Lorsqu'en octobre 2020, le parlement européen a voté des objectifs drastiques de réduction des émissions de CO2, s'est il préoccupé du rapport coût/bénéfice de telles réductions pour la société ? de leur réalisme économique ?
Spoiler: Non
2/32 Dans ce fil, calcul "coin de table" : combien coûterait (ordre de grandeur) la "tonne de CO2 économisée" si les objectifs votés fin 2020 par le parlement Européen étaient atteints, à savoir "une réduction des émissions de GES inférieure de 60% à celles de 1990" ?
3/32 Pour garder ce thread d'une longueur raisonnable, je vais reprendre des éléments de mon rapport @irefeurope analysant les politiques climatiques de l'UE sans refaire toutes les démonstrations. frirefeurope.b-cdn.net/wp-content/upl…
4/32 Dans ce rapport, nous partions de l'égalité de Kaya (égalité structurellement toujours vraie liant croissance, population, et intensité carbone) pour aboutir aux constats suivants:
5/32 L'Europe a décarboné son économie en moyenne de 2,95% par an depuis 1990 (disons 3%) - Sachant que la population de l'UE est et sera stable dans les 30 ans à venir, on peut simplement en déduire que:
6/32 Si on veut que les émissions baissent plus vite que l'on sait faire baisser l'intensité CO2 du PIB, alors il faut que la croissance baisse. Si le PIB augmente plus vite que la baisse de l'intensité CO2, les émissions augmentent, et inversement.
7/32 D'où,
- constat 1: Scénario "UE 2030"
Si on veut, comme l'UE, que nos émissions baissent de 47% entre 2019 et 2030 (60% depuis 1990), alors il faut que la croissance baisse de 26% dans le même laps de temps (soit -2,7% par an)
8/32 Constat 2:
Pour maintenir 1,7% de croissance (moyenne des années précédentes ) en baissant les émissions de 47%, il faudrait faire baisser l'intensité CO2 du PIB au rythme de 7,2% par an ! soit 2,4 fois plus vite que maintenant. Impossible.
9/32 Pour vous donner une idée, la France a fait -5%/an pendant la décennie 80-90, quand elle a mis en service 45 réacteurs nucléaires. Alors -7,2 au niveau européen alors que France, Allemagne, et même Belgique ont massacré leurs filières nucléaires depuis 2000...
10/32 Le plan nucléaire français des années 80 a fait l'objet de 10 ans de préparation dans les années 70. Force est de constater que l'UE n'a rien préparé dans la décennie précédent son vote, lequel relève par conséquent du "yakafokon" #WhatDidYouExpect
11/32 - Constat 3: scénario "Business as Usual", BAU.
Avec une réduction de l'intensité CO2 plausible de 3%/an sur 11 ans (X0,715) l'UE27 pouvait réduire les émissions de 33 à 40% (par rapport à celles de 1990) ou de 11 à 20% (/celles de 2019) selon 3 hypothèses de croissance:
12/32 Et même si les carbocentristes disent que "ce n'est pas assez", franchement, ce n'est pas si mal, vu que c'est mieux que n'importe quel autre continent, et de loin. "Business as Usual", ce n'est pas "ne rien faire", quoi qu'en disent les verts.
13/32 Comparons le scénario Business as Usual et le scénario UE 2030 à l'aide d'un simple tableur
Dans l'hypothèse BAU à 2% de croissance par an (soyons optimistes), et donc émissions ≈0,99 (≈1.02x0,97) , (....)
14/32 ... Le PIB augmente de 24% (1,02^11≈1,24) et les émissions atteignent 2,6 Gt en 2030 contre 2,9 en 2019.
Mais dans l'hypothèse "UE 2030", la croissance est négative, le PIB passe de 14 000 G€ à ≈10400 G€ et les émissions à 1,56.
15/32 Notez au passage qu'entre les deux hypothèses, en 2030, chaque européen perd ≈40% de PIB/habitant. (39 000€/h hypothèse haute, 23 000 hypothèse basse, 31500 en 2019) - Le rêve "décroissantiste".
16/32
- Différence de croissance cumulée entre les deux hypothèses: 42 600 milliards d'Euros (!)
- Emissions cumulées: hypothèse BAU, 30,0 Gt - hypothèse UE 2030 : 23,1 (arrondies à 23 Gt) écart: ≈7Gt.
17/32 Soit ≈7 milliards de tonnes économisées pour ≈42 600 milliards de PIB perdu. Soit un coût social de la tonne de CO2 non émise de ≈6 100 Euros !!!
18/32 Notez que si on refait le calcul avec des scénarios BAU à croissance un peu plus basse (1 ou 1,5%), on ne change absolument pas l'ordre de grandeur final, 6100 Euros par tonne.
19/32 Et cela ne compte pas le coût d'investissement direct qu'il aura fallu faire pour réduire notre intensité CO2 du PIB...
20/32 Cette valeur est incommensurablement plus élevée que toutes les évaluations (elles mêmes contestables et contestées) de ce qu'on appelle "le Coût social du carbone" (ou du CO2). L'administration Biden a remonté cette valeur à 51$/tCO2....
21/32 Un papier récent d'un des spécialistes du coût social du Carbone, @RichardTol (lead author du chapitre du rapport GIEC 2013 sur la question, WG2 chap 10), retrace l'évolution de la moyenne de cette valeur dans les études académiques depuis 1980 (nature.com/articles/s4155… )
22/32 (précaution de lecture: entre coût social de la tonne de Carbone et tonne de CO2, il faut diviser le prix de la TC par 3,67). Les estimations pour la TCO2 sont donc restées sous les 55$ jusque au milieu de la dernière décennie, pour monter à ≈90$ ces dernières années.
23/32 Autrement dit, même en retenant les coûts sociaux du CO2 les plus élevés, sacrifier ≈6000€ pour éliminer une tonne de CO2 est un non sens.
Mais apparemment, les parlementaires européens, au moment de voter, ne se sont pas posés la question...
24/32 Bien sûr, cela n'arrivera pas, on ne peut pas imposer la décroissance à une société libre, sauf à démanteler de force des secteurs d'activités entiers. D'ailleurs, après le désastre covidien de 2020, l'UE a rebondi de plus de 5% en 2021 et de plus de 3% en 2022...
25/32 ... Soit, sur les 3 exercices 2020-21-22, une croissance de 2,9% pour l'UE. La décroissance, ça ne se décrète pas.
Il est donc évident que les objectifs d'émission UE 2030 ne seront pas atteints, ce n'est pas nouveau, je le montrais déjà dans mon rapport IREF. (...)
26/32 (...) Le calcul ci dessus a juste pour objectif de montrer l'absence totale de prise en considération des plus élémentaires questions de réalisme économique par nos décideurs lorsqu'il s'agit de voter des "objectifs climatiques". Et vu les impacts, c'est grave.
27/32 Oh, et l'impact de 7Gt de moins sur la moyenne des températures mondiales serait de ≈3 millièmes de °C, soit non mesurable.
(0,45°C pour 1000 Gt, valeur médiane GIEC)
28/32 Pendant ce temps, le reste du monde émettrait, si chaque continent rééditait sa performance 2010-2019 sur 2019-2030, environ 400Gt (430 avec l'UE, image issue de mon rapport IREF).
29/32 À 0,45° pour 1000 Gt (GIEC), cela nous donne donc ≈0,18°C de contribution pour le reste du monde, et ≈0,013°C pour l'Europe (Business as usual) ou ≈0,010°C (objectifs UE 2030). soit ≈14 à 18 fois moins
30/32 Vaut il mieux, en 2030, un monde à +0,193°C et une UE27 à 39 000 €/habitant, ou un monde à +0,190°C et une UE27 considérablement appauvrie à 23 000 €/habitant ?
Je laisse chacun seul juge de la bonne réponse.
31/32 Que des décideurs politiques européens, tous partis confondus, aient voté une telle absurdité, sans avoir effectué ces calculs pourtant élémentaires, cela révèle un niveau de négligence et d'indigence politique particulièrement alarmant.
Deux paragraphes pour comprendre pourquoi nombre de recherches académiques sur le "potentiel" des renouvelables intermittentes sont inopérables techno-économiquement en l'état actuel.
(Par @rpschussler )
"La recherche académique qui promeut des améliorations à la grille doit être soigneusement évaluée en comprenant que la grille est un système complexe riche en interactions. Des changements à la grille impliquent de nombreux obstacles. Le langage est souvent imprécis..."
...Par exemple, quand vous lisez la conclusion :"Le solaire et l'éolien pourraient atteindre X%", la vraie signification est: "sur la base des facteurs que j'ai pris en compte et en faisant abstraction de nombreuses exigences critiques que je n'ai pas examinées...
Pourquoi le stockage d'électricité par batterie est encore très loin d'être capable de "lisser" sur de longues durées l'intermittence des énergies renouvelables aléatoires (Vent, soleil) ?
Pour le savoir, rendons nous à Pillswood, en Grande Bretagne.
2/46 Là bas, une ferme de batteries basée sur des packs @Tesla vient d'ouvrir ses portes. Naturellement, ses promoteurs, repris par la presse, sont superlatifs (...)
3/46 "Biggest in Europe", "A pivotal storage solution that will be vital for the country’s transition from fossil fuels to renewable energy", etc, etc.
On vous dit tout le temps: "le capitalisme et les pays riches polluent l'air"
Mais selon l'Institute for Health Metrics & evaluation (université de Seattle-Wa), les taux de décès attribuables à la pollution de l'air sont bcp plus faibles dans les pays riches.
Dans le monde entier, le taux de mortalité attribuable à la pollution de l'air est en baisse. Mais dans les pays à bas revenus, on meurt 20X plus de l'air pollué qu'en France, et 15X que la moyenne des pays à hauts revenus.
Dans tous les pays non-riches, y compris les "upper-middle income", les décès liés à la pollution de l'air représentent plus de 10% des décès totaux.
Contre moins de 5% dans les pays riches, et 2,4% en France.
j'ai déjà fait 10 fois la démonstration ici, mais ce genre d'annonce est une escroquerie politique, donc je recommence: la baisse annoncée par @Elisabeth_Borne est impossible et ne sert à rien "climatiquement".
2/ Borne prétend que la France peut passer de 408 à 270 de 2022 à 2030, soit X0,66 / 8 ans, soit ≈5,0% /an.
Qu'est-ce que ça a donnée ces 8 dernières années:
3/ - Intervalle 2014-2022 (peu favorable):
414=>408 ; x0,985 ; -0,2%/an
- Intervalle 2013-2021 (@OurWorldInData , plus favorable à l'hypothèse gouvt):
448=>391 ; x0,87 ; -1,7%/an
Comment passe-t-on de -1,7%/an à -5% / an ? mystère.
Un graphique frappant:
Consommations d'énergie primaire (CEP par la suite) de l'Asie, l'UE27, l'Amérique du Nord et l'Afrique (86% du total mondial). Les échelles verticales sont égalisées.
2/19 Si vous écoutez les médias, l'occident énergivore brule de l'énergie à tout va, alors que le reste du monde fait preuve de sobriété forcée, pauvreté oblige. Mais ce n'est pas la réalité dépeinte par ces courbes.