Petite explication de texte concernant la décision du conseil constitutionnel sur Ia non-responsabilité des squatteurs en cas de dommage à des tiers.
En termes clairs et compréhensibles promis.
Ce qu'il faut savoir sur le droit de la responsabilité, c'est que depuis plus d'une cinquantaine d'années, ce droit évolue dans un sens très protecteur des victimes et ce grâce notamment aux assurances.
Pourquoi ?
Parce que les blessures graves et les morts peuvent se chiffrer en dizaines (centaines) de milliers d'euros. Et que la probabilité que le responsable soit Elon Musk est assez faible, il faut bien le reconnaître.
Et même sans partir à la chasse aux milliardaires, quand il s'agit
de devoir verser rapidement 20.000€, une très très grande partie des gens ne peuvent pas.
Or, des situations causant des risques à autrui, pouvant vous coûter très cher, vous en rencontrez tous les jours.
Ne serait ce par exemple quand vous conduisez une voiture. Ou que vous avez des enfants en garde. Ou que vous organisez des activités sportives ou des vacances. Ou quand vous employez des gens. Ou quand vous avez des animaux. Ou quand vous partez chasser.
Ou quand vous gérez une installation nucléaire (situation plus rare je vous l'accorde).
Bref, dans toutes ces situations, le législateur a très souvent imposé des assurances obligatoires ou très fortement recommandées, de manière à pouvoir indemniser les victimes.
Bah oui, si vous causez un accident de voiture et blessez quelqu'un, c'est votre assurance qui indemnisera la victime.
Si votre enfant de 3 ans fait tomber la télé de vos amis, c'est votre assurance habitation qui les indemnisera.
Pareil si votre chien fait tomber une vieille
dame. Si vous tirez sur un cycliste au lieu d'un sanglier, votre assurance chasse prendra le relais.
Et si votre usine déclenche une explosion nucléaire, a priori votre assurance sera là (ou bien déposera le bilan).
Bref, vous avez compris, le but recherché est l'indemnisation des victimes avant tout.
Parce qu'elles n'avaient rien demandé à personne et se retrouvent gravement blessées à cause d'un tiers. Et si ce tiers est un français moyen avec peu d'argent sur son compte épargne, bah sans
ce système favorable de responsabilité lié aux assurances, elles n'auraient que leurs yeux pour pleurer.
Et oui ça peut aller très loin, un exemple : en matière de circulation, la loi Badinter de 85 prévoit des responsabilités dès qu'un véhicule est "impliqué" dans un accident.
Ça veut dire quoi impliqué ?
C'est aux juges de le dire.
Cas véridique : une personne faisait du kitesurf.
Grosse bourrasque, elle perd le contrôle et s'envole avec sa voile, pour atterrir des dizaines de mètres plus loin, sur un parking : elle s'encastre dans une voiture garée.
Elle est très gravement blessée, handicapée à vie.
Bien conseillée par son avocat, elle assigne en responsabilité l'assureur du véhicule.
La CCass lui donne raison et condamne l'assureur de la voiture à l'indemniser, considérant que le véhicule était "impliqué" dans l'accident.
Je vous vois déjà pousser des cris comme quoi c'est n'importe quoi, que le mec fait un sport risqué et que c'est donc son problème s'il se retrouve en fauteuil roulant.
Oui, c'est une façon de voir les choses.
La justice elle essaie de faciliter la vie d'un type handicapé à vie.
Et ce en appliquant seulement la loi.
La loi dit "un véhicule impliqué".
Ici le véhicule garé peut être considéré comme "impliqué" dans l'accident.
La loi ne dit pas "un véhicule en circulation".
Libre au législateur de modifier la loi ensuite s'il estime que la décision de Ia
CCass est portnawak.
Pourquoi je vous raconte cette histoire de kitesurf ?
Pour que vous compreniez la décision du Conseil constitutionnel.
La loi censurée prévoyait d'instaurer une responsabilité de plein droit du squatteur en cas de dommage causé par l'immeuble à un tiers.
Le conseil a jugé que cela portait une atteinte disproportionnée aux droits des victimes.
Pourquoi ?
Imaginons que vous vous promenez avec votre enfant dans une ville.
Le balcon d'un appartement s'effondre, votre enfant est gravement blessé.
Qui est responsable ?
Selon le projet de loi, c'était les squatteurs qui seraient responsables de plein droit et non le proprio.
A votre avis, les squatteurs, ils sont solvables ?
Ils vont pouvoir débourser immédiatement des milliers d'euros pour indemniser l'enfant ?
Alors que le proprio lui a sans doute une assurance sur son appart, permettant d'indemniser les victimes des dommages causés par son immeuble.
Alors on choisit quoi ?
Le Conseil a juste rappelé le droit actuel : responsabilité du propriétaire de l'immeuble, avec possibilité de
prouver une faute de la victime (hypothèse où le squatteur est la victime). Mais pas de responsabilité de plein droit du squatteur, car ce serait hautement préjudiciable aux droits des victimes tierces.
Après, on peut avoir des opinions divergentes, considérer que la loi et les juges sont trop favorables aux victimes.
Mais c'est bien aussi de se mettre à la place des victimes, de se demander comment on réagirait si on se retrouvait gravement blessé par une chute de pierre liée
à un balcon mal entretenu et zéro responsable solvable en face car la loi a prévu que les responsables étaient obligatoirement les squatteurs.
Mais surtout, une fois de plus, quand vous êtes face à un article de presse décrivant une décision de justice apparemment totalement
aberrante, prenez le temps de creuser un peu la question avant de vous enflammer et d'insulter les juges en les accusant d'être totalement déconnectés de la réalité.
Les enjeux sont très souvent bcp plus complexes.
Mais ça fait moins vendre d'articles, je vous l'accorde.
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Bosser le jour de Noël..
Je me souviens de ce réveillon, j'étais de perm au Parquet.
Soirée tranquille avec mes parents, je m'étais couchée vers 1h du mat.
Coup de fil à 3h d'un gendarme.
A sa voix, j'ai tout de suite su que la nuit allait être longue.
"Je suis désolé de vous réveiller la nuit de Noël Mme le Procureur, mais nous avons un homicide".
Bon bah là effectivement, on se réveille très vite (en essayant d'être quand même un peu discrète et de laisser dormir l'homme qui partage son lit), on enfile le jean qui traîne et
on se glisse dans la voiture, direction le bled bien paumé au fin fond de la campagne..
Oui j'ai jamais eu de chance de ce côté là, jamais de scène de crime en plein centre ville, ça toujours été au fin fond de la pampa.
L'avantage c'est que les gyros bleus des gendarmes servent
Faut que je vous raconte ma venue chez @boulanger pour acheter une enceinte portable..
Le vendeur, un jeune de 20/25 ans, me propose une JBL, une Sony et une Marshall.
Les 3 ont l'air cool, je lui demande si on peut les tester. Il me dit pas de soucis, vous voulez écoutez quoi ?
Tempête dans mon cerveau pendant 20 secondes, j'ai envie d'un truc qui envoie un peu, je suis fan de rock, je lui dis : "mettez moi Whole Lotta Love de Led Zeppelin".
Là, le vendeur me regarde comme une poule face à un couteau.
Lui : "Led quoi ?"
Moi : "Led Zeppelin".
Lui: " je comprends pas ?"
Moi : "LED ZÉ-PE-LINE"
Lui :
Petit rappel : la France a été condamnée en 2020 par la CEDH pour l'indignité de ses prisons françaises.
2 ans après, la surpopulation carcérale n'a pas diminué : taux d'occupation de quasi 140%, ce qui signifie des cellules de 9 m2 avec 3 voire 4 détenus vivant dedans.
Mais
aussi les infestations de rats, de cafards, un enfermement 22h/24, des douches 2 à 3 fois par semaine maximum, un accès au travail et aux soins très compliqué (liste d'attente de + d'un an).
On rajoute aussi la violence quotidienne : en prison c'est la loi du plus fort,
les coups, le racket, les humiliations et brimades, parfois les viols, sont le quotidien des prisonniers.
Les addictions qui se créent ou continuent : les drogues circulent facilement, nombreux sont ceux qui rentrent clean en détention et en ressortent addict.
Vouloir interdire le burkini dans les piscines revient à demander au législateur d'écrire une loi réglementant la manière dont une femme doit s'habiller pour aller à la piscine.
Moi je trouve cela assez dangereux. En tant que juriste, je m'attache aux détails textuels.
La loi ne pourra pas prévoir "le port du burkini est interdit dans une piscine".
Car il faut définir précisément ce qui est interdit.
Pour la burqa dans l'espace public, la loi de 2010 n'interdit pas "le port de la burqa", elle interdit "de porter une tenue destinée à
dissimuler son visage".
Pour l'interdiction du voile dans les écoles, c'est "tout signe religieux ostentatoire".
Pour en revenir au burkini, il faudrait donc que la loi prévoit, en pratique, le pourcentage de peau, les parties du corps, devant être recouvert ou non par du tissu.
A votre avis, comment rend-on une décision de justice pénale ?
Au doigt mouillé, à pile ou face ?
Non, on le fait après avoir étudié de fond en comble un dossier et entendu les parties lors d'une audience. Le dossier lui-même est le résultat d'une enquête de police, de
gendarmerie et/ou d'une instruction.
Ça veut dire que depuis la révélation des faits (plainte de la victime, constatation de l'infraction), on a essayé de rassembler le maximum d'informations sur ce qui s'était passé.
Aucun des juges n'étant témoin direct des faits, il faut bien
essayer de rassembler toutes les preuves permettant de savoir ce qu'il s'est passé ce jour-là.
Donc on va entendre tous les témoins existants, rechercher des vidéos, de l'ADN, des investigations en téléphonie, en géolocalisation, financières, faire des expertises en tout genre.
Quand j'ai été nommée juge d'instruction, je suis arrivée dans un cabinet où j'étais toute seule, avec un stock de + de 80 dossiers en cours.
Sachant que j'avais en plus de cela deux juges uniques correctionnelles par mois, + 2 comparutions immédiates par semaine,
+ une audience civile collégiale par mois, + les ordonnances pénales.
Concrètement, je n'avais absolument pas le temps de bosser ces 80 dossiers comme ils le méritaient.
Donc j'ai priorisé = d'abord les dossiers avec des personnes détenues, puis les dossiers d'atteintes aux
personnes, et enfin les dossiers d'atteintes aux biens.
Il a dû se passer facile un an avant que je ne fasse qu'ouvrir pour la 1ère fois ces dossiers-là.
Je suis restée 4 ans en poste, il y a des dossiers qui étaient en cours quand je suis arrivée et qui n'étaient toujours pas