déjà mercredi!? c'est donc #JourDeMarché, et cette semaine, on va revenir sur la question du shôjo sur le marché du manga en France. c'est parti!
j'avais prévu depuis quelques temps de revenir sur cette question, que j'avais déjà abordée en octobre 2021 [du9.org/dossier/marche…], histoire de faire une mise à jour des données.
le but n'est pas ici de reprendre le contenu de ce texte, donc je vous encourage a aller y jeter un œil, que ce soit avant de lire la suite ou après, c'est vous qui voyez.
très schématiquement, le marché du manga se répartit en trois grandes catégories, si l'on se base sur la segmentation proposée par GfK: SHONEN (pour les garçons), SHOJO (pour les filles) et SEINEN (pour les adultes), auxquelles il faut ajouter EROTIQUE et AUTRES.
cette répartition par genre et par âge est assez spécifique au manga. on a bien la distinction BD JEUNESSE/BD DE GENRES côté franco-belge, mais la segmentation proposée au sein des grands segments se base avant tout sur des questions thématiques.
si la BD JEUNESSE est un grand blob indifférencié, les COMICS se déclinent en SUPER-HEROS/HORS SUPER-HEROS (super, aurais-je envie de dire), alors que les BD DE GENRES ont droit à huit sous-catégories, en plus des habituels EROTIQUE et AUTRES. c'est Byzance.
les sous-catégories en question: AVENTURES / WESTERN, BIO / ADAPTATIONS DE CLASSIQUES, FICTION CONTEMPORAINE, HISTORIQUE, HUMOUR, NON FICTION / DOCUMENTS, SF / FANTASTIQUE / HEROIC FANTASY et THRILLER / POLICIER. plus EROTIQUE et AUTRES, donc.
ce rapide panorama montre qu'il y a déjà trois types de segmentations utilisées par GfK: par origine géographique (COMICS et MANGAS), par âge et genre (BD DE GENRES vs BD JEUNESSE, ou sous-catégories MANGAS), ou par thématique (sous-catégories COMICS et BD DE GENRES).
bref, c'est un peu le bazar, et cet agencement qui manque de cohérence globale provient probablement des désidératas passés des éditeurs, souhaitant pouvoir étudier facilement tel ou tel pan de leur propre production.
du côté des MANGAS, le choix de beaucoup d'éditeurs de coller à une terminologie japonaise (encouragés par une communauté de fans très investis) a entraîné l'utilisation des termes SHONEN, SHOJO et SEINEN que l'on retrouve chez GfK. et c'est là que le bât blesse pour certains.
en effet, certains titres vont se voir attribuer une catégorie GfK qui diffère de celle qui est la leur au Japon -- parfois pour des raisons de contenu, parfois parce que les catégories japonaises sont plus riches et qu'il faut trancher, parfois pour d'autres raisons encore.
ce qui fait que l'on a par exemple des titres classés seinen au Japon qui sont en SEINEN chez GfK, mais aussi des titres seinen au Japon qui sont classés ailleurs chez GfK, et des titres classés SEINEN chez GfK mais qui sont attribués à une autre catégorie au Japon. vous suivez?
pour essayer d'y voir clair, j'ai donc confronté les catégories japonaises telles que listées sur Manga-News, et les sous-segments utilisés par GfK... ce qui est plus compliqué qu'il n'y paraît, pour plusieurs raisons.
tout d'abord, le fait que les catégories japonaises sont plus détaillées, avec notamment le "kodomo" (plus jeune que shônen ou shôjo), et le josei (pour filles, mais plus âgées que le shôjo).
ensuite, le fait qu'il y a tout un tas de titres qui ne sont pas techniquement des mangas (car produits hors du Japon) qui ne disposent donc pas de catégorie de référence, mais que GfK ventile dans les sous-segments à sa disposition que j'ai évoqués plus haut.
cette état fait entraîne une part importante de titres non catégorisés dans le reclassement que j'ai effectué, et qui apparaissent dans "Reste" dans les graphiques qui vont suivre.
comme je sais que vous êtes là en premier lieu pour mes jolis graphiques, je ne vais pas vous faire languir plus longtemps. voici donc une vision d'ensemble de la production et des ventes en volume, en segmentation GfK et en segmentation japonaise (peu ou prou).
et puisqu'on est dans les graphiques, voici la comparaison entre les deux catégorisations (production et ventes), avec la référence GfK en pointillés, tout d'abord pour le SHONEN et le SEINEN.
et voici le SHOJO pour compléter le trio. comme vous pouvez le voir, je me suis permis de regrouper shônen et kodomo d'une part, shôjo et josei d'autre part, pour des questions de cohérence entre les deux catégorisations.
ce qui ressort de ces graphiques, c'est que d'un point de vue comptable et global, l'ensemble des erreurs de catégorisation semblent s'équilibrer, et aucun des trois segments (et notamment le shôjo) ne ressort diminué dans le suivi du marché effectué par GfK.
cela ne devrait pas trop surprendre: la catégorisation GfK est une donnée utilisée "en coulisses", qui a à mon sens un poids assez faible sur la manière dont un éditeur ou un libraire va choisir de présenter tel ou tel titre.
(le choix de la librairie Le Renard Doré à Paris de s'affranchir de ces catégories genrées pour un classement thématique avait d'ailleurs été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme. comme quoi on pouvait oser s'éloigner du référent japonais...)
plus que cette catégorisation avant tout technique, ce sont ces décisions éditoriales qui sont importantes, et qui vont pour beaucoup conditionner la réception d'un titre par le public. ce qui ressort aussi dans cet article [bfmtv.com/people/bandes-…] paru récemment.
histoire d'apporter un autre éclairage encore, je suis allé regarder dans les chiffres de l'étude de 2020 "les français et la BD" (@LeCNL / Ipsos), qui abordent la question des genres de manga lus par âge et par sexe. voici ce que cela donne:
(si ce n'est pas clair, l'aire située derrière les courbes indique le taux global de lecteurs/lectrices de manga)
ces graphiques confirment l'idée d'un lectorat masculin qui ne s'intéresse que très marginalement au shôjo, alors que le lectorat féminin semble lire shônen et shôjo de manière indifférenciée.
malheureusement, cette enquête n'aborde que la question de la lecture de ces genres, sans explorer l'intensité de cette lecture, ce qui nous limite dans notre capacité à apporter des explications à certaines observations du marché.
voilà, c'est tout pour cette semaine. comme d'hab' réactions / corrections / remarques / suggestions sont les bienvenues, vous pouvez reprendre une activité normale.
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la semaine dernière, alors que j'essayais de montrer combien la notion de "succès" peut être relative, j'avais évoqué rapidement la répartition du prix d'un livre. pour ce #JourDeMarché, on va revenir sur cette question des plus épineuses.
on peut croiser pas mal de versions du fameux camembert, certaines incluant la TVA, d'autres non, et avec des différences parfois notables dans les pourcentages affichés... et de manière générale, un flou artistique entourant les sources sur lesquelles ces données sont basées.
ainsi, la répartition affichée par le Ministère de la Culture sur sa page de synthèse sur "Le marché du livre" [culture.gouv.fr/Thematiques/Li…] reprend a priori les chiffres du Rapport Gaymard (ou "Rapport d'Hervé Gaymard sur la situation du livre").
c'est mercredi, donc vous commencez à avoir l'habitude, c'est pour moi le #JourDeMarché. cette semaine, on va essayer d'explorer cette question épineuse de savoir ce qui constitue un succès. c'est parti!
dans un entretien accordé aux Echos en février 2020 à l'occasion de la publication du rapport Racine [lesechos.fr/tech-medias/me…], l'éditeur Vincent Montagne expliquait: "Notre métier repose sur une économie de l'offre, et donc une économie du succès, où le lecteur est souverain."
[pour rappel, Vincent Montagne, c'est le boss de Média-Participations (soit Dupuis-Dargaud-Le Lombard-Kana-etc.), et actuellement le président du Syndication National de l'Edition (SNE)]
nouveau mercredi, nouveau #JourDeMarché, et cette semaine on va se pencher sur la question de la place des femmes dans la bande dessinée, et en particulier des lectrices (mais pas que).
l'annonce du trio de tête pour le Grand Prix du Festival d'Angoulême en mars dernier a révélé les tensions qui existent toujours au sein du petit monde de la bande dessinée, Didier Pasamonik évoquant sur ActuaBD "une féminisation à marche forcée". [actuabd.com/Angouleme-2022…]
(pour rappel, j'avais fait à l'époque un thread pour montrer en quoi cet avis était pour le moins discutable, c'est ici:
puisqu'on parle beaucoup en ce moment de l'influence des mangas sur la création de bande dessinée, c'est l'occasion d'expliquer comment fonctionne, pour les mangakas, le système japonais. et c'est parti pour un nouveau #JourDeMarché.
on a souvent décrit le marché japonais comme un marché où domine le modèle de la prépublication: les séries paraissent en épisodes dans des périodiques (les "mangashi"), avant d'être publiées en recueil (les "tankôbon").
(histoire de démystifier un peu tout cela: littéralement, "mangashi" c'est "revue de manga" en japonais et "tankôbon" signifie "livre de poche")
throwing this in for my English-speaking followers: contrary to popular belief, Shigeru Mizuki was right-handed and did not have to relearn how to write and draw after losing his left arm during the war. he did enroll in a fine arts course at the University circa 1948 though...
... but that was to pursue his lifelong dream of becoming a painter. I suppose that where the erroneous idea originated.
in his autobiographical works, he clearly portrays himself as being right-handed before the war. you can see it when he's holding chopsticks, cissors, a hammer or his butterfly net. or, of course, painting or drawing, as can be seen on this page from Showa: A history of Japan
je viens de corriger la page Wikipedia consacrée à Shigeru Mizuki qui reprenait l'idée fausse qu'il eût été gaucher. c'est visiblement une erreur très franco-française, vu que la page anglaise n'en fait pas mention. je me demande quelle en est l'origine.
c'est un peu comme si l'on avait eu envie de rajouter encore plus de dramatique à une vie qui avait déjà eu son lot d'événements traumatiques. "et en plus, il lui a fallu réapprendre à écrire et dessiner". mais en fait, non.
la difficulté par rapport à ce genre d'affirmation, c'est de comment la contredire, sachant que le fait que la page Wikipedia en japonais qui lui est consacré ne mentionne pas ce fait qui devrait être remarquable. mais ça n'est pas suffisant.