Thread by @nourrirlemonde

#FilièreSucre #Betteraves #Néonicotinoïdes
Hier, la multinationale sucrière Tereos a annoncé la fermeture de deux usines. Plusieurs médias ont relayé l'information en incriminant l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes. C'est du délire, et voilà pourquoi.
Un thread. 🔽🔽🔽

L'origine de la crise de la filière sucre est précise : la suppression des quotas betteraviers en 2017. Cette mesure néolibérale relève explicitement d'un dogme idéologique, puisque la même mesure appliquée au lait qlqs années plus tôt avait été une catastrophe : on savait.
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Par conséquent, la suppression des quotas betteraviers trahissait clairement l'intention des multinationales sucrières : organiser une surproduction permettant de justifier une baisse des prix auprès des agriculteurs et la concentration des outils de transformation.
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C'est *très précisément* ce qui s'est passé. Augmentation des surfaces betteravières, donc baisse des cours, donc fragilité accrue des agriculteurs (dépendant du moindre pourcentage de rendement) et… fermeture des petites usines pour concentrer sur les plus grosses.
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Le cycle est connu (cf. filière porcine ou lait) : la baisse des prix et la fragilisation économique des agriculteurs conduit ensuite une partie de ces derniers à arrêter. Coup de génie de la filière sucre : juste avant cette phase du cycle, ils profitent de l'aubaine /
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… d'une année avec forte présence de la jaunisse (2020) pour réclamer le retour des néonicotinoïdes & placer "les écolos" dans la position des empêcheurs de produire en rond. La complicité de la FNSEA (syndicat majoritaire productiviste) aide à faire marcher l'entourloupe.
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Finalement, l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, qui confirme l'interprétation des lois que portaient les associations écologistes, n'est pas vraiment un problème pour l'industrie sucrière : elle pourra continuer à rejeter la faute sur "les écolos".
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Mais le pire ici, c'est que même Tereos n'a pas osé être trop outrancier dans l'entourloupe : c'est une partie de la presse agricole et réactionnaire (notamment le torchon libertarien L'Opinion, sous la plume de l'inénarrable mercenaire de l'agro-industrie) qui s'en charge.
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Car le communiqué de presse de Tereos annonçant la fermeture de deux usines supplémentaires (après plusieurs fermetures en 2018-2019 donc *avant* la jaunisse et la demande d'usage dérogatoire de néonicotinoïdes) avoue que les causes sont d'abord industrielles : optimiser /
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… leurs outils dans une logique néolibérale de concentration et d'abandon du maillage territorial (+ coût de l'énergie). Tereos n'évoque que très secondairement une baisse de production dans les territoires concernés, qu'elle fait remonter à 2019 : *avant* la jaunisse !
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Lorsqu'une partie de la presse décide de se focaliser sur cet argument et d'incriminer l'interdiction des néonicotinoïdes, elle prend ouvertement les citoyen·ne·s pour des imbéciles. Car si la décision de Tereos est motivée par une baisse de production ces dernières /
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… années, il s'agit *par définition* des récoltes pour lesquelles… les néonicotinoïdes avaient été réautorisées ! Les récoltes 2021 et 2022 sont précisément issues de semences traitées aux néonics ! L'interdiction imposée par la CJUE ne pourrait avoir un impact sur les /
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… rendements (en cas éventuel d'épidémie de jaunisse cette année) qu'à la récolte de fin 2023. Ainsi, soit Tereos fait référence à des baisses passées et alors il est simplement délirant de l'imputer à une prétendue interdiction de pesticides qui étaient précisément /
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… autorisés ces années-là, soit Tereos prétend avoir des dons de divination de l'avenir, et pratique en fait la méthode malhonnête de la "prévision autoréalisatrice" (car les fermetures d'usines provoqueront des baisses de mises en culture dans les territoires concernés).
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Quoi qu'il en soit, celles et ceux qui accusent l'interdiction des néonicotinoïdes d'être la cause de ces fermetures semblent n'avoir même pas lu le communiqué de Tereos, qui avoue une logique industrielle et n'évoque que très secondairement voire timidement la décision /
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… de la CJUE sur les néonicotinoïdes. En se focalisant sur cet argument barré, ces journaux insultent la déontologie journalistique puisqu'ils inventent des arguments dans un but idéologique et abdiquent à la fois le "compte-rendu" factuel & l'investigation sur le sujet.
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Complément utile :
Une interpellation par un membre des "conseils régionaux" de Tereos (= cadre militant, c'est-à-dire agriculteur impliqué dans la gouvernance de Tereos bien que n'étant pas administrateur) me donne l'occasion de préciser quelques points importants.
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D'abord il admet explicitement qu'il s'agit d'une logique industrielle, ce qui valide mon thread : l'interdiction des néonicotinoïdes n'a rien à voir avec ces fermetures. L'aveu est clair.
Ensuite, il faut rappeler que le rôle originel des coopératives était de se mettre /
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… au service des paysans, et pas l'inverse. Défendre la "logique industrielle" au détriment de la "logique paysanne", c'est trahir le fondement de la forme coopérative, en mettant désormais les agriculteurs au service des actionnaires d'une multinationale !
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Surtout, la baisse des surfaces de betteraves dans le secteur géographique concerné n'a rien à voir avec l'interdiction des néonicotinoïdes (autorisés ces dernières années !) mais tout à voir avec le choix néolibéral de Tereos et des autres multinationales du sucre.
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Car baisse il y a, oui. La fin des quotas a mécaniquement permis une croissance opportuniste de la culture betteravière dans d'autres secteurs géographiques (c'était le but et cela inclut également des pays étrangers).
J'insiste, c'était mécanique et inévitable : la fin /

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… des quotas a évidemment mis fin à la "protection" des zones betteravières historiques, puisque c'est *littéralement* ce que signifiait cette mesure ! Ce déplacement des zones de production a même été accompagné et stimulé par Tereos et autres multinationales du sucre /
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… pour optimiser les coûts de revient, en sacrifiant les régions betteravières historiques se révélant "moins compétitives" dans ce nouveau contexte. Il est donc abominablement hypocrite que ceux ayant organisé ce déplacement viennent faire semblant de le regretter 😡.
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Au lieu de s'inventer un ennemi fantasmatique (jaunisse, interdiction des néonics, écologistes), que les betteraviers assument le choix cynique des multinationales sucrières de sacrifier les régions moins intensifiables, ou alors qu'ils aillent renverser la table à Tereos.
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