Je repense à mon ex qui voulait qu'on ait un enfant parce que "tes ovaires vont pas aller en rajeunissant".
Et à mon soulagement quand le test a été négatif.
Je repense à ce haut magistrat, alors que j'etais magistrat placé nouvellement affecté sur sa cour, lever les yeux au ciel alors que je venais me présenter et glisser "vu votre âge je suppose que je dois me préparer à un congé mat'?"
Je repense a cette gynéco pas loin de la retraite qui m'auscultait, pieds dans les étriers, et s'exclamait très fort devant son interne "faudrait ptet s'y mettre non?? 35 ans, tic tac tic tac!!"
Je repense à toutes les fois, alors que j'ai eu une enfance & une adolescence plutôt privilégiées, où on a cherché à m'expliquer ce que je devais faire ou ce que j'étais sensée faire de mon corps et de mon rapport à la maternité.
Je repense à ces adolescentes placées parce qu'en danger chez elle et qui éperdument, désespérément, cherchent de l'affection partout, tout le temps, s'exposant à un risque de grossesse qu'elles sont incapables de gérer.
Je repense à cette enfant de 13 ans tombée enceinte d'un viol incestueux dans une famille très pieuse et qu'on a forcé à mettre cette vie au monde avant de la lui arracher dès la naissance pour que ce soit "moins dur pour elle".
Je pense à ce grand môme déguingandé suivi en assistance éducative, adopté tout petit, et qui ne savait rien de son passé excepté qu'il était le fruit d'un viol.
Je pense à ces amies & collègues qui sont tombées enceintes et pour qui ce n'était pas le bon moment, ou bien pour qui être mère n'était pas leur choix, et qui ont opté pour l'IVG, en conscience, loin des clichés de banalisation qu'on brandit comme 1 épouvantail.
Qu'on ne vienne pas me dire que c'est un débat de société, que le droit à l'avortement doit être discuté, que ouin ouin l'IVG c'est pas une contraception comme les autres.
Ne jamais reculer sur ce droit, jamais. #moncorpsmonchoix
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Audience correctionnelle, comparut° immédiate.
Il n'y a pas grand monde dans la salle.
Sur le banc réservé aux parties civiles je reconnais Armelle, dont j'ai vu les photos au dossier - en cas de doute les ecchymoses qu'arbore son visage me confirment qu'elle est bien là en tant
que victime.Elle a 1 bras en écharpe & l'air très angoissé.
A ses côtés 1 dame que je suppose être 1 éducatrice venue l'accompagner.
On attend l'arrivée du tribunal; le silence n'est rompu que par les sanglots de Gabrielle, avachie dans le box aux côtés de sa co prévenue, Nadia.
Les 2 jeunes femmes se voient reprocher des violences ayant entraîné 1 ITT supérieure à 8 jours, en l'espèce 30 jours, aggravées par 2 circonstances : la réunion, les faits ayant été commis à 2, & l'état d'ivresse manifeste dans lequel elles se trouvaient au moment des violences.
Il y a quelques années, a l'instruct°, j'ai repris 1 dossier laissé par mon prédécesseur, plusieurs morts, des blessés.
1 scène de tirs d'armes d'épaule/de poing, plein de témoins très contradictoires, des éléments balistiques partout..
Le parquet avait ouvert au + haut, meurtre,
et déféré un paquet de monde, tous mis en examen.
Manquaient les auteurs principaux, en fuite.
A la fin de l'instruction j'ai rendu une ordonnance de mise en accusation mais également de non lieu (à l'égard de plusieurs des suspects) & de requalification, en violences
aggravées pour beaucoup & pour 1 mis en examen en violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (il n'avait pas d'arme à feu).
La qualification choisie en début d'instruction est 1 base de travail, elle peut être revue en cours ou en fin d'information.
Luna s'avance a la barre.
C'est 1 jeune femme assez menue, les cheveux blonds remontés en un chignon flou.
Là debout dans la douce lumière de l'après-midi qui décline qui baigne la cour d'assises, ses cheveux lui font comme 1 halo doré autour du visage.
Luna aggripe la barre
& lève 1 regard à la fois déterminé & ravagé d'angoisse vers le président qui lui demande de décliner ses nom & prénom, son âge...
Luna ne prête pas serment, elle est partie civile.
Elle vient affronter pour la dernière fois son père, assis dans le box, qu'elle accuse de viols.
Jean-Marc est assis dans le box & affiche 1 air dur, buté.
Luna inspire 1 grand coup avant de raconter son histoire, encore.
Elle l'a déjà fait tant de fois, d'abord en quelques mots à 1 copine au lycée, quelques confidences comme échappées, comme 1 onde qui d'1 coup déborde
Je lis énormément de choses ces jours ci, sur mon office, sur le rôle de la justice, sur sa place dans la cité.
Alors je vais te raconter une anecdote mon touitoui, & on me dira que je parle de moi, trop; je répondrai par avance que c'est inutile de reprocher son ego à 1 proc,
parce que c'est livré dans le pack, c'est compris avec.
Cette histoire remonte à plusieurs années.
C'était 1 audience que je croyais ordinaire, correctionnelle, 3 juges, des dossiers qui étaient passée par l'instruction & que je connaissais.
C'était prévu que je ne requiers pas,
parce que j'étais accompagnée d'1 auditeur de justice qui allait prendre son 1er poste au parquet quelques mois après. Un jeune homme brillant, talentueux, bon au sens plein du terme, & que j'ai toujours beaucoup en affection.
Il y avait plusieurs dossiers, des faits graves,
Quand je vois les ptits Dobby en juridiction en ce moment, les auditeurs de justice qui apprennent le métier, qui stressent avant de requérir ou de prendre leur 1er défèrement, qui pose pleiiiin de questions en mode enfant de 5 ans "& pourquoi on fait comme ça?", je me revois à
25 ans rentrer dans le bureau de ce vice proc, levant les yeux vers moi alors que mon référent parquet faisait les présentat°, & l'entendre lâcher avec tout le mépris qui me paraissait possible "encore 1 qui veut être juge des enfants, pour sauver les pauvres petits orphelins?"
Près de 15 ans après je ne suis toujours pas juge des enfants, & aujourd'hui j'ai placé 1 bébé gravement en danger dans sa famille.
Je suis prête a parier que ce collègue est toujours 1 gros macho persuadé qu'il peut écrabouiller tout ce qui lui paraît plus faible que lui.