Réaction intéressante: «sans aucun respect pour la liberté pédagogique».
Certaines pratiques sont nuisibles pour les élèves, comme par exemple la structuration de son enseignement autour des styles d'apprentissages supposés des élèves, aka VAK.
(ici sur le café)
Que le CSEN, dont c'est le rôle, rappelle que certaines pratiques sont inefficaces voire nuisibles et que d'autres sont à privilégier semblent en hérisser certains.
Les mêmes probablement qui ont sèchement affirmé "le texte est publié il faut l'appliquer" lors de #college2016.
La liberté pédagogique, c'est seulement quand ça les arrange.
Il y a des maladresses dans ce document, c'est certain.
Mais, ne boudons pas notre plaisir, il est en progrès évident par rapport à tout ce qu'on a pu subir comme injonction pédagogique depuis de 40 ans.
Ici même, j'ai eu de vives discussions avec entre autres @VillaniCedric sur la main à la pâte (@Fondation_Lamap) et la pédagogie de la découverte.
En sciences physiques et naturelles, c'est une approche qui est largement prédominante.
Et vlan !
(Pour les jeunes, "sciences naturelles" est l'ancienne appellation des "sciences de la vie et de la Terre")
Ce document mérite une large diffusion. Pour autant il n'est pas parfait. Certaines formulations me semblent un peu étranges et surtout l'empilement à égalité d'idées très importantes et d'autres plus accessoires risque de noyer le message.
J'ai dans l'idée de commenter chaque item avec quelques références, mais ce sera pour plus tard.
En attendant, la rage de ceux que ça énerve est un nectar dont nous pouvons profiter.
Allez, c'est parti pour quelques commentaires point par point.
Les trois items (marqués par des flèches) portent sur trois aspects différents: méta-cognition, apprendre à apprendre et un gloubiboulga de motivation intrinsèque, curiosité, auto-efficacité et but de compétence.
MAIS
Les références données ne portent que sur le premier item.
c'est un peu ennuyeux quand on veut prêcher la rigueur.
La motivation et l'apprentissage, c'est un sujet vaste et pas encore tout à fait stabilisé.
Par chance, @PepsMccrea a écrit un livre sur la question (malheureusement, il écrit en anglais) "Motivated teaching". C'est pas très long et c'est pas très cher non plus, lisez-le.
C'est un peu plus complet que les ressources proposées par le CSEN.
J'en retiens en particulier cet article qui fait le tour de théories de la motivations récentes: ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/P…
C'est dans ces théories que vous trouverez les concepts listées par le troisième item tels qu'auto-efficacité ou motivation intrinsèque.
Je ne suis pas certain que les concepts de meta-cognition ou les stratégies de pour apprendre à apprendre soient liées aux théories de la motivation.
On peut avoir un effet motivant par augmentation de la réussite dans plusieurs des théories de la motivation.
Il en va de même des stratégies pour apprendre et apprendre. Est-on plus motivé quand on connaît ces stratégies pour commencer l'étude d'un domaine, ou ces stratégies favorisent-elles la réussite qui favorise la motivation?
De même, toute stratégie qui améliore la réussite améliorera la motivation, on pourrait en ajouter beaucoup.
AMHA ce point 1, «Mettre en place des stratégies pour améliorer la motivation», mérite séparation nette entre théories de la motivation appliquées et le reste.
La partie "À éviter" mériterait aussi d'intégrer quelques mythes sur la motivation, comme l'enseignement ludique par exemple.
Rosenshine le caractérise en quelques points (Explicit Teaching Teacher Training, 1987)
- Enseigner en petites étapes,
- fournir des exercices d'entraînements pour chacune de ces étapes,
- guider les élèves au début de l’entraînement et
- fournir aux élèves un haut niveau d’entraînement.
Je pense que, dans les présentations qui sont faites de l'enseignement explicite, on insiste pas assez sur le premier point. L'enseignement explicite est basée, entre autres, sur le "Direct Instruction" de Siegfried Engelmann dans lequel cet aspect est essentiel.
Prenons un exemple qui parlera à tout le monde: le théorème de Pythagore. Pour l'introduire, la méthode d'Engelmann que j'ai pu lire commençait par donner la relation avec les carrés. Et c'est tout.
triangle rectangle, relation. Plein d'exercices.
Par de racine carrée, pas de calculs. Juste l'écriture de la relation à partir du dessin du triangle.
Allez lire un livre de 4e et comparez. Ici la première page d'exercices du manuel sesamath.
On résume souvent l'enseignement explicite par la phrase anglaise "I do, we do, you do".
Cette phrase ne résume que le point numéro 3, le guidage progressivement décroissant pendant le début de la phase d’entraînement.
N'oubliez pas le découpage en petits pas, n'oubliez pas l'obligation d’entraîner jusqu'à la maîtrise.
J'ajoute les trois étapes en français: «modelage, pratique dirigée et pratique autonome», qui correspondent à l'idée "I do, we do, you do". Comme en anglais, cela ne résume que la partie "en classe" de la démarche d'enseignement explicite.
Ça ouvre le flan à des caricatures (modelage...) qu'on rencontre depuis longtemps. Citez cet adage des hussards noirs: «la répétition est le burin de l'enseignement», vous aurez le même genre de caricature.
C'est un homme de paille, une caricature destinée à discréditer.
«la répétition est le burin de l'enseignement» serait de Montaigne, si quelqu'un a la source exacte...
Point 3. Déployer une stratégie efficace pour améliorer le climat scolaire
Vaste programme...
Rappelons que pour le climat scolaire la France est dans les derniers de PISA, et que la corrélation entre réussite et climat scolaire y est importante.
Il existe en France une volonté de renvoyer les problèmes de discipline et de climat sur le dos des enseignants.
Prenons l'exemple finlandais. Le rêve de beaucoup serait de s'inspirer de leur école fondamentale pour transformer les collèges en école primaire. Il y a consensus entre le ministère et certains mouvements pédagogiques sur cette question.
Mais dans les écoles finlandaises,
il y a des adultes qui joue un peu le rôle de CPE et suivent les élèves. Un pour 100 élèves environ.
Bref, même au niveau du primaire, il y a des professionnels en dehors des classes pour suivre les élèves.
Les enseignants n'y ont donc pas seuls la responsabilités du suivi des élèves, et leur école fondamentale est plus un petit collège qu'une école primaire jusqu'à 15 ans.
Revenons aux recommandations du CSE, qui met en avant le Soutien au Comportement Positif cher à @stevebissonnett.
Le soutien au comportement positif est l'adaptation à la gestion du comportement d'une méthode appelée Response To Intervention (RTI).
RTI est une méthode pour l'instruction, recommandée (par Greg Ashmann) pour remplacer la différenciation pédagogique.
Trois niveaux d'intervention sont prévus: 1) ce qu'on fait pour tous, 2) ce qu'on fait pour quelques uns 3) ce qui sera nécessaire dans de rares cas.
(La source de l'image est dans les liens qui vont suivre).
Ce que je trouve intéressant dans cette approche, c'est qu'elle reconnaît qu'une proportion non négligeable d'élèves a besoin d'une intervention spécialisée ne pouvant être faite par l'enseignant.
Cela montre la stupidité du «Si vous avez des problèmes de comportement, c'est que vous ne savez pas intéresser vos élèves» que l'administration renvoie trop souvent aux enseignants.
Si un CdE, CPE ou IPR vous dit ça, conseillez-leur de lire la partie SCP des conseils du CSEN.
Rien qui justifie de proposer de modifier l'orthographe.
Aucun recherche ne montre l'efficacité d'une telle action, aucune expérimentation n'a eu lieu, il ne s'agit pas d'appliquer les recherches en éducation à l'enseignement de l'orthographe.
On a vu rapidement les apports de la psychologie cognitive à l'enseignement et en particulier la théorie de la charge cognitive ainsi que les pédagogies validées par la recherche, Direct Instruction de Siegfried Engelmann et la Pédagogie Explicite de Rosenshine.
Si vous ne savez pas ce dont il s'agit, lisez les fils précédents en remontant au premier tweet de ce fil.
J'ai parlé aussi en détail de la «méthode de Singapour» dans une série de fil sur son adaptation en France, c'est ici:
Léger retour en arrière en 2006, année d'un article très souvent cité:
«Why minimal guidance during instruction does not work ?» de John Sweller, auteur (ou un des auteurs) la théorie de la charge cognitive, Paul Kirschner @P_A_Kirschner et Richard Clark. researchgate.net/publication/27…
@P_A_Kirschner C'est Paul Kirschner l'auteur principal (en premier dans la liste), pardon.
On va parler un peu de l'historique des pédagogies «efficaces» et on va surtout parler des recommandations anglaises.
J'ai déjà un peu de Siegfried Engelmann et de sa méthode, appelée "Direct Instruction" avec des majuscules. Il jugeait important d'y mettre les majuscules parce que souvent, on emploie cette même expression "direct instruction" pour la pédagogie explicite ou d'aures idées.
Quatrième partie: on continue avec la théorie de la charge cognitive, les recherches sur les pédagogies et on aborde l'article de 2006 et ses conséquences.
La théorie de la charge cognitive (CLT dans la suite) a une première base importante qui est ce modèle mémoire de travail (WM) / Mémoire à long terme (LTM).
En résumé, la mémoire de travail est 1/ minuscule 2/ volatile
Et quand vous avez besoin soir de résoudre un problème, soit d'apprendre quelque chose, elle sature vite si les informations viennent de l'environnement.
La psychologie n'a pas ignoré les histoires d'éducation mais, pour ce qui nous intéresse, n'a pas vraiment eu un impact direct. Les travaux d'Ebbinghaus sur la mémoire et la courbe de l'oubli ont été largement ignorés dans le monde éducatif, par exemple.
À tel point qu'on raconte que Siegfried Engelmann a inventé sa méthode pédagogique, Direct Instruction, après avoir travaillé dans la pub. Son patron lui aurait un jour demandé combien de fois il fallait répéter quelque chose à un enfant pour qu'il le retienne.