147e et presque dernier jour d'audience, aujourd'hui, au procès des attentats du #13Novembre 2015.
Avec les dernières plaidoiries de la défense, celles de Mes Olivia Ronen et Martin Vettes pour la défense de Salah Abdeslam.
LT de ces dernières plaidoiries à suivre ici, dès que l'audience reprend.
En attendant, vous pourrez retrouver les portraits des avocats de Salah Abdeslam.
L'audience reprend. C'est Me Martin Vettes qui s'avance le premier à la barre pour la défense de Salah Abdeslam : "quelques jours avant l'ouverture du procès, j'ai pris connaissance, comme tout le monde, des informations pratiques pour me rendre dans cette salle d'audience".
Me Vettes : "pour essayer de voir comment allait se passer V13. Et j'apprenais que votre cour d'assises spécialement composée allait siéger au milieu d'un véritable bunker. Ce qui est un peu désagréable et inquiétant parce que cela trahit une justice frileuse".
Me Vettes : "et je me suis posé la question : comment pourriez vous juger au milieu de policiers en armes de guerre? Mais on m'a dit que c'était justement pour garantir la sérénité des débats. "
Me Vettes : "alors, je me suis, comme tout le monde, plié aux mesures de sécurité. Et j'ai, comme tout le monde, bu une gorgée d'eau de ma gourde chaque jour pour montrer que ce n'était ni de l'acide, ni du poison."
Me Vettes : "mais surtout, ce que j'ai vu c'est la dignité des victimes. Et encore ce matin, nous avons reçu des encouragements. Et toutes ont eu la délicatesse de nous laisser bien faire notre travail."
Me Vettes : "je ne sais pas ce que l'Histoire retiendra de ce procès mais pour ma part, ceci : nous avons pu faire notre travail, correctement notre métier et nous le devons, aussi, aux victimes."
Me Vettes : "nous avons le sentiment qu'en dehors des parties civiles, beaucoup sont arrivées à l'audience avec un certain nombre de certitudes et la conviction chevillée au corps qu'elles ont bien raison de penser ce qu'elles pensent."
Me Vettes : " Salah Abdeslam vous a dit, lors de son premier interrogatoire : "par où commencer?". C'est vrai. Par où commencer? Surtout quand tout semble déjà avoir été dit et écrit. Mais je ne pense pas que tout ait déjà été écrit."
Me Vettes : "est-ce qu'un jour cet homme pourra revenir ans la société ou est-ce qu'il est définitivement perdu? Alors, je vais vous donner notre lecture, avec Olivia Ronen, de ce que nous observons ici depuis 9 mois."
Me Vettes : "notre propos a pour seule ambition de vous démontrer en quoi la peine que vous réclamez est démesurée."
Me Vettes : "C'est quoi V13 ? A quoi ça sert ce procès ? Cette question, en apparence saugrenue, vous a été plaidée avec le plus grand sérieux par les confrères de parties civiles. V13 ce n'est pas une commission parlementaire, pas d'avantage une cérémonie mémorielle."
Me Vettes : " un procès historique ce n'est pas nécessairement un bon procès. C'est souvent même le contraire quand on y regarde de plus près et qu'on se penche sur les peines prononcées dans les procès dits historiques."
Me Vettes : "en revanche, un procès historique est toujours un procès politique.
Monsieur le président, vous avez voulu contenir les propos politiques de certains. Sauf qu'à chaque fois que vous avez voulu chasser la politique du prétoire, elle est revenue au galop."
Me Vettes : " une certaine lecture politique est même faite par l'accusation elle-même pour vous demander à l'encontre de Salah Abdeslam, la peine maximale."
Me Vettes : "Salah Abdeslam vous a dit, et cela a beaucoup dérangé, que pour lui, ces attentats sont une réponse aux bombardements [en Syrie, ndlr]. Il ne les a pas justifié par une soif de sang."
Me Vettes : "qu'importe les faits, qui a frappé qui en premier, à mes yeux, ça ne justifie rien. Jamais, jamais. Ce qui compte à mes yeux, c'est que Salah Abdeslam a, à un moment, adhéré à un certain discours. Et c'est ce glissement qui m'intéresse."
Me Vettes : "Alors François Hollande est venu à cette barre, à la demande de parties civiles; François Hollande c'est celui qui s'est réjouit de la tenue de ce procès. Mais ce procès ne doit pas être une prolongation de la lutte contre le terrorisme. C'est le procès d'accusés."
Me Vettes : "reste aussi, la question du découpage judiciaire entre la France et la Belgique. Et le coût est très lourd pour celui qu'on défend, qui risque de cumuler 20 ans de prison et deux perpétuités. Cela fait quand même beaucoup pour un seul homme, même Salah Abdeslam."
Me Vettes : "je crois qu'on n'a pas besoin d'être un grand expert psychiatre pour voir que du côté de Salah Abdeslam, septembre dernier représente un choc social, que c'était quelque chose pour lui de ce retrouver dans ce box, face au monde hostile."
Me Vettes : "alors les médias se sont régalés de ses sorties pour entretenir la figure du mal, du diable qui sort de sa boîte".
Me Vettes : "contrairement à ce que beaucoup craignaient, il n'a pas transformé ce procès en tribune pour déverser la propagande de Daech. Il est venu presque tous les jours à cette audience."
Me Vettes : "il n'a pas raté un seul des 415 témoignages de parties civiles. Alors évidemment, on ne va pas lui décerner une médaille pour avoir écouté les victimes. C'était, quelque part la moindre des choses. Mais il a reçu ces paroles, pour lui, et aussi tous les autres."
Me Vettes : "alors oui, il a entendu toutes ces victimes, chacune d'entre elles, c'était sans doute la moindre des choses. Et il n'en a pas fini de se souvenir de ces dépositions. Soyez-en certains, Salah Abdeslam a emporté chaque témoignage avec lui. Et pour longtemps."
Me Vettes : "lors de son dernier interrogatoire, il y eu des excuses en larmes. Certains y ont vu une stratégie de défense. Alors, je le dis et chacun en fera ce qu'il voudra. Mais les excuses et les larmes de Salah Abdeslam n'étaient ni prévues, ni demandées."
Me Vettes : "elles étaient spontanées et sincères. Mais je vais quand même vous dire pourquoi nous n'avons jamais mis en place une stratégie lacrymale. Parce que je suis convaincu que ce n'est pas le rôle de l'avocat. Mais aussi parce que nous redoutions le prix des larmes".
Me Vettes : "je suis certain, quoi qu'on en dise, ce procès n'aura pas du tout été le même si Salah Abdeslam avait gardé le silence et qu'il y aurait eu un profond sentiment d'échec si tel avait été le cas."
Me Vettes : "il n'a pas gardé le silence, mais que vaut sa parole. J'ai le sentiment que du côté du Pnat [parquet national antiterroriste, ndlr] n'a jamais rien valu. Et ce, avant même qu'il ouvre la bouche".
Me Vettes : "Salah Abdeslam est accusé de de multiples faits. Mais il encourt la réclusion criminelle à perpétuité incompressible pour une seule infraction : les tirs au Bataclan contre les policiers de la BRI."
Me Vettes : "mais en neuf mois de procès, il n'y a pas une seule question sur ce prétendu projet de tuer des policiers auquel Salah Abdeslam aurait adhéré. "
Me Vettes : "Salah Abdeslam n'est, pas plus que d'autre dans cette salle, pourvu d'une mémoire illimitée. Comme chacun d'entre nous, il ne se souvient pas de tout ce qu'il s'est passé il y a 6 ans ou plus. Mais on dirait que l'accusé n'a tout pas le droit aux trous de mémoire".
Me Vettes : "Salah Abdeslam qui n'est pas le perroquet de ses avocats ni d'ailleurs l'inverse a une parole avec ses défauts, ses trous. Mais au cours de ce procès, Salah Abdeslam a livré la sienne de vérité."
Me Vettes : "Salah Abdeslam a tu certaines choses, refusé d'en incriminer d'autres. Et avec Olivia Ronen, nous l'avons accepté parce que nous savons que pour vivre les longues années de détention qui l'attendent il va devoir, autant que possible, être en paix avec lui-même.
Me Vettes : "on a entendu qu'il avait une défense de petite frappe, de vendeur de shit même. Je connais peu de petite frappe qui assume avec autant d'aplomb que Salah Abdeslam un costume aussi démesuré que celui qu'on lui a enfilé."
Me Vettes : "Salah Abdeslam ne savait pas tout du projet. D'ailleurs peu de gens savaient tout du projet. Parce que, justement, pour que le projet aille jusqu'au bout, il était nécessaire que peu de gens en connaissent les contours exhaustifs."
Me Vettes : "nous pensons que pour Salah Abdeslam le cloisonnement a joué et qu'il ne se serait certainement pas retrouvé avec un gilet explosif s'il avait su, à chaque étape, dans quoi il s'engageait."
Me Vettes : " je sais que c'est parfaitement inaudible de dire d'un terroriste qui était un garçon gentil. C'est inaudible et cet humain. Mais c'est pourtant comme ça que ses proches le décrivent."
Me Vettes : "même son ancienne fiancée, alors que son domicile a été perquisitionné et qu'elle a toutes les raisons de lui en vouloir, ne décrit pas une brute épaisse ou un fanatique mais un jeune fêtard et insouciant. Il ne lui parlait jamais de religion."
Me Vettes : "Salah Abdeslam n'est pas quelqu'un de violent. Il a passé cinq semaines en prison pour une atteinte aux biens. Pas aux personnes."
Me Vettes : "Salah Abdeslam ne s'est absolument pas radicalisé en prison. Pourtant, pour être ici dans ce box, il a bien du se radicaliser quelque part ? Aux Béguines. Les Béguines, je crois que c'est mon chapitre préféré dans ce dossier."
Me Vettes : "il n'y avait pas de séance de visionnages [de vidéos de propagande de Daech, ndlr] aux Béguines. Même les enquêteurs belges vous l'on dit. Et de toute façon, Salah Abdeslam ne passait pas sa vie aux Béguines. C'est pas son bar, c'est celui de son frère."
Me Vettes : "alors on va le dire avec force et on va le dire une fois pour toute. Salah Abdeslam ne s'est pas radicalisé aux Béguines.
Mais alors où?"
Me Vettes : "A l'audience, Salah Abdeslam vous a raconté une scène avec son frère. Dans sa chambre, il regardait une vidéo de l'Etat islamique. Il a dit : "ça a suscité un sentiment d'impuissance, de voir des innocents se faire massacrer".
Me Vettes : "voilà, vous avez la genèse. Vous avez tout : le frère, la propagande et des vidéos de civiles pour susciter l'empathie et l'envie d'agir."
Me Vettes : "Salah Abeslam vous a dit : "j'ai adhéré à l'Etat islamique parce qu'ils faisaient des choses bien, pas des choses mal. C'était même pas une histoire de religion". Salah Abdeslam n'est pas un sociopathe, même pas un illuminé venu du Moyen-âge."
Me Vettes : "au contraire, en 2015, Salah Abdeslam est un jeune de son époque. Salah Abdeslam est un jeune qui s'indigne. Indignez-vous ! Vous vous souvenez de ce best-seller qui fonctionne très bien sur la génération de Salah Abdeslam qui est aussi la mienne."
Me Vettes : "et cette indignation, l'Etat islamique a su la capter, la cultiver. Ca a fonctionné très bien en Europe, à Molenbeek en particulier."
Me Vettes : "Bien sûr Salah Abdeslam a envisagé d'aller en Syrie. C'était même un rêve, fin 2014. Mais très loin d'être une réalité. Car il en a parlé à sa fiancé qui lui a dit non. Et qu'a-t-il fait? Il est resté à Molenbeek, chez ses parents. Il n'y a même pas eu de débat"
Me Vettes : "vous connaissez les dossiers terroristes bien mieux que moi : il y a des hommes qui ont tout laissé : femme, enfants, amis, travail, tout, pour partir en Syrie. Salah Abdeslam, il a suffit d'une discussion avec sa compagne pour qu'il ne parte pas."
Me Vettes : "à l'été 2015, Salah Abdeslam n'est encore qu'un petit gars de Molenbeek qui devient l'intérimaire de l'Etat islamique. Un intérimaire, pas un soldat car il va effectuer des missions ponctuelles. Sans avoir changé sa pratique religieuse, sans savoir qu'Abaaoud rentre"
Me Vettes : "Salah Abdeslam va louer les voitures qui vont servir à rapatrier les commandos et il va même en conduire lui-même. Mais pour qui roule-t-il? Pour son frère Brahim. C'est lui l'interface entre Daech et Salah Abdeslam."
Me Vettes : "mais pour eux, ces commandos, Salah Abdeslam c'est juste le petit gars qui fait le taxi. Ils ne lui font pas la conversation. Et pour lui, Salah Abdeslam, retour de Syrie et attentats ne sont pas forcément synonymes."
Me Vettes : "à cette époque, Salah Abdeslam se dit que tout ce qu'il risque c'est une condamnation pour une aide pour entrée illégale sur le territoire pour un étranger. C'est dire."
Me Vettes : "si nous contestons parfois pied à pied certains charges retenues contre Salah Abdeslam, il ne faut pas s'y tromper. Ce n'est pas pour vous soutenir que c'est pas le plus grand des hasards qu'il est dans le box, ou par la faute de son frère."
Me Vettes : "en revanche, ce n'est pas non plus , comme le soutient l'accusation, le résultat d'un engagement djihadiste de longue date, soupesé et prémédité."
Me Vettes : "on nous a vanté le dossier d'instruction, d'un million de pages. Un million de pages. Le résultat d'une enquête menées par les meilleurs de France et de Belgique, ce qui fait un peu peur pour la Belgique."
Me Vettes : "ce dossier, il l'a sans doute orienté en ne parlant pas des morts. Alors que lui ne s'est pas fait explosé, n'a tenu aucune kalachnikov, n'a tiré sur aucune des victimes qui s'est présentée à cette barre. Mais il va peut-être payer pour eux."
Me Vettes : "Salah Abdeslam on n'a pas envie de le défendre de loin, de haut, en le traitant comme si c'était un pauvre type, un moins que rien, un attardé. Nous savons qu'il n'est pas tout cela. Ensuite de la distance, il y en a déjà suffisamment entre lui et notre société."
Me Vettes : "monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour, nous n'avons pas toujours été d'accord. Mais j'ai du respect pour lui. Parce que pour bien juger, il faut du courage. Pour rappeler que la justice n'a pas a assouvir les bas instincts."
Me Vettes : "vous ne devez pas juger à la hauteur des souffrances incommensurables des victimes, des souffrance abyssales. Il paraît que le châtiment a pour but de rendre meilleur celui qui châtie."
Me Vettes : "alors, quand vous réfléchirez à votre décision, je vous demande de faire l'effort de vous poser une autre question : est-ce que la peine que vous allez prononcer nous rendra meilleur?"
Me Vettes : "nous avons eu un beau procès dans une salle magnifique. Mais tout ce décorum est en réalité accessoire. et ne doit surtout par faire oublier que quel que soit l'endroit, quel que soit l'écrin, la justice n'est belle que lorsqu'elle est bien rendue."
Fin de la plaidoirie de Me Martin Vettes pour Salah Abdeslam. Le président annonce "une suspension avant la dernière plaidoirie de ce procès".
A tout à l'heure.
L'audience reprend pour la plaidoirie de Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam : "vous pourrez penser qu'au terme de 146 jours de procès, 29 plaidoiries de la défense et deux heures passées avec mon confrère Martin Vettes, tout aurait été dit."
Me Ronen : "Mais il reste quelques mots à ajouter. Ce fut une audience à la fois bouleversante, complexe et rageante.
Bouleversante de part les récits des victimes. Comme tous ici, j'ai été touchée par ces récits."
Me Ronen : "j'ai compris qu'il faudrait composer avec toutes les douleurs, aussi diverses soient-elles et venant de toute part. Complexe parce que 10 mois c'est long, on se demande si on fait bien, assez mais pas trop. Offensif mais pas en rupture."
Me Ronen : "rageante, cette audience l'a été pour plein de raisons, toutes balayées par le raz de marée aveugle des réquisitions.
Force est de constater que nous ne sommes plus très loin de cette loi du Talion que nous dénonçons."
Me Ronen : "j'entends les critiques d'ici : la défense de Salah Abdeslam s'étonne qu'une sanction lourde soit requise à son encontre. Mais à quoi s'attendait-elle? Ils vivent vraiment dans un autre monde."
Me Ronen : "que l'on soit bien clairs : bien sûr que nous nous attentions à une sanction lourde. Mais qu'une perpétuité incompressible soit requise contre lui, quasiment sans aucun espoir de liberté, j'ai l'impression qu'on a perdu le sens de la mesure."
Me Ronen : "la version la plus simple est toujours celle qui a le plus de chances de prévaloir mais c'est aussi celle qui a le moins de chances d'être exacte"
Me Ronen : "je vous demanderai juste une chose : que vous fassiez attention à ce que Salah Abdeslam vous a dit : en fait, il était prévu pour aller en Syrie."
Me Ronen : "qu'il ait été au courant des attentats le 10 ou le 11 [novembre 2015, ndlr], peu m'importe finalement. Par contre, le dossier nous donne raison sur cette embauche de dernière minute."
Me Ronen : "Salah Abdeslam n'a pas laissé de testament. Il n'a pas de kunya [surnom donné par l'Etat islamique, ndlr], pas de vidéo de revendication et puis c'est le seul membre des commandos qui n'est pas allé en Syrie".
Me Ronen : "moi je dirais qu'il n'était pas prévu pour le #13Novembre 2015.
Et Mohamed Abrini est venu dire qu'il était prévu en remplacement de sa personne."
Me Ronen : " c'est lors de l'ultime interrogatoire de Salah Abdeslam, étalé sur trois jours, que celui-ci a livré un récit très riche, plein de détails inédits.
Il a dit ça : une fois déposé les 3 au Stade de France, il s'est rendu dans le 18e, s'est garé est entré dans le café"
Me Ronen : "il y avait des jeunes dans ce café, des très jeunes. Et puis il a dit : "j'ai renoncé par humanité". Peut-être qu'il s'est reconnu dans ces jeunes? Peut-être qu'il a renoncé par peur de mourir. Je ne l'exclus pas. Car l'humanité commence par soi-même."
Me Ronen : "mais tout ce que celui-ci est suspect, par nature. Il y a, de l'autre côté de la barre, un doute systémique : à chaque fois que Salah Abdeslam ouvre la bouche".
Me Ronen : "en matière terroriste, la charge de la preuve s'est inversée. On laisse l'accusé s'exprimer et puis on dit si ça nous convainc, nous convainc pas.
Aussi, je vous demanderai d'être particulièrement vigilants."
Me Ronen : "sur la question du renoncement, l'accusation a dit que sa conviction était faite : la ceinture [explosive de Salah Abdeslam, ndlr] était défectueuse. "
Me Ronen : "mais il y a des consignes qui sont données par l'Etat islamique : si la ceinture ne fonctionne pas, il faut utiliser un briquet. Chaque porteur d'une ceinture [explosive, ndlr] part avec l'hypothèse que celle-ci peut ne pas fonctionner et qu'il y a alors le briquet."
Me Ronen : "vous ne pouvez qu'être convaincus que Salah Abdeslam s'est désisté et cette donnée essentielle ne pourra que peser dans votre décision."
Me Ronen : "sur le tajet du retour, je vous demanderai de retenir ces choses : que Salah Abdeslam n'est pas menaçant et qu'il est manifestement bouleversé"
Me Ronen : " ensuite il y a l'arrivée dans la planque. C'est la première fois que Salah Abdeslam entre dans une planque belge et y reste. A partir de cette date, Salah Abdeslam s'est retrouvé en immersion totale".
Me Ronen : "Après le 13 novembre 2015, il y a eu la fusillade de la rue du Dries. Salah Abdeslam aurait pu mourir les armes à la mains. Et s'il lest toujours de ce monde aujourd'hui, manifestement c'est par choix."
Me Ronen : "le parquet vous propose la notion d'interchangeabilité. C'est l'idée que parce qu'on aurait pu être ailleurs, on vous condamne comme si vous aviez été là. On sait que vous n'avez pas été là, mais vous auriez pu".
Me Ronen : "le parquet vous parle pour cela de "scène unique de crime". Mais Salah Abdeslam n'était pas aux terrasses, pas au Bataclan. Des scènes de crimes éloignées de plusieurs kilomètres, on vous fait passer ça pour une scène unique de crime."
Me Ronen : "l'intention du parquet ce n'est pas de sanctionner Salah Abdeslam en fonction de ce qu'il a fait ou pas. C'est de le sanctionner comme un symbole."
Me Ronen : "et puis le parquet vous dit que Salah Abdeslam se revendique comme co-auteur dans ces courriers. Je ne savais pas qu'on laissait aux mis en cause le soin de choisir leur qualification juridique."
Me Ronen : "mais surtout, cela veut dire qu'on laisse le soin de la qualification à l'Etat islamique. Complicité? Non, l'Etat islamique a dit co-auteur. Ok, alors ce sera co-auteur. C'est quand même drôlement inquiétant."
Me Ronen : "Salah Abdeslam a été arrêté le 18 mars 2016 et depuis il subit des conditions carcérales inédites. Un régime que l'administration pénitentiaire elle-même a dénoncé."
Me Ronen : "l'homme est un animal social, vous lui enlever le social, il n'est plus qu'un animal. Lui enlever toute activité, que son esprit macère bien. L'empêcher de respirer toute bouffée d'air. Et, grâce à une norme adoptée spécialement pour lui, lui retirer toute intimité."
Me Ronen : "lui mettre deux caméras dans sa cellule en permanence sur lui. Imaginez-vous, quelques secondes, juste quelques secondes, dans vos moments les plus intimes, d'être filmé."
Me Ronen : "tout ça pour quoi? Pour empêcher que le survivant se donner la mort. Pour qu'il arrive vivant à ce procès. Dans quel état ? Peu importe."
Me Ronen : "oui, je suis virulente. Et je sais bien que les propos que je tiens ne sont pas faciles à entendre.
Mais notre rôle, c'est de nous extraire de se penchant naturel qui voudrait que l'autre souffre à hauteur de ce qu'on a pu souffrir."
Me Ronen : "quand tout va bien, les principes c'est bien. Mais c'est précisément au moment où on voudrait s'en dispenser que ces principes sont essentiels."
Me Ronen : "l'accusation a requis à l'encontre de Salah Abdeslam la plus lourde de peine du code pénal. Salah Abdeslam serait irrécupérable."
Me Ronen : "c'est parce que c'est ce qu'on aurait aimé demandé contre les auteurs du Bataclan. Mais force est de constater qu'ils ne sont pas là. Qu'on en a un autre sous la main qui, par ironie du sort, est là parce qu'il s'est désisté."
Me Ronen : "madame et messieurs les avocats généraux, c'est à croire que ces 10 mois de procès n'auront servi à rien ! Mais où étiez-vous depuis septembre? Est-ce que vous n'avez pas vu cette armure se fendiller?"
Me Ronen : "êtes vous donc si las et désabusés de la justice que vous ne voyez plus aucune vertu à ce procès? La dimension émotionnelle que vous avez vécue depuis ses débuts vous empêcherait-elle de vous laisser emporter par l'audience?"
Me Ronen : "Et puis, à cette audience, son regard s'est voilé, un tic à la paupière, une émotion que je ne lui avais jamais vue. Salah Abdeslam a présenté ses condoléances, ses excuses. "
Me Ronen : "celui qui ces six dernières années n'avait à sa disposition qu'un seul costume dans son placard a finalement trouvé, à cette audience, de quoi s'habiller autrement."
Me Ronen : "lorsque j'ai rencontré Salah Abdeslam en 2018, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire, qu'il y avait quelque chose d'enfoui, mais qui méritait de se battre. Mais on partait de loin."
Me Ronen : "la peine d'incompressibilité est une peine terrible. Contrairement à la peine capitale, cette mort blanche est vécue dans l'indifférence. En 1981, lors de la suppression de la peine de mort, il n'était pas question de remplacer un supplice par un autre."
Me Ronen : "aujourd'hui, on vous la requiert cette peine cruelle. La justice, ce n'est pas un mouvement de foule. Si vous suivez le parquet, c'est le terrorisme qui a gagné et nous n'auront plus qu'à comprendre qu'en réalité, tout ceci n'était qu'une farce."
Fin de la dernière plaidoirie de la défense.
"Nous avons terminé une bonne partie de ce procès, ce soir, annonce le président, mais on va continuer lundi à 9h30 avec la parole aux accusés et on se retirera pour délibérer".
L'audience est donc suspendue jusqu'à lundi 9h30.
Bonne soirée et bon week-end à tous
Cette dernière journée de plaidoiries et l'argumentaire des avocats de Salah Abdeslam contre la perpétuité incompressible, c'est dans le compte-rendu du jour, illustré par @ValPSQR ici > radiofrance.fr/franceinter/pr…
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L'audience reprend pour le 145e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015.
Aujourd'hui, place aux plaidoiries des avocats de l'accusé Sofien Ayari.
C'est Me Ilyacine Maallaoui qui est le premier à plaider aujourd'hui.
LT ici.
Me Maallaoui : "je vais tenter d'être votre voix, monsieur Sofien Ayari, comme je le pourrais. Vous me l'avez confiée il y a déjà des années et je vais tâcher d'en faire bon usage."
Me Maallaoui : "j'ai appris la consistance matérielle de la sérendipité. J'ai appris que vous puissiez me haïr et je l'ai accepté. Et puis un soir nos regards se sont croisés. Je ne vous nommerai pas. Mais sachez que vous m'avez littéralement bouleversé."
@sophparm@franceinter L'audience reprend. Me Gisèle Stuyck, avocate belge d'Osama Krayem, est la première à plaider aujourd'hui : "monsieur Krayem assume parfaitement le fait qu'il doit être condamné, même sévèrement, mais uniquement et exclusivement pour ce qu'il a commis."
Le LT de l'audience est à suivre ici. Elle ne devrait pas tarder à reprendre.
En attendant, vous pouvez retrouver le portrait de Léa Dordilly et Simon Clémenceau, avocats d'Adel Haddadi, qui plaident aujourd'hui > radiofrance.fr/franceinter/le…
L'audience reprend. Me Karim Laouafi est le premier à s'avancer pour la défense de Muhammad Usman : "je me suis complètement planté. On s'est planté parce qu'on a cru que la longueur de cette audience, de ces débats ...."
Jour 139 au procès des attentats du #13Novembre 2015. Et suite des plaidoiries de la défense.
Aujourd'hui, les avocats d'Abdellah Chouaa et Mohamed Amri plaident tous les quatre.
Hier, c'étaient les premières plaidoiries pour la défense des accusés.
Le compte-rendu d'audience de @sophparm est à retrouver ici > radiofrance.fr/franceinter/pr…
Et le LT du jour est à suivre ici dès que l'audience reprendra.
C'est aujourd'hui la 137e journée d'audience. Et une de celles qui comptent au procès des attentats du #13Novembre2015 puisque c'est la fin du réquisitoire et la réclamation, par les avocats généraux des peines pour chacun des 20 accusés (dont 6 absents).
Le LT de ce dernier jour de réquisitoire sera à suivre ici.
Retrouvez aussi @sophparm dans le journal de 13h de @franceinter et les éditions du soir.
135e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015 et, surtout, jour de réquisitoire des avocats généraux. Premier jour, plus exactement, car il doit durer jusque vendredi.
Tout (ou presque) est expliqué ici > radiofrance.fr/franceinter/le…
Hier, c'était la fin des plaidoiries des avocats de parties civiles.
Dans la salle, les trois avocats généraux viennent d'arriver. Ils s'apprêtent à porter la voie de l'accusation pendant 6 heures, à tour de rôle, aujourd'hui (puis demain et vendredi).
LT à suivre ici.
Et à partir de 19h, édition spéciale sur @franceinter en direct du palais.