Vous faire découvrir les œuvres d’un ami roumain, Virgil Moraru, peintre religieux mais pas seulement, il réalise aussi des vitraux et des mosaïques absolument somptueux ! #Roumanie#Orthodox#Christianity#Artiste#Chrétien
Me Marina Ioana Alexandru demande à la CCR de recompter tous les votes, de constater la fraude électorale et d'annuler le second tour des élections présidentielles du 18 mai
📍À l’attention de :
COUR CONSTITUTIONNELLE
Palais du Parlement, Entrée B1,
Bucarest, Calea 13 Septembrie n°2, secteur 5, code postal 050725
Email :
registratura.generala@ccr.ro ; registratura.jurisdictionala@ccr.ro
Nous soussignés :
• Association des Juristes pour la Défense des Droits et Libertés (JADL), représentée par sa Présidente, Mme Marina-Ioana Alexandru
• Association État de Liberté (SDL), représentée par son Président, M. Pompiliu Diplan
En application des articles 1 points 3 et 5, article 2 point 2, article 29 point 1), article 30 point 1), article 31, article 142 point 1, article 146 lettre f) de la Constitution de la Roumanie, des articles 1, 2, 3 et 37 alinéa 1 de la Loi n°47/1992 relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour Constitutionnelle de Roumanie, republiée avec ses modifications et complétions ultérieures, des articles 3 et 52 de la Loi n°370/2004 relative à l’élection du Président de la Roumanie, republiée avec ses modifications et complétions ultérieures, ainsi qu’en vertu de la Décision n°32 du 6 décembre 2024 rendue par la Cour Constitutionnelle, publiée au Journal Officiel n°1231 du 6 décembre 2024, nous formulons la présente requête concernant le déroulement illégal de la campagne électorale et du second tour des élections présidentielles de 2025, faits ayant entraîné une fraude électorale massive ayant modifié l’attribution du mandat de Président de la Roumanie, la condition législative d’annulation des élections présidentielles n’étant applicable qu’après l’achèvement complet du processus électoral.
Nous vous prions, sur la base des preuves concrètes que nous mettons à votre disposition, de :
1. Procéder au recomptage de tous les votes exprimés en Roumanie et à l’étranger, dans des conditions de sécurité maximale ; 2. Constatez la fraude électorale lors du second tour du 18 mai 2025, ayant entraîné une modification de l’attribution du mandat de Président de la Roumanie aux élections présidentielles de 2025, constituant également une atteinte inadmissible à l’ordre constitutionnel ; 3. Annuler le second tour des élections présidentielles du 18 mai 2025, organisé de manière abusive, illégale et anticonstitutionnelle, ayant entraîné une fraude électorale massive modifiant l’attribution du mandat de Président de la Roumanie, et, par conséquent, ordonner sa reprise immédiate.
En vertu du principe fondamental d’accès libre à la justice et du droit de participer à un acte de justice équitable, nous demandons à être convoqués afin d’être présents physiquement à l’audience que vous fixerez pour le règlement de la présente affaire relative à la saisine d’office de la Cour Constitutionnelle.
Concernant l’admissibilité de la saisine d’office de la Cour Constitutionnelle sur toute question relative au respect de l’ordre constitutionnel, nous soulignons que celle-ci est recevable en raison de la jurisprudence établie par la Décision n°32 du 6 décembre 2024, publiée au Journal Officiel n°1231 du 6 décembre 2024, rendue à la suite d’une saisine d’office visant à annuler l’ensemble du processus électoral pour l’élection du Président de la Roumanie en 2024, en raison d’ingérences étrangères dans l’acte électoral.
La Cour Constitutionnelle a jugé qu’un tel acte est possible et nécessaire, à savoir qu’elle peut invalider des élections de sa propre initiative dans des circonstances exceptionnelles, telles que celles objet de la présente affaire.
Ainsi, pour les ingérences étrangères dans l’acte électoral et la fraude électorale lors de l’élection du Président de la Roumanie en 2025, nous mettons à votre disposition un ensemble de preuves substantielles, que vous avez l’obligation d’examiner et de prendre en considération pour une résolution juste, éthique et morale de l’affaire. 🔽
2. La présente saisine est justifiée par l’intérêt, l’engagement et l’implication de nos organisations dans les questions relatives au respect de la Constitution de la Roumanie et de ses lois subséquentes, des droits et libertés fondamentaux de l’homme, de la sécurité nationale, de la sécurité sociale et de la vie de chaque membre de la société roumaine, ainsi que par l’élaboration de politiques publiques et la surveillance des activités des autorités publiques, en apportant un soutien au respect des droits et libertés de l’homme en tant qu’être vivant, et au respect des principes souverains du droit à la vie, à l’intégrité physique et psychique, et à l’expression d’un consentement libre, correctement informé, non vicié et dans des conditions d’éthique et de moralité. Ces objectifs constituent nos priorités principales.
Le déroulement du processus électoral dans des conditions de légalité, d’éthique, de moralité, de neutralité et d’impartialité est une question vitale d’intérêt national, qui nous engage, particulièrement lorsque la procédure électorale est entachée d’actes à caractère pénal.
L’objectif de notre démarche est de rétablir la légalité et le fonctionnement de l’État roumain de droit, national, souverain, indépendant, unitaire et indivisible.
1. Dans l’exercice de ses attributions, la Cour Constitutionnelle est seule compétente pour statuer sur sa propre compétence, ce qui lui impose l’obligation de se saisir d’office dans son domaine de compétence, où elle dispose de pouvoirs de vérification et de contrôle, lorsqu’il existe des violations extrêmement graves de la Constitution de la Roumanie, quelle que soit la méthode procédurale de saisine.
2. Par sa Décision n°32 du 6 décembre 2024, publiée au Journal Officiel n°1231 du 6 décembre 2024, ayant force obligatoire générale et valable uniquement pour l’avenir (article 147 point 4 de la Constitution de la Roumanie), la Cour Constitutionnelle a statué ce qui suit :
« Selon les dispositions de l’article 146 lettre f) de la Constitution, de l’article 37 alinéa 1 de la Loi n°47/1992, republiée au Journal Officiel de Roumanie, Partie I, n°807 du 3 décembre 2010, et de l’article 3 de la Loi n°370/2004 relative à l’élection du Président de la Roumanie, republiée au Journal Officiel de Roumanie, Partie I, n°650 du 12 septembre 2011, la Cour Constitutionnelle veille au respect de la procédure pour l’élection du Président de la Roumanie et confirme les résultats du scrutin. »
« L’objectif de l’attribution constitutionnelle prévue par l’article 146 lettre f) est de garantir le respect du principe de la suprématie de la Constitution, prévu à l’article 1 alinéa 5, tout au long du scrutin présidentiel, ainsi que des valeurs constitutionnelles prévues aux articles 1 alinéa 3 et 2 alinéa 1 de la Constitution, qui caractérisent l’État roumain et que le Président de la Roumanie a le devoir de respecter et de défendre. L’attribution de la Cour Constitutionnelle, selon laquelle elle ‘veille au respect de la procédure pour l’élection du Président’, réglementée par l’article 146 lettre f) de la Constitution, ne peut être interprétée de manière restrictive. Les dispositions de l’article 146 lettre f) de la Constitution doivent être corrélées avec celles de l’article 142 alinéa 1 de la Constitution et de l’article 1 alinéa 2 de la Loi n°47/1992, l’attribution de la Cour Constitutionnelle de veiller au respect de la procédure pour l’élection du Président ne pouvant être dissociée de son rôle dans l’architecture constitutionnelle, celui de garant de la suprématie de la Constitution. »
« La démocratie représente un élément fondamental de l’ordre constitutionnel national et du patrimoine constitutionnel européen, et le droit à des élections libres est unanimement reconnu comme l’expression la plus profonde de l’organisation d’une société démocratique (voir également la Décision n°242 du 3 juin 2020, publiée au Journal Officiel de Roumanie, Partie I, n°504 du 12 juin 2020, 🔽
3. paragraphe 105), étant essentiel et déterminant pour le système démocratique. »
« Le droit de vote et le droit d’être élu sont cruciaux pour l’établissement et le maintien des fondements d’une démocratie constitutionnelle authentique et effective, gouvernée par la primauté du droit (voir, mutatis mutandis, la Décision du 17 mai 2016, rendue dans l’affaire Karácsony et autres contre la Hongrie, paragraphe 141), et sont garantis par la Constitution. Ainsi, la Cour constate que les droits électoraux sont des droits fondamentaux de nature politique, constituent une condition sine qua non de la démocratie et du fonctionnement démocratique de l’État, et s’exercent dans le respect des exigences de la Constitution et des lois. »
« Selon l’article 1 alinéa 3 de la Constitution, la Roumanie est un État de droit, démocratique et social, dans lequel la dignité humaine, les droits et libertés des citoyens, le libre développement de la personnalité humaine, la justice et le pluralisme politique représentent des valeurs suprêmes, dans l’esprit des traditions démocratiques du peuple roumain et des idéaux de la Révolution de décembre 1989, et sont garantis. Ce texte constitutionnel établit expressément les valeurs sur lesquelles repose l’État roumain, celles-ci étant un corollaire de son existence dans le temps. De plus, l’article 1 alinéa 3 de la Constitution précise que ces valeurs doivent être comprises et appliquées ‘dans l’esprit des traditions démocratiques du peuple roumain et des idéaux de la Révolution de décembre 1989’. »
« Selon l’article 2 alinéa 1 de la Constitution, ‘la souveraineté nationale appartient au peuple roumain, qui l’exerce par ses organes représentatifs, constitués par des élections libres, périodiques et équitables, ainsi que par référendum’. Ainsi, le caractère équitable des élections est une expression de la souveraineté et un principe fondamental de l’État roumain, qui constitue la base de l’établissement des résultats des élections pour la fonction de Président de la Roumanie. En conséquence, l’État a l’obligation d’assurer un processus électoral transparent dans toutes ses composantes pour garantir l’intégrité et l’impartialité des élections, celles-ci étant les prémisses d’une démocratie constitutionnelle authentique, de l’évolution démocratique de l’État et de l’assurance de l’existence de l’État de droit. »
« L’État a une responsabilité positive de prévenir toute interférence injustifiée dans le processus électoral par rapport aux principes constitutionnels. D’autre part, l’État a également le devoir de neutralité, qui inclut l’obligation de renforcer la résilience des électeurs, notamment par la sensibilisation de l’électorat à l’utilisation des technologies numériques dans le cadre des élections, en particulier par la fourniture d’informations et d’un soutien adéquat. Par conséquent, l’État doit faire face aux défis et aux risques générés par les campagnes de désinformation organisées, susceptibles d’affecter l’intégrité des processus électoraux [voir, à cet égard, les points 14, 17 et 20 de la Déclaration interprétative du Code de bonne conduite en matière électorale concernant les technologies numériques et l’intelligence artificielle, adoptée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le 6 décembre 2024]. »
« Selon l’article 81 alinéa 1 de la Constitution, le Président de la Roumanie est élu par un vote universel, égal, direct, secret et librement exprimé. »
« La liberté des électeurs de se former une opinion inclut le droit d’être correctement informés avant de prendre une décision. Plus précisément, la liberté des électeurs de se former une opinion suppose le droit d’obtenir des informations correctes sur les candidats et le processus électoral de toutes les sources, y compris en ligne, ainsi que la protection contre une influence injustifiée, par des actes ou faits illégaux et disproportionnés, sur leur comportement de vote. La publicité politique peut 🔽
« Nous ne devons pas oublier qu’un jour, tout sera révélé, toutes les injustices seront exposées et ceux qui les ont commises devront rendre des comptes. »
Peter Thiel, « Le moment straussien », 2007
Depuis quelques jours, un nouveau tour de scrutin s’est tenu dans notre interminable élection présidentielle, et l’apocalypse se poursuit. Par « apocalypse », j’entends ici le sens étymologique du terme : une « révélation », un « dévoilement ».
Ce qui nous plonge dans l’air du temps – pour rester poli – bien plus que le résultat de ce dernier tour ne le fait.
Je vais m’expliquer. Par pur hasard, j’ai regardé dimanche dernier l’interview d’Emmanuel Todd sur Fréquence Populaire, intitulée Apocalypse Now : Des États-Unis à l’Europe. Il s’agit du quatrième épisode d’une série appelée Le Monde selon Todd. Comprendre le chaos. Le premier épisode, diffusé en décembre 2024, après le triomphe électoral de Donald Trump aux États-Unis mais avant son investiture à la Maison Blanche, portait le titre L’Amérique de Trump, miroir d’un monde en crise. Deux autres épisodes ont suivi, l’un sur l’Allemagne, l’autre sur la France.
Comme le titre l’indique, Todd a une vision radicale de l’état du monde, mais elle est non seulement solidement documentée, mais aussi portée par le poids de son nom.
Historien et anthropologue, Emmanuel Todd jouit d’une réputation de prophète « avec des documents appropriés », comme il aime à le dire.
Dans ce qui suit, après une brève introduction au travail de Todd, je présenterai son concept d’« apocalypse » appliqué à la réalité actuelle. Ce même terme a également été utilisé par Peter Thiel, milliardaire, fondateur de PayPal et de Palantir, figure influente de la Silicon Valley et l’un des penseurs politiques les plus marquants aujourd’hui, notamment au sein de l’administration Trump. Todd fait référence à Thiel, je vais donc également expliquer brièvement sa vision.
Je poursuivrai avec la compréhension qu’a Todd de cette « apocalypse » et sa définition de l’« Empire » en déclin, en me concentrant sur ses idéologies, qui coïncident avec celles du mondialisme. L’« apocalypse » est ainsi aussi celle du système mondialiste tel que nous l’avons connu jusqu’à aujourd’hui (ce qui est d’ailleurs reconnu ; voir par exemple ici et ici).
Enfin, en arrivant en Europe, Todd observe son retard par rapport au centre américain dans la compréhension de la vague historique, qu’il attribue à un phénomène d’« archaïsme périphérique » : le centre impérial a abandonné la cause, mais la périphérie continue d’agiter les mêmes bannières, avec les mêmes mains. Cette inertie se manifeste, par exemple, selon Todd, par une attitude belliqueuse envers la Russie, alors que le centre du pouvoir occidental, les États-Unis, a non seulement retiré sa participation à ce projet, mais s’efforce également de conclure un accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
Une autre manifestation anachronique est la lutte acharnée contre les mouvements souverainistes et populistes – qui ont déjà transformé le régime politique à Washington –, une lutte qui prend des formes socialement et politiquement autodestructrices, avec un grave affaiblissement de la démocratie. Todd cite la Roumanie comme un exemple particulièrement préoccupant.
Dans cette spirale descendante de l’Empire, les élites européennes semblent vouloir profiter des bouleversements mondiaux pour fédéraliser de force l’Union, par des moyens qui ne font qu’affaiblir son assise idéologique et saper sa légitimité déjà fragile. Je conclurai en expliquant ce que signifie « l’apocalypse » européenne selon Todd. 🔽
2. Les prophéties d’Emmanuel Todd
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Todd s’est fait un nom à seulement 25 ans, en 1976, lorsqu’il a prédit un événement impensable à l’époque : l’effondrement du bloc soviétique (La Chute finale : Essai sur la décomposition de la sphère soviétique).
Tout le monde a apprécié Todd pendant un quart de siècle, car on ne peut qu’aimer celui qui apporte de telles nouvelles. Sa méthode, fondée sur des statistiques démographiques, des indicateurs culturels (comme la littérature lue en URSS, ce qui était censuré ou non, etc.), l’a conduit à conclure que l’URSS s’effondrerait sous la pression des classes éduquées de la zone européenne du bloc soviétique.
Cette même méthode, enrichie par l’expérience, la connaissance et l’âge, a conduit Todd, malheureusement, à une conclusion similaire concernant l’« Empire » (j’y reviendrai, mais il s’agit essentiellement du bloc occidental et, par extension, du mondialisme). C’était en 2001, dans Après l’Empire : Essai sur la décomposition du système américain, un best-seller accueilli avec beaucoup plus de réserves.
Dans cet ouvrage, contrairement au « consensus conventionnel » et aux théories de figures comme Zbigniew Brzezinski, Todd a prédit que les États-Unis perdraient leur contrôle militaire, économique et idéologique sur la scène mondiale, et que la Russie redeviendrait une grande puissance. En 2001, le monde semblait encore suspendu dans l’attente. On a froncé le nez, avec une incrédulité polie : « Merci de vous être donné la peine, Monsieur Todd, mais… »
Près de 25 ans plus tard, en 2024, Todd a de nouveau provoqué un tollé avec La Défaite de l’Occident, un livre si controversé qu’il n’a pas été traduit en anglais. Dans cet ouvrage, il décrit une civilisation occidentale qui a atteint les limites de sa capacité à exploiter le reste du monde et qui, en son sein, souffre d’une érosion grave des piliers de son ancienne grandeur (notamment l’éthique protestante et ses valeurs : éducation, discipline, travail). La démocratie libérale, selon Todd, a été remplacée dans le bloc occidental par une « oligarchie libérale », dont la croyance fondamentale est que l’État-nation est un concept dépassé, voire antinomique, dans un monde globalisé.
Cette idéologie « post-nationale » est aujourd’hui en confrontation directe, principalement avec le système russe, décrit par Todd comme une « démocratie autocratique » centrée sur la souveraineté nationale, et, secondairement, avec une opposition croissante des nations à l’hégémonie occidentale, illustrée par la formation des BRICS. Dans cette confrontation, l’Occident a été vaincu, surtout idéologiquement, et nous vivons une époque de transition vers un nouveau système mondial dont les contours restent flous.
Je tiens à souligner que Todd n’est pas un admirateur du système russe, mais un amoureux de la démocratie occidentale dans ses formes classiques. Peu importe, bien sûr, dans un monde prônant les valeurs, la liberté d’expression, la diversité, la tolérance et le dialogue. Todd a été dénoncé comme un apologue de Poutine.
Les choses auraient pu en rester là, Todd aurait continué à vivre, ironiquement stupéfait, dans sa bibliothèque, sur son canapé, face à l’évolution du « bon monde ». Mais, fin 2024, Donald Trump a remporté les élections aux États-Unis. Et tout le monde s’est mis à parler d’Apocalypse Now !
Avant d’explorer cette « apocalypse », je précise que Todd n’est pas un partisan de Trump. Au contraire, il doute de sa capacité à gérer avec compétence cette phase avancée de déclin de l’« Empire ».
L’Apocalypse selon Peter Thiel
Je passe de Todd à Peter Thiel, car Todd lui-même fait ce lien dans son interview. Cela aide à mieux comprendre de quelle apocalypse il s’agit, tout en montrant que, sur un plan fondamental, les idées de Todd (un penseur se revendiquant « de gauche », en désaccord avec des figures comme Viktor Orbán ou l’AfD allemande) rejoignent celles de Thiel (un libertarien anti-étatiste et 🔽
3. technocrate « de droite »). En d’autres termes, Todd n’est pas le seul observateur averti à noter ce phénomène d’effondrement.
Peter Thiel – transhumaniste et néo-eugéniste, parmi d’autres « ismes », l’un des premiers magnats de la Silicon Valley à soutenir Trump et mentor du vice-président JD Vance – a publié en janvier 2025 un essai apocalyptique dans le Financial Times. Il y écrit :
Le retour de Trump à la Maison Blanche annonce une apocalypse pour les secrets de l’ancien régime. Les révélations de la nouvelle administration ne justifient pas nécessairement une vengeance : la reconstruction peut aller de pair avec la réconciliation. Mais pour que la réconciliation ait lieu, il faut d’abord que la vérité soit révélée.
Thiel emploie donc « apocalypse » dans son sens étymologique de « révélation », avec une nuance eschatologique de fin d’une époque. Son article ne se limite pas à la théorie : il propose des cibles concrètes pour la déclassification, allant au-delà du mème « qui a tué JFK » : l’origine du Covid-19, les créateurs du virus, les e-mails d’Anthony Fauci, ou encore les mystères entourant Jeffrey Epstein.
Cette apocalypse laïque et très américaine vise « l’ancien régime », non pas seulement l’administration Biden, mais tout un « système » que Thiel compare à « l’aristocratie pré-révolutionnaire de la France » :
2016 a ébranlé leur foi historiciste dans l’évolution de l’univers moral, mais en 2020, ils espéraient pouvoir ignorer Trump, le considérant comme une aberration passagère. Rétrospectivement, 2020 fut l’aberration, le combat d’arrière-garde d’un régime chancelant. […] Il n’y aura pas de restauration réactionnaire de l’ère pré-Internet.
En 2016, Barack Obama assurait que la victoire de Trump « n’était pas l’apocalypse ». Il semble s’être trompé. Les révélations, notamment dans les domaines évoqués par Thiel, se multiplient depuis janvier 2025, et l’agence DOGE d’Elon Musk a pratiquement vidé de leur substance plusieurs agences gouvernementales, dans un effort non seulement de restructuration, mais aussi d’exposition (et, de manière évidente, de remplacement des élites).
Thiel, qui se déclare chrétien, analyse le déclin de la modernité en termes apocalyptiques. Dans son essai de 2007, « Le moment straussien », il soutient que la modernité s’achèvera lorsque le monde découvrira la vérité sur la violence cachée au cœur de la politique (inspiré par René Girard et sa théorie du bouc émissaire). Dans ce moment apocalyptique, le monde devra éviter une repolitisation au sens de Carl Schmitt (le « politique » comme opposition ami-ennemi) et trouver le salut dans « des idées nouvelles et bizarres », dont Thiel regorge.
Je ne m’étendrai pas davantage sur sa pensée, sinon pour noter qu’il se positionne comme un théoricien majeur (aux côtés de Curtis Yarvin, Nick Land, Nick Bostrom, et autres) dans l’avant-garde techno-intellectuelle américaine, influente dans le second mandat de Trump, notamment via Elon Musk et JD Vance.
J’ai écrit ailleurs sur le Technate, une unité administrative-territoriale technocratique englobant l’Amérique du Nord (y compris les territoires que Trump a annoncé vouloir annexer dès le début de sa présidence), rêve du grand-père maternel d’Elon Musk. Ce Technate marquerait la fin de l’État tel que nous le connaissons (tous les philosophes de la Silicon Valley sont anti-étatistes), mais aussi une manière d’installer les États-Unis dans un monde multipolaire. Todd, lui, soutient que l’Amérique de Trump cherche à devenir un super-État-nation, à l’image de la Russie ou de la Chine. Quant aux visions technocratiques de Thiel et consorts, Todd les juge dépourvues de conscience historique : « une pensée en décadence, à analyser par autopsie ». Espérons que cette prophétie de Todd se réalise aussi.
L’Apocalypse d’Emmanuel Todd
Ce détour par Thiel était nécessaire, car Todd s’y réfère pour expliquer l’effondrement de l’« Empire » :
Là où nos visions divergent – au-delà du fait que Thiel parle 🔽
🔴 Déboires de la diplomatie macroniste en Roumanie
par @sfglucon
📍Emmanuel Macron, qui brille par ses échecs internationaux et s'est fait "sortir" de plusieurs pays d'Afrique, va-t-il maintenant perdre la Roumanie ?
D'autres sont mieux placés que moi pour décrire les errances, les échecs, et l'impuissance de M. Macron en politique extérieure - ce show grandiloquent d'un homme qui vit dans les vieux ors d'une République qui n'est plus tout à fait elle-même et ne peut plus grand-chose trouve de nombreuses illustrations à travers le monde. La dernière en date est probablement cette idée creuse de partage du parapluie nucléaire français avec la Pologne - un cirque pour les béats, qui va contre les traités, contre le "réalisme", et contre l'intelligence des Polonais qui n'ont probablement pas oublié les longs mois d'attente précédant l'étrange défaite française en 40. Bref, je ne commencerai pas par un inventaire.
Vivant en Roumanie depuis très longtemps, ma relation à ce pays est celle d'un roumanisé, observateur placé non pas parmi les cercles d'expats, mais fréquentant plutôt sur le terrain la Roumanie déclassée - celle à laquelle l'Union Européenne n'a pas livré grand-chose, si ce n'est de financer la petite classe de gens qui pérorent aujourd'hui sur la manière dont leurs concitoyens "mal élevés" devraient voter (un sujet largement développé dans mon texte en anglais publié après l'annulation du premier tour des présidentielles en décembre dernier).
De mon arrivée en Roumanie en 1999, je garde des souvenirs peu glorieux de la présence économique française dans ce pays. Surnommée “l'Afrique blanche” parmi les expats, la Roumanie a eu droit à son lot de condescendance de la part de gens qui se retrouvaient, comme au "bon temps des colonies" et comme dans certains pays du Sud global, avec un pouvoir d'achat fantastique et la mission de faire avancer les intérêts économiques français dans un pays que ses propres élites dépouillaient.
Je garde notamment en mémoire une confidence d'un ancien ministre des télécoms français se vantant d'avoir arrosé les deux principaux partis en amont des élections pour huiler la signature des contrats dans la foulée. Toute une époque ! L'entreprise où j'étais stagiaire avait d’ailleurs recours au fils d'un ancien apparatchik pour organiser la corruption des ministres - un “agent” qui sera plus tard reconnu comme ancien collaborateur de la Securitate.
Immoral et malin, il faut comprendre que dans la guerre commerciale qui l'opposait aux États-Unis et aux autres pays, la France a naturellement appliqué à travers le monde les mêmes principes qui ont assuré son influence diplomatique et sa présence commerciale dans son arrière-cour africaine.
Point d'une telle "finesse" de nos jours, puisque M. Macron a choisi de prendre fait et cause pour un camp politique - et pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit du camp qui soutient l'annulation des élections et accuse l’autre moitié du pays d'être pro-russe.
D'une manière générale, l'accusation de sympathie pro-russe, rabâchée dans toute la presse (voir mon précédent texte) est d'une idiotie profonde dans un pays dont la population déclare à 87,5% son attachement à l'orientation pro-occidentale du pays. Qui seraient donc ces 23% (vote Georgescu) et 14% (vote Simion) qui ont choisi en novembre 2024 de voter pour des candidats accusés d'être pro-russes ? Qui sont ces 41% qui ont voté pour M. Simion au premier tour de la nouvelle élection présidentielle ? Évidemment, pas des pro-russes. Inventer un clivage qui n'existe pas comporte pourtant un risque majeur : fabriquer ex-nihilo ce que l'on dénonce. 🔽
2. Que les médias, et notamment les médias infiltrés par les services de renseignement racontent des sornettes sur la Roumanie, c'est une chose. Que Monsieur Macron ne soit pas informé de la réalité sur le terrain, c'en est une autre. Qu'il se mêle de la démocratie roumaine, cela dépasse l'entendement. Trois temps principaux marquent l'ingérence française dans le débat roumain.
Tout d'abord le 6 décembre, quelques heures avant l'annulation du processus électoral par la Cour Constitutionnelle sur des bases très fragiles voire ridicules, Monsieur Macron discutait avec la candidate du parti USR (Union "Sauvez la Roumanie", partenaire du parti de M. Macron au sein du groupe RENEW au parlement européen), Mme Lasconi, et lui déclarait dans un enregistrement son soutien, tout en exprimant quelques menaces à l'attention des Roumains s'ils votaient mal :
E. Macron : "Bonjour, Elena. Comment allez-vous ? Je suis heureux de vous voir et de vous exprimer mon soutien dans cette campagne. Je pense que ce qui est en jeu, c'est évidemment l'avenir de la Roumanie, mais je pense que c'est très important et stratégique pour toute l'Europe."
E. Lasconi : "Je me bats ici pour la démocratie et j'utiliserai tout mon pouvoir et mes connaissances pour maintenir la démocratie ici en Roumanie et pour garder mon pays sur une trajectoire européenne et dans l'OTAN."
E. Macron : "Très important pour nous tous. Parce que votre pays est décisif. Vous êtes sur le flanc oriental de l'OTAN. Vous êtes un membre très important de notre Europe, et durant les sept dernières années, j'ai constamment évalué et ressenti moi-même l'importance de la Roumanie, et je veux vous remercier pour ce fait très clair, et je pense que c'est dans l'intérêt de la Roumanie, du peuple roumain et de toute l'Europe."
E. Lasconi : "Et je veux vous remercier pour tout le soutien militaire français."
E. Macron : "J'ai décidé dès le premier jour de la guerre d'agression russe en Ukraine en février 2022 d'envoyer des troupes en Roumanie et nous avons été les tout premiers à déployer des troupes dans votre pays pour protéger ce front. Et je veux vous réaffirmer mon engagement et je serai très clair. L'expérience géorgienne est très révélatrice dans ce contexte. Et ce n'est pas un chèque en blanc que nous avons fourni à la Roumanie. Nous avons apporté notre soutien à un pays clairement engagé dans l'UE et l'OTAN. Et il est très important de dire que si quelqu'un arrive en étant ambigu avec la Russie, ou explicitement pro-russe, cela changera totalement la politique de sécurité de l'Europe. [...] Si je peux faire quoi que ce soit pour aider dans ce contexte, je ferai tout. Vous êtes la seule à être claire sur l'Europe et l'OTAN et de facto vous êtes la seule à protéger le pays parce que toute la solidarité que vous avez reçue est liée à celà."
S'ensuit dans l'échange (disponible ici) l'assurance de la part de Madame Lasconi de défendre les intérêts commerciaux français et notamment les investissements français, dont le plus connu est Dacia Renault (j'avais écrit sur le sujet de Dacia il y a une quinzaine d'années).
Quelques heures plus tard, la Cour Constitutionnelle, qui s'est auto-saisie pour la première fois et en dehors de tout cadre légal, annulait l'élection.
Chose qui ne dérangera guère un autre Français que la réputation précède désormais à travers le monde : M. Breton, l'artisan du DSA et de l'infrastructure de censure qui y est lié. Celui-ci annoncera qu'il faudra peut-être annuler les élections en Allemagne, comme "on l'a fait en Roumanie".
Tout le monde connait le scandale qui suivit l'annulation en Roumanie. Si beaucoup ont pointé vers Washington et vers le "Système" (une alliance entre héritiers de la Securitate et partis de gouvernement), l'intervention de M. Macron et son chantage à la sécurité de la Roumanie, malgré le cadre de l'OTAN, n'est pas non plus passé inaperçu. J'ai tendance même à penser que c'est bien la France qui mène la danse dans cette histoire. 🔽
3. En effet, quelques mois plus tard, alors que la Roumanie s'apprête à voter de nouveau, une nouvelle intervention française a été fortement remarquée : M. Warnery, l'ambassadeur de France en Roumanie, rend visite à la Cour Constitutionnelle et déclare son soutien à l’institution qui avait annulé les élections. Quelques jours plus tard, la candidature de M. Georgescu est invalidée...
Nous sommes maintenant dans l'entre-deux-tours. Les Roumains ont sorti la massue pour faire savoir qu'on ne badinait pas avec leur suffrage librement exprimé et ont propulsé M. Simion, candidat de remplacement pour M. Georgescu cette fois-ci, mais également candidat du principal mouvement souverainiste local (AUR, alliance pour l'Union des Roumains) à 41% des suffrages.
Naturellement, la presse est unanime, tout comme la société civile "de vitrine" qui occupe l'espace médiatique roumain. Pris complètement hors-jeu en novembre par le phénomène Georgescu sur TikTok, il est difficile de dire si ces gens ont repris pied. Travaillent-ils au corps les électeurs qui ne croient plus ni en la presse, ni en cette société civile qui vit sous perfusion de financements externes (Soros, USAID/NED/OCCRP, UE) ? Ou ce bon monde continue-t-il simplement d'être hors-sol et de brasser du vent ? Ils donnent principalement l’impression de redoubler d'efforts pour fustiger près de la moitié de la population, en les traitant comme des parias (je reviendrai dans un autre article sur le sujet du racisme et du mépris de classe dans le camp eurolâtre), tout en espérant réveiller le castor qui dormirait en chacun et obtenir un barrage contre le vote souverainiste.
Accompagnant ces efforts, et c'est le troisième temps du “problème français”, des macronistes redoublent d'activité en soutien au candidat du joli petit monde de Bucarest. Valérie Hayer, Députée européenne, Présidente de RenewEurope et Secrétaire générale déléguée de Renaissance déclare sa flamme dès le 5 mai pour le concurrent s’opposant à Monsieur Simion, Nicusor Dan, fondateur de l’USR qu’il a quitté il y a quelques années tout en en conservant le soutien. Une semaine plus tard, elle révèle sur France Info vouloir “tout faire sur le terrain” pour que M. Dan soit élu.
Ajoutons à cela qu'une figure du même parti, Clotilde Armand, très active dans la campagne, illustre l'impopularité de certains Français de Roumanie, après avoir désastreusement géré un arrondissement de Bucarest et avoir été impliquée, sans être condamnée, dans un scandale de fraude électorale et dans un scandale de corruption concernant le contrat de la société Egis, qu'elle dirigeait, alors que son confrère M. Drula (toujours USR) était ministre des transports. Quant à l’ancien Premier Ministre “technocrate” et ancien Commissaire européen à l’agriculture, M. Dacian Ciolos, allié historique de l’USR, ancien membre du groupe RENEW au Parlement Européen et réputé proche de M. Macron et ami de Michel Barnier, il a été nommé conseiller du Président par interim le 18 mars, nomination suivie le 19 mars d’une visite de M. Nicusor Dan au palais présidentiel, alimentant les spéculations autour d’une French Connection poussant le candidat indépendant. Touche finale, M. Dan a étudié à la Sorbonne - on ne va le lui reprocher, mais celà contribue naturellement à teinter sa candidature aux couleurs de la France.
Naturellement, cette agitation française va contre une part de la population, dont nous connaîtrons le nombre dimanche prochain, et ne peut qu'alimenter un French Bashing qui, s'il est tout aussi regrettable qu'à l'époque des Freedom Fries imbéciles de M. Bush, est cette fois-ci tout à fait justifié. Macron n'est pas Chirac, et encore moins Villepin, et la France s'opposant au crime de l'invasion de l’Irak n'est pas celle qui a depuis embrassé la politique étrangère américaine des “révolutions de couleurs”, semant le chaos tout en s'habillant de vertu. Je recommande à ce sujet de lire le texte de Christopher Mott, les noces de la guerre et de 🔽
📍Comment comprendre la posture apparemment autodestructrice de l'Europe ? Quatre dimensions interdépendantes peuvent expliquer la position de ses dirigeants : psychologique, politique, stratégique et transatlantique.
Pour les étrangers, la politique européenne peut s'avérer difficile à déchiffrer de nos jours – et cela est particulièrement évident dans la réaction du continent face à l'évolution de la situation en Ukraine. Depuis le retour en force de Donald Trump et son initiative de négocier la fin du conflit russo-ukrainien, les dirigeants européens ont agi d'une manière qui semble défier la logique fondamentale des relations internationales – notamment le réalisme, qui postule que les États agissent avant tout pour promouvoir leurs propres intérêts stratégiques.
Plutôt que de soutenir les efforts diplomatiques visant à mettre fin à la guerre, les dirigeants européens semblent déterminés à faire échouer les propositions de paix de Trump, à compromettre les négociations et à prolonger le conflit. Du point de vue des intérêts fondamentaux de l'Europe, cette situation est non seulement déroutante, mais aussi irrationnelle. La guerre en Ukraine, mieux décrite comme un conflit par procuration entre l'OTAN et la Russie, a infligé d'immenses dommages économiques aux industries et aux ménages européens, tout en aggravant considérablement les risques sécuritaires sur tout le continent. On pourrait bien sûr arguer que l'engagement de l'Europe dans la guerre était malavisé dès le départ, fruit d'un orgueil démesuré et d'une erreur de calcul stratégique, notamment la croyance erronée que la Russie subirait un effondrement économique et une défaite militaire rapides.
Cependant, quelle que soit la logique de la réaction initiale de l'Europe à la guerre, on pourrait s'attendre, compte tenu de ses conséquences, à ce que les dirigeants européens saisissent avec empressement toute voie viable vers la paix – et, partant, l'occasion de rétablir les relations diplomatiques et la coopération économique avec la Russie. Au lieu de cela, ils ont réagi avec inquiétude face à la « menace » de paix. Loin de se réjouir de cette opportunité, ils ont doublé la mise : ils ont promis un soutien financier et militaire illimité à l'Ukraine et ont annoncé un plan de réarmement sans précédent, qui suggère que l'Europe se prépare à un affrontement militarisé à long terme avec la Russie, même en cas de règlement négocié.
Comment interpréter cette posture apparemment autodestructrice ? Ce comportement peut sembler irrationnel à la lumière des intérêts généraux ou objectifs de l'Europe, mais il devient plus intelligible à travers le prisme des intérêts de ses dirigeants. Quatre dimensions interdépendantes peuvent contribuer à expliquer leur position : psychologique, politique, stratégique et transatlantique.
D'un point de vue psychologique, les dirigeants européens se sont de plus en plus éloignés de la réalité. L'écart grandissant entre leurs attentes initiales et la trajectoire réelle de la guerre a créé une sorte de dissonance cognitive, les poussant à adopter des récits de plus en plus illusoires, notamment des appels alarmistes à se préparer à une guerre ouverte avec la Russie. Ce décalage n'est pas seulement rhétorique ; il révèle un malaise plus profond, leur vision du monde se heurtant à des réalités inconfortables sur le terrain.
La psychologie offre également un éclairage sur la réaction de l'Europe face à Trump. Dans la mesure où Washington a toujours considéré l'OTAN comme un moyen d'assurer la subordination stratégique de l'Europe, la menace du président de réduire les engagements américains envers l'alliance pourrait offrir à l'Europe l'opportunité de se redéfinir comme un acteur autonome. Le problème est que l'Europe est enfermée dans une relation de dépendance à l'Amérique depuis si longtemps que, maintenant que Trump menace de déstabiliser sa dépendance historique en matière de sécurité 🔽
2. l’Europe est incapable de saisir cette opportunité ; au contraire, elle tente de reproduire la politique étrangère agressive des États-Unis – de « devenir » inconsciemment l'Amérique.
C'est pourquoi, après avoir volontairement sacrifié leurs propres intérêts sur l'autel de l'hégémonie américaine, ils se posent désormais en ultimes défenseurs des politiques mêmes qui les ont rendus inutiles. Il s'agit moins d'une démonstration de conviction réelle que d'un réflexe psychologique – une faible tentative de masquer l'humiliation d'être démasqués par leur patron comme de simples vassaux, une vaine mascarade d'« autonomie ».
Au-delà des aspects psychologiques et symboliques, des calculs plus pragmatiques sont également en jeu. Pour la génération actuelle de dirigeants européens, admettre l'échec en Ukraine équivaudrait à un suicide politique, surtout compte tenu des coûts économiques immenses supportés par leurs propres populations. La guerre est devenue une sorte de justification existentielle de leur règne. Sans elle, leurs échecs seraient révélés au grand jour. À l'heure où les partis politiques établis subissent une pression croissante de la part des mouvements et partis « populistes », c'est une vulnérabilité qu'ils ne peuvent se permettre. Mettre fin à la guerre nécessiterait également de reconnaître que le mépris de l'OTAN pour les préoccupations sécuritaires russes a contribué à déclencher le conflit – une démarche qui remettrait en cause le discours dominant sur l'agression russe et mettrait en lumière les propres erreurs stratégiques de l'Europe.
Face à ces dilemmes, les dirigeants européens ont choisi de camper sur leurs positions. La poursuite du conflit – et le maintien d'une attitude hostile envers la Russie – leur offre non seulement une bouée de sauvetage politique à court terme, mais aussi un prétexte pour consolider leur pouvoir intérieur, réprimer la dissidence et anticiper les futurs défis politiques. Ce qui peut apparaître comme une incohérence stratégique à première vue reflète, à y regarder de plus près, une tentative désespérée de gérer la dégradation interne en projetant sa force à l'étranger.
Tout au long de l'histoire, les gouvernements ont souvent exagéré, gonflé ou carrément fabriqué les menaces extérieures à des fins de politique intérieure – une stratégie qui sert de multiples objectifs, allant de l'unification de la population et de la réduction au silence de la dissidence à la justification de l'augmentation des dépenses militaires et de l'expansion du pouvoir de l'État. Cela s'applique certainement à la situation actuelle en Europe. Sur le plan économique, on espère qu'une production de défense accrue contribuera à relancer les économies européennes anémiques – une forme grossière de keynésianisme militaire. Il n'est guère surprenant, à cet égard, que le pays menant la charge de remilitarisation soit l'Allemagne, dont l'économie a été la plus durement touchée par la guerre en Ukraine.
Les plans de remilitarisation de l'Europe seront sans aucun doute une aubaine pour le complexe militaro-industriel du continent, qui enregistre déjà des gains records, mais il est peu probable qu'ils profitent aux Européens ordinaires, d'autant plus que l'augmentation des dépenses de défense entraînera inévitablement des coupes dans d'autres domaines, tels que les retraites, la santé et les systèmes de sécurité sociale. Janan Ganesh, chroniqueur au Financial Times, a exprimé la logique sous-jacente : « L'Europe doit réduire son État-providence pour construire un État guerrier. » 🔽
3. Cela dit, si les facteurs économiques jouent certainement un rôle, les véritables objectifs du programme de réarmement européen ne sont sans doute pas économiques, mais politiques. Au cours des quinze dernières années, l'Union européenne s'est transformée en un édifice de plus en plus autoritaire et antidémocratique. Sous la présidence d'Ursula von der Leyen, la Commission européenne a exploité crise après crise pour accroître son influence sur des domaines de compétence jusque-là considérés comme relevant des gouvernements nationaux – des budgets et de la politique de santé aux affaires étrangères et à la défense – au détriment du contrôle démocratique et de la responsabilité.
Au cours des trois dernières années, l'Europe s'est militarisée de plus en plus. Ursula von der Leyen a profité de la crise ukrainienne pour se placer à la tête de la réponse du bloc, transformant ainsi la Commission, et l'UE dans son ensemble, en un bras étendu de l'OTAN. Aujourd'hui, sous couvert de « menace russe », Ursula von der Leyen entend accélérer considérablement ce processus de centralisation de la politique du bloc. Elle a déjà proposé, par exemple, d'acheter collectivement des armes au nom des États membres de l'UE, suivant le même modèle « j'achète, vous payez » utilisé pour l'approvisionnement en vaccins contre la Covid-19. Cela donnerait de fait à la Commission le contrôle de l'ensemble du complexe militaro-industriel des pays de l'UE, le dernier d'une longue série de coups d'État institutionnels orchestrés par Bruxelles.
Il ne s'agit pas seulement d'intensifier la production d'armes. Bruxelles poursuit une militarisation globale de la société. Cette ambition se reflète dans l'application de plus en plus stricte de la politique étrangère de l'UE et de l'OTAN – depuis les menaces et les pressions exercées pour contraindre des dirigeants non alignés comme Viktor Orbán en Hongrie et Roberto Fico en Slovaquie à se conformer à leurs engagements jusqu'à l'exclusion pure et simple des candidats politiques critiques envers l'UE et l'OTAN, comme en Roumanie.
Dans les années à venir, cette approche militarisée est appelée à devenir le paradigme dominant en Europe, car toutes les sphères de la vie – politique, économique, sociale, culturelle et scientifique – seront subordonnées au prétendu objectif de sécurité nationale, ou plutôt supranationale. Cela servira à justifier des politiques de plus en plus répressives et autoritaires, la menace d'« ingérence russe » étant invoquée comme prétexte fourre-tout pour tout, de la censure en ligne à la suspension des libertés civiles fondamentales – ainsi que, bien sûr, à la centralisation et à la verticalisation accrues de l'autorité de l'UE – surtout compte tenu des inévitabilités réactions négatives que ces politiques ne manqueront pas de susciter. Autrement dit, la « menace russe » constituera un ultime recours pour sauver le projet européen.
Enfin, il y a la dimension transatlantique. Ce serait une erreur de considérer le clivage transatlantique actuel uniquement à travers le prisme des intérêts divergents des dirigeants européens et américains. Au-delà de ces divergences, des dynamiques plus profondes pourraient être à l'œuvre. Il n'est pas déraisonnable de supposer que les Européens pourraient, à un certain niveau, se coordonner avec l'establishment démocrate américain et la faction libérale-mondialiste de l'État permanent américain – le réseau d'intérêts bien ancrés qui englobe la bureaucratie, l'État sécuritaire et le complexe militaro-industriel américains. Ces réseaux, toujours actifs malgré la « guerre contre l'État profond » déclarée par Trump, ont un intérêt commun à faire dérailler les pourparlers de paix et à perturber la présidence de Trump.
En d'autres termes, ce qui apparaît à première vue comme un affrontement entre l'Europe et les États-Unis pourrait en réalité être, plus fondamentalement, une lutte entre différentes factions de l'empire américain – et, dans une large mesure 🔽
🔴 Une nouvelle renaissance de l'Église catholique ?
par Levana Zigmund
« Ma plus grande crainte est que l’Europe ait perdu le sens de ses propres racines. Elle a perdu ses racines… Je crains que l’Occident ne meure… Vous êtes encore envahis par d’autres cultures, d’autres peuples qui, progressivement, vous dominent numériquement et transforment complètement votre culture, vos convictions… votre culture. »
— Cardinal Sarah
Le décès du pape François, survenu le 21 avril 2025, le Lundi de Pâques, a donné lieu, outre les cérémonies habituelles, à une vague de critiques, de spéculations et de regards inquiets tournés vers l’avenir.
Cependant, même les cérémonies n’ont pas été tout à fait conventionnelles. D’une part, le pape a refusé d’être inhumé dans la basilique Saint-Pierre, et la présence de délégations des mouvements transgenres et LGBT au premier rang des funérailles a suscité des interrogations. D’autre part, atténuant quelque peu la solennité de l’événement, les obsèques du pape sont devenues un théâtre de pantomime pour divers dirigeants politiques, qui se sont salués (ou non), se sont serré la main (ou non), se sont regardés de travers ou ont souri les uns aux autres, offrant ainsi une semaine de travail aux interprètes du langage corporel et aux lecteurs de lèvres.
Il semble même qu’Ursula von der Leyen ait réussi, à cette occasion, à s’entretenir quelques minutes avec Donald Trump, après des mois d’échecs humiliants dans ses tentatives d’obtenir une rencontre avec le nouveau président américain. Le moment géopolitique le plus marquant de l’événement au Vatican revient toutefois au tête-à-tête entre Trump et Zelensky.
**Un héritage problématique**
Le pape François a été un pape controversé, et ses dernières années de pontificat ont été marquées par des sanctions sévères contre certains de ses détracteurs, parmi lesquels l’archevêque Carlo Maria Viganò, excommunié en 2024, s’est montré le plus virulent.
Dans une récente interview, Viganò affirme que le pape François a été, plus qu’un pape catholique, un instrument de la révolution maçonnique mondiale. Étant donné que François fut le premier pape jésuite, et que la Compagnie de Jésus est l’une de ces organisations dont la sombre réputation en matière de manipulation du pouvoir à des fins sinistres n’est surpassée que par l’ordre des Illuminati de Bavière, cette thèse pourrait sembler plausible pour tout conspirationniste digne de ce nom. Sauf que, dans ce cas, elle n’est pas portée par un tenant de la Terre plate, mais par un ancien nonce apostolique. Et le fait que, à la mort du pape, la Grande Loge d’Italie ait encensé son pontificat comme « profondément en résonance avec les principes de la franc-maçonnerie » ne contribue pas à dissiper les soupçons.
Sortant quelque peu du clair-obscur, Emmanuel Macron – lui aussi acteur actif des tractations politiques suscitées par les funérailles du pape – a discuté, fin 2024, de la question de l’euthanasie avec le pape François ainsi qu’avec le grand maître de la loge maçonnique du Grand Orient. Aujourd’hui, la France est sur le point de légaliser la mort assistée par une loi qualifiée d’« extrêmement progressiste ». Macron doit prochainement retourner à la loge pour y prononcer un discours sur la laïcité, tout en cherchant, selon la presse italienne, à influencer les travaux du conclave en faveur du cardinal libéral controversé Jean-Marc Aveline.
Viganò soutient que le rôle assigné à François était de « réformer » l’Église catholique à l’image du projet globaliste, en adoptant des idéologies extrémistes imposées sous le prétexte de diverses « crises » artificielles, de la prétendue pandémie de Covid aux changements climatiques. Dans une analyse récente publiée par *Strategic Culture*, Stephen Karganovic écrivait :
« Avec le recul, le cheminement de Bergoglio vers le trône est limpide. L’objectif de son ascension était d’apporter les dernières touches au long processus de décomposition du Vatican et de cette 🔽
2. partie du monde occidental qui puisait dans le Vatican sa nourriture culturelle et spirituelle. Le projet d’achèvement de cet effondrement induit de l’Église occidentale en tant qu’institution chrétienne reconnaissable est en gestation depuis très longtemps et a été exécuté avec une précision et une discipline extrêmes. »
En réalité, le pape François semble s’être rallié à toutes les causes globalistes, cautionnant la Grande Réinitialisation avec l’autorité de « leader spirituel le plus important du monde », comme l’a souvent qualifié la presse. François a exhorté avec insistance les fidèles à se soumettre aux mesures draconiennes pendant la prétendue pandémie et à accepter la vaccination comme une « obligation morale », condamnant ceux qui propageaient des « informations infondées ». Admettant qu’il ait été induit en erreur, il n’a jamais présenté d’excuses, même à demi-mot, contrairement à Fauci ou d’autres responsables.
Dans la même veine de sujets sans lien avec la religion, le pape François a soutenu la ligne du parti globaliste concernant la « crise climatique », le multiculturalisme, l’immigration menant à l’islamisation de l’Europe, et d’autres idéologies et politiques promues par le Forum économique mondial, l’ONU et l’OMS. J’ai mentionné que ces sujets n’ont rien à voir avec la religion, mais il faut souligner qu’on cherche à leur conférer un caractère religieux ; comme je l’écrivais dans un autre article, la « Nouvelle Religion Mondiale » place en son centre – comme dogmes, doctrines et croyances – les objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, projet apothéotique du globalisme.
Si certaines prises de position publiques du pape concernaient des sujets récemment intégrés à la sphère du sacré, d’autres sont entrées en opposition frontale avec les doctrines et dogmes traditionnels du catholicisme – et avec les convictions de nombreux fidèles. François a soutenu la cause arc-en-ciel sous le slogan « Qui suis-je pour juger ? ». La réponse aurait normalement été : le pape de Rome. Mais, prenant au mot cette apparente esquive, la question demeure : alors, qui était le pape pour juger ceux qui, par exemple, refusaient de se faire injecter des produits expérimentaux ? Ou, tant qu’on y est, ceux qui rejettent la propagande LGBT ? Ou ceux qui, en fin de compte, souhaitent préserver leur foi telle qu’elle a été façonnée au fil des siècles ?
En évoquant l’héritage controversé du pape François, je ne peux omettre le Jubilé 2025, annoncé sous le titre « Pèlerins de l’Espérance ». Pour clarifier : selon le pape François, l’année 2025 devait être « une année d’espérance pour un monde souffrant des impacts de la guerre, des effets persistants de la pandémie de Covid-19 et des changements climatiques ». La mascotte du jubilé, nommée « Luce », a de nouveau suscité des controverses. Certains ont apprécié son style manga, d’autres ont estimé que l’Église catholique dispose dans son histoire d’un art de bien meilleure qualité pour illustrer ses jubilés. Une autre source de scandale autour de la mascotte est que l’entreprise productrice, Tokidoki, a lancé à un moment donné, en collaboration avec une société nommée « Lovehoney », une gamme de « jouets sexuels de designer ».
Il reste à voir si le nouveau pape poursuivra les plans du Jubilé 2025 dans les mêmes coordonnées héritées du pape François.
**« Le Synode des Synodes »**
En 2021, le pape François a convoqué un « Synode sur la synodalité », qu’il considérait comme le point culminant de son pontificat et l’événement le plus important au sein de l’Église catholique depuis le Concile Vatican II dans les années 1960. Comme Vatican II, ce « Synode sur la synodalité » est extrêmement controversé et a été critiqué comme un nouveau saut inacceptable vers le progressisme, non seulement par l’archevêque Carlo Maria Viganò, mais aussi par des voix plus modérées. Les critiques vont de l’idée que ce synode réécrit les dogmes en fonction des opinions des participants à celle 🔽
3. selon laquelle le pape François avait annoncé dès le départ les conclusions qu’il souhaitait atteindre. Dans ce contexte, l’archevêque Charles Chaput notait récemment :
« La personnalité [du pape François] était marquée par des tendances autoritaires et temperamentales. Il résistait même aux critiques les plus loyales. »
On comprend alors la suspicion (ou la conviction, dans le cas de Viganò) que le vaste programme de réforme institutionnelle de l’Église catholique entrepris par François sous le couvert de l’« Église synodale » est, en réalité, une tentative avancée d’usurpation de l’autorité de l’Église à des fins doctrinales et dogmatiques totalement différentes, sinon contraires, à celles qu’elle était censée porter.
Dans la même analyse citée plus haut, Stephen Karganovic donne une idée de la perception des critiques à propos de l’« Église synodale » :
« À un premier niveau, [le pontificat de François] s’inscrit dans le mouvement général de restructuration de l’Église romaine, qui a commencé au plus tard avec le Concile Vatican II. […] Cet *aggiornamento* annoncé par le pape Jean XXIII […] a été perfectionné par des dérogations majeures aux éléments centraux du christianisme traditionnel, mises en œuvre sans scrupules sous le pontificat de Bergoglio. Jusqu’à l’installation de Bergoglio comme pape, la transformation doctrinale et liturgique de l’Église romaine a suivi un parcours en zigzag, contrainte de tenir compte des sentiments des catholiques traditionnels et s’arrêtant toujours à un pas de plonger entièrement dans un modernisme excessif, du moins pour sauver les apparences. Avec l’ascension de Bergoglio, ces réserves ont été totalement abandonnées.
Ce qui, sous les pontificats précédents, était fait lentement, en testant prudemment les eaux, […] sous Bergoglio a été imposé et promulgué *urbi et orbi*, sous la forme de l’affirmation blasphématoire que toutes les religions constituent des voies également valides vers Dieu, une idée qui répugne non seulement au catholicisme traditionnel, mais à tout l’enseignement pérenne du christianisme. Cette idée a été proclamée – à la consternation de nombreux catholiques, sans parler des autres croyants chrétiens – en 2019, lors du synode amazonien au Vatican, où la divinité païenne Pachamama a été introduite comme un objet légitime de quasi-adoration, en présence des plus hautes autorités de l’Église catholique et du pontife Bergoglio lui-même. […]
L’égalisation de toutes les religions et la négation de la primauté de l’une d’entre elles expriment, *in nuce*, la doctrine et l’esprit du Nouveau Catholicisme, qui s’est développé progressivement dans les décennies suivant Vatican II et dont Bergoglio a été le promoteur le plus insistant et le porte-parole le plus visible.
L’« Église » bergoglienne a pour mission d’éliminer toutes les caractéristiques distinctives [de l’Église catholique] et de les atténuer au point qu’elle puisse fusionner confortablement avec l’environnement séculier qui l’entoure. Dans ce système qui se profile, le pape – qu’il s’agisse de Bergoglio ou de son successeur – se contentera d’être rétrogradé de son rôle de vicaire infaillible à celui de gestionnaire d’un bureau religieux, en échange de quelques miettes de la table des globalistes.
Le rôle de toutes les croyances dans un tel monde, réorganisé selon des principes qui n’ont pas encore été entièrement révélés, mais que nous pouvons anticiper avec suspicion et inquiétude, est de devenir le département d’endoctrinement spirituel au service des maîtres élitistes, pour pacifier les masses d’ilotes, en les aidant à supporter les rigueurs de leur propre esclavage. »
Face à cela, la conclusion d’un commentateur, selon laquelle le pape François « a joué un jeu dangereux de déstabilisation », est relativement modérée. Comme pour le Jubilé 2025, l’avenir du « Synode sur la synodalité » après la mort du pape François reste incertain. Son successeur aura son mot à dire. 🔽
Nous assistons à une fracture qui s’élargit rapidement entre l’Amérique et l’Europe. Par ailleurs, des divisions de plus en plus toxiques minent la cohésion de l’Europe. Peut-on encore parler d’une Alliance occidentale ?
Un éditorial de Frank Furedi, publié par The European Conservative.
📍Soudain, tout est devenu limpide. Il reste très peu d’éléments qui maintiennent encore uni ce qu’on appelait autrefois le monde occidental.
L’arrivée au pouvoir du président Trump en 2025 a amplifié la tendance à l’éclatement de l’occidentalisme global. L’Amérique se replie sur elle-même, et une Europe trop souvent négligée prend conscience que sa fragilité et sa faiblesse sont désormais flagrantes.
Le conflit actuel entre l’Europe et l’Amérique ne se limite pas à des divergences sur la manière d’aborder l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il ne s’agit pas non plus d’un simple différend commercial ou tarifaire.
Certes, nous voyons une affirmation nette de l’intérêt américain, mais la dynamique en jeu ne se réduit pas à une nouvelle mouture de la rivalité habituelle entre grandes puissances.
La récente révélation d’une supposée conversation entre hauts responsables de l’administration américaine sur la plateforme Signal a démontré qu’il ne s’agissait pas simplement d’une violation anodine des règles de sécurité.
La façon dont cette fuite a été dévoilée, ainsi que les attitudes exprimées par les participants, ont révélé que ce qu’on désignait comme l’Occident ou l’Alliance occidentale s’est vidé de toute substance réelle.
Le ton méprisant employé par ces participants envers l’Europe et les Européens témoigne d’une fracture culturelle profonde entre les deux continents.
Il est indéniable qu’une partie des élites européennes ressent un mépris semblable envers leurs cousins américains jugés « grossiers » au sein de l’administration Trump.
Il est difficile de prévoir comment ce drame va se dérouler et s’il aboutira à un « familicide » occidental. Quelques esprits lucides doivent bien subsister, mais la rupture géopolitique entre les deux continents s’accompagne d’un conflit culturel fondamental touchant tous les secteurs du monde occidental.
Cependant, l’issue de cette confrontation entre l’Europe et l’Amérique ne dépendra pas entièrement des principaux acteurs. Des forces mondiales puissantes attisent les rivalités politiques et économiques.
Ce positionnement stratégique ouvre la voie à une nouvelle ère de realpolitik, où les principaux acteurs hésitent de moins en moins à projeter ouvertement leur puissance militaire.
Évidemment, la Chine, la Russie et l’Inde sont prêtes à tirer parti de toute opportunité découlant des tensions internes à l’Occident.
Le problème ne se limite pas au désengagement des États-Unis vis-à-vis de l’Europe, mais à une rupture avec les conventions établies après la Seconde Guerre mondiale, qui ont encadré les relations intra-occidentales.
Depuis longtemps, l’OTAN est maintenu en vie de manière artificielle. Aujourd’hui, Washington a décidé de le débrancher.
Il est important de remarquer que l’indifférence apparente de Trump envers le sort de l’OTAN et son manque d’intérêt à considérer l’Europe comme un partenaire sérieux étaient prévisibles. Les grandes lignes de la situation actuelle ont été esquissées par l’administration Biden dans les semaines précédant l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.
En effet, dans les mois précédant cette invasion, les leaders européens ont été réduits à de simples figurants. Les États-Unis et la Russie, Biden et Poutine, étaient les véritables protagonistes.
Ce sont eux qui ont mené des manœuvres diplomatiques d’envergure, pas les dirigeants français ou allemands. Ainsi, lorsque Washington a décidé unilatéralement d’envoyer 3 000 soldats supplémentaires en Pologne et en Roumanie en février 2022, aucune consultation n’a eu lieu avec l’Union européenne.
Un titre du New York Times de janvier 2022 illustre bien la 🔽
2. marginalisation de l’UE : « Les États-Unis et la Russie discuteront de la sécurité européenne, mais sans les Européens ».
L’article précisait :
« Le fait incontournable est que lorsque les États-Unis et la Russie se réuniront lundi à Genève pour discuter de l’Ukraine et de la sécurité européenne, les Européens seront absents.
« Et lorsque l’OTAN rencontrera la Russie mercredi, l’Union européenne, en tant qu’institution, ne sera pas représentée – bien que 21 États soient membres des deux organisations. »
À l’époque, le New York Times notait que ces pourparlers bilatéraux ravivaient « les anciennes craintes que les deux puissances de la Guerre froide concluent un accord à huis clos ».
L’ancien haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, avait déjà exprimé son inquiétude face à l’attitude autoritaire des États-Unis et de la Russie.
« Nous ne sommes plus à l’époque de Yalta, où les grandes puissances se sont réunies en 1945 pour partager l’Europe d’après-guerre », avait-il déclaré. L’Union européenne « ne peut pas rester spectatrice », avait-il ajouté, alors que les États-Unis, l’OTAN et la Russie débattaient de la sécurité européenne.
Pourtant, pendant que l’invasion de l’Ukraine se déroulait, l’Europe n’a été rien d’autre qu’un spectateur.
Aujourd’hui, l’UE est rarement conviée au théâtre des événements et lutte pour conserver ne serait-ce que son rôle de spectatrice.
L’incapacité des élites européennes à faire face aux réalités actuelles est profondément désolante. Prenons l’exemple de la récente déclaration de Mark Rutte, ancien Premier ministre néerlandais et actuel secrétaire général de l’OTAN. Lors d’un discours à Varsovie, il s’est vanté devant son public :
« Les alliés de l’OTAN représentent la moitié de la puissance économique et militaire mondiale. Deux continents, 32 nations et un milliard de personnes.
« Ensemble, au sein de l’OTAN, l’Europe et l’Amérique du Nord sont invincibles.
« Aujourd’hui comme demain. À notre milliard de citoyens, je dis ceci :
« Soyez rassurés.
« Le lien transatlantique est solide.
« Et oui, nous ferons de l’OTAN une alliance plus forte, plus équitable et plus redoutable.
« C’est ainsi que nous garantirons notre sécurité dans un monde de plus en plus dangereux. »
Un lien transatlantique solide ? Sérieusement ?
La déclaration exagérément optimiste de Rutte rappelle tristement l’état chronique d’aveuglement qui frappe les dirigeants politiques sans vision de l’UE.
Elle montre que, du côté européen de l’Atlantique au moins, les élites dirigeantes persistent à nier la réalité et rechignent à préparer leurs nations aux défis de l’ordre mondial émergent.
DES JOURS COMPTÉS
Il est clair que l’Alliance occidentale vit ses derniers jours depuis un certain temps. La Guerre froide entre le monde libre et le bloc totalitaire a conféré à l’Occident une cohésion sans précédent.
Mais cette cohésion reposait sur une supériorité morale face à une Union soviétique profondément corrompue.
C’était une autorité morale de nature négative, fondée sur le contraste avec un système politiquement et moralement inférieur.
Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée et que la Guerre froide a pris fin, l’Occident a dû puiser en lui-même les ressources morales pour légitimer son existence.
Que la fin de la Guerre froide en 1991 soit une bénédiction en demi-teinte a été reconnu à l’époque par des observateurs perspicaces.
Dès la fin de la Guerre froide, une nostalgie s’est manifestée pour les certitudes et la clarté morale qu’offrait un monde divisé entre le bien et le mal.
L’ancien diplomate et économiste influent John K. Galbraith écrivait :
« Un fait difficile à concevoir est que, durant les 45 dernières années, près d’un demi-siècle, personne n’a été tué, sauf par accident, dans un conflit entre les pays industriels riches ou relativement riches – c’est-à-dire entre les pays capitalistes… et ceux qui se revendiquaient communistes. » 🔽
3. Les regrets de Galbraith pour l’âge d’or de la Guerre froide ont été repris par le Financial Times :
« Le soulagement de l’Occident d’avoir mis fin à la Guerre froide appartient au passé. Il a été remplacé par des craintes d’instabilité politique et par la prise de conscience que l’intégration de l’Europe de l’Est, sans parler de l’Union soviétique, dans l’économie mondiale pose des défis d’une complexité jusqu’alors inimaginable. »
« Pourquoi la Guerre froide nous manquera bientôt » était le titre d’un essai marquant publié par John J. Mearsheimer, spécialiste des relations internationales, dans The Atlantic en août 1990.
Figure majeure de l’école réaliste des relations internationales, Mearsheimer a compris que la Guerre froide avait simplement étouffé, sans les résoudre, certains conflits qui avaient tourmenté l’Europe avant cette période.
Il observait :
« Pourtant, nous pourrions un jour regretter la perte de l’ordre que la Guerre froide imposait à l’anarchie des relations internationales. Car c’est une anarchie sauvage que l’Europe a connue durant les quarante-cinq années précédant la Guerre froide, et cette anarchie – la guerre hobbesienne de tous contre tous – est une cause majeure des conflits armés.
« Ceux qui pensent que les conflits armés entre États européens sont désormais impossibles, que les deux guerres mondiales ont éradiqué la guerre en Europe, projettent un optimisme infondé sur l’avenir.
« Les théories de la paix qui sous-tendent cet optimisme sont des constructions bien fragiles. »
Mearsheimer ajoutait :
« La probabilité de crises majeures, voire de guerres, en Europe risque d’augmenter fortement maintenant que la Guerre froide appartient à l’histoire. »
Trente-cinq ans plus tard, il est évident que les années post-Guerre froide ont été rudes pour ceux qui cherchaient à préserver l’Alliance occidentale.
Mais il ne s’agit pas seulement de l’OTAN. Ce qui unissait l’Occident allait au-delà de simples objectifs stratégiques pragmatiques. Ce n’était pas uniquement un pacte défensif. L’Occident d’après 1945 ne se réduisait pas non plus à un empire américain.
Il y avait aussi un héritage moral et intellectuel partagé – un ensemble de valeurs transcendant les frontières nationales, que ni Hitler ni Staline n’avaient pu entièrement éroder ou anéantir.
L’Occident – ou la civilisation occidentale – a toujours été marqué par une diversité culturelle interne, mais il a constamment prouvé sa capacité à se renouveler.
Au fil de l’histoire, l’Occident a connu des divisions, comme la scission de l’Empire romain en deux parties : l’Ouest et l’Est.
Cela fut suivi par la rupture de l’Église chrétienne entre les branches romano-catholique et orthodoxe orientale.
La division ultérieure du christianisme occidental, avec la Réforme, a engendré des siècles de conflits sanglants entre protestants et catholiques.
Le terrible bilan des conflits idéologiques du XXe siècle a poussé de nombreux commentateurs à évoquer sombrement un déclin imminent de la civilisation occidentale.
Pourtant, l’Occident et son héritage historique ont survécu, d’une manière ou d’une autre.
Pouvons-nous espérer que l’Occident conserve encore la capacité de régénération nécessaire pour contrer les effets corrosifs des divisions qu’il s’est lui-même infligées ?
C’est envisageable, à condition qu’un nombre suffisant de personnes influentes comprennent que la crise actuelle de l’Occident n’est pas seulement géopolitique, mais aussi culturelle.
Chaque société occidentale est confrontée à un conflit culturel interne, entre ceux qui veulent rompre avec l’héritage civilisationnel de leur société et ceux qui souhaitent le préserver.
Remporter ce conflit face aux détracteurs de l’héritage culturel occidental est la condition sine qua non pour redonner un sens à l’idée d’Occident au XXIe siècle. 🔽