Thread by @snow_jap

Sur la question du karting en détention et les réactions que ça peut provoquer, quelques rappels sur le sens de la peine d'emprisonnement.

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A quoi sert la prison ? La réponse à cette question a grandement évolué au fil du temps. Elle est aujourd'hui bien plus complexe qu'auparavant, car si punir (le sens premier de la peine) demeure, on sait aujourd'hui que se concentrer sur ce seul aspect et exclure tout le reste..

...ne produit pas forcément les meilleurs résultats.

A part la mettre à l'écart de la société et éviter qu'elle ne commette de nouvelles infractions (et encore, on peut très bien en commettre dans l'enceinte d'un établissement pénitentiaire), ...

ce qui peut être effectivement l'un des buts de la détention, à quoi sert-elle si la personne condamnée ressort avec un risque de récidive aussi élevé qu'avant ?

A quoi sert-elle si on se retrouve avec des nouvelles victimes ? La société a tout à gagner d'une détention qui permet d'éviter ça tout en punissant. Ce principe est (notamment) posé par l'article 707 du code de procédure pénale : « Le régime d'exécution des peines...

...privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions. »

C'est dans cet optique que l'administration pénitentiaire, notamment par l'intermédiaire du SPIP, a vocation à mettre en œuvre des actions de réinsertion au sein de la détention. Elles peuvent prendre différentes formes, car les mécanismes à l'œuvre dans un parcours délinquant...

peuvent être très différentes d'un individu à l'autre.

On peut entendre que l'aspect « réinsertion » du karting n'apparaisse pas évident de prime abord. On peut aussi entendre que des victimes d'infractions soient choqués par ces images.

Je ne connais pas les détails de ce programme en particulier, mais la logistique nécessaire implique qu'il ait été validé par la direction de l'établissement et qu'un certain nombre d'échanges et de réunions aient eu lieu. Donc, suffisamment de personnes qui sont...

aux premières lignes ont estimé qu'il avait un intérêt.

Plutôt que de fustiger immédiatement sans chercher à comprendre, on pourrait attendre les explications et se faire opinion une fois toutes les informations connues. Des explications pour ce programme atypique,

il peut y en avoir plusieurs.

J'ai en tête plusieurs exemples de condamnés pour des faits particulièrement graves souffrant d'importants problèmes de confiance en eux. Ça peut paraître paradoxal et s'éloigner de l'image habituel du délinquant « dur à cuir ».

Mais encore une fois, les voies qui mènent au passage à l'acte sont complexes.

La mauvaise image de soi se retrouve dans beaucoup de profils, y compris les plus violents. Des personnes qui n'osent pas interagir en société, se persuadent que tout ce qu'ils entreprennent sont...

voués à l'échec, n'osent rien entreprendre, et qui, sous l'effet d'un trop-plein émotionnel, d'un événement plus douloureux que les autres et/ou avec l'aide de toxiques, commettent un crime ou un délit.

Des actions comme le karting pourraient avoir un intérêt chez ce type de profil, parce qu'il les sort d'un quotidien qui, même avant d'être incarcéré, les enfermait dans un certain fonctionnement dont il est difficile de sortir, et qui restera criminogène une fois libres.

On peut imaginer d'autres profils pour lesquels ça aurait du sens (et je ne parle évidemment pas ici des récividistes routiers, à moins qu'il y ait des mises en situation en plus pour simuler les dangers de la conduite à risque).

Sur le ressenti que ça peut provoquer chez les victimes, il est compréhensible. Je crois qu'en fait, n'importe quelle image montrant des détenus exercer une activité ludique ou simplement sourire peut suffire à provoquer cette réaction chez des personnes qui, elles,

ont du mal à sourire depuis les faits.

C'est la première fois que je vois du karting en détention et il faut garder à l'esprit que ce type d'évènement est rare, que malgré tout ce qu'on peut entendre, la prison ce n'est pas un club med.

La seule privation de la liberté d'aller et venir, pendant des mois, des années, des décennies ou à vie est déjà difficile.

Il faut y ajouter les contraintes de l'éloignement familial dans certains cas, de la surpopulation carcérale, des conditions d'hygiène

(avec un nombre restreint de douches par semaine dans certains établissements), du risque d'être agressé, etc.

C'est une expérience qui fait nécessairement souffrir. On espère d'ailleurs que cela crée un choc carcéral pour dissuader toute tentation d'y revenir un jour;

On peut pousser cette logique au maximum et rendre la détention plus dure qu'elle ne l'est déjà, supprimer tous ce qui peut la rendre plus facile à supporter. Ça contentera une partie de l'opinion publique, entretenue par des discours politiques simplistes qui ont pour seul but

de récolter des voix en surfant sur le sentiment d'injustice.

Sauf que la criminologie a démontré depuis longtemps que cela ne suffisait pas, que la délinquance était plus complexe, et que si on ne s'attaque pas à l'ensemble des facteurs, ça n'aura pas d'autre effet que de...

produire encore plus de victimes à l'avenir.

Alors on peut aussi faire en sorte que la détention dispose de tous les outils adaptés pour éviter ça, même s'ils prennent des formes inattendues pour certains (une minorité, en plus, car les détenus sont sélectionnés pour ce type..

d'activité. On attend généralement d'eux un comportement généralement exemplaire, ce qui pousse aussi à la bonne conduite).

Or, la détention aujourd'hui, c'est un manque de moyens permanent pour proposer des actions de réinsertion.

C'est un manque criant de soignants, psychologiques, addictologues. Pourquoi ? Entre autres parce qu'investir dans la réinsertion des détenus est mal perçu par l'opinion publique.

On pourrait tenter d'expliquer en quoi il faudrait que ça change, et peut-être qu'on aurait de meilleurs résultats et qu'on réduirait le coût global pour la société.