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May 28 25 tweets 8 min read
Aujourd'hui, après plus de 20 ans passés en prison, Fusako Shigenobu, dite “la Reine rouge”, figure de l’extrême-gauche japonaise, a été libérée.
En ces temps où le terme d'extrême-gauche a été complètement dévitalisé et ne veut plus rien dire, un peu d'Histoire.
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Au milieu des années 60, de violentes protestations étudiantes se multiplient au fur et à mesure que l’opposition à la relation entre l’establishment japonais et les États-Unis se renforce au sein de la société.
Vous vous souvenez de cette photo ?
C’est dans ce contexte que Fusako Shigenobu (Fusako), alors étudiante à l’université Meiji, se rapproche de la Zengakuren (全学連), une organisation étudiante pilotée en coulisse par le Parti communiste japonais, qui exprime des ambitions bien plus larges que la cause étudiante.
À son contact, Fusako s’éveille alors à la question sociale, à la défense de la paix et de la démocratie, puis progressivement à l’activisme radical de la nouvelle gauche anti-Vietnam ; elle s’oppose à l’ANPO, au capitalisme, à l’impérialisme mondial.
Avec les années et la répression, le mouvement étudiant s’essouffle. En 1969, constatant son échec, Fusako rejoint la Fraction radicale de l’Armée Rouge (FAR) nouvellement créée par un groupe de militants trotskistes. Elle prend la tête du Bureau des relations internationales.
(Je ne vous cache pas que j'ai dû me taper la tête contre un mur pour comprendre toutes les scissions de l'Armée rouge. L'occasion de rappeler que la vanne "un trotskiste c'est un parti, deux trotskistes c'est une tendance, trois trotskistes c'est une scission" tient toujours.)
La FAR poursuit deux objectifs simultanés. Pour certains de ses membres, mener une révolution armée contre le gouvernement japonais. Pour les autres, s’expatrier à l'étranger pour porter la révolution à une échelle internationale. C'est ce second chemin que Fusako va suivre.
En 1971, après un premier séjour en détention, Fusako part au Moyen-Orient pour créer des branches internationales à la FAR.
Au Liban, où elle vivra une trentaine d’années, elle trouve un appui auprès du Front populaire de libération de la Palestine.
Rapidement, elle se sépare de la FAR, à la fois pour des raisons géographiques et idéologiques. Elle fonde alors l’Armée Rouge Japonaise (日本赤軍).
(Vous connaissez la blague ? Un trotskiste, c'est...)
L'ARJ est très active de 1972 à 1977.
Le 30 mai 1972 a lieu le massacre de l'aéroport de Lod-Tel Aviv (26 morts, plus de 100 blessés). Une opération suicide avec mitraillettes et grenades, dont on soupçonne Fusako d’être la commanditaire, à tout le moins la planificatrice.
Après la tuerie de Lod, l'ARJ provoque une série d'attentats au Moyen-Orient, en Europe et en Asie du Sud-Est. En 1974, une prise d’otages revendiquée par l’Armée Rouge Japonaise a lieu à l’ambassade de France aux Pays-Bas. Celle-ci va durer une centaine d’heures.
Plusieurs personnes sont blessées et la France se voit contrainte de libérer un membre de l’ARJ.
Un mandat d’arrêt Interpol est émis contre Fusako, après qu’un des otages l’a identifiée comme l'un des preneurs d’otages. Il se rétracte par la suite mais le mandat, lui, demeure.
C’est lorsque Fusako rentre clandestinement au Japon en 2000 qu'elle est finalement arrêtée. Bien que l’accusation n’ait jamais pu apporter de preuve de son implication dans la prise d'otages, elle est détenue sans autorisation de contact avec l'extérieur pendant 6 ans.
A l’issue d’un long procès hyper-médiatisé à la tenue douteuse (certains témoins à charge avoueront plus tard qu’ils avaient été soit contraints, soit soumis à chantage), Fusako est finalement incarcérée.
Après 27 ans de détention, elle a été libérée ce matin.
Au Japon (comme dans beaucoup de médias internationaux), il ne reste quasiment plus rien du discours politique de Fusako. Elle n'est plus désormais qu'un symbole. Celui du terrorisme ; des opérations militaires, des prises d’otages, des détournements d’avions, des braquages.
On cite souvent "l'affaire du chalet Asama" (dont je vous reparlerai) comme marqueur de la fin de l'extrême-gauche au Japon et du relais au second plan de la question sociale au profit du renforcement des positions du Parti hégémonique libéral-démocrate.
nippon.com/fr/in-depth/d0…
Cependant, l'arrestation spectaculaire de Fusako et l'imaginaire collectif qu'il a nourri a participé à mettre un dernier clou dans le cercueil de l'extrême gauche révolutionnaire japonaise, finissant d'emporter avec lui ses idées, et une partie des idées de la gauche japonaise.
Dans un livre dédié à sa fille unique, Fusako souligne : « Au départ, je n’étais pas particulièrement pro-Arabe ni hostile à Israël. Mais la cause palestinienne résonnait en nous, jeunes gens qui étions opposés à la guerre du Vietnam et avides de justice sociale. »
Lucide, elle confie en 2017 au Japan Times : « nos espoirs n’ont pas été comblés et cela s’est terminé de façon horrible. Les Japonais sont à présent encore plus apathiques sur les questions politiques qu’ils ne l’étaient autrefois (…)
japantimes.co.jp/news/2017/06/0…
et je pense que mes actions et celles d’autres y ont contribué ».
Fusako Shigenobu reste attachée à son objectif : les mouvements révolutionnaires doivent coopérer afin de conduire à une révolution socialiste mondiale. Et si elle admet qu'elle ne la connaîtra pas de son vivant,
elle ajoute : « Le monde devient de plus en plus homogène [...] mûr pour la révolution, en termes matériels. Tant que l'humanité continuera d'être niée, la révolution humaniste mondiale aura sûrement lieu dans une génération future. Je porterai un toast dans l'au-delà. »
Erratum : attention à la deuxième photo du premier tweet tout le monde, je me suis fait avoir 😭
Par contre je vous vois tous liker la blague sur les trotskistes, c'est pas bientôt fini 😭
Erratum 2 : 2000 à 2022, ça fait 22 ans. Pas 27.
J'ai fait spé maths.
Pour ceux qui sont un peu curieux de l'affaire du chalet Asama :

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May 18
Puisque j'ai vu pas mal de gens ces derniers mois fantasmer la qualité de l'éducation et par corollaire la qualité du système scolaire japonais, il est utile de rappeler la réalité suivante : les enseignants japonais crèvent au travail, et de plus en plus.
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70%. C'est le nombre d'enseignants du secondaire qui, selon une enquête récente, dépassent chaque mois le seuil pouvant mener au karoshi (過労死, « mort par surmenage »), fixé à plus de 80 heures supplémentaires par mois. Soixante. Dix. Pourcent.
On estime que le nombre d’heures supplémentaires atteint en moyenne 90 heures en primaire, et quasiment 120 au secondaire (!)
mainichi.jp/articles/20220…
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