Jeudi, pendant leur épreuve de SES, les bachelier·es ont été prié·es de démontrer comment l'innovation pouvait repousser les « limites écologiques de la croissance ».
Pourquoi c'est problématique ⤵️
Cette question laisse entendre que la croissance est indispensable et ce, malgré ses « limites écologiques » ; que ces dernières doivent être « repoussées » ; réclame un « exemple » - qui ne peut qu'être circonscrit à un instant, un lieu, un type de produits.
Historiquement, la croissance du PIB = la croissance des émissions de CO2.
Pourquoi ? Car elle s'est fondée sur l'usage croissant d'énergies fossiles. Les nouvelles sources nées de l'innovation – nucléaire et renouvelables – s'y sont surajoutées, plutôt que de les remplacer.
Donc, historiquement : la croissance économique = la crise climatique.
La croissance « verte », que sous-entend cette question, c'est le pari qu'il est possible de délier la courbe du PIB et celle du CO2. Or, à l'échelle mondiale ou régionale, il n'existe pas d'exemple probant d'une décorrélation (ou découplage) absolue entre le CO2 et le PIB.
« Absolue » veut dire que pendant que la courbe du PIB monte, celle des émissions baisse – pas qu'elle augmente moins vite, comme sur ce graphique.
Dans ce cas, on parlera de découplage « relatif », et on continue d'aggraver la crise.
Pire, la reprise post Covid-19 a recouplé massivement les deux : +5,9% de PIB, +6% de CO2.
L'économie a redémarré au charbon, au gaz et au pétrole.
Ce couplage continue malgré une innovation plus forte que jamais. Parmi les nombreuses raisons : l'« effet rebond ». On invente une ampoule qui consomme deux fois moins d'énergie ? Qu'à cela ne tienne, on en installe deux fois plus.
Comme le montre ce graphique issu du dernier rapport du Giec, parmi les principales réponses à la crise climatique : la sortie massive des énergies fossiles - remplacées par des renouvelables, l'arrêt de la destruction et la restauration des écosystèmes (meilleurs puits à CO2)...
On voit bien que, si elles sont intéressantes, les solutions basées sur l'innovation technologique, notamment dans le domaine des transports, présentent un potentiel de réduction des émissions largement inférieur à des solutions basées sur le vivant.
L'innovation est indispensable pour trouver de nouvelles manières de produire, mais aussi - qui sait ? - d'autres formes d'organisation sociale, qui nous permettraient de transformer nos sociétés à la hauteur de ce réclame la crise.
Pas pour « repousser les limites […] de la croissance », clin d’œil étrange (ou pied de nez ?) au nom du rapport Meadows qui, il y a cinquante ans cette année, alertait sur l'impossibilité de croître de manière illimitée dans un monde fini. vert.eco/articles/denni…
Puisque les renouvelables se sont toujours surajoutées aux fossiles, et que les autres innovations technologiques ont un potentiel bien moindre que la restauration des écosystèmes, on comprend bien que le levier majeur, c'est celui de la sobriété.
A fortiori alors que les émissions doivent urgemment et massivement décroître si nous voulons contenir le réchauffement dans des limites tolérables.
La courbe rouge, c'est la tendance actuelle, la bleue, c'est celle pour en rester à 1,5°C
Enfin, les « limites » de la planète ne se cantonnent pas aux émissions de CO2 ; elles sont nombreuses (pollution, biodiversité, destruction d'espaces naturels, acidification des océans, etc.).
Toujours plus de croissance, c'est toujours plus de pressions sur l'ensemble du système terrestre. Et ça, l'avion « vert » n'y changera rien.
S'ils étaient tous mis en route, les 195 plus gros projets de l'industrie du gaz et du pétrole pulvériseraient, à eux seuls, le budget carbone qu'il nous reste pour contenir le réchauffement sous 1,5°C, rappelle le Guardian dans une grande enquête qui paraît aujourd'hui. ⤵️
Autrement dit, si toutes ces « bombes à CO2 », comme les a appelées le quotidien britannique, voyaient le jour, elles relâcheraient l'équivalent ce qu'émet la Terre entière en 17 années au rythme actuel.
Le Giec nous a donné trois ans pour amorcer un virage radical dans les émissions liées à l'énergie, qui continuent toujours de croître, si nous voulons contenir le réchauffement à 1,5°C et nous épargner certains des pires effets de la crise. vert.eco/articles/la-fi…
Nous, journalistes et médias qui parlons d'écologie, on nous accuse souvent d’être « orientés », « politisés », voire « militants » quand nous racontons l’inaction de l’exécutif sur le climat et le vivant.
Mais vous savez qui d'autre dit exactement la même chose ? Un fil ⤵️
Je suis encore sidéré par la séquence du débat présidentiel consacrée à l'écologie.
La soirée avait pourtant commencé avec un clin d’œil appuyé de Léa Salamé : « nous parlerons de l'environnement, un sujet très attendu notamment par les jeunes ». ⤵️
Puis, à l'heure d'entamer le segment sur l'écologie, Gilles Bouleau annonçait avec gravité : « Plus qu'un thème, une angoisse pour les jeunes : l'avenir de la planète ».
Eh bien les jeunes (et tous les autres) auront toutes les raisons du monde de continuer à angoisser.
En 18 minutes, les deux candidats auront eu le temps d'enchaîner les approximations et les contrevérités sans aucune forme de vérification ou de contradiction de la part des journalistes.
Pour être filmé par les caméras de télévision pendant qu'il vote dans sa ville, @JeanCASTEX a décidé de faire un aller-retour entre Paris et Prades en jet privé.
En 1 jour, il aura relâché 4460 kg de CO2 dans l'atmosphère, autant que ce qu'un Français émet en 6 mois.
Ce n'est évidement pas la première fois : @Mediapart avait enquêté sur sa passion immodérée pour les Falcon de la République, même pour des trajets très courts. Un mode de transport qui émet des centaines de fois plus de CO2 que le train. mediapart.fr/journal/france…
Deux jours après la sortie du rapport du Giec qui nous donne trois ans pour tout changer, @le_Parisien nous sort un article avec des tips pour "prendre l'avion sans culpabiliser".
"Avant d'acheter votre billet, renseignez-vous sur l'âge des avions que votre compagnie fait circuler, sachant que les plus vieux sont les plus polluants."
Mais on est où là ?!
Astuce: "on compense" "Un vol Paris-Nice émet environ 90 kg de CO2 par passager […] Un arbre permet d’en absorber environ 10 à 30 kg par an, ce qui offre un résultat nul de ce voyage au bout de trois ans.»
« Mais pourquoi ça sort tous les mois ? ». Vous avez l'impression d'entendre souvent parler du Giec mais vous n'êtes pas sûrs d'avoir tout compris ? Maintenant que le dernier tome de son nouveau rapport est sorti, résumé des épisodes précédents ⤵️
Le Giec (pour Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), ce sont des centaines de scientifiques bénévoles du monde entier qui sont mandatés par l'ONU pour écrire un nouveau rapport tous les 6 à 7 ans. vert.eco/articles/a-lau…
C'est TRES important : elles et ils ne produisent pas de données scientifiques mais agrègent et synthétisent l'ensemble des publications sur tous les sujets liés aux changements climatiques.