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May 23, 2022 23 tweets 8 min read Read on X
Aux Etats-Unis, les femmes ont un nouvel ennemi : leur téléphone. Alors que le droit à l'avortement est menacé, le secteur opaque des courtiers en données pourrait aider les groupes anti-choix et la police à les harceler.

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telerama.fr/debats-reporta…
Une récente enquête de @motherboard démontre qu'il suffit de débourser 160$ pour acquérir les données de géolocalisation des personnes qui se sont rendues au planning familial, permettant in fine de les identifier.

vice.com/en/article/m7v…
Ce qui fait peser un réel danger de violence : en 2020, la @NatAbortionFed a dénombré plus de 50 agressions à l’extérieur de cliniques, et près de 3 500 cas de harcèlement téléphonique ou par mail.

prochoice.org/national-abort…
Mais ce n'est pas tout. Des applications de suivi du cycle menstruel mouchardent auprès de Facebook, d'autres sont directement financées par des groupes anti-choix obsédés par la surveillance des modes de vie.

theguardian.com/world/2019/may…
Un simple historique de recherche peut devenir dangereux : 19 États imposent déjà la présence d’un médecin lors d’une IVG médicamenteuse, obligeant certaines femmes à utiliser Internet pour s'orienter dans leur démarche.
En 2017, Latice Fisher, une jeune femme noire, a été inculpée pour le meurtre de son fœtus quand les enquêteurs ont découvert qu’elle avait cherché des informations en ligne sur le misoprostol, un médicament utilisé lors des interruptions de grossesse.

fastcompany.com/90468030/how-a…
Ce marché de l’oppression des femmes n’est pas seulement opportuniste : il est de plus en plus structuré. En 2017, Heartbeat International, une puissante organisation anti-avortement qui revendique 2000 partenaires et une implantation dans 50 pays, a lancé Next Level. Image
Il s'agit d'un système de gestion, commercialisé auprès des professionnels de santé afin de centraliser et de partager les informations personnelles des femmes enceintes. De quoi les suivre à la trace, au nom de "la révolution du big data".

privacyinternational.org/long-read/3096…
Dans ces conditions, les anti-choix n’ont même plus besoin d’envoyer des militants munis de pancartes hostiles à l’entrée des cliniques ; il leur suffit de payer des réclames ciblées pour abreuver les candidates à l’avortement de messages dissuasifs et de fausses informations. Image
C'est toute la cruauté d'un système dans lequel les prédateurs sont mieux protégés que leurs victimes : un secteur économique dangereusement dérégulé vient raboter le droit des femmes à disposer de leur corps.
En l’absence de loi fédérale sur la protection des données, aucun texte n’encadre l’activité des data brokers. Des sénateurs s'en inquiètent, mais à ce jour, un seul État, le Massachusetts, interdit le chalutage des données de géolocalisation autour des établissements de santé Image
C'est une industrie du miroir sans tain : on ne connaît pas le nom des courtiers en données, mais eux savent 3000 choses sur chaque individu. Il s'agit d'une bombe à retardement qui fait voler en éclats la notion même d'intimité. Et ici, ce sont les femmes qui vont trinquer.
Le lien au début du thread était cassé, voici le bon : telerama.fr/debats-reporta…
Et sur le même sujet, lire le papier de @W_Chloe dans @Le_Figaro : lefigaro.fr/secteur/high-t…
En 2020, dans À la trace, mon chapitre sur les courtiers en données et le contrôle social sournois qu’ils exercent s’ouvrait déjà sur un exemple de femme enceinte… Image
Le Canard évoque aussi cette « police des utérus ». La prochaine fois que quelqu’un vous dit « je n’ai rien à cacher », parlez-lui de ça.
40 parlementaires américains écrivent à Google et Apple pour leur demander de protéger les données de géolocalisation des femmes enceintes de l’appétit de la police et de courtiers peu scrupuleux voire mal intentionnés.

thedailybeast.com/protect-pregna…
L’intention est louable mais trahit une inquiétante impuissance politique : incapable d’offrir la protection du droit aux femmes, le législateur s’en remet 1) au bon vouloir de monopoles privés 2) à la capacité technique des femmes à déjouer elles-mêmes cette surveillance.
Je complète ce thread : aux abords des cliniques américaines, les militants anti-choix ne reculent devant aucune technologie pour harceler les femmes. Certains vont même jusqu'à installer de faux réseaux wi-fi pour les inonder de propagande.

technologyreview.com/2022/05/31/105… Image
Déjà dans les années 90, les fondamentalistes consignaient leurs plaques d'immatriculation pour les identifier et les traquer jusque chez elles. Ça leur coûtait seulement 5 dollars. Avec l'irruption de la reconnaissance faciale, c'est désormais gratuit.

buffalonews.com/news/bill-seek…
Qu'est-ce qui empêchera demain des activistes anti-avortement de photographier ces femmes puis d'utiliser un logiciel comme Pimeyes pour les retrouver ? D'autant que dans certains Etats, la loi encourage déjà cette délation.

nytimes.com/2022/05/26/tec…
Une adolescente de 18 ans et sa mère seront bientôt jugées au Nebraska pour un avortement illégal. Comme on pouvait le craindre depuis l'annulation de l'arrêt Roe v. Wade, la police a réquisitionné les conversations auprès de Facebook.

businessinsider.com/police-getting…
Et ça risque hélas d'arriver de nouveau, surtout si les forces de l'ordre dissimulent les motifs pour lesquels elles réclament la coopération des plateformes. Image

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