Oui, @Michel_Goya a raison, il faudrait arrêter de nous demander tous les jours, depuis juin, si l'offensive est un échec. Cela ne sert à rien. Quelques réflexions sur le temps des médias et le temps de l'analyse, sur la guerre et les "succès". 🧶👇
Pour faire écho à ce qu'écrit @Michel_Goya, je crois que cet "épuisement de l'instant" est un des travers les plus pénibles lorsqu'on essaye de suivre ce conflit, de l'analyser, d'y discerner des tendances de fond. L'aspiration par l'instant, tiré par les médias... 1/
... est naturelle quand on connait le fonctionnement des médias justement : c'est le règne du commentaire, de l'instantané. Alors oui, il faut y sacrifier un peu, pour que la grande majorité de nos concitoyens puissent être informés avec le peu de temps qu'ils ont pour eux. 2/
Et je crois fermement que les analystes et chercheurs doivent prendre du temps pour vulgariser et commenter l'actualité tout en la mettant en perspective. Ne pas le faire, c'est laisser les médias, surtout la télévision, aux mains de "commentateurs professionnels"... 3/
des gens dévoués à l'instant, mais qui n'ont pas la capacité de la pensée sur le temps long. Exercice complexe donc, mais salutaire, qui nous force à osciller entre l'analyse et le commentaire, deux modes de pensée que tout oppose, même s'ils se nourrissent souvent. 4/
Et ne perdons pas de vue que cette obsession de l'instant est une faiblesse occidentale bien connue, sur laquelle Poutine compte depuis le début de son agression. Pour l'heure cette espérance de lassitude occidentale est déçue... 5/
Même s'il est indéniable que nos opinions s'y intéressent moins. La guerre est loin, mais l'aspect positif est qu'elle semble peu peser au quotidien pour nos modes de vie (en apparence). Cela devient un "bruit de fond", que les médias tentent de secouer par du sensationnalisme.6/
Alors oui, tout ça est propice à la "titraille". Et aux grandes questions qui sont lassantes et deviennent insupportables aux analystes : "alors cette fois on est co-belligérants ?", "Poutine va utiliser l'arme atomique ?", "le char/avion/missile/pâté sera le game changer ?"...7/
Et bien sur, depuis le début, depuis le premier jour, "est-ce que l'offensive ukrainienne n'est pas un échec ?"
Question à laquelle on ne pourra vraiment répondre que cet hiver. Voire l'an prochain. Je sais, six à douze mois, c'est long, mais c'est le temps de l'analyse. 8/
Ce n'est pas avant l'hiver que l'on aura une idée des positions définitives et de l'état des forces après un été de combat. Si par exemple l'Ukraine a peu gagné de terrain mais beaucoup usé les forces russes en préservant les siennes, ce sera un succès... 9/
Bien d'avantage que si elle prend Tokmak en y laissant des pertes irremplaçables face à une armée russe qui sauverait les meubles en lâchant du terrain.
Le succès ou l'échec d'une opération n'est jamais absolu. Toutes les opérations sont différentes. 10/
Si la finalité de la guerre en Ukraine reste bien la reprise de territoires, ce n'est pas pour autant forcément l'unique objectif permanent. Détruire les forces adverses (ou plutôt "neutraliser leur centre de gravité") est prioritaire sur le simple "plantage de drapeau ". 11/
Sur cette notion de centre de gravité et son application à la guerre en cours, je vous renvoie à mon papier de juillet sur @TheatrumBelli :
En plus, il y du troll pro-russe de qualité qui commente, c'est à mourir de rire... 12/theatrum-belli.com/centre-de-grav…
Bref : ne nous laissons pas avoir par le double péril : ne plus rien analyser et ne plus rien commenter. Essayons de faire un peu les deux, en préservant une capacité à mettre en perspective les choses sur le temps long.
L'offensive ukrainienne peut durer plusieurs semaines. 13/
Elle peut durer jusqu'à :
- l'arrêt de la guerre par décision politique (très peu probable),
- l’arrêt par épuisement de l'armée ukrainienne (probable),
- l'arrêt par épuisement "logistique" (assez probable),
- la météo, de plus en plus probable à mesure que le temps avance. 14/
Donc cette offensive, qui dure depuis deux mois, pourrait bien durer encore un, voire deux mois. L'an dernier des opérations mobiles ont perduré jusque début novembre. Donc oui, après "juillet août", on pourrait avoir "septembre octobre". 15/
Deux mois pendant lesquels l'Ukraine pourrait encore marquer beaucoup de points, si elle en a la capacité logistique, face à une armée russe qui a sacrifié beaucoup de potentiel pour "tenir" la ligne de couverture. 16/
Le parallèle avec la Normandie en 1944 est d'ailleurs assez marquant : la Wehrmacht engage beaucoup d'unités d'élite en première ligne en juin/juillet, pour une défense profonde et résolue certes, mais assez peu mobile... 17/
"Ca tient, ça tient, ça tient" tout le mois de juin et une bonne partie de juillet. Le 20 juillet après l'échec de Goodwood, on se dit "ça pourrait tenir des mois, l'automne arrive". Et puis Cobra arrive et en huit jours, "ça pète"... 19/
Bref : chaque jour apporte son lot d'informations, qu'il faut 1) vérifier 2) classer 3) trier, 4) verser au cycle d'analyse. Ne passons pas trop de temps sur les commentaires. Ils ont leur utilité, notamment pour vulgariser... 20/
Le même péril d'ailleurs frappe les états-majors : le "commentaire" du moindre rapport tactique d'accrochage entre deux sections peut faire perdre un temps précieux, casser le battle rythme, et au final nuire à l'appréciation générale du mouvement. FIN
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Le FT (toujours bien informé) et les Obus :
On apprend dans l'article d'hier que l'Ukraine tirerait actuellement "8000 coups par jour", sans qu'on sache trop s'il s'agit uniquement de coups de 155 ou pas... (un fil sur les munitions) 1/ ft.com/content/b2c89d…
C'est interessant, car il y a une douzaine de jours les Ukrainiens étaient encore autour de 3000 coups consommés par jour. Et comme on avait montré que la production ne pouvait pas dépasser ce chiffre, cela veut dire qu'ils tapent dans leurs stocks. 2/
8000 coups par jour, c'est le signe indéniable que l'armée ukrainienne est passée en mode "effort" et qu'au delà de la contrebatterie, elle tire, pour soutenir ses opérations offensives, mais aussi pour contenir la contre-contre-contre offensive russe dans le nord Louhansk. 3/
Logistique : les chars c'est important. Mais à la fin, tout dépend des camions.
La Russie a quadruplé ses achats de camions en Chine. Le pays en a importé 31 000 en 2022, contre 7700 en 2021. les chiffres de 2023 seront sans doute plus élevés... 1/ 👇 plenglish.com/news/2023/01/2…
Quant on connait les énormes problèmes logistiques de l'armée russe, et notamment sa dépendance au ferroviaire, sa mauvaise gestion des manipulations de matériel (manque de palettes et fenwicks) et les pénuries de camions, c'est tout à fait crucial. 2/
La Chine a également triplé la quantité de camions exportés en Asie centrale, d'où la plupart seront revendus à la Russie. 3/ lowyinstitute.org/the-interprete…
Unpopular opinion : oui, projeter 10 Rafale en "Indopacifique" c'est un joli tour de force, mais non, cela ne fait pas de nous une "puissance qui compte dans la région". Par définition, ce genre d'opération n'est que ce qu'elle est : un raid, mené par une micro force. 👇 1/
C'est très bien pour le Rafale, cela permet de le montrer et d'illustrer - encore - ses remarquables capacités.
Mais cela ne veut pas dire que l'AAE pourrait mener une campagne aérienne "significative" dans "la région" (laquelle couvre un tiers du globe). 2/
Les grandes forces aériennes partenaires de la région alignent plusieurs 100s d'appareils (Japon 700+, Corée du S 500+). La Chine aligne plus de 2500 appareils (de générations diverses). A la limite la projection française est significative pour l'Australie... 3/
Russie - Ukraine : des déclarations "subtilement différentes" au sujet de la Mer Noire.
Suite à une bonne remarque de @merle_cyrille (toujours écouter ses anciens chefs), j'ai relu les deux déclarations in extenso. Que penser de ces textes ? 1/👇
La Russie : le texte de référence est la déclaration du ministère de la défense du 19 juillet 2023 :
En deux temps : "tous les navires traversant la Mer Noire vers les ports ukrainiens seront considérés comme potentiellement transportant des cargaisons militaires". --> cela signale qu'ils pourraient, conformément aux conventions applicables, être visités en pleine mer par 🇷🇺. 3/
Mer Noire ? Que peut la Russie ?
Je lis ici et là que la flotte russe n'est "plus en capacité" de s'opposer au trafic marchand en Mer Noire et que les menaces de Poutine sont du bluff... Voire... (un fil) 1/
Tout d'abord, la menace suffira sans doute à paralyser une bonne partie du trafic. Pourquoi ? Parce que les armateurs sont des acteurs privés, qui doivent être couverts par leurs assurances. Le patriotisme ukrainien ne fait pas partie de leurs calculs... 2/
Au début de l'invasion russe, plusieurs navires civils avaient été coulés ou endommagés par les Russes, ce qui avait suffit à faire fuir tous les armateurs des eaux ukrainiennes, installant un blocus maritime de facto, illégal et non déclaré. 2.5/ en.wikipedia.org/wiki/List_of_s…
L'article de CNN évoque une production américaine autour de 30 000 obus de 155 par mois, soit un millier de coups par jours disponible pour l'Ukraine (un peu moins si les Américains stockent pour eux).
ils étaient à 15 000 en février :
Ce à quoi il faut ajouter les productions des autres pays, en Europe et ailleurs (Australie notamment). Nexter est autour de 4000 obus par mois actuellement () 3/rfi.fr/fr/podcasts/re…