Thread by @FennecdesFagnes

Cet échange entre @Gemenne et @JeremyDodeigne est éclairant sur deux conceptions de la l'écologie qui s'affrontent aujourd'hui ; ou plus exactement sur le fait que l'une d'entre-elles se montre très agressive avec l'autre.

Comment ?
Et pourquoi ?

https://twitter.com/Gemenne/status/1532777622094204928

La première, défendue par @Gemenne, est l'écologie du changement systémique : elle focalise ses efforts sur les plus gros pollueurs, soit les États et les entreprises.

La seconde, dont @JeremyDodeigne s'est fait la voix dans cet échange, cible les comportements individuels. C'est l'écologie des petits gestes quotidiens, des colibris "qui font leur part".

Pourquoi s'affrontent-elles alors qu'elles devraient être complémentaires ? Ou, plus exactement, pourquoi l'écologie des colibris attaque certains défenseurs de l'écologie systémique ?

Premièrement parce que comme toute idéologie basée sur une idée de "pureté" (ici une pureté à empreinte zéro carbone), l'écologie colibris finit par bouffer ceux des siens qui ne sont pas assez "purs".

Deuxièmement, les États et les entreprises ont vite compris qu'aussi longtemps que le focus était sur les comportements individuels, on leur fouterait la paix en termes de changements systémiques.

L'écologie des colibris est ainsi devenue très populaire auprès des États et entreprises, puisqu'elle constitue paradoxalement l'alibi parfait à leur absence de changement systémique.

"Nous n'avons pas de raison de changer aussi longtemps que la grande majorité des individus n'a pas elle-même fait le changement."

C'est donc sans surprise que cette idéologie ait pris l'ascendant a
dans tous les partis verts européens, ainsi que dans les sphères économiques, médiatiques, académiques, etc.

Les entreprises poussent-elles vraiment une telle idéologie écologique ?

Oui.

Dernière illustration en date: le représentant d'Alibaba qui à Davos proposait d'instaurer un "tracker d'empreinte carbone individuelle".

https://twitter.com/AndrewLawton/status/1529045188764921856?t=WfL14Nz7RzD_-vhuSEKrpA&s=19

Les États et entreprises ont donc trouvé deux avantages dans l'écologie colibris :

1. Une diversion bienvenue face aux demandes de changement systémique qui pèsent sur eux.

2. Un moyen de neutraliser les représentants de l'écologie systémique en les attaquant sur leurs choix individuels, car personne ne sera jamais assez pur pour atteindre l'idéal zéro carbone fantasmé par certains.

Était-ce donc consciemment ou non que @JeremyDodeigne a si bien illustré ce dernier avantage en attaquant @Gemenne sur des choix personnels dont il ne fait pas mystère et qu'il justifie ?

La question mérite d'être posée.

Pour ma part je préférerais toujours un tenant du changement systémique qui ne vit pas (encore) l'idéal au niveau individuel et qui le reconnaît ouvertement...

... À un colibri qui gaspille son énergie à vernir picorer sur l'une des figures d'autorité de l'écologie dans le monde francophone, plutôt que de se focaliser sur ceux qui sont vraiment des obstacles à la transition écologique.
#OwnGoal