Thread by @ElodieVercken

Pourquoi je me suis retrouvée à interrompre une conférence sur le #glyphosate et me faire traiter d’« anti-science » sur les réseaux sociaux. #ScientistRebellion
🧵🧵🧵(un peu long, désolée) 1/20

https://twitter.com/SciRebFr/status/1621222471042043904

Le contexte : l’AFIS, qui se présente comme une association « d ‘information scientifique » organise une conférence publique sur « glyphosate, santé, environnement » dans une magnifique salle gentiment mise à disposition par la mairie du 5e arrdt. 2/20

En intro de la conf, les gars expliquent qu’ils ont voulu inviter des scientifiques spécialistes en complément de leur orateur (qui est ingénieur en info, et donc pas spécialement expert du sujet), mais qu’ils n’en ont pas trouvé. 3/20

Effectivement, des scientifiques ok pour venir défendre le glyphosate en public, ça doit être difficile à trouver, par contre moi je peux leur trouver facilement des écologues ou des écotoxicologues pour discuter des impacts. Mais l'AFIS ne leur a pas demandé 🤡 4/20

Ensuite, après une interruption de moins de 5 min d’une collègue économiste sur le sujet du modèle d’affaires autour du #glyphosate, l’orateur nous explique que « malheureusement, à cause de cette intervention, il n’aura plus le temps de parler d’environnement ». 🙃5/20

Par contre, passer ensuite 10 mn à taper sur les produits de biocontrôle (complètement hors sujet), ça c’est bon, mais aborder les impacts sur le vivant là désolé messieurs-dames c’est vraiment dommage mais on n’a plus le temps. 😢6/20

Donc j’ai pris la parole pour ceux·celles que ça intéresse quand même un peu de savoir ce que dit la science (*les publications scientifiques validées par les pairs*, pas les articles d’opinion de M. Le Bars dans sa propre revue) au sujet des impacts sur la #biodiversité 7/20

+ 40 articles démontrent des impacts sur l’abeille domestique à tous les niveaux : expression des gènes, métabolisme, développement embryonnaire, vol, capacités sensorielles et cognitives... (voir cette excellente revue Battisti et al. 2022 onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.111…) 8/20

Ce sont ce qu’on appelle des effets sub-létaux, qui affectent négativement les performances des individus et occasionnent une baisse du taux de croissance des populations, par des effets +/- directs sur la reproduction et la survie. 9/20

L’abeille domestique est un organisme modèle utilisé classiquement pour les études d’éco-toxicologie sur les insectes, donc l’idée est que le même type d’impact affectera également les pollinisateurs sauvages, ou les auxiliaires de culture qui régulent les ravageurs. 10/20

De +, le glyphosate cible une voie métabolique (voie de l’acide shikimique) qui se retrouve chez de nombreuses bactéries et champignons, dont certains font partie du microbiote associé à d’autres organismes. Là aussi, des dizaines de publications existent. 11/20

Sur les animaux d’élevage, on observe entre autres du stress oxydatif, des dommages au foie, une probabilité accrue d’infections. Une revue de littérature récente reprend l’ensemble de ces résultats (van Bruggen et al. 2021 frontiersin.org/articles/10.33…) 12/20

Si la toxicité du glyphosate a pu être initialement considérée faible, l'augmentation des quantités répandues et l’accumulation des métabolites dans le sol et l’eau ont considérablement augmenté le niveau d’exposition et de nombreux effets chroniques ont été documentés 13/20

Enfin, les articles de l’AFIS présentent le glyphosate comme une alternative au labour, et ayant donc un impact positif sur la santé des sols. C’est faux à plusieurs niveaux. 14/20

Les exploitations concernées par l’agriculture de conservation (en non-labour) représentaient 1.7% des surfaces en France en 2019. Ce ne sont pas elles qui sont responsables des près de 8000 tonnes de glyphosate consommées annuellement. 15/20

De plus, l’usage du glyphosate tend à augmenter largement avec la taille des exploitations (enquête ITA 2019), et est donc plutôt un outil favorisé en modèle d’agriculture intensive. 16/20

Enfin, il est malhonnête de dire qu’il n’y a pas d’alternatives : une expertise collective INRAE de 2022 confirme que des techniques de diversification végétale permettent de gérer efficacement les adventices, notamment les associations d’espèce et les rotations longues 17/20

Ces mêmes techniques sont favorables à la régulation des ravageurs et des pathogènes de cultures, et permettent de réduire la quantité d’intrants. L'#agroécologie offre donc des co-bénéfices multiples sur la protection des cultures et les services écosystémiques 18/20

Par ailleurs, actuellement près de 50 espèces d’adventices ont déjà développé une résistance au glyphosate, entraînant des doses d’usage de plus en plus fortes dans les régions concernées, et de nouvelles résistances apparaissent chaque année 19/20

Quel que soit l’angle par lequel on l’examine, les techniques de cultures intensives basées sur l’utilisation massive d’intrants chimiques ont clairement atteint leurs limites de durabilité et de soutenabilité, et la situation appelle un changement massif de pratiques 20/20