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May 19 16 tweets 4 min read Twitter logo Read on Twitter
Le #miniKaplantour est terminé. Je pensais faire un détour par la Meuse, mais j’ai finalement choisi de rester un jour de plus à Troyes. Je suis rentré mercredi soir, juste avant que la foule ne danse sur le pont – « Sur le pont 🎶 d’l’Ascension 🎵🎶 ».
De cette virée en Haute-Marne et dans l’Aube, je retiens deux choses : 1) la France est belle ; 2) la France tombe en ruine.
On ne le voit pas depuis Paris ou les « grandes métropoles », même si on en entend vaguement parler ici ou là, mais des pans entiers de ce pays sont en phase finale de dévitalisation, voire en état de mort clinique.
(C’est ce que nos responsables politiques appellent « les territoires », périphrase bien commode pour désigner le cadavre sans en faire apparaître l’état de putréfaction bien avancé.)
C’est criant à Langres, ville d’une richesse et d’une splendeur autrefois remarquables, qui commence à tomber en ruines. Littéralement. ImageImageImage
Même une ville comme Troyes est touchée. Peu de commerces au centre-ville, la plupart appartiennent à des chaînes. Et là aussi, des immeubles s’écroulent, faute d’entretien. Image
À Langres, je me suis arrêté un long moment au haut de cette rue, d’abord pour admirer les traces d’un lettrage ancien révélées par la dépose – ou la chute – d’une devanture moderne. ImageImageImage
Une femme de 65-70 ans est passée, avec son mari. Je l’ai entendue raconter qu’elle avait travaillé dix ans comme vendeuse dans cette boutique de chaussures. Au-dessus, l’appartement des propriétaires, membres d’une dynastie de commerçants de la cité. Les Millot.
En face, derrière cette façade des années 1860 d’un violet usé, une succursale, des réserves de marchandise, des appartements.
Plus bas, une boutique de vêtements, propriété des Bouvier, membre de cette même dynastie. Puis, encore plus bas, un boucher, un épicier, un cordonnier. « C’était plein de vie », disait-elle, comme stupéfiée.
Et de fait, aujourd’hui, plus rien. Les commerces ont fermé, les gens sont partis, les bâtiments se sont imprégnés peu à peu de cette suie humide et un peu grasse du temps qui passe, inerte.
Il n’y a plus rien et guère plus d’espoir.
Les fils des Millot et des Bouvier ont peut-être encore le vague souvenir de la boutique du grand-père. Après avoir fait une école de commerce ou d’ingénieurs, ils travaillent aujourd’hui dans une zone commerciale des environs ou dans un ministère de la « start-up nation ».
On ne saurait le leur reprocher : qui viendrait acheter des chaussures ici ? Les grandes surfaces puis la numérisation ont vidé les centres historiques, qui ne subsistent que par une activité touristique parfois elle-même moribonde.
Devant ces paysages urbains qui n’ont plus que la désolation comme ciment, je pense souvent – allez savoir pourquoi – à Carthage. Qu’en restera-t-il dans cinquante ans ? Quelques poignées de sable et de souvenirs. Pas davantage.
Voilà.

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May 16
Il est impossible de prendre des photos satisfaisantes, mais bon. ImageImageImageImage
Le saviez-vous ? La louve romaine, avant d’allaiter Remus et Romulus, était une enclume. Image
Sorti du musée, je me requinque en terrasse avec un flan – dégueulasse – et un Orangina moyennement frais. (Troyes manque cruellement de commerces potables.)
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May 16
Jour 4 du #miniKaplantour.

Troyes, donc, dans le 10. C’est comme ça.

Curieuse affiche visible rue de la République, avec une maladresse de langage : « ceci dit » est une expression erronée, car « ceci » désigne quelque chose qui est devant soi, pas derrière.
(La voici.) Image
On ne peut donc pas faire référence à quelque chose qui n’a pas encore été dit. Il convient de dire et d’écrire « cela dit ». #passionbonneécriture

Notez ça sur vos tablettes, ça peut toujours servir.
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May 16
Jour 3 du #miniKaplantour (hier). Troyes, capitale de l’Aube. Impossible de trouver des pellicules argentiques, alors j’ai entamé mes vieux rouleaux tout neufs d’ il y a vingt ans et en couleurs. Puis panne de piles, miraculeusement résolue dans une épicerie de quartier.
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Feb 17
Ordoncques il y aurait un « bien cordialement gate » ?

C’est l’occasion idéale pour rappeler ces petits chefs-d’œuvre de politesse et de dévotion que l’on composait à volonté sous l’Ancien Régime.

#biencordialementgate
Il existe mille exemples de cette haute voltige où l’on poussait l’humilité et la déférence à leur paroxysme, dans des formules finement ciselées où l’on louait la grandeur d’âme de son interlocuteur…
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Jan 11
Avant, quand on voulait préparer un voyage en train, il fallait se déplacer jusqu’à la gare, poireauter une heure au guichet et demander ce qu’on voulait avant de repartir billets en poche. C’était lent et pénible.
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Jan 5
Je découvre (vraiment) Vinted et c’est un cauchemar. On met en favori des trucs et on est averti par notification quand ils nous filent sous le nez. Ça devrait être interdit par les conventions de Genève, ça.
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