Dix ans de guerre au #Sahel viennent de donner naissance à deux dictatures militaires. On pouvait s'attendre à ce que la guerre contre la terreur fabrique des régimes autoritaires militarisés mais la manière dont ils sont advenus n'est pas forcément celle anticipée 1/
Le scénario auquel avaient pensé des sceptiques de la guerre contre la terreur (à commencer par moi) après 2013 était celui d'un glissement vers l'autoritarisme des régimes en place, pas forcément leur renversement par des forces politiques (des juntes) encore plus brutales 2/
La guerre contre la terreur au Sahel, telle qu'encouragée par les puissances occidentales a renforcé les tendances existantes des régimes en place, vaguement démocratiques. L'autoritarisme n'était peut-être pas au fond la pente naturelle dominante de ces régimes 3/
La pente naturelle de ces régimes, c'était le ronronnement auto-satisfait d'élites urbaines corrompues et dédaigneuses de ce qu'il se passe en dehors des capitales. Et c'est cette pente qu'a encouragée l'aide occidentale 4/
La guerre contre la terreur dans le contexte sahélien a fabriqué, avec le soutien occidental, des régimes honnis par leur population en plus d'être militairement inefficaces 5/
L'Occident n'a pas en tant que tel engendré les dictatures du moment, il a en revanche planté quelques clous supplémentaires dans le cercueil d'un projet supposément démocratique qui ne l'a jamais été 6/
Une fois le pseudo-projet démocratique bel et bien enterré, il ne restait plus sur le marché de la gouvernance que la dictature militaire (pour les villes?) ou le jihad (pour une partie au moins des campagnes?) 7/ et FIN/
J'ai menti. La /FIN n'était pas la /FIN. La suite, prospective et casse-gueule, arrive dans quelques heures 8/
De manière peut-être simpliste: il ne reste plus au Mali et au Burkina Faso que deux offres politiques, la dictature militaire et la régulation sociale djihadiste. L'option "démocratique-mais-pas-trop" est balayée, et avec elle le projet de state-building à la mode occidentale 9/
L'option "démocratique-mais-pas-trop" peut-elle revenir? Pas à court terme à mon avis. Elle est discréditée ; ses représentants sont à la merci des militaires, qui étouffent aussi la société civile ou la presse indépendante. Mais... 10/
cette option est encore incarnée par le Niger et les pays côtiers. Si ces pays s'en sortent honorablement, ils peuvent, par l'exemple plutôt qu'en punissant le Mali ou le Burkina, rendre attractif leur modèle. Grosse responsabilité de Bazoum pour ses citoyens ET la région 11/
Qu'en est-il dans l'immédiat des autres offres, toutes deux fondées sur la coercition ? Au Mali comme au Burkina, les villes sont à peu près tenues par l'État tandis que l'hinterland rural lui échappe. Les États ont-ils la capacité de récupérer les campagnes ? 12/
Pour l'instant la réponse est non, même en mettant dans la partie Wagner et des milices coutumières des crimes de guerre et en concentrant l'effort militaire sur un morceau seulement du pays (le Centre), en laissant le reste (Menaka) servir de terrain de jeu aux djihadistes 13/
Pas de Wagner au Burkina (pour l'instant) mais un projet hautement inflammable de militarisation de l'ensemble de la société qui mène tout droit à une guerre low cost de tous contre tous 14/
Plus ennuyeux encore pour le long terme : ces plans de reconquête militaire ne sont adossés à aucune vision un tant soit peu novatrice de l'État 15/
Les djihadistes disposent de leur côté d'un large espace de régulation sociale à investir, ce qu'ils font avec un certain succès dans la Centre du Mali. La base sociale de l'EI est quant à elle plus étroite et sa gouvernance plus prédatrice 16/
La pression militaire subie par ces mouvements n'est pas suffisante pour qu'ils soient délogés de sitôt. Se dessine ainsi un scénario susceptible de s'installer dans la durée... 17/
celui d'une gouvernance bifurquée selon un axe villes/campagnes, avec des villes bunkerisées sous la coupe réglée des militaires adossés à une base surchauffée et intoxiquée par la propagande... 18/
et des campagnes servant de lieux d'expérimentation d'une gouvernance djihadiste, et théâtres d'atrocités répétées commises par les deux camps lors de confrontations stériles 19/ et /FIN
PS : il y a un autre modèle de gouvernance dont je n'ai pas parlé et qui mériterait l'attention, c'est celui de Kidal. Une prochaine fois
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
