Le #miniKaplantour est terminé. Je pensais faire un détour par la Meuse, mais j’ai finalement choisi de rester un jour de plus à Troyes. Je suis rentré mercredi soir, juste avant que la foule ne danse sur le pont – « Sur le pont 🎶 d’l’Ascension 🎵🎶 ».
De cette virée en Haute-Marne et dans l’Aube, je retiens deux choses : 1) la France est belle ; 2) la France tombe en ruine.
On ne le voit pas depuis Paris ou les « grandes métropoles », même si on en entend vaguement parler ici ou là, mais des pans entiers de ce pays sont en phase finale de dévitalisation, voire en état de mort clinique.
(C’est ce que nos responsables politiques appellent « les territoires », périphrase bien commode pour désigner le cadavre sans en faire apparaître l’état de putréfaction bien avancé.)
C’est criant à Langres, ville d’une richesse et d’une splendeur autrefois remarquables, qui commence à tomber en ruines. Littéralement.
Même une ville comme Troyes est touchée. Peu de commerces au centre-ville, la plupart appartiennent à des chaînes. Et là aussi, des immeubles s’écroulent, faute d’entretien.
À Langres, je me suis arrêté un long moment au haut de cette rue, d’abord pour admirer les traces d’un lettrage ancien révélées par la dépose – ou la chute – d’une devanture moderne.
Une femme de 65-70 ans est passée, avec son mari. Je l’ai entendue raconter qu’elle avait travaillé dix ans comme vendeuse dans cette boutique de chaussures. Au-dessus, l’appartement des propriétaires, membres d’une dynastie de commerçants de la cité. Les Millot.
En face, derrière cette façade des années 1860 d’un violet usé, une succursale, des réserves de marchandise, des appartements.
Plus bas, une boutique de vêtements, propriété des Bouvier, membre de cette même dynastie. Puis, encore plus bas, un boucher, un épicier, un cordonnier. « C’était plein de vie », disait-elle, comme stupéfiée.
Et de fait, aujourd’hui, plus rien. Les commerces ont fermé, les gens sont partis, les bâtiments se sont imprégnés peu à peu de cette suie humide et un peu grasse du temps qui passe, inerte.
Il n’y a plus rien et guère plus d’espoir.
Les fils des Millot et des Bouvier ont peut-être encore le vague souvenir de la boutique du grand-père. Après avoir fait une école de commerce ou d’ingénieurs, ils travaillent aujourd’hui dans une zone commerciale des environs ou dans un ministère de la « start-up nation ».
On ne saurait le leur reprocher : qui viendrait acheter des chaussures ici ? Les grandes surfaces puis la numérisation ont vidé les centres historiques, qui ne subsistent que par une activité touristique parfois elle-même moribonde.
Devant ces paysages urbains qui n’ont plus que la désolation comme ciment, je pense souvent – allez savoir pourquoi – à Carthage. Qu’en restera-t-il dans cinquante ans ? Quelques poignées de sable et de souvenirs. Pas davantage.
Voilà.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
Il est impossible de prendre des photos satisfaisantes, mais bon.
Le saviez-vous ? La louve romaine, avant d’allaiter Remus et Romulus, était une enclume.
Sorti du musée, je me requinque en terrasse avec un flan – dégueulasse – et un Orangina moyennement frais. (Troyes manque cruellement de commerces potables.)
Curieuse affiche visible rue de la République, avec une maladresse de langage : « ceci dit » est une expression erronée, car « ceci » désigne quelque chose qui est devant soi, pas derrière.
Jour 3 du #miniKaplantour (hier). Troyes, capitale de l’Aube. Impossible de trouver des pellicules argentiques, alors j’ai entamé mes vieux rouleaux tout neufs d’ il y a vingt ans et en couleurs. Puis panne de piles, miraculeusement résolue dans une épicerie de quartier.
Il existe mille exemples de cette haute voltige où l’on poussait l’humilité et la déférence à leur paroxysme, dans des formules finement ciselées où l’on louait la grandeur d’âme de son interlocuteur…
… et prenait soin de l’emmener subtilement, sans avoir l’air de trop y toucher, vers la chute attendue, toujours la même, où l’on se déclarait flatté de compter au nombre de ses serviteurs les plus humbles et zélés.
Avant, quand on voulait préparer un voyage en train, il fallait se déplacer jusqu’à la gare, poireauter une heure au guichet et demander ce qu’on voulait avant de repartir billets en poche. C’était lent et pénible.
Maintenant, pour préparer un voyage en train, on reste tranquillement deux ou trois heures chez soi devant son ordinateur et son téléphone à batailler entre les différents sites web et les différentes applis…
… les pages de connexion cachées, celles qui ne connectent à rien, celles qui finalement connectent à quelque chose mais on ne sait pas trop quoi, ah si là c’est bon, enfin j’espère…
Je découvre (vraiment) Vinted et c’est un cauchemar. On met en favori des trucs et on est averti par notification quand ils nous filent sous le nez. Ça devrait être interdit par les conventions de Genève, ça.
Vinted, c’est aussi des traumatismes qui rejaillissent en pleine poire, comme cette affreuse mode des boutons de chemise carrés dans les années 2000.
On n’avait pas dit « plus jamais ça » ?
Avec tout ça je prends du retard dans mes vœux :-(
J’ai commencé un brouillon ce matin, il ne sera pas bouclé ce soir. Tant pis.