Thread by @dermatopoulos

Vu hier un jeune patient souffrant en une affreuse maladie de Verneuil ou hidrosadénite suppurative depuis plusieurs années, jamais vraiment prise en charge.
Tout à plus un peu de doxycycline et…c’est tout

Grade III de Hurley, autant dire la forme la plus grave et invalidante

Pour tenter d’informer sur la nature de la maladie et sur le fait que des traitements existent même s’ils sont imparfaits et contraignants, voici un p’tit fil 🧶
⚠️ les images sont impressionnantes ⚠️

Hidrosadenite laisse à penser qu’il s’agirait d’une maladie des glandes sudorales (Υδρος, sueur), ce qu’on a longtemps cru en raison d’une atteinte histo des glandes apocrines.
En fait c’est une maladie du poil, touchant les plis et les glandes sudorales sont atteintes par proxy

Maladie du poil comme l’acné, les folliculites du cuir chevelu avec lesquelles elle s’associe parfois (triade folliculaire) et le kyste pilonidal, les 4 en même temps forment la tétrade acneique ou tétrade folliculaire

Dans le même ordre d’idée, le Verneuil peut s’associer à :
⏹ des maladies de Crohn

⏹ des rhumatismes inflammatoires axiaux (spondylarthropathies)

⏹ des maladies du polynucléaire neutrophile : pyoderma gangrenosum (Pash), SAPHO.

Le Verneuil toucherait environ 4% de la population, 3 femmes/1 homme. Elle débute dans l’adolescence par le biais de facteurs hormonaux, comme l’acné. Des facteurs inflammatoires et des anomalies du microbiomes interviennent.
L’obésité, le tabagisme sont des facteurs aggravants.

Les lésions sont dans les plis : aisselles, pubis, périnée, inguinales. Le grade I de Hurley sont des nodules suppuratifs isolés ou multiples, le grade II, des fistules et cicatrices non confluentes, le III, des brides, sinus, cicatrices coalescents.

L’algorithme de prise en charge est assez bien codifié et résumé ici

Dans cette maladie, les antibiotiques, c’est quasi automatique.. et souvent pour longtemps sauf chez ceux ayant peu de poussées inflammatoires qui peuvent être traités ponctuellement.
Pour les grade I continus, on donne des antibios prolongés : doxycycline ou bactrim

Pour les grade II ou III c’est souvent insuffisants et on sort l’artillerie lourde. C’est le prix à payer pour de débarrasser d’une cochonnerie qui pourrit vraiment la vie : rifampicine+moxifloxacine+flagyl ou levofloxacine + clindamycine ou Rocephine IV ou IM + flagyl

On peut alternativement ou en association, utiliser des traitements anti inflammatoires ciblant spécifiquement le TNF alpha comme l’infliximab ou l’adalimumab à forte dose

Il faut rajouter des moyens physiques : évacuation chir des abcès, incisions, « deroofing » qui consiste en l’ablation chir ou laser de la lésion jusqu’au tissu sain, en laissant cicatriser spontanément sans suturer

Pour limiter la transpiration dans les aisselles touchées par le verneuil on peut aussi faire des injections de toxine botulinique. Certains proposent le laser dépilatoire car le rasage ou l’épilation « domestique » sont irritant et peuvent favoriser les poussées

Maigrir peut aider pour les gens en surpoids, car le frottement et la macération exacerbent les épisodes inflammatoires. Arrêter de fumer est un gros plus. Mais souvent ça ne suffit pas.

L’idéal est de pouvoir obtenir un assèchement des lésions sous antibios et de planifier une exérèse chirurgicale sous anesthésie générale de l’ensemble des tissus susceptibles d’inflammation dans les plis. C’est radical. C’est une vraie épreuve. Mais ça peut être définitif

Le temps de récupération est parfois long. Ça peut nécessiter un arrêt de travail. Ça peut mettre du temps à cicatriser, mais ça permet de s’en débarrasser pour toujours. Plus besoin d’antibiotiques. Ça ne suinte plus. Ça ne sent plus mauvais. Ça ne tache plus les vêtements

Pour conclure
La maladie de Verneuil est parfois extrêmement invalidante. Elle pourrit la vie.
Des traitements sont possibles mais nécessitent un suivi prolongé. Il y a de grosses contraintes. Parfois des effets secondaires. Mais le jeu en vaut la chandelle