Hier, j'ai présenté une partie de mes travaux aux Palais des Beaux-Arts de Lille, à travers le sujet suivant : "Refuser la laideur et l'empoisonnement. Une autre histoire de l'industrialisation dans le Nord de la France (1810 - années 1860)". Résumé en 25 tweets #envhist 1/25
Aujourd'hui, nous sommes très largement conscients des atteintes que nous portons à l’environnement et donc de la nécessité de le préserver. Mais on se tromperait en croyant que cette conscience est récente. 2/25
Si le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité sont des enjeux réellement inédits pour l’espèce humaine, le rejet de la pollution et de la détérioration de l’environnement a une longue histoire, dans laquelle l'industrialisation occupe une place majeure. 3/25
Le Nord de la France s'est rapidement industrialisé au XIXe siècle, devenant un moteur de la puissance économique française. Mais cela ne s'est pas fait sans peine, pour les hommes (question sociale) et pour la nature ("question environnementale"). 4/25
Les pollutions industrielles n'ont pas été acceptées docilement par la population. Elles ont fait l’objet de résistances, lesquelles s’inscrivent dans un double refus : refus de la dégradation des lieux de vie ; refus de la dégradation des corps. 5/25
Pour se plaindre des nuisances, les habitants peuvent s'appuyer, à partir de 1810, sur une loi très importante dans la régulation environnementale de l'époque : le décret sur les établissements insalubres. 6/25
Ainsi, les plaintes sont continuelles au voisinage des fabriques. Un exemple parmi 1000 autres : le 16 juillet 1837, des Valenciennois ont soumis une pétition au sous-préfet de l’arrondissement pour s’opposer aux fumées "délétères" émises par une fabrique de potasse. 7/25
Les habitants ne sont pas satisfaits, et en 1842, ils soumettent une nouvelle pétition, cette fois au maire Direz. L'odeur serait si insupportable qu'il a fallu suspendre une séance du Conseil municipal "tellement l’odeur répandue dans l’air était infecte" ! 8/25
On se plaint aussi bien sûr, du noircissement de la ville. Charles Bonnier, intellectuel socialiste d’origine lilloise, raconte dans ses souvenirs que, lorsqu’il était enfant dans les années 1860, l’une de ses plus grandes craintes était les "'noirées', ... 9/25
particules de charbon qui venaient salir les habits et les figures, vous exposant à de nombreux lessivages". De fait, Lille était beaucoup moins belle à cette époque qu'aujourd'hui ... 10/25
Parmi les médecins, on va jusqu'à craindre la dégénérescence raciale à cause du problème des pollutions. Selon le Dr. Dupont, les Lillois sont littéralement déformés par l'insabrité du travail industriel. 11/25
Des auteurs voient dans la démesure industrielle et urbaine le signe d'une profonde décadence morale, comme le poète roubaisien Louis Decottignies, qui a écrit un poème consacré à sa ville d'origine en 1841, dont voici quelques extraits illustrés. 12/25
Les plus pessimistes craignent même l'effondrement de la civilisation, à l'instar du Valenciennois Désiré Tricot, auteur d'un poème anti-industriel en 1847, intitulé "Un paradoxe". 13/25
Malgré tout, l'industrie et ses nuisances ont fini par s'imposer à la population. Le choix a été fait (on peut le dire avec le recul) de privilégier la prospérité au détriment de l'environnement. Les fabriques et les cheminées ont donc aussi une image positive. 14/25
Les sociétés savantes locales organisent de plus en plus des concours de poésie où l’on fait l’éloge de l'industrie, voire de leurs fumées. En voici un exemple. 15/25
Chez les simples gens, on chante le "carbon", sans se plaindre des fumées et de la poussière qui résultent de sa combustion. De manière générale, je pense qu'on peut dire du Nord qu'il a été impregné par une "culture du charbon". 16/25
Cette notion de "culture du charbon" est inspirée du récent livre de Charles-François Mathis consacré à la "civilisation du charbon" dans l'Angleterre des années 1830-1930. Elle a pour marqueur le "culte de la cheminée qui fume" (@MassardGuilbaud)
Enfin, les élites politiques et scientifiques ont massivement adopté l'idéologie industrialiste, niant parfois les motifs de plainte des habitants. Voici, pour reprendre l'exemple supra, ce qu'ont répondu les experts aux Valenciennois opposés à la fabrique de potasse. 18/25
Il ne faudrait pas conclure que tous les savants du Nord sont devenus insensibles à la dégradation de l’environnement. En fai ils reconnaissent assez souvent les torts commis par les industriels et on ne peut pas parler de "changement de paradigme".
Mais l’idée que les nuisances sont forcément un risque, voire un danger pour la santé, ne semblent plus faire consensus. Du reste, quand la menace est reconnue, ce sont des solutions industrielles sont proposées, par exemple les fourneaux fumivores. 20/25
En 1865, le gouvernement français a rendu obligatoire la mise en place de ces fourneaux dans les usines. C’est une étape importante, non pas dans la lutte contre les pollutions, mais dans leur "naturalisation". 21/25
Comme l'écrivent François Jarrige et Thomas Le Roux (2017), "une attitude fataliste prévaut, qui fait des pollutions l’effet regrettable mais inévitable d’un processus d’émancipation plus global". 22/25
On l’aura compris, au XIXe siècle, il ne faisait pas forcément bon vivre dans les villes industrielles du Nord de la France. Ces villes ont progressivement, surtout à partir des années 1840, étaient contaminées par le "démon moderne" (2002). 23/25
Commentant la transformation de Roubaix durant la première moitié du siècle, le journaliste lillois Hippolyte Verly, directeur de l'Écho du Nord, écrivait ceci sous son pseudonyme. 24/25
À l'heure où les contaminants et les pollutions se sont multipliés à l'échelle globale, confirmant la sombre vision de Verly, tâchons de ne pas faire table rase de la beauté du monde ! 25/25
Je remercie mon directeur de thèse, le @PBALille et le comité d'organisation du festival. C'était une très belle journée !
Une des meilleures défenses de l'antispécisme que j'ai pu voir. Je suis convaincu de la justesse du combat des antispécistes et de la nécessité de revoir complètement nos rapports aux animaux. Quelques remarques cependant ... 1/20
La première concerne le principe de base de l'antispécisme : pour citer @MonsieurPhi, "l'espèce ne devrait pas être un critère pertinent pour la même considération morale d'un même intérêt à ne pas souffrir." 2/20
Je trouve ce principe assez intuitif, mais certaines de ses implications problématiques. Premièrement, si en effet il n'est pas si coûteux de se passer de viande ou de fourrure, peut-on se passer de l'expérimentation médicale ? 3/20
Je viens d'apprendre la mort d'un maître du jazz funk, que j'écoute depuis une bonne quinzaine d'années maintenant : Bernard Wright (1963-2022), un artiste qui aurait mérité une notoriété bien plus grande. Un hommage sous forme de thread musical 🎶⤵️
Le premier morceau que j'ai découvert de Wright est le suivant : Nous sommes en 1981, "Nard" a à peine 18 ans et un très grand talent de claviériste. Notez la qualité du jeu du bassiste, qui n'est autre que Marcus Miller, 21/22 ans à l'époque !
Malgré son jeune âge Bernard Wright a déjà une riche expérience musicale, ayant grandi auprès de musiciens célèbres, et notamment de la grande Roberta Flack, que vous connaissez tous, bien sûr !
L'histoire semble se répéter (ou bégayer, disent certains), car il est très facile de faire des parallèles entre plusieurs situations historiques, même si ces dernières sont en fait très dissemblables.
Par exemple, on compare souvent, à gauche, le contexte français actuel avec celui des années 1930, en faisant le parallèle entre la montée du RN et celle du fascisme, entre l'islamophobie et l'antisémitisme, Zemmour et Maurras, etc.
🧶 intéressant sur les limites d'une éthique de l'IA essentiellement tournée vers la question des "risques existentiels". Beaucoup de gens, trop fascinés par la puissance d'une hypothétique "superintelligence", oublient que l'IA très bête d'aujourd'hui pose déjà d'immenses pb.
S'il ne fallait citer qu'un exemple : l'incapacité des algorithmes a lutter contre la propagande génocidaire du gouvernement éthiopien et leur je-m-en-foutisme intégral face à ce drame atroce (merci @Vlanx pour cette capsule à rt !) :
De manière générale, la focalisation sur le risque de se trouver un jour confronté à une superintelligence hostile implique une relativisation très dangereuse de ce qu'il y a de pire dans le monde tel que nous le connaissons.
Je suis tombé sur cette vidéo un peu par hasard et après l'avoir visionnée, elle m'a inspiré quelques réflexions (sur la culture générale plus que sur Idriss Aberkane [IA], que j'ai toujours considéré comme une imposture intellectuelle).
Tout d'abord, je me désole qu'IA soit cité comme un exemple d'homme cultivé. Je crois que c'est se méprendre totalement sur ce qu'est vraiment la culture générale (CG).
Il se trouve que j'ai donné pendant deux ans un cours de "CG" à l'université de Valenciennes. J'avais un groupe de L1 en administration générale. Concrètement, j'avais carte blanche pour parler des "grands enjeux du monde contemporain".
Lacan : Au fait, j'ai dit ça pour les assonances 🤡
Cette blague n'en est pas vraiment une, car c'est ce que rapporte Jacques van Rillaer, psychologue et ex-lacanien dans ses livres.
Lacan est peut-être l'auteur qui a poussé jusqu'au bout la logique de "l'effet gourou" (Dan Sperber, 2010) : plus c'est obscur, plus le Maître est inaccessible, plus c'est intellectuellement fascinant.