Thread by @ADenizeau

Services secrets, négociations avec le PKK, lutte contre Fethullah Gülen, barbouzeries syriennes : le nouveau ministre des Affaires étrangères turc, #HakanFidan , est une figure intéressante et mystérieuse, qui tranche avec les cadres classiques de l'AKP.

Fidèle de Recep Tayyip Erdoğan, dont il partage la vision conservatrice, Hakan Fidan a pris la tête du MİT (les services de renseignement turcs) en 2010. Avec déjà une expérience internationale, puisqu'il avait dirigé la TİKA, l'agence de coopération et de développement turque...

Sa nomination avait notamment inquiété, à l'époque, les Israéliens: en effet, l'homme est réputé eurasiste et proche de l'Iran, avec lequel il souhaite resserrer les liens. Mais rapidement, sa vision va diverger de Téhéran sur un dossier crucial: le dossier syrien.

En 2015, notamment, plusieurs polémiques ont entouré Hakan Fidan: en effet, le MİT était alors soupçonné d'avoir transféré des armes à des groupes rebelles en Syrie, y compris des groupes djihadistes. Ces révélations ont conduit à une restriction des libertés de la presse.

L'autre gros dossier de Hakan Fidan, et c'est là que les choses deviennent intéressantes, ce sont les négociations avec le #PKK . Réputé d'origine kurde (on dit qu'un de ses neveux est même au PKK), le chef du MİT va être le grand artisan de ces pourparlers (2009-2015).

En cela, Hakan Fidan va s'opposer aux nationalistes turcs, et dans l'entourage du président Erdoğan, c'est lui qui va défendre ce "processus de paix". EN 2014, il va également essayer de trouver des compromis entre la Turquie et les YPG (filiale syrienne du PKK).

Dernier point notable: Hakan Fidan a été rapidement la tête de turc de Fethullah Gülen et de sa confrérie, qui lui reprochaient les négociations avec le PKK, la rupture avec la Syrie et les tensions avec Israël. Plusieurs scandales à son sujet ont été lancés par les gülenistes.

Alors, la nomination de Hakan Fidan aux Affaires étrangères laisse-t-elle augurer un rapprochement avec l'Iran, des pourparlers avec le PKK, une lutte impitoyable contre la confrérie de Fethullah Gülen?

Pas forcément. Pour deux raisons.

Premièrement, Hakan Fidan est un loyaliste, qui a toujours été fidèle à Tayyip Erdoğan. Comme ce dernier, il s'est probablement converti à une forme de pragmatisme, consistant à changer de position très rapidement selon les évolutions du contexte stratégique et international.

Deuxièmement, dans le type de régime mis en place en 2017, le ministre des Affaires étrangères joue un rôle marginal. C'est le président Erdoğan, seul, qui décide la politique étrangère. Hakan Fidan pourra être un exécutant, un conseiller, mais pas un acteur de premier plan.

Dernier point à noter: après İsmail Hakkı Musa ambassadeur à Paris et Pékin, voilà un autre membre des services secrets aux affaires diplomatiques. Un élément révélateur de l'importance croissante du MİT comme instrument de politique étrangère de la Turquie...