Thread by @clemnaturel

🧵#Pérou : Coup d’Etat raté ou Révolution avortée ?

Hier, Pedro Castillo a tenté de dissoudre le Parlement (de droite) et de réformer la Justice (corrompue) pour convoquer une Assemblée Constituante, une promesse électorale à laquelle s’opposaient le Parlement et la Justice.

Depuis son élection en juin 2021, Castillo a mal géré le pays en nommant des ministres controversés et en traitant de manière opaque avec des entreprises comme PetroPeru. Lui et ses proches sont sous enquêtes du ministère publique pour corruption. alterinfos.org/spip.php?artic…

En avril dernier, il a demandé au Parlement de soumettre à référendum la convocation d’une Assemblée constituante chargée d’élaborer une nouvelle Constitution (l’une de ses principales promesses de campagne). Une initiative très critiquée par la droite et la presse péruvienne.

Selon le projet présenté par Castillo, l’Assemblée Constituante compterait 130 élus, dont 40% seraient issus des partis politiques, 30% seraient des candidats issus de la société civile, 26% des représentants des peuples autochtones et 4% des représentants des afro-péruviens.

Dans l'esprit de Castillo, d'ici à la rédaction d'une nouvelle Constitution visant à rétablir l'État de droit et la démocratie dans un délai ne dépassant pas 9 mois, le gouvernement aurait régi les affaires courantes par décrets-lois.

Mais la proposition de loi préalable à l’organisation d’un référendum doit être adoptée à la majorité absolue par le Parlement. Or la droite, qui y est majoritaire, est opposée à un changement de Constitution. courrierinternational.com/une/constituti…

Après plusieurs mois de tentatives infructueuses pour convoquer une Assemblée Constituante par les voix légales, et acculé par un Parlement qui voulait sa tête, Castillo a joué le tout pour le tout. C’était sous-estimer la capacité de réaction de l’Etat bourgeois et du Capital.

La dissolution du Parlement par Castillo était illégale au regard de la Constitution péruvienne actuelle (Art. 117 et 134) mjp.univ-perp.fr/constit/pe1993… et on ne saura jamais s’il a tenté un acte révolutionnaire visant la démocratisation du pays ou un coup d’Etat néostalinien.

Castillo représentait une gauche réformiste, provinciale et réac (anti-avortement, anti-LGBT…). Difficile de savoir si son acte est le résultat d’une intention sincère d’appliquer le cœur de son programme ou d’une manoeuvre autoritaire pour s’accrocher au pouvoir.

Les mesures annoncées rappellent l’autocoup d'État en avril 1992 de Fujimori (droite) qui avait dissout le Parlement et réorganisé le pouvoir judiciaire pour établir une autocratie. Il convoqua ensuite une Assemblée constituante fantoche pour se légitimer et sera réélu en 1995.

La droite (extrême droite inclue) est puissante au Pérou et s’est acharnée contre Castillo. Il a essuyé 2 tentatives de destitution par le Parlement, qui y appelait encore en août au prétexte qu’il proposait un référendum pour accorder à la Bolivie un débouché sur la mer.

L’annonce de la neutralisation des factions étatiques contre-révolutionnaires (Parlement, Justice, Armée) et de l’organisation rapide d’une Constituante pouvaient permettre d’envisager sa manœuvre politique comme une opportunité pour le peuple de s’émanciper de l’Etat bourgeois.

Mais la décision de Castillo d’instaurer un couvre-feu a été jugée anticonstitutionnelle et témoigne d’une gestion autoritariste du pouvoir en contradiction avec sa volonté affichée de rompre avec l’Etat bourgeois et d’instaurer un État de droit et un Parlement populaire.

Sa tentative a échoué faute d’un soutien populaire massif et de ses propres ministres, qui ont pour beaucoup démissionné après l’annonce. Les médias péruviens ont dénoncé avec la droite un « coup d’Etat » et s’étonnent de cette tentative naïve et improvisée d’un homme isolé.

https://twitter.com/Politica_ECpe/status/1600572852272513040

La décision du Parlement de destituer Castillo pour ‘incapacité morale’ avait déjà fait chuter 2 présidents (Kuczynski, 2018 et Vizcarra, 2020). Cette instabilité politique exaspère les péruviens mais témoigne de leur forte volonté de rompre avec le Capital et l’Etat bourgeois.

La décision du Parlement de refuser sa propre dissolution et de destituer Castillo a immédiatement été suivie par la Justice et la Police. En 1 heure, Castillo était visé par une enquête pour « rébellion » et arrêté puis détenu à la préfecture de Police de Lima.

https://twitter.com/fiscaliaperu/status/1600630937804591106

Le Mexique a déclaré offrir l’asile politique à Pedro Castillo tandis que des militants d’extrême droite bloquaient l’accès à l’ambassade du Mexique à Lima pour empêcher Castillo de s’y réfugier. news360.es/france/2022/12…

Des violences ont éclaté devant la préfecture de Police de Lima entre manifestants demandant la libération de Castillo et la Police soutenue par des militants d’extrême droite.

https://twitter.com/waykaperu/status/1600639747638153216

Des manifestations ont également eu lieu dans les provinces. Si les militants de @PERU_LIBRE1 soutiennent Pedro Castillo, la majorité des péruviens semble moins soutenir Castillo lui même que la nécessité urgente de dissoudre le Parlement et d’organiser des élections anticipées.

https://twitter.com/ojo_publico/status/1600631769631543296

Dans les manifs, de nombreux péruviens dénoncent la corruption généralisée du pouvoir et notamment du Parlement jugé ennemis du bien commun, rapporte @elpais_inter.

Les péruviens aspirent à une Constituante et à une Révolution sociale et démocratique. elpais.com/internacional/…

L’@aidesep_org, l’une des principales organisations représentatives des peuples autochtones d’Amazonie péruvienne, dénonce un État gangrené par le secteur privé et la corruption. Elle appelle à l’organisation anticipée d’élections présidentielles et législatives.

https://twitter.com/aidesep_org/status/1600592976094298113

L’@onamiap, l’organisation représentatives des femmes autochtones des Andes et de l’Amazonie, dénonce la dictature parlementaire et demande la tenue d’élections anticipées et l’organisation d’une Assemblée Constituante plurinationale, souveraine, populaire et paritaire.

https://twitter.com/onamiap/status/1600622331134631939

L’issu n’est pas fatale pour la gauche réformiste péruvienne puisque la vice-Presidente Dina Boluarte, avocate, issue du même parti que Castillo (@PERU_LIBRE1), lui succède. Elle s’est déclarée contre la dissolution du Parlement et prête à prendre la Présidence jusqu’en 2026.

https://twitter.com/dinaercilia/status/1600553424952737827

C’est donc une victoire pour les libéraux, l’extrême droite et les USA mais ce n’est pas une défaite pour la gauche réformiste. Néanmoins, sans un mouvement populaire révolutionnaire et massif, la République du Pérou et sa démocratie resteront verrouillées par la bourgeoisie.

Pedro Castillo est actuellement incarcéré aux côté de l’ancien Président Alberto Fujimori.

https://twitter.com/alertanews24/status/1600713470890344448

La CGT du Pérou (la première centrale syndicale du pays) critique l’échec de Pedro Castillo face à la droite putschiste et appelle à la convocation d’une Constituante et à l’organisation d’élections anticipées.

https://twitter.com/cgt_peru/status/1600618070183215105

La CNA (organisation représentative des paysans et autochtones engagés pour l’agriculture paysanne) exige à son tour la dissolution du Parlement et la convocation d’une Assemblée Constituante, et condamne la traîtresse Dina Boluarte.

https://twitter.com/epicentronews/status/1601040677885816834