Thread by @Marie_Peltier

Bon. Les Chrétiens de Syrie. Je vais pas parler d’Annecy ni de l’assaillant. Je ne sais rien de qui il est ni de ses motivations. Je vais juste remettre 1 peu de perspective politique sur cette question ô combien instrumentalisée, particulièrement par la propagande des dictatures

La Syrie a été le laboratoire de la propagande des dictatures ces 15 dernières années et donc à bien des égards le laboratoire de ce qu’on appelle aussi les entreprises de « désinformation ». Ces dernières années, la propagande du Kremlin a imité celle de Damas. Pas l’inverse.

Damas a compris l’enjeu discursif au sein des sociétés occidentales et s’en est emparé. Assad a pu surfer pleinement sur les 2 obsessions qui irriguent depuis l’entrée dans les années 2000 le débat public « démocratique » : la posture civilisationnelle et la posture antisystème.

La posture civilisationnelle : « Je suis le dictateur cravaté qui fait face à la horde de barbares islamistes ». La posture antisystème : « Je suis le Grand Résistant à l’Occident - à ses médias, ses politiques etc - et à Israël ». Une posture islamophobe et une antisémite.

La question des Chrétiens de Syrie est au cœur de cette propagande et à l’intersection de ces deux postures. Ce n’est pas pour faire un effet teasing mais je reprends tout à l’heure pour expliciter plus précisément tout ça :)

Je reprends : Assad a énormément joué la carte « Chrétiens de Syrie », généralement estampillés « Chrétiens d’Orient » pour se présenter comme leur garant/protecteur. Le narratif est simple : « c’est une minorité persécutée.
Si la dictature saute, les Chrétiens sauteront aussi ».

Pour cela, les 2 récits - civilisationnel + antisystème - ont été très utiles : « Je ss le rempart civilisationnel qui protège les Chrétiens » + « Je ss le grand résistant face à L’Occident qui veut déstabiliser le pays et ainsi porter préjudice aux minorités que je protège ».

Ce double narratif a percolé ds les imaginaires au sein des sociétés démocratiques : d’une part au sein de l’ED et d’une partie de la droite, par essence raciste, islamophobe ET complotiste. Mais aussi au sein d’une partie de la gauche, tantôt « laïque », tantôt antisystème.

Au sein de ce double narratif, les Chrétiens sont réifiés : il s’agit de s’en servir comme bouclier, cache-sexe d’une posture raciste ou complotiste, comme justification de crimes de guerre commis à l’égard de l’opposition syrienne. Ils ne sont pas une préoccupation ms un alibi.

En réalité les « Chrétiens de Syrie » ou « Chrétiens d’Orient », tt le monde en parle mais personne ne s’en préoccupe vraiment. Ils st devenus pour bcp un prétexte à justifier les crimes de masse en Syrie & notre abandon des Syriens. Comme si ns avions validé le narratif d’Assad.

Alors bien sûr on ne s’attend pas à ce qu’un Chrétien de Syrie soit autre chose qu’un objet pour nous-mêmes. On ne s’attend pas à ce qu’il soit un sujet, et encore moins un sujet violent, une menace. Ça ne rentre dans aucune case de nos postures et nos récits.

Ns ne voulons pas voir un individu qui ns fait du mal comme celui qu’on a brandi pendant des années en bouclier à notre lâcheté. Le « Chrétien de Syrie » justifiait qu’on se range du côté d’Assad. Mais si sa violence ns touche nous, qui va devenir le cache-sexe de notre abandon?