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Oct 13, 2022 51 tweets 12 min read Read on X
Cet après-midi, six surveillants mis en cause pour des #violences en réunion sur un détenu menotté sont jugés par le tribunal correctionnel de Lille. Les faits se sont déroulés le 3 janvier dernier à la #prison de Lille-Sequedin
L'affaire résumée par @CamillePolloni sur @Mediapart ⬇️⬇️⬇️
mediapart.fr/journal/france…
L'OIP est sur place. L'audience est à suivre ici ⬇️
Le 3 janvier les surveillants sont appelés vers 22h pour un différend entre deux détenus - la victime et son codétenu - dans une cellule. Les circonstances de l'altercation sont floues.
Le président : "Le codétenu dira des choses un peu contradictoires. Quand il sera entendu, il dira qu'il ne se sentait pas menacé par son codétenu. Beaucoup plus tard, il dira que vous lui avez sauvé la vie. On ne sait pas trop en quoi vous lui avez sauvé la vie."
"Vous arrivez, la victime est sous la douche avec une poêle. Il dit que c’est pour protéger sa nudité, qu'il n’est pas agressif, qu'il est coopératif. Vous dites qu’il pète les plombs, qu’il projette de l’eau."
"Il projette de l’eau et vous crie dessus. Vous dites même qu’il vous menace, ce qu’il a toujours contesté. Vous essayez de le sortir de la douche, il refuse de s'habiller, vous le sortez sur la coursive et on vous voit nombreux sur lui."
"Est-ce que vous essayez de l’habiller à ce moment-là? Ça ne ressort pas de la vidéo, et de là jusqu’au mitard, l’idée de changement de cellule est abandonnée, très vite la décision de placement au quartier disciplinaire (QD) est prise."
"On vous reproche deux faits : 1) des #violences avec deux circonstances aggravantes, le fait d’être agent, et en réunion. Vous considérez que ce sont des violences légitimes, dictées par son comportement."
2) "Et puis on vous reproche une forme de violence d’ailleurs peut-être plus violente : les conditions dans lesquelles vous le transportez. Tout le parcours [jusqu'au QD], pendant plus de 20 minutes, il est traîné. On sait qu'il est nu, menotté dans le dos."
"Il est traîné par les menottes, le corps trainant au sol (...) [Sur le parcours], on verra qu’il y a des escaliers, un passage sur une cour à l’air libre - on est le 3 janvier, il a plu, il a été traîné jusqu’au QD."
"Vous le déposez au QD, il n’y a pas de médecin qui vient le voir, il sera vu par un médecin 8 jours plus tard, qui délivrera 7 jours d’ITT. Il y a de nombreuses ecchymoses."
"15 jours après les faits, il est entendu par le juge d'instruction pour l’affaire dans laquelle [la victime] est mise en examen, et le juge constate des marques au poignet. C’est à ce moment que l’affaire est dénoncée.
"Vous dites que tout a été fait dans les règles. Dans un premier temps vous dites que c’était une intervention difficile parce qu’il résistait, se rebellait, tentait de vous mordre - je n’ai jamais vu de morsure - vous dites que ça s’est bien passé, RAS."
"Puis on vous montre la vidéo et vous concédez certaines choses. Vous n’êtes pas beaucoup à reconnaître des violences, et vous invoquez à chaque fois leur caractère légitime, sauf 1 fois ou 2 sur un coup de pied, en essayant de le justifier par le comportement de la victime."
Les images des caméras de vidéo-surveillance sont projetées dans la salle d'audience. Le président commente : "On voit bien la façon dont il est trainé au sol. On voit des coups portés. On voit un surveillant qui lui marche sur le pied nu." #violences #prison
"Là vous voyez il y a un pied sur la jambe. On arrive dans cette cour humide. On voit qu’il n’y a plus aucune résistance de la victime, et on voit qu’il est vraiment jeté au sol, dans la flaque."
"Là, on arrive au QD, on va voir une scène qui interpelle un peu : un des surveillants montre la caméra et se tourne vers les autres." Fin de la séquence #violences #prison #brisonslesilence
"Monsieur B., c’est vous qui avez établi le compte-rendu d'incident (CRI), dans la nuit vous avez appelé le personnel d’astreinte, elle vient en pyjama, on est surpris qu’elle ne prenne pas d’info sur la victime, c’est elle qui vous dit de faire un CRI commun."
Le président : "Vous dites qu’à l’époque des faits, vous n’avez pas vu les violences.Presque tous, vous avez la même expression, c’est "l’effet tunnel". C’est quoi?
- C’est qu’on veut poursuivre notre objectif"
- Moi j’ai pensé : c’est quand on ne voit pas ce qui se passe."
"Souvent, vous vous mettez devant l’objectif, vous le savez qu’il y a caméras. Vous vous êtes dit "c’est pas grave, on pourra toujours justifier qu’on était obligés"?
- J’espérais qu’il n’y avait pas eu de coup
- Il y en a au moins 10 ! A chaque fois vous regardiez ailleurs?"
Le président : "Aucun de ces coups, vous ne les avez vus?
- C’est en visionnant la vidéo. Avec la vidéo, je peux pas le nier
- Oui, s'il n’y avait pas eu la vidéo, cette affaire, elle ne serait jamais sortie, c’est le CRI qui aurait fait foi." #violences #prison #brisonslesilence
Le procureur : "Ce CRI contre Monsieur dit qu’il a commis des outrages et violences. Il est auteur, vous êtes victimes. Je regarde le film : Vous êtes auteurs, il est victime!
- Les écrits, on les a fait à chaud."
Le président : "Il a pris 25 jours de QD"
Le président : "La direction a visionné les vidéos, vous a rencontré, et a dit que les explications l’ont rassurée, qu’il n’y aurait pas de poursuites administratives."
"Mr L. dit qu’il a reçu des félicitations de M. Ridel [Directeur de l'administration pénitentiaire] et il est dit que c’est enseigné comme une bonne méthode. Effectivement, ça inquiète."
L'avocat d'un des accusés : "Le codétenu a dit “ils m’ont sauvé la vie” dans sa déclaration.
Le président : "Il dit aussi qu’il a été menacé par un surveillant “je te casse la gueule personnellement si tu parles”, qu’on lui fait des misères, qu’il n’a plus de chauffage" #omerta
L'avocat de la victime @M_Quinquis : "Mr B., pourquoi regardez-vous la caméra?
Mr B. : C’est l’instinct à chaque intervention
Le président : Qu’avez-vous dit à vos collègues?
Mr B. : "Attention y’a la caméra". C’est un réflexe que j’ai, parce qu’il y en a partout à Sequedin
@M_Quinquis : "Vous êtes en train de dire que votre préoccupation en passant devant la caméra, c’est de dire à vos collègues, "attention", et qu’en plus c’est une habitude. Comment doit-on interpréter cela par rapport à tout ce que l’on ne voit pas dans le reste de la détention?"
A la victime de livrer sa version des faits. "J’étais en cellule avec Mr A. J’ai demandé à changer car on avait des différends : il est fumeur, pas moi ; il ne voulait pas de co, je le dérangeais." ...
... "Ce soir-là, j’étais sous la douche et j’ai pris du temps. Mr A. a ouvert le rideau, a violé mon intimité. La poêle était dans le lavabo juste à côté de la douche. J’ai mis des coups dans la paroi pour lui dire de partir." ...
"Les surveillants sont arrivés, j’avais toujours la poêle dans la main, ils m’ont parlé. Quand ils ont ouvert, leur premier mot ça a été “vous commencez à nous faire chier”. Ils m’ont demandé de poser la poêle, ce que j'ai fait. Après, je n’ai pas compris ce qui s’est passé."
Le président : "Pourquoi ne vous êtes-vous pas habillé?
- On ne m’a pas laissé le temps, j’étais plein de savon. J’aurais dû finir la douche, me sécher et m’habiller."
L'avocat la victime @M_Quinquis : "Vous évoquez un coup qui ne figure pas sur les vidéos, au thorax, vous confirmez?
- Oui. Ce coup je l’ai reçu dans un angle mort, après ça on me voit inerte amené au mitard, avant j’étais en mouvement. Ce coup m’a mis KO"
La victime poursuit : "Le directeur adjoint est venu me voir au QD, j'étais dans un état lamentable, mais ça ne lui a pas vraiment posé de problème. Il n’y en a pas de douche en cellule au QD, je mettais de l’eau des toilettes sur mes plaies pour atténuer la douleur"
Le procureur : "Pourquoi avez-vous été envoyé à l'UHSA? Vous n'avez jamais été hospitalisé ni suivi en psychiatrie.
- Je reste deux jours à l’UHSA et tous les soignants m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas ma présence. Peut-être m’a-t-on envoyé là pour me faire passer pour fou."
Le procureur : " Au bout de combien de temps avez-vous retrouvé l'usage normal de la marche, des gestes quotidiens?
- 20 jours après, j’avais encore des problèmes de mobilité et soins"
C'est au tour d'un autre surveillant, Monsieur C., d'être interrogé par le président : "Vous dites que l’intervention s’est bien passée, vous le diriez encore aujourd'hui?
- Non. On le pense dans un premier temps parce que l’incident est clos. (...)
(...) - Vous invoquez la violence légitime, vous le pensez encore?
- Parce qu’il essayait de nous mordre…
- Vous dites tous cela, mais on ne voit pas de mains près de son visage, on ne voit pas comment il s’y serait pris."
Le président : "Sur la vidéo vous voyez la prise de la tête?
- Oui pour pas qu’il se cogne
- Vous y croyez?
- Oui, il se débattait, il aurait pu tomber vers l’avant.
- On a l’impression que tous, vous légitimez vos coups"
L'avocate de Monsieur F. à son client :
- " 854 détenus, vous êtes 14 seulement?
- Oui
- Si au même moment, des gens s’entretuent dans une autre cellule, que faites-vous ?
- C’est le gradé qui dispatchera les équipes
- Donc votre but c’est d’aller vite?
- Oui"
Retour sur le fameux "effet tunnel", aussi évoqué lors du procès de Saint-Martin-de-Ré :

"- C’est quoi l’effet tunnel pour vous?
- C’est une inconscience de fatigue, un peu de peur. A l’instant T, notre cerveau, c'est l’inconscient
- Vous portez des coups inconsciemment ?"
Le président revient ensuite sur la lettre de félicitation envoyée aux agents par Laurent Ridel, dans laquelle ce dernier loue le "sang-froid" des agents.

" - Vous pensez vraiment qu’il a vu la vidéo?
- Il ne ferait pas un écrit comme ça sans l’avoir vue"
Le procureur revient sur les gestes employés :

" - Quels gestes sont interdits ?
- La béquille pour qu’il descende, on pas le droit.

-On a le droit aux pressions thoraciques à deux genoux?
- Non

- On peut à 80 kgs à genoux sur le thorax d’une personne ?
- Non."
Au tour du gradé d'être interrogé

"- Vous voyez un endroit qui s’est bien passé dans cette procédure? Qqc chose qui a été fait ds les règles
? (...) A aucun moment vous remettez en question la manière dont vs êtes intervenus ?

- Non. C’est en voyant les vidéos"
La plaidoirie de @M_Quinquis commence.
"Il n'y a rien a garder de cette scène, il y a tout à condamner. Rien de ce qu’ils ont fait ne saurait être accepté. Pourquoi aucun surveillant, l'adjoint, les soignants, n’ont trouvé nécessaire de faire un signalement art. 40?"
Le proc':"c’est le rôle du ministère public de questionner cette espèce de légitimation de la violence. Je n’ignore ps la surpopulation, la vétusté des locaux, le manque de formation et de personnel. Mais ce que vous avez vu n’est pas acceptable. Et le silence doit être brisé"
(Toujours le procureur)

"Quand on voit ces images, comment peut on avoir confiance?
Dans cette vidéo on voit une banalisation de la violence qui est effarante"
"Ce que vous avez vu, on ne le ferait même pas a un animal (...)Pris comme un animal avec les bras en hyper extension en arrière, rien que ça constitue une violence
Un coup de pied avec des rangers vous imaginez le mal que ça peut faire? Être traîné sur du macadam, du lino".
"Si on fait ça a quelqu'un dans la rue, peut-on dire "excusez moi, je n'aurais pas du mais je suis fatigué, je fais les trois huit" ? Non ! "
La proc finit en requérant 6 mois ferme sous DDSE (8 pour le premier surveillant) et une interdiction d'exercer toute fonction publique
Sur ce, votre aimable reporter étant à court de batterie sur son téléphone comme sur son pc, le live-tweet de cette audience prend fin 🧶 !

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