Depuis des années je développe une passion pour les articles sur les tiny houses.
Déjà car il s’agit d'un habitat léger, ensuite parce qu’ayant vécu en caravane comme « gens du voyage », je ne peux m’empêcher d’afficher un sourire en coin tout au long de la lecture ⤵️
Ici il s’agit d’un bel article de Libe, qui dresse plusieurs portraits de ceux qui utilisent les tiny houses. Ils expliquent leur motivations, leurs usages et peut-être le plus intéressants : les freins qu’ils rencontrent.
Pour aller plus loin et puisque cet angle n’est presque jamais abordé dans la presse, il me semble intéressant de comparer les réalités et les façons dont on parle des habitants des tiny houses, et desdits « gens du voyage »
Déjà sur l’objet, le vocabulaire utilisé pour parler de la tiny house dans cet article :
« maison montée sur une remorque »,
« habitat alternatif »,
« concept séduisant »,
« tendance sociale et architecturale »,
« un petit nid sur roues »,
« un projet de vie ».
On remarque que la tiny house n’est jamais qualifiée de caravane ou de roulotte, que la sémantique reste positive. Même chose sur les sites internet des sociétés qui les produisent. On y parle de « micromaisons », de « vraies petites maisons », de « maison qui roule », etc.
Pourtant ce sont bien des caravanes au sens stricte, des habitats mobiles montés sur roues. C’est ainsi que le droit les appréhende (comme le note l’article), et c’est là que ça devient intéressant.
Car les lois et les règles créées contre l’installation et l’accès à la propriété des « gens du voyage » frappent directement ces « nouveaux nomades en tiny house ».
Lorsque l’on vit dans un habitat mobile à usage principal d’habitation on ne peut stationner plus de 3 mois dans son propre terrain sans obtenir d’autorisation du maire.
Or l’article relève (à juste titre) la frilosité des maires en raison de « vieux préjugés envers les gens du voyage, ou à la nécessité de réviser le PLU pour une poignée de demandes ».
Dommage que ce développement n’aille pas plus loin par ce que moi ça me saute littéralement au visage. Surtout avec la phrase suivante : « Ce qui contraint les «tiny housers» à se déplacer tous les trois mois, à se mettre gentiment hors-la-loi ou à renoncer à leur projet de vie »
Je crois que jamais personne n’aurait écrit ça pour un « gens du voyage ».
Les Voyageurs ne sont ainsi jamais « gentiment hors-la-loi », mais plutôt « envahissants » dans des « installations sauvages et illicites », et coupables de « dégradations », de « troubles à l’ordre public » et « d’empoisonner la vie des riverains », des vrais gens quoi.
Les Voyageurs ne sont pas « contraint à renoncer à leur projet de vie », mais ils sont plutôt « accompagnés vers l’ancrage et la sédentarisation » à travers des politiques publiques respectueuses de leurs traditions.
Ça m'a fait penser à cette récente vidéo témoignage prise à Besançon, où cet homme explique qu'il est expulsé en raison de son installation illicite sur un parking, mais que ses voisins non-gens du voyage eux ne sont pas inquiétés.
Car ce vocabulaire, ces usages sémantiques ignorent les usages réels de la pratiques administratives, de l’héritage lié à la pratique ancestrale de la chasse aux « tsiganes ». Selon que vous soyez « tsiganes » ou non, le traitement de l’installation illicite différera légèrement
Dans l’article on donne l’exemple d’un village pour Tiny House créé à Saint-Brieuc, le Ty Village, 20 emplacements en herbe, situé en plein cœur d’une zone résidentielle.
On saurait donc créer des espaces pour l’habitat mobile, dans la ville, vivables, beaux et bien intégrés ?
Comparaison n’est pas raison, mais quand même c’est frappant d’afficher deux photos, deux modèles, ceux des terrains réservés à ces « gens du sur-place » en caravane, et celles des aires d’accueil réservées aux « gens du voyage ».
C’est aussi frappant de comparer les tarifs, 230€ pour un emplacement avec eau et électricité comprises dans le ty village de Saint Brieuc ou 430€ de location pour une tiny. Pas donné mais dans le même ordre de prix que la plupart des aires (voire moins cher que certaines).
Alors qu’une majorité de la population pense encore que les aires d’accueil sont gratuites, que les "gens du voyage" mènent une forme de vie parasitaire, sans foi ni loi et anachronique, voilà que la tiny house nous permet quelques nouvelles mises en perspectives.
Le Ty Village n’est pas la seule offre d’accueil (publique et privée) de l’habitat mobile, il y a le camping municipale ou les aires pour camping car. Ces espaces restent eux aussi interdits aux gens du voyage (grâce à l’interdiction de la caravane double essieux).
Inutile également de vous expliquer qu’ils sont plutôt bien intégrés aux villes,dans les centres, au bord de la mer ou près de point d’intérêt touristique et naturel, quand les aires d’accueil sont systématiquement à l’écart et dans des zones industrielles
Et puis il y a cette image de la tiny house, le « retour à la nature », la « démarche écolo » la « vie nomade minimaliste et au ralenti », « sobre » et « décroissante ». Habitué de l’usage sémantique sur les Voyageurs, je vous assure que nous ne profitons pas du même.
Ainsi les modes de vie exercés par nos familles sont qualifiés plus régulièrement de "péril" ou de "fléau" et sur le terrain restent grandement rejetés.
Pourtant ces mêmes façons d’habiter viennent aujourd’hui, comme le note cet article, répondre à « l’envie de sobriété, d’accorder du temps à la vie en extérieur et de moins travailler » des jeunes gens-du-sur-place.
Quant à son prix entre 30 000 et 100 000€, il permettrait un accès à la propriété à bas prix, quand l’achat par des « gdv » de caravane (dont l’immense majorité coûtent moins de 30 000€) suscite toujours LA question :
Comment font-ils pour se payer ces belles caravanes ?
C’est pourtant bien dommage de continuer à traiter ces sujets de façon plus ou moins cloisonnée, car l’altération des libertés (de circulation et d’installation) des « gens du voyage » conduit irrémédiablement à celle du reste de la population.
La non reconnaissance de la caravane comme logement par exemple empêchent les Voyageurs d’accéder à la propriété, d’accéder aux APL, aux tarifs sociaux de l’énergie ou à la protection de la trêve hivernale.
Le droit de l’urbanisme est calibré pour offrir des pouvoirs d’éviction de la propriété et de l’installation des voyageurs.
Comparer cette relative binarité du traitement médiatique, ces différentes réalités de la pratique de l’itinérance et de l’habitat léger permet pourtant de faire ressortir le fond du problème.
Mais peut-être que les tiny-houseurs feront changer les choses ?
En attendant des familles continuent de se faire expulser, des caravanes continuent d'être visées par des tirs, les amendes augmentent et deviennent automatiques (AFD), des casiers judiciaires continuent d'être ouverts, bref.
La chasse reste ouverte.
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Visite du futur site de l'aire d'accueil de la Ciotat (13). Un trou situé sous l'autoroute, entre la départementale et le TGV, à 1h30 de marche de la ville et construit dans une ancienne casse auto.
Coût prévu du projet pour 25 places : 6 millions d'euros !
En plus de l'aberration sociale et économique (l'aire d'accueil sera l'une des plus chère de France), le projet est également une aberration écologique car il nécessitera le déboisement de 7 hectares classés à deux pas du parc national des Calanques. marsactu.fr/la-metropole-p…
Malgré les alertes répétées des associations de défense des "gens du voyage" et d'autres acteurs, le projet suit son cours et viendra satisfaire des élus locaux qui ont besoin d'être aux normes (quitte à choisir le pire terrain) pour bénéficier de procédures d'expulsion allégées.
L’installation hors aires de 400 caravanes n’est facile pour personne et je comprends les difficultés. Pourtant il s’agit d’un sujet complexe, technique, d’un fait social prévu et encadré par le droit et j’invite ceux qui portent la parole publique à ne pas dire n’importe quoi.
Contrairement aux affirmations de cet avocat il y a bien des expulsions (nombreuses), qui peuvent être prononcées en moins de 48h À CONDITION que la collectivités soient aux normes, c’est-à-dire qu’elle disposent bien des aires d’accueil prévues par la loi.
Les gens ont souvent du mal à comprendre lorsque je leur dis que non seulement le racisme s’observe par satellite, mais qu’en plus il détruit la nature et coûte très cher au contribuable.
Exemple ici.
Vous ne voyez pas ? Je vous explique ⤵️⤵️⤵️
Ici c’est un petit bout de forêt de la Ciotat (83) coincé entre une autoroute et une carrière, localisée au pied de falaises escarpées et instables. Ici c’est aussi une ancienne casse auto.
Ici c'est l'endroit le plus reculé, aux frontières communales, aucun accès à la ville. Théoriquement il faudrait 1h et 9 minutes de marche pour accéder au centre en coupant par la garrigue.
Que ce soit le président de la république ou cet ex-candidat du RN aux départementales du 06, en matière de "gens du voyage" la démagogie et le tout répressif prime.
Mais si on parlait du fond ?
Prenons donc l'exemple de la région PACA ⤵️⤵️⤵️
En la matière la loi Besson du 5 juillet 2000 prévoit que toutes les communes de plus de 5000 habitants disposent d’un lieu « d’accueil » pour les « gens du voyage ».
Une loi présentée comme un "équilibre entre les droits et devoirs".
Mais ça c'est la théorie.
Mais s’il y a bien une loi qui n’est pas respectée par les élus du sud, et qui a été complètement caviardée par le législateur à force d’introduction de dérogations, c’est bien celle-ci
Ci-dessous, les villes +5000 en PACA et celles qui disposent vraiment d’un « lieu d’accueil »
Derrière le discours il y a des réalités, ici le Président n’annonce aucune création, puisque cette amende « spécifique aux gens du voyage » (si c’est pas discriminant ça) existent déjà dans la loi depuis 2018.
Ainsi une installation illicite peut être punie d’un an d’emprisonnement et 7500€ d’amende. Le législateur a aussi créé un dispositif d’amende pénale forfaitaire, qui elles sont distribuées directement par les agents de police : 500 € (400€ minorée, 1000€ majorée).