ce sont les quatre composantes indispensables. S'il manque une composante, l'acte terroriste de grande ampleur peut être manqué".
Bernard Rougier : "les éléments violents, les tueurs bas de plafond sont indispensables dans le passage à l'acte. Mais il faut que d'autres, plus intelligents, plus élaborés, avec une meilleure connaissance de l'idéologie, les incite à ce passage à l'acte."
Bernard Rougier : "cette organisation [état islamique, ndlr] est une synthèse entre l'expertise militaire des anciens militaires de Saddam Hussein et toute une infrastructure de tribunaux qui vient du Golfe avec une culture wahhabite impeccable."
Bernard Rougier : "Ce ne sont pas des gens violents par nature qui vont se réfugier dans une idéologie, c'est une idéologie ultraviolente qui va légitimer ce recours à la violence. Il y a une sophistication dans la justification de ces actions."
Bernard Rougier : "il y a cette idée [dans l'état islamique, ndlr] que si vous voulez être un vrai musulman, votre seul choix est de vous rendre dans le territoire de la charia. Il n'y a pas cette territorialisation chez Al-Qaïda par exemple."
1ere assesseure : "vous avez distingué 4 catégories : les experts, les tueurs, les complices et les régisseurs. Pensez-vous qu'une de ces catégories puisse agir sans être acquise à la cause [djihadiste, ndlr]?"
Bernard Rougier : "ça me semble impossible".
Bernard Rougier : "ces groupes ne prendraient pas le risque de s'adresser à quelqu'un qui ne soit pas entièrement de confiance et qui n'ait au moins une idée, même vague, de l'opération en cours.
On ne connaît pas les détails, mais simplement l'orientation".
Me Sylvie Topaloff (parties civiles) : "comment la vie sous la charia, extrêmement contraignant, peut-elle être attirante pour des jeunes gens? Comment ça marche?"
Bernard Rougier : "on acquiert l'idée qu'on fait partie d'une élite, qu'on appartient aux meilleurs musulmans".
Bernard Rougier : "le salafisme s'appuie que la pureté du corps et l'une des pires abominations est la mixité. Le comble de la perversion dans cette vision-là, sont les boîtes de nuit. Le Bataclan à leurs yeux était l'équivalent d'une fête païenne, où les corps se mélangent"
Bernard Rougier : "ce qui est vrai du corps individuel est vrai aussi du corps social qu'il faut expurger des éléments extérieurs. Il faut faire allégeance aux vrais musulmans et rompre avec les autres. Les autres sont rejetés dans la damnation à venir."
Me Topaloff : "parmi les accusés, revient l'idée selon laquelle leur combat n'est pas tant religieux que politique"
Bernard Rougier : "la loi du Talion est dans le coran, donc il y a une légitimation religieuse. Mais les volontaires auraient pu aller dans d'autres organisations".
Bernard Rougier : "l'organisation Etat islamique s'est battue en dernier contre Bachar Al-Assad et elle lui a vendu du pétrole au nom d'intérêts communs bien compris. Donc si on va dans ce type d'organisation c'est forcément au nom de sa volonté hégémonique."
Me Samia Maktouf (PC) : "quel est l'impact de ce procès pour les accusés jugés aujourd'hui en l'application d'un loi écrite par l'homme?"
Bernard Rougier : "les institutions qui ne découlent pas de la loi religieuse n'ont strictement aucune valeur".
Me Maktouf (PC) : "il y a la notion de cloisonnement de l'information évoquée par les accusés"
Bernard Rougier : "il y a une division des tâches au sein de la cellule, mais il n'y a pas de cloisonnement interne. Ils savent à quoi vont servir les tâches. C'est mon point de vue."
Interrogé sur le choix du Stade de France parmi les cibles des attentats du #13Novembre 2015, Bernard Rougier : "contrairement à Ossama Ben Lasen qui adorait jouer au football, on ne joue pas au football dans l'espace de l'Etat islamique. C'est considéré comme une mécréance."
Me Chemla : "deux accusés se présentent comme ayant renoncé et retrouvé leur place dans la cellule terroriste à Molenbeek"
Bernard Rougier : "pour ne pas valider le pacte pour lequel vous avez été choisi, il faut une bonne raison pour pouvoir retrouver sa place dans la cellule"
Place aux questions de la défense (les avocats généraux n'en ayant pas à poser)
Me Méchin : "je suis l'avocat d'un des accusés que vous ne connaissez pas. Comment a été déterminé le cadre de votre témoignage?"
Bernard Rougier :"l'idée est d'éclairer la cour sur l'état islamique"
Bernard Rougier rappelle qu'il a 25 ans d'expérience : "il n'y a pas énormément de chercheurs qui ont eu un accès direct aux acteurs.
La lecture ardue des textes en arabe a rythmé mon parcours universitaire. Et c'est à ce titre que j'ai accepté de témoigner".
Me Méchin : "Sur les 14 accusés présents quels accusés font partie du groupe état islamique?
Bernard Rougier : "je ne connais pas le dossier mais c'est une opération de l'Etat islamique et ceux qui sont ici sont au titre de leur appartenance à cette organisation"
Bernard Rougier : "je ne préjuge pas de la culpabilité de telle ou telle personne mais c'est fou dans les dossiers le nombre de détonateurs qui n'ont pas marché, de kalachnikovs qui se sont enrayées ...."
Me Méchin : "vous savez si on reproche aux 14 accusés d'appartenir à l'Etat islamique? Vous comprenez que c'est très problématique..."
Bernard Rougier : "ce qui est problématique c'est que ces groupes commettent des attentats de masse. Vous ne pouvez pas diluer la responsabilité"
Me Martin Méchin (défense) qui reproche à Bernard Rougier de ne s'exprimer qu'en termes de généralités sur l'Etat islamique et pas en fonction de chacun des accusés lâche finalement : "en fait vous ne comprenez rien au système judiciaire français, c'est pathétique." Il se rassied
Bernard Rougier cite "[son] ami Didier François", ancien otage de Daech qui "a été emprisonné, battu tous les jours". "C'est tout à l'honneur des démocraties occidentales de ne pas utiliser les méthodes de nos ennemis. Car ce sont nos ennemis."
Bernard Rougier : "ma seule ambition est d'éclairer la cour. Je donne un point de vue d'expert fondé sur ma connaissance de ces types d'acteurs. L'idée de chercheur est d'analyser et d'interpréter les documents, les paroles."
Toujours à la barre, le sociologue Bernard Rougier poursuit : "ce milieu de Molenbeek ou de Laeken est connu. Tout le monde sait qui est parti. Si quelqu'un revient et cherche une planque, il est difficile d'ignorer à quoi elle est destinée".
Me Ilyacine Maalaoui, avocat de Sofien Ayari : "j'ai l'impression que pour vous ne pas parler l'arabe discrédite une recherche sérieuse ..."
Bernard Rougier : "absolument. Je pense que c'est un manquement. J'ai aussi essayé de me mettre au turc ..."
Me Maalaoui : "vos détracteurs parlent de votre fièvre identitaire"
Bernard Rougier :"c'est l'engagement d'une vie, 15 ans au Moyen-Orient et parler de "fièvre identitaire" est insultant. Mais la liberté d'expression est une valeur suprême, je suis prêt à accueillir la critique".
Me Martin Vettes, avocat de Salah Abdeslam : "vous nous avez indiqué que vous avez un savoir qui vient de l'expérience et pas du dossier. Vous avez déjà eu un contact direct avec un djihadiste de l'Etat islamique?"
Bernard Rougier : "j'ai déjà eu un contact avec un sympathisant"
Me Vettes : "ma question est très simple : avez-vous déjà rencontré un djihadiste de l'Etat islamique?"
Bernard Rougier : "probablement oui, mais je ne le savais pas."
- vous plaisantez !
- c'est vous qui plaisantez, vous ne connaissez pas les conditions de la recherche.
Me Vettes : "vous ne pouvez pas confirmer que vous avez rencontré un seul djihadiste de l'Etat islamique. Et ce qui m'ennuie c'est que toute votre autorité, vous la tirez de l'empirisme. Votre expertise de l'Etat islamique, elle est néante !"
Le ton monte.
Président : "je suis désolé, on a des questions qui ne sont pas humiliantes ni méprisantes, je voudrais que ça continue comme ça. Point. Je suis là pour assurer la sérénité des débats. Et quand on en sort, j'interviens."
Bernard Rougier : "j'ai rencontré des sympathisants de l'Etat islamique et énormément de membres d'Al-Qaïda. Mais ils ne vont pas le dire pour des questions de sécurité. Réfléchissez un peu Maître."
Me Olivia Ronen, autre avocate de Salah Abdeslam se lève à son tour : "j'ai un peu de compassion pour vous parce que je pense que ce n'est pas votre place d'être ici. Là où s'arrête ma compassion c'est que vous avez devant nous un discours essentiellement politique."
Me Sylvie Topaloff, avocate de parties civiles à l'origine de la venue de Bernard Rougier s'insurge contre sa consoeur de défense : "S'adresser comme cela à un témoin, c'est inacceptable. Inacceptable !"
Me Ronen : "je ne pense pas avoir fait preuve de mépris".
- Si !
Me Xavier Nogueras, avocat de Mohamed Amri se lève : "bonjour, monsieur, je suis avocat et j'ai rencontré une centaine de djihadiste. Je ne m'en vante pas mais c'est incontestable, d'autant que 90% d'entre eux ont été condamnés pour leur appartenance à l'Etat islamique"
Me Nogueras : "je suis l'un des deux avocats de Mohamed Amri, vous savez qui il est ?"
Bernard Rougier : "je crois que c'es celui qui est venu chercher Salah Abdeslam. Je l'ai lu dans la bande dessinée très bien faite de .... [La Cellule, par Soren Seelow, ndlr]
Me Nogueras : "j'ai l'impression que votre exercice consiste à transposer le résultat de vos études, déjà très anciennes parce qu'elles ont 25 ans, à une génération nouvelle de djihadistes, ce qui n'est pas faisable. Les opérationnels ont changé, c'est la DGSI qui le dit".
Bernard Rougier : "votre pratique professionnelle vous permet d'avoir accès à des dossiers, vous savez que pour la recherche c'est plus difficile. Donc je n'ai pas la connaissance aussi fine que vous. Mais j'ai quand même un peu lu."
Fin de l'audition de Bernard Rougier. "On va faire une suspension", annonce le président.
A tout à l'heure pour l'audition de Mohamed Sifaoui.
L'audience reprend. "Monsieur l'huissier, si vous voulez bien faire entrer le prochain témoin", annonce le président.
Mohamed @Sifaoui s'avance à la barre. "Désolé pour le retard, mais les assises on sait quand ça commence, pas quand ça se termine", indique encore le président.
Mohamed Sifaoui : "je travaille sur les questions djihadistes et je pense que j'ai été cité pour partager avec vous une modeste expérience de 30 ans qui m'a amené à travailler sur des textes idéologiques produits par une mouvance islamisme très prolixe."
Mohamed Sifaoui : "on est face à un phénomène très complexe qui instrumentalise une religion, ses textes et manipule des esprits, certes parfois vulnérables, souvent mal informés, dans une idéologie qui les amène à commettre l'irréparable."
Mohamed Sifaoui : "cette idéologie a été fabriquée de bric et de broc par un certain nombre de théoriciens et mise à disposition de tout un chacun."
Me Samia Maktouf, qui est à l'origine de la venue de Mohamed Sifaoui à cette audience, se lève et demande au témoin de développer le concept de "l'alliance et le désaveu".
Mohamed Sifaoui : "c'est une doctrine structurante de l'idéologie djihadiste."
Mohamed Sifaoui: "L'alliance concerne le musulman, le désaveu revient à désavouer tout ce qui n'est pas musulman. A partir de 1980, cette doctrine est développée par un théoricien. Le monde islamiste voit le monde en noir et blanc : le paradis et l'enfer, le licite et l'illicite"
Mohamed Sifaoui : "il y a le bien et le mal. Cette doctrine est très binaire et donc très facile à intégrer."
Mohamed Sifaoui :"je prends le premier attentat du Stade de France. C'est un lieu dans un quartier populaire, qui attire des femmes, des enfants, beaucoup de magrébins. Et pourtant ça a été une cible."
Mohamed Sifaoui : "[le #13Novembre des musulmans ont été touchés. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont plus considérés comme des musulmans. Et c'est la raison pour laquelle, ils sont tués sans état d'âme. C'est la doctrine de l'alliance et le désaveu qui va légitimer cette action."
Mohamed Sifaoui : "quelqu'un comme Mohamed Merah, dix ans après son élimination, continue à susciter des vocations. Pourquoi? Parce que l'aspirant djihadiste est souvent incité à prendre pour modèle des héros négatifs."
Me Maktouf : "un autre terme a été beaucoup utilisé à cette audience, c'est la taqya"
Mohamed Sifaoui : "c'est un concept qui implique une dissimulation où le mensonge est légitimé. Elle a été reprise par les salafistes contemporains. On l'a vu pour les attentats du 11 septembre"
Mohamed Sifaoui : "avant, on identifiait un salafiste à sa barbe. Ce n'est plus le cas parce qu'entre temps, les salafistes avaient préconisé à leurs adeptes de se raser pour ne pas attirer l'attention. Et donc utiliser ce principe de la taqya."
Mohamed Sifaoui : "le concept de la taqya a été vu dans le dossier de l'assassinat des policiers de Magnanville par Larossi Aballa. Il avait été arrêté peu avant et a échappé à une condamnation lourde et est sorti. C'est un des cas les plus frappants de taqya en France."
Mohamed Sifaoui : "à la même époque, Mohamed Merah a eu un comportement double. On a pu le voir dans des boîtes de nuit, il laissait croire qu'il buvait de l'alcool alors qu'il n'en buvait pas."
Mohamed Sifaoui : "j'ai été amené au cours de mes travaux à me rendre au Pakistan, en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Et j'ai eu l'occasion d'enquêter à Molenbeek, commune que je connais très bien."
Me Maktouf : "dans l'idéologie djihadiste, les échecs sont-ils permis?"
Mohamed Sifaoui : "dans les milieux djihadistes, on a un problème avec tout. On n'aime pas les gens qui chantent, les femmes, les homosexuels, les non musulmans. Et même les jeux leur posent problème"
Alors de Me Catherine Szwarc pose des questions au témoin sur les déclarations de certains accusés à l'audience, le président intervient. "Vous ne pouvez pas savoir ce qui a été dit puisque vous n'étiez pas à l'audience, donc je vous demande de vous arrêtez là dans votre réponse"
Le président qui ajoute, visiblement agacé : "et je demande aux accusés d'un peu moins discuter dans le box. Hein, messieurs Bakkali et Ayari? Bon demain vous serez un peu séparés parce que là, vous n'arrêtez pas."
Me Frédérique Giffard interroge le témoin sur la notion de paradis. "On sait vaguement qu'il y a cette histoire de 72 houris, on ne sait pas trop si ce sont des fruits, des vierges ..."
Mohamed Sifaoui : "on voit la description du paradis dans des livres [djihadistes, ndlr] ..."
Mohamed Sifaoui : "... pour eux [les djihadistes, ndlr] la question est tranchée. Même s'il y a un débat dans le monde musulman pour savoir si ce sont des grappes de raisin ou des femmes, pour les djihadistes ce sont bien des vierges."
Me Giffard : "la misère sexuelle est donc aussi un terreau sur lequel prospère le djihadisme?"
Mohamed Sifaoui : "il faut les humaniser. Je ne considère pas le terroriste comme un monstre. Quelqu'un comme Adolf Hitler était un être humain, Staline, les Khmers rouges .."
Mohamed Sifaoui : "sans parler de ceux que vous jugez, je parle de ceux que vous jugez .... avec d'abord un discours victimaire exacerbé : le musulman est toujours victime. Et l'Occident toujours diabolisé. Toujours. En toute circonstance."
Mohamed Sifaoui : "j'ai effectué une enquête sur une cellule djihadiste que j'ai filmée pendant plusieurs mois. Ce réseau devait perpétrer des attentats pendant la coupe du monde de football en 1998, assassiner le recteur de la mosquée de Paris."
Mohamed Sifaoui : "depuis je suis sous protection policière pour des menaces de mort récurrentes à cause de cette enquête journalistique. C'est là où j'ai rencontré pour la première fois les frères Kouachi [assaillants de Charlie Hebdo, ndlr]
Mohamed Sifaoui : "Il est impossible. Impossible. Impossible. De voir un réseau djihadiste faire appel à quelqu'un qui ne fait pas partie de l'alliance, qu'on puisse donner des missions à un individu qui n'est pas dans le même mood idéologique."
Mohamed Sifaoui : "il y a ceux qui renonce à l'acte terroriste parce qu'ils refusent d'aller sur ce chemin et là, il ne fait plus partie de la cellule. Mais il peut y avoir un renoncement momentané, ce n'est pas une rupture avec l'alliance, juste un moment de faiblesse."
Pas plus de question de la part des avocats généraux. Place aux avocats de la défense.
Me Ilyacine Maalaoui : "est-ce qu'il est possible aujourd'hui de porter un voile sans être radicalisé ?"
Mohamed Sifaoui : "j'ai une position très claire sur le voile islamiste."
Mohamed Sifaoui a été jugé pour avoir dit à Latifa Ibn Ziaten, mère d'une des victimes de Mohamed Merah qu'elle portait le voile de ceux qui avaient assassiné son fils.
Mohamed Sifaoui : "heureusement, aujourd'hui en France, on peut continuer à critiquer un bout de tissu".
Mohamed Sifaoui poursuit : "les femmes qui portent le voile, souvent pas attitude mimétique, arbore un code islamiste."
Me Maalaoui : "vous êtes un des témoins les plus extraordinaires que j'ai vu ici car vous avez réponse à tout. Votre analyse aujourd'hui frise l'absurde."
Me Maalaoui : "monsieur Sifaoui, vous trouvez normal de venir devant une cour d'assises en développant des éléments qui ne reposent sur rien.
Le président intervient : "ce n'est pas une question, ça. C'est un jugement de valeur. Bon, monsieur répondez si vous voulez ..."
Mohamed Sifaoui : "je vais le dire avec une certaine solennité. Je pense avoir livré un discours digne, documenté. Vous n'êtes pas sans savoir qu'au-dessus de cette cour d'assises plane la mémoire de 131 victimes. Je suis venue faire un acte civique."
Me Marie Violleau : "votre venue a posé une difficulté parce que vous n'avez aucun rapport avec les faits.
Vous êtes souvent invité sur les plateaux de télé?"
Mohamed Sifaoui : "oui, je suis journaliste depuis près de 35 ans. Donc la télévision, la radio, la presse écrite ..."
Mohamed Sifaoui : "je dirige une chaîne de TV sur internet qui s'appelle Islamoscope et qui a vocation à faire du décryptage de l'islam politique."
Sinon, alors qu'à 19h24 nous en sommes toujours au deuxième témoin de la journée, le président annonce qu'il vient de reporter l'audition de l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic à demain.
Me Violleau : "vous avez vu que la cour et le parquet ne vous ont posé aucune question, comment vous prenez ça?"
Le président intervient : "c'est déjà arrivé que la cour de pose aucune question ..."
- C'est une question qui repose sur un élément factuel.
Mohamed Sifaoui : "eu égard des enjeux et de la symbolique qui entoure ce procès, je ne suis pas venu pour polémiquer. Je suis venu ici pour apporter un modeste éclairage. Si le parquet et la cour n'ont pas souhaité poser de question, je vais considérer qu'ils ont tout compris"
Me Méchin rappelle que dans le procès des attentats de janvier 2015, 6 accusés sur 11 ont été acquitté de la qualification terroriste: "cela vient en contradiction avec votre affirmation qu'il est impossible que des djihadistes se fassent aider par des gens non acquis à la cause"
Mohamed Sifaoui : "ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Quand dans une même mouvance, les salafistes se réunissent pour un même projet, ils ne peuvent pas être considérés comme des non djihadistes."
Me Orly Rezlan : "Vous avez une formation en théologie?"
Mohamed Sifaoui : "j'ai une formation en science politique. Je n'ai pas besoin d'être théologie pour travailler sur les textes islamistes qui ne sont pas religieux mais idéologiques."
Me Orly Rezlan : "pourquoi avez vous été cité, vous pensez?"
Mohamed Sifaoui :"peut-être parce que j'ai réalisé 27 documentaires, écrit une vingtaine de livres sur le sujet, réalisé une infiltration dans une cellule terroriste et que je pense avoir été l'un des rares à le faire"
Ce moment où, à 20h10, après 7 heures d'audition, un témoin lâche l'air de rien à la barre : "le colonialisme avait quelques bienfaits".
(en référence à l'existence d'un état civil dans les pays du Maghreb)
Me Negar Haeri : "on vient de passer sept mois à regarder le moindre coup de téléphone, et on a l'impression que vous faites des généralités. Il y a de tels enjeux dans cette salle d'audience, la justesse est la cible que nous tentons tous d'atteindre."
Mohamed Sifaoui : "A titre personnel j'exècre les terroriste et je suis menacé depuis des années. Mais je suis venu donner une modeste expérience assez remplie, pardonnez-moi l'immodestie, qui sont assez méconnues des cours d'assises si prestigieuses soient-elles".
Mohamed Sifaoui : "je ne dirais pas que chaque musulman fait de la taqya, ce serait une insulte pour plus d'un milliard de personnes. Mais tous ceux qui sont impliqués dans des affaires de terrorisme, systématiquement, font de la taqya."
Mohamed Sifaoui : "ils se victimisent systématiquement. Quand ils demandent pardon c'est par stratégie de défense, quand ils se mettent à pleurer c'est pas stratégie de défense. C'est consubstantiel à leur idéologie."
Mohamed Sifaoui : "l'islamisme convient à des personnes destructurées, leur offre une structure et l'emmène vers une autre voie."
Mohamed Sifaoui évoque Mickaël Harpon, assaillant de la préfecture de police de Paris : "on a un homme en dérive, qui fréquente une mosquée salafiste. Et des policiers ne se disent pas qu'il peut être dangereux. Parce qu'une charge subjective qui vient anesthésier le jugement."
Me Olivia Ronen : "vous êtes en train de dire à la cour d'assises que Salah Abdeslam est radicalisé?"
Mohamed Sifaoui : "ah oui, j'en suis parfaitement convaincu"
- C'est quand même une vraie révélation !
- Mais enfin Me ...
- C'était une taquinerie. Ce n'est pas nouveau.
Fin de l'audition de Mohamed Sifaoui.
"On entendra monsieur Trévidic demain en début d'audience", annonce le président avant de suspendre pour aujourd'hui.
Et le compte-rendu de ces deux longs témoignages est à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…

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Apr 22
Bonjour à tous,

116e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015. Dernière journée consacrée à l'examen des expertises psychiatriques et psychologiques des accusés. Dernière journée également avant une pause d'une semaine.
Aujourd'hui, il sera question des accusés Mohamed Amri, Ali Oulkadi, Muhammad Usman, Adel Haddadi, Farid Kharkhach, Mohamed Bakkali et Yassine Atar.

LT à suivre ici.
Et je vous retrouve dans quelques minutes dans le journal de @BrunoDuvic sur @franceinter
L'audience reprend avec l'audition de la psychiatre Ariane Casanova, qui est la seule entendue aujourd'hui.
Elle débute avec l'accusé Adel Haddadi dont elle retrace le parcours jusqu'à son départ pour l'Etat islamique.
Read 42 tweets
Apr 21
Bonjour à tous,

115e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015 et suite aujourd'hui des auditions d'experts qui ont été chargé des expertises psychiatriques et psychologiques des accusés.
Le compte-rendu de la 114e journée avec les premiers experts à la barre est à retrouver ici >
franceinter.fr/justice/proces…

Et LT à suivre ici.
On débute avec l'audition d'un psychiatre belge, entendu en visioconférence depuis Bruxelles.
Gérard Charles a été chargé de l'expertise psychiatrique de l'accusé Sofien Ayari. "On s'est entretenu en français. Un interprète en arabe était prévu mais il n'est jamais venu."
Read 99 tweets
Apr 20
Bonjour à tous,

Au procès des attentats du #13Novembre 2015, nous débutons la 31e semaine et le 114e jour d'audience.

Pour retrouver le compte-rendu d'incroyable 113e journée d'audience, c'est par ici > franceinter.fr/justice/proces…
Cette semaine sera consacrée à l'examen des expertises psychiatriques des accusés. En l'occurrence aujourd'hui celle de Mohamed Amri, Hamza Attou et Ali Oulkadi, soit les trois accusés qui ont véhiculé Salah Abdeslam après les attentats.

LT à suivre ici.
A très vite.
L'audience reprend, en l'absence habituelle d'Osama Krayem.
Les bancs des avocats sont très clairsemés, en défense comme en parties civiles.

La première experte psychiatrique s'avance à la barre, Magali Bodon-Bruzel s'est chargée de l'expertise de l'accusé Hamza Attou.
Read 50 tweets
Apr 15
Bonjour à tous,

113e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre ... et encore la suite de l'interrogatoire de Salah Abdeslam, resté à nouveau inachevé hier soir.

Le compte-rendu d'hier, signé @sophparm est d'ailleurs disponible ici > franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, suite donc de l'interrogatoire de Salah Abdeslam. Mais aussi ceux des accusés Sofien Ayari, Mohamed Bakkali et Osama Krayem.

LT suivre ici.
Et retrouvez @sophparm dans le journal de 13h de @franceinter
L'audience débute avec la suite des questions des avocats de parties civiles à Salah Abdeslam.
Me Truong. "Si vous aviez pu, vous seriez allé en Syrie ?"
Salah Abdeslam, T-shirt gris à manches longues : "oui, je serais parti en Syrie. Pour ne pas revenir, en fait".
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Apr 13
Bonjour à tous,

Aujourd'hui, c'est le 111e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015.
C'est aussi le jour des interrogatoires de Salah Abdeslam et Mohamed Abrini (alias l'homme au chapeau). Derniers interrogatoires sur le fond de ces accusés.
Hier, les deux hommes qui sont venus récupérer Salah Abdeslam à Paris après les attentats ont livré leur récit de cette nuit.
C'est signé @sophparm et c'est à lire ici > franceinter.fr/justice/proces…
Le LT du jour est à suivre sur ce compte
@sophparm se charge de vous raconter l'audience à l'antenne de @franceinter
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Apr 7
Bonjour à tous,

De retour au procès des attentats du #13Novembre 2015 après une journée d'arrêt forcé pour cause de virus.

Le récit de la très riche et dense journée d'hier est signé @sophparm et à retrouver ici >
franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, pour la 108e journée d'audience, la juge d'instruction belge Isabelle Panou est de nouveau attendue.
Elle était déjà venue témoigner de longues heures devant la cour d'assises. On était alors au 5e jour d'audience ! (à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…)
LT à suivre ici.
Et retrouvez @sophparm sur l'antenne de @franceinter

A tout à l'heure après ce qu'on appelle désormais la "suspension Krayem", soit la suspension nécessaire pour permettre à un huissier de constater le refus de comparaître de l'accusé Osama Krayem.
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