La crise de la sécheresse relance un débat déjà très conflictuel sur les méga-bassines. Alors avec ma collègue @florencehabets, nous avons tenté une contribution en croisant hydrologie et géographie.
Petit 🧵à dérouler 👇.
Beaucoup d’arguments pro & contre le stockage artificiel ont été avancés. Dans le texte publié sur bonpote.fr, nous revenons sur 3 points : remplissage, la pertinence face à des sécheresses sévères & longues, leur rôle dans l'adaption 1/39 bonpote.com/les-mega-bassi…
Pour commencer qu’est-ce qu’une sécheresse ?
La sécheresse est un déficit anormal d'eau, sur une période prolongée. L’aridité est une pénurie d’eau structurelle.
Il y a 3 types de sécheresse : météorologique, édaphique (ou agricole), hydrologique. Elles peuvent se combiner. 2/
Vous vous souvenez de la définition d’un risque ? Au cas où, la revoici 👇 3/
Dans ce fil, l’aléa, c’est la sécheresse. Elle peut être plus ou moins intense (importance du déficit), + ou - longue. Elle est aggravée par la chaleur, qui favorise l’évapotranspiration. 4/
Le risque, ce sont les menaces qui découlent de cet aléa. Et le premier, c’est bien sûr la pénurie d’eau, eau potable (pour les hommes ET les animaux), mais aussi sanitaire (on n’a pas besoin d’eau potable pour se laver, mais on a besoin d’eau).5/
Cette pénurie découle d’un déséquilibre entre la disponibilité de la ressource (qui est réduite par la sécheresse) et la demande (qui correspond à nos besoins et nos usages). Pas de demande, pas de pénurie. 6/
En France, la demande est répartie ainsi
👇 7/
Il y a crise lorsque l’on a en même temps la sécheresse et des enjeux vulnérables exposés. Un caillou est invulnérable au manque d’eau, y compris dans un désert. Un poisson est vulnérable au manque d’eau, même dans son bocal. 8/
Quand la crise arrive, il faut bien sûr la gérer pour qu’elle ne se transforme en catastrophe. La gestion de crise a été révisée récemment suite à un nouveau décret qui date 2021. 👇9/ legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTE…
La gestion de crise repose désormais sur 4 niveaux (vigilance, alerte, alerte renforcée, crise). Tout est très bien expliqué ici 👇 10/ gouvernement.fr/risques/secher…
En cas de crise, 4 usages prioritaires : santé, sécurité civile (incendie), eau potable, milieux aquatiques. Des restrictions d’usage d’eau sont imposées, avec des mesures graduelles et concertées. Les dérogations sont laissées à l’appréciation du préfet . 12/
Comme l’eau du robinet ne sert pas qu’à boire, des appels à la sobriété sont lancés. Évidemment, quand on sépare les réseaux d’eau potable et ceux d’eau sanitaire, on peut éviter d’utiliser l’eau potable pour nettoyer sa maison ou prendre sa douche. 13/.
Économiser l’eau potable, repose sur des gestes individuels et collectifs, et sur le triptyque : éviter (quand on peut), réutiliser/recycler quand on peut), utiliser une alternative (quand on peut). 14/
Le réchauffement climatique d’origine humaine a des conséquences sur ces sécheresses : plus précoces, plus intenses, plus longues. Pour rappel, chaque dixième de degré réchauffement supplémentaire a des conséquences exponentielles. 15/
Le schéma ci-dessous, tiré du 6e rapport d’évaluation du GIEC, groupe 1, montre la dimension systémique de la perturbation climatique et ses liens avec les ≠ types de sécheresses (et leurs impacts). 16/
S’ajoute également le rôle des activités humaines. On parle de sécheresse anthropique quand les activités humaines créent le déficit d’eau. 18/
Les scientifiques ont pu montrer qu’au Nord de la Chine, durant les 30 dernières années, les activités humaines ont amplifié la sévérité & la durée des sécheresses – certaines durant jusqu’à plus de 2 ans. hindawi.com/journals/amete…
@florencehabets rappelle aussi qu’en Espagne, entre 1945 et 2005 les épisodes secs les + sévères et les + longs ont eu lieu sur les bassins les + régulés par la présence de barrages, avec en prime un renforcement des sécheresses à l’aval. sciencedirect.com/science/articl…
Si on a plusieurs années sèches à la suite (sécheresse pluriannuelle), les réservoirs naturels sont affaiblis & pas suffisamment réalimentés l’hiver, au moment des prélèvements pour les réservoirs artificiels. theconversation.com/barrages-et-re…
La situation actuelle semble terrible ? Pourtant, 2021 était une année assez humide, avec pour conséquence, des niveaux de nappes relativement élevés dans plusieurs régions, et des réservoirs qui ont pu se remplir. 22/
En France, d’ici 30 ans, on pourrait connaître des sécheresses du sol (dites sécheresses édaphiques ou encore agricoles), 50% plus longues qu’aujourd’hui. 23/
Alors que peut-on faire ? Le premier réflexe est bien entendu de répondre au manque d’eau. Si on a fait des réserves en amont, on va pouvoir les utiliser pour « passer » la sécheresse. On parle de politique de l’offre. 24/
Ça tombe bien car le développement des techniques a permis de multiplier les types de stockage artificiels. Les réservoirs sont de toute taille, de la citerne au lac de barrage. Les plus grands sont représentés dans cette figure. 👇 25/
L’eau est stockée naturellement dans le manteau neigeux & les glaciers, les lacs, les sols, les nappes. Mais on peut stocker artificiellement l’eau qui ruisselle en surface, l’eau souterraine des nappes, l’eau des fleuves et des rivières. 26/
Parmi ces retenues, les bassines ne se situent ni sur un cours d’eau, ni sur une zone de relief. Le réservoir doit être excavé & endigué, d’où la forme de bassine. Les bassines se remplissent uniquement par pompage, ce qui peut impliquer plusieurs km de tuyaux. 27/
La bassine soutient l’irrigation. Son eau se substitue au prélèvement direct dans nappe ou le cours d’eau. Vu les coûts, l’eau sera probablement exploitée, y compris en dehors des situations de crise, voire optimisée pour augmenter l’irrigation. 28/
En cas de sécheresse longue, les bassines vont permettre de maintenir les usages sur la première, voire les premières années. Au prix de prélèvements conséquents dans les nappes. Comme le dit @ZoltanChivay92 pour ↘️ la sécheresse agricole, on ↗️ la sécheresse hydrologique. 29/
Selon certaines études, le aménagements humains permettront de réduire de 10 % la hausse des sécheresses agronomiques, c'est-à-dire le déficit d'eau dans les sols, mais conduiront à une augmentation de 50 % de l'intensité des sécheresses en rivière. 30/ agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.10…
⚠️ Comme beaucoup de solutions techniques envisagées hors d’une approche globale, le stockage artificiel est une réponse curative qui risque de verrouiller des pratiques de plus en plus inadaptées au climat qui change. 31/
Les chercheurs utilisent depuis une dizaine d’année la notion de « fix hydrosocial » pour désigner des investissements coûteux pour maintenir « une trajectoire de développement fondée sur l’augmentation de la disponibilité de la ressource en eau ». C’est la fuite en avant. 32/
On traite les symptômes (pénurie d’eau) au lieu de s’attaquer à l’origine du problème (déséquilibre entre les besoins et la disponibilité de la ressource) à ses racines (pratiques, usages, partage). Et on devient accroc au traitement de substitution. 33/ journals.openedition.org/developpementd…
Chaque « fix » retarde les transformations systémiques, qui seules peuvent diminuer durablement la vulnérabilité de l’activité ou du territoire. C’est la définition même de la maladaptation : le remède pérennise, voire aggrave, le risque qu’il est supposé résoudre. 34/
Pour évaluer la qualité de l’adaptation, voici une grille tirée de cet article d’Alexandre Magnan et Gaëll Mainguy. 35/ journals.openedition.org/sapiens/1680
🔴Face à des sécheresses sévères & longues, il faudra bien abreuver les hommes, les animaux, irriguer les cultures. Est-ce que cela passe par des barrages réservoirs et bassines ? Sans doute un peu, mais pas que. Il faut aussi des changements structurels. (je me repète) 36/
🔴Dans un climat qui change nous avons tout intérêt à assurer des réserves en eau suffisante sur l’ensemble du territoire. Le stockage naturel reste la meilleure option. Les nappes doivent être préservées au maximum, en temps de crise ET en temps normal. 37/
🔴 Pour cela, les usages de l’eau doivent être revus, donc discutés dans les territoires, avec toutes les parties prenantes. Mais les tensions augmentent, du fait des crises récurrentes. On en revient à la transition juste. 38/ hautconseilclimat.fr/webinaires/la-…
Il n’y a pas de solutions miracles, mais des acteurs en grande souffrance.
Tout ceci est développé, avec d’autres points, dans l’article publié sur bonpote.fr
⚠️ Le 🧵, pas plus que l’article n’est exhaustif. 39/39
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Le cyclone #Chido, classé en catégorie 4, a dévasté l’archipel de Mayotte le 14 décembre 2024, avec des vents soufflants à plus de 220 km/h. C’est le cyclone le plus important depuis 1934. Le dernier cyclone majeur datait de 1984.
Un 🧵 [1/24]
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Située dans le nord du canal de Mozambique, l’archipel de Mayotte se trouve à 70 km de l'île d'Anjouan, la plus proche de l'archipel voisin des Comores. Madagascar est à 300 km, le Mozambique à 500 km, quand La Réunion est à 1 400 km et Paris à 8 000 km.
Cet éloignement/isolement est un facteur majeur de vulnérabilité. Le port et l’aéroport sont des infrastructures critiques, y compris pour l'arrivée des secours. Ils sont très exposés en cas de cyclones et de séismes. Le fait d'avoir deux îles complique aussi la gestion de crise.
Les inondations de Valence ont déchaîné les climatosceptiques. Les mêmes qui s’opposaient aux restrictions d’urbanisation en zone inondable et au zéro artificialisation nette s’improvisent anti-« béton » pour nier l’impact du changement climatique au nom du « bon sens ».
Un 🧵
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La catastrophe résulte toujours de la conjugaison de 3 éléments
- Un phénomène physique, l'aléa (ici submersion)
- Des personnes et des biens exposés
- Des facteurs individuels ou collectifs, conjoncturels ou structurels, qui rendent vulnérable au choc avant et pendant la crise.
La submersion (inondation) résulte elle-même d’une combinaison de mécanismes : l’eau peut venir du ciel (précipitations), des nappes phréatiques, de la mer, d’un cours d’eau lui-même alimenté par la pluie, la fonte des neiges ou de la rupture d’un barrage. eaufrance.fr/les-inondation…
Le rejet de la climatisation responsable d'un risque élevé de mortalité prématurée aux canicules? Vraiment?
Petit 🧵qui explique pourquoi ce n'est pas si simple, avec en bonus, un rappel des conseils de prévention.
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De nombreuses études ont mis en évidence les risques de surmortalité liés à la chaleur, notamment dans les villes, et plus particulièrement les villes denses. 1/
Comparons la part de ménages équipés de climatisation et la carte précédente : TOUTES les villes sont concernées par la surmortalité, y compris celles avec des taux élevés de climatisation et « habituées » aux canicules (Lisbonne, Madrid, Rome, Athènes). 2/
Le métier d’enseignant ne se limite pas à vulgariser des connaissances pour les transmettre aux élèves. Chaque enseignant, quelle que soit sa discipline, accompagne un individu en construction vers l’autonomie intellectuelle, ie, vers la capacité à penser par lui-même.
1/
Un enseignant apprend à ses élèves à penser : comprendre les énoncés, formuler des questions, raisonner, construire les réponses, les étayer. Et quand il apprend à connaître, il apprend à hiérarchiser, à trier, à organiser son savoir.
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Les mots en -té ont la côte en ce moment sur le réseau.
C'est l'occasion d'un petit 🧵sur la manière dont on construit des concepts et des notions en sciences humaines et sociales, qui évitera à l'avenir les faux-procès.
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Les sciences humaines et sociales (SHS) travaillent avec des « concepts » et des « notions », qu’elles contribuent à forger et à définir. Ces concepts sont à la fois des résultats de recherche dites empiriques, des outils de travail et des modèles descriptifs et explicatifs.
Au départ, on cherche à décrire un fait social (propriété, caractéristique, processus, etc.) qu’on a établi, documenté, qualifié, mesuré. On va donc essayer de trouver le bon mot pour le nommer. Et ce n’est pas facile…
Les inondations dans le Pas-de-Calais donnent lieu à beaucoup d’approximations, de simplifications et de commentaires à l’emporte-pièce. Pour s’y retrouver dans ce sujet à la fois compliqué et complexe, petit 🧵.
On déroule 👇
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On parle d'inondation quand il y a submersion par de l’eau. Cette eau peut venir du ciel (précipitations) ou de la mer (submersion marine). Ces dernières peuvent se produire sur des côtes basses, notamment en cas de tempêtes (surcote). 2/ eaufrance.fr/les-inondation…
Les précipitations peuvent être intenses et concentrées dans le temps ou s’étaler sur plusieurs jours, mois, semaine.
Ici, un excellent dossier cartographique du journal @lemondefr .
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