Samy Bounoua Profile picture
Agrégé d'histoire ATER @ScPoLille Doctorant en histoire environnementale @IRHiS_ULille Membre de @AphgNPDC @AJCHistoire @le_ruche
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Nov 22 27 tweets 7 min read
Comment, dans des contextes guerriers extrêmes, des hommes ordinaires peuvent-ils se muer en tueurs génocidaires ? C’est à cette question abyssale que Christopher Browning entend répondre dans son étude du 101e bataillon de réserve de la police allemande durant la Shoah. 1/25 Première de couverture du livre de Christopher Browning, «Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne» (Éditions Les Belles Lettres, 1994, première édition en 1992). Les membres de ce bataillon appartiennent à la police de maintien de l’ordre (Ordnungspolizei, ou «Orpo»). Créée en 1936, cette formation regroupe les polices nationales, municipales, rurales et des petites communautés urbaines. 2/25 Drapeau de l’Ordnungspolizei.
Oct 13 25 tweets 7 min read
Dernièrement, le grand-rabbin Haïm Korsia a déclaré que les bombardements de Gaza ne seraient pas déshumanisants, contrairement au massacre du 7 octobre.
En réalité, les tueries indiscriminées des populations civiles poussent la déshumanisation au bout de sa logique. 1/25 En disant cela, il n’est bien sûr pas question de minimiser la gravité de l’attaque du Hamas. Pour s’en prendre de façon aussi barbare à des civils, il faut se convaincre de leur altérité radicale. En l’occurrence, l’antisémitisme est un puissant moteur de déshumanisation. 2/25
Oct 2 27 tweets 6 min read
Dans le monde capitaliste, l’augmentation de la production – «la croissance» – serait la concrétisation de l’idée de progrès. Ce lien entre croissance et progrès a été théorisé par un important penseur des Lumières : Adam Smith.

III. Progrès et croissance selon Adam Smith

1/25 Première de couverture du livre de Christian Marouby, «L’économie de la nature. Essai sur Adam Smith et l’anthropologie de la croissance» (Seuil, 2004). Dans l’œuvre de Smith, l’équivalence entre croissance et progrès repose sur une anthropologie, c’est-à-dire sur une conception de l’humanité et de l’évolution des sociétés. C’est ce que montre Christian Marouby, spécialiste du XVIIIe siècle, dans «L’économie de la nature». 2/25
Sep 6 25 tweets 6 min read
L’urgence, lot quotidien de quantité de personnes, instaure un rapport au temps asservissant et destructeur. D’après le philosophe Christophe Bouton, elle est la norme temporelle dominante imposée par le capitalisme triomphant. 1/25 Première de couverture du livre de Christophe Bouton, «Le temps de l’urgence» (2013). Certes, l’urgence n’est pas un phénomène nouveau : il a toujours fallu réagir rapidement en cas de danger imminent. Cependant, elle est désormais un «fait social total» : «elle se propage dans la totalité des institutions et secteurs de la société». 2/25
Aug 3 21 tweets 5 min read
L’idéologie de la Silicon Valley est souvent décrite comme un mélange d’idées libertaires, héritage des pionniers hippies de l’informatique, et de libéralisme économique. En réalité, elle est traversée par des idées réactionnaires et autoritaires. 1/20 C’est ce que montrent les auteurs et autrices de l’anthologie «Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley». @CellardLoup et @G_Heuguet, coordinateurs de l’ouvrage, reprennent à ce propos le concept de Jeffrey Herf de «modernisme réactionnaire». 2/20
Jul 28 25 tweets 7 min read
«Dans le capitalisme il faut voir une religion».

C’est ce qu’affirme le philosophe Walter Benjamin dans un court texte inachevé écrit en 1921, et publié pour la première fois en 1985. Dans ce fil, nous allons exposer cette thèse radicale, mais plus actuelle que jamais. 1/25 Première de couverture du livre «Le capitalisme comme religion», contenant plusieurs textes de Walter Benjamin (Payot, 2019). Pour Benjamin, Max Weber a raison d’analyser le capitalisme comme une «formation conditionnée par la religion», en l’occurrence par «l’éthique protestante», qui valorise le travail et l’enrichissement. 2/25
Jul 20 25 tweets 8 min read
L’État israélien poursuit sa politique potentiellement génocidaire dans l’impunité la plus totale. Pour ce faire, il utilise notamment des drones tueurs, qui d’après le philosophe Grégoire Chamayou, «sont les armes d’un terrorisme d’État». 1/25 Première de couverture du livre de Grégoire Chamayou, «Théorie du drone» (La fabrique éditions, 2013). Défini comme un «véhicule terrestre, naval ou aéronautique, contrôlé à distance ou de façon automatique», le drone est d’abord un engin de reconnaissance : c’est à cette fin qu’il est utilisé par l’armée américaine durant la guerre du Vietnam. 2/25 Ryan Model 147 "Lightning Bug", drone américain de reconnaissance en basse altitude (AQM-34L), Strategic Air Command & Aerospace Museum.
Jul 13 25 tweets 6 min read
Si le Rassemblement National (RN) est arrivé en 3e position lors des dernières élections législatives, ce sont plus de 10 millions de Françaises et de Français qui ont opté pour ce parti. D’après le sociologue Félicien Faury, ce choix est largement motivé par le racisme. 1/25 Première de couverture du livre de Félicien Faury, «Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite», Paris, Seuil, 2024. Là où il a enquêté, dans le sud-est de la France, Félicien Faury a constaté que les électeurs RN tiennent régulièrement des propos racistes contre les minorités d’origine non-européennes. Celles-ci sont vues comme étant «homogènes», «différentes et séparées». 2/25
Jun 30 26 tweets 7 min read
Dernièrement, je suis revenu sur le mythe selon lequel le Frente Popular a provoqué la guerre civile espagnole. Aujourd’hui, je voudrais démonter un autre mensonge anti-gauche : la prétendue responsabilité du Front Populaire (FP) dans la défaite de 1940. 1/25
Image Ce mensonge, fréquemment ressorti par la droite et l’extrême droite, a une sombre origine. Il est formulé dès le 20 juin 1940 par Philippe Pétain, alors président du Conseil des ministres, deux jours avant la signature de l’armistice avec l’Allemagne nazie. 2/25
Jun 16 25 tweets 8 min read
En réaction à la constitution du Nouveau Front Populaire, le journaliste @JJDORADO a déclaré sur @RTLFrance que la France court un grave danger, car «le Front Populaire en Espagne, en 1936, nous a amené la guerre civile».

Démontons cet argument habituel de l’extrême droite. 1/25 Comme toujours en histoire, pour bien comprendre les choses et faire les bonnes comparaisons, il faut prêter attention au contexte. En 1936, cela fait cinq ans que l’Espagne est une République, régime créé par des modérés après la dictature de Miguel Primo de Rivera. 2/25 Drapeau de la Seconde République espagnole (tricolore de bandes rouge, jaune et violet de même taille ; au centre de la bande jaune se trouve un blason formé par les armes de Castille, de León, d’Aragon, de Navarre et de Grenade).
Jun 2 25 tweets 6 min read
Il y a quelques semaines, je suis revenu sur le concept de banalité du mal d’Hannah Arendt : le mal commis de manière totalement détachée, comme si de rien n’était. Selon la philosophe, agir de la sorte implique une «pure absence de pensée». Que faut-il entendre par là ? 1/25
Première de couverture du livre de Martine Leibovici et d’Anne-Marie Roviello, «Le pervertissement totalitaire. La banalité du mal selon Hannah Arendt» (2017). En premier lieu, rappelons que ce concept s’applique au génocidaire nazi Adolf Eichmann. Contrairement à une mauvaise interprétation de la pensée d’Arendt, cette dernière dit bien qu’il est coupable et responsable de ses crimes, lesquels sont «sans précédents». 2/25 Le criminel nazi Adolf Eichmann dans sa cellule de la prison de Ramie en Israël
May 26 26 tweets 7 min read
Récemment, un article du Monde sur l’engagement écologiste d’un grand nombre de scientifiques (notamment des spécialistes du climat) a relancé un vieux débat : la science est-elle neutre ? Je soutiens que ce n’est pas le cas. Voyons pourquoi. 1/25
lemonde.fr/sciences/artic…

Image d’illustration : titre «La science est-elle neutre ?», sur un fond noir représentant des équations stylisées. Avant toute chose, il convient de clarifier les termes de cette question. S’accorder sur une définition générale de «la science» n’est pas chose aisée, car ce mot recouvre des disciplines extrêmement diverses, dont les objets et les méthodes peuvent différer radicalement. 2/25
May 22 4 tweets 1 min read
"La Science" n'a jamais été neutre.

Petit rappel historique. 1/2 ⬇️
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May 5 27 tweets 7 min read
Dernièrement, j’ai évoqué le mythe de la neutralité de la technique, c’est-à-dire l’idée suivant laquelle la fonction de nos instruments ne dépend que de leur usage (le couteau peut servir à tuer ou a cuisiner).
Le philosophe Langdon Winner nous apprend qu’il n’en est rien. 1/25 Première de couverture du livre de Langdon Winner, «La baleine et le réacteur. À la recherche de limites au temps de la haute technologie» (première édition en anglais en 1986). Selon lui, les technologies (ou objets techniques) ne sont pas simplement «des assistants de l’activité humaine» : «elles sont aussi de puissantes forces qui refaçonnent cette activité et sa signification» : la mécanisation de la production transforme le travail ;
2/25
Apr 21 25 tweets 7 min read
Il est actuellement beaucoup question d’Hannah Arendt et de son concept de «banalité du mal», formulé dans l’ouvrage «Eichmann à Jérusalem», paru en 1963. Ce concept continue de susciter bien des polémiques. Tentons de comprendre ce qu’a voulu dire la philosophe. 1/25
Première de couverture du livre d’Hannah Arendt, «Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal». L’idée de banalité du mal découle de l’analyse du procès de l’ancien SS Adolf Eichmann, condamné à mort le 11 décembre 1961, à Jérusalem, pour avoir été l’un des responsables de la «solution finale de la question juive» pendant le second conflit mondial. 2/25 Eichmann à son procès, en 1961.
Apr 7 27 tweets 7 min read
Le mois dernier, sur la chaîne YT de @NoeJacomet, j’ai dialogué avec @Positions_revue sur les thèmes de la démesure, de la décroissance et du socialisme. J’aimerais revenir sur un point essentiel de la discussion : le mythe de la neutralité de la technique. 1/25 Première de couverture du livre de François Jarrige, «Techno-critiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences» (Paris, La Découverte, 2016). Par technique, on peut entendre avec l’historien François Jarrige l’ensemble «des dispositifs imaginés pour suppléer les forces de l’homme et accroître son emprise sur le monde et la nature». Dans un sens plus large, la technique englobent tous les savoir-faire. 2/25
Mar 30 26 tweets 7 min read
Cette vidéo de @RaveaudGilles sur @blast_france suscite de nombreuses critiques, notamment de la part des libéraux. Si certaines sont justifiées, il importe de revenir sur l’histoire du libre-échange, qui comme l’a montré Paul Bairoch, est obscurcie par bien des mythes. 1/25
Première de couverture du livre de Paul Bairoch, «Mythes et paradoxes de l’histoire économique» (Paris, La Découverte, 2005). Dans cette vidéo, Gilles Raveaud revient sur la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo : chaque pays aurait intérêt à se spécialiser dans une production et à échanger librement avec les autres, spécialisés dans d’autres productions. 2/25 David Ricardo (1772-1823), économiste et philosophe britannique.
Mar 24 25 tweets 8 min read
Le nazisme est un mélange d’extrême réaction – racisme, primat de l’instinct sur la discussion rationnelle – et d’extrême modernité – industrialisme et technolâtrie. C’est cette synthèse qu’analyse l’historien Jeffrey Herf dans son ouvrage «Le modernisme réactionnaire». 1/25 Couverture de la traduction française du livre de Jefrey Herf, «Le modernisme réactionnaire. Haine de la raison et culte de la technologie aux sources du nazisme» (Paris, L’échapée, 2018). Comme l’auteur le rappelle, l’idéologie nazie s’est développée dans un contexte tout à fait particulier : l’Allemagne de la République de Weimar, un pays meurtrie par la défaite de 1918 et marquée par une très grande instabilité politique et économique. 2/25
Feb 23 21 tweets 7 min read
On a tous appris qu’en 1492, Christophe Colomb a découvert l’Amérique. En fait, ce dernier est toujours resté convaincu d’avoir atteint l’Asie. Le navigateur a tout de même fait une découverte... surprenante : celle du changement climatique ! 1/20

Vidéo : Conquistador à cheval, s'enfonçant dans l'eau. Titre : «La vraie découverte de Christophe Colomb» C’est ce que relatent les historiens Fabien Locher et Jean-Baptiste Fressoz dans leur ouvrage «Les Révoltes du ciel», paru en 2020.
Dans ce livre, on apprend qu’en 1494, au large de la Jamaïque, Colomb fait vite l’expérience très désagréable des pluies tropicales. 2/20 Couverture du livre de Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, «Les Révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique, XVe - XXe siècles."
Feb 9 8 tweets 2 min read
Oui, l'École est un cadre qui peut être violent et humiliant, notamment à l'égard des plus fragiles. Les enseignants le savent bien. Cependant, que propose François Bégaudeau pour résoudre ce problème ? Un remède pire que le mal. 1/8 Ce qu'il souhaite, c'est l'abolition de l'École, ou du moins de l'obligation scolaire. Dès lors, comment les enfants apprendront à lire, à écrire, à réfléchir ? Il n'en dit rien et parle, de manière vague, de "bons environnements de vie".
(2h02'27''). 2/8
Feb 4 25 tweets 8 min read
On peut définir la science comme étant l’ensemble des connaissances dont la véracité est établie par des méthodologies spécifiques et éprouvées. Elle aurait émergé aux XVIe et XVIIe siècles, grâce aux travaux de Copernic, Galilée, Kepler et bien sûr Newton. 1/25 Image Cependant, l’historien Guillaume Carnino montre qu’en France, cette définition et cette filiation se sont construites au XIXe siècle.
C’est en effet durant cette période que le mot de «science» change de signification. 2/25