[FIL À DÉROULER] Hier, Tsahal a convoqué la presse pour montrer dans une séance à huis clos un film composé de vidéos brutes, non censurées (GoPro du Hamas, caméras de surveillances, téléphones...) des massacres du 7 octobre en Israël. 44''43' d'enfer. Thread pour contextualiser.
Alors je vais décevoir : je ne vais inclure aucune image. Il était interdit d'enregistrer. Par ailleurs, les vidéos étaient soit de la propagande d'un groupe terroriste, soit les derniers instants filmés par les victimes eux-mêmes. L'écrit seul, par décence et pour le recul.
L'invitation avait été lancée le week-end. La séance était programmée un peu avant midi, lundi. On aurait dit une projection presse comme une autre, pour une avant-première mondiale unique en son genre. On se présente avec sa carte de presse, qui donne droit à un bracelet jaune.
Malaise. On salue les confrères spécialistes, tels des critiques de cinéma à la Berlinale. Des ouvreuses vous indiquent le chemin. Elles ont des uniformes kakis, certaines des fusils d’assaut en bandoulière, comme si la production avait poussé la promotion trop loin.
Pourquoi y aller ? Beaucoup de spécialistes en ont déjà épluché une partie. Mais c’est l’occasion d’en voir une sélection pour confirmer les atrocités inconcevables que rapportent depuis deux semaines des témoins médusés. Un peu comme on boit cul sec une potion au goût infect.
Dans cette histoire, les preuves matérielles sont nécessaires. Les récits défient tant l’entendement, qu'ils font toujours polémique. Difficile d’être 100 % sûr, même avec 3 ou 4 témoignages directs. La moindre inexactitude ne pardonne pas, comme dans le cas des bébés décapités.
Avec cette séance de l'armée, on pouvait craindre la propagande militaire à gros sabots. Mais les officiers de Tsahal venus présenter leur travail, comme des réalisateurs honteux d’un documentaire sacrilège, n’en mènaient pas large. Ils diffusaient cela à contrecoeur.
C'est la réponse de Tsahal au négationnisme. Mais aussi une introspection : « On a bcp hésité à organiser cela, a ouvert le porte-parole Daniel Hagari. La raison pour laquelle j’ai décidé de le faire, c’est que nous voulons comprendre ns-mêmes pq nous menons cette guerre. »
Le porte-parole n'affichait pas l'assurance habituelle de Tsahal. Comme un Woody Allen en uniforme et fusil à l’épaule, il s’empêtrait dans un plaidoyer coupable, tout aussi brut que ce qui va suivre, tour à tour écartant les mains par dépit, ou les frottant nerveusement.
Il a promis une version VR (je me demande bien qui s'infligera ça), parlé de "travail de mémoire collective", tout en assurant que ce n'était pas un "film" (discutable étant donné le très bon travail de montage pour rendre le contenu digeste, avec un peu de pudeur).
Venons en aux images. Ce n’est qu’une minuscule fraction des téraoctets d’images recueillies. Je ne vais pas récapituler par le menu. Imaginez juste l'enfer de Dante. J'avais déjà vu des vidéos d'exécution à la tronçonneuse par Daesh. C'est au-delà. Un mot : génocide.
La salle plonge dans l’obscurité. Il faut s’accrocher à son siège. Le cœur s’emballe, mais se stabilise. Même des vétérans laissent échapper des soupirs ou des râles. Mais personne n'est sorti de la salle, malgré les dizaines de corps défigurés, brûlés, violés...
Ici, 1 scène, pas plus (le reste sera dans un article du @LePoint). Des caméras de sécurité privées, sans le son. Dans une maison d’un kibboutz, un père en caleçon saisit un de ses fils dans le lit, intime à l’autre de le suivre. Ils s’enfuient dans un abri. Ellipse.
@LePoint Caméra extérieure. Une grenade est jetée dans l'abri depuis le hors-champ. Le corps du père tombe dans l’entrée, tué sur le coup. Un homme barbu et armé entre dans le champ en enjambant un muret. Les 2 fils sortent terrorisés, tjs quasi nus, se réfugient dans la maison.
@LePoint Caméra de sécurité intérieure, son brusquement rétabli par le monteur. Couverts de sang, criblés d'éclats, les 2 enfants sont prostrés sur une chaise et un canapé. Pleurs déchirants. Le tueur entre, semble rire et leur parler, comme s'il n'avait pas tout juste tué leur père.
@LePoint « Je veux ma mère, ma mère, crie un des enfants. Je crois que je vais mourir. (...) Pourquoi suis-je en vie ? » Graciés ? Emmenés à Gaza ? Abattus ailleurs ? Ils s’enfuient hors de la pièce. (l'armée a refusé de répondre sur ce qu'elle savait). Nouvelle ellipse.
Porte de l’abri, cadavre du père. Arrivée d’hommes armés, des Israéliens, accompagnés d’une femme. C’est la mère, elle s’effondre à la vue du corps. Pour protéger cette famille, Tsahal a demandé de ne pas révéler la localisation de cette tragédie, même si elle était indiquée.
Plus que les cadavres ravagés, cette scène est insoutenable à voir. Comme celle où des festivaliers blessés atrocement, sont chargés comme de la viande pour être emmenés comme otages. Elle nous met dans la peau des victimes conscientes, et non des morts tombés dans le néant.
« Je veux ma mère, ma mère, crie un des enfants. Je crois que je vais mourir. (...) Pourquoi suis-je en vie ? » Pendant qq secondes, j'étais cet enfant brusquement transporté en enfer par ces démons surgis à son réveil, comme si la réalité devenait concrètement un cauchemar.
Voilà. Était-ce utile ? En tant que journaliste, oui, avec du recul. S'infliger cela n'est pas nécessaire pour le public - ce serait faire le jeu du Hamas qui cherche à brutaliser les esprits. Si vous avez des questions, je suis disponible pour en discuter, après un peu de repos.
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A @computex_taipei pour le discours inaugural "Keynote" du nouvel empereur de la Tech, Jensen Huang, fondateur de @nvidia, la start-up des cartes graphiques (pour lesquelles je me suis ruiné deux ou trois fois ado) devenue le géant des puces qui turbocharge la révolution de l'IA.
Samedi matin, Jensen Huang donnait aussi le discours d'ouverture de la cérémonie de diplôme de l'Université nationale de Taïwan, dont cet immigré taiwanais aux US a reçu un doctorat d'honneur il y a deux ans. Le retour du fils prodigue.
Le discours était un appel très taiwanais au travail et à l'humilité. Toujours vétu de sa veste en cuir, Jensen Huang a une réputation de simplicité, et des photos de ce milliardaire mangeant la veille au soir dans un marché de nuit ont ajouté à la légende
Les éditions @AlbinMichel publient ce 6 avril "Au nom de la science", mon livre sur la controverse sur l'origine du Covid-19. Le récit jour par jour du féroce débat scientifique et géopolitique entre tenants de l'origine naturelle et de l'accident de la recherche.
Des "bonnes feuilles" sont présentées dans le dossier de couverture du magazine @LePoint de cette semaine. À lire, les 1ers soupçons en Chine, en France et aux États-Unis, l'obstruction de Pékin, les pistes du marché de Huanan et des manipulations génétiques...
Comment en est-on arrivé à ignorer la cause de 7 à 20 millions de morts ? Le but n'est pas de trouver des coupables, mais simplement de savoir comment s'est produite la catastrophe, pour éviter qu'elle se reproduise ou du moins l'atténuer la prochaine fois.
Le @TheLancet a rendu le rapport de sa commission sur le Covid-19 hier. Insultes, réactions outrées, attaques personnelles de scientifiques anglo-saxons contre le président de la commission Jeffrey Sachs qui ose parler d'un accident de laboratoire jeffsachs.org/interviewsandm…
L'interview ci-dessus résume la position de Sachs, qui est en fait équilibrée : on ne sait pas d'où vient le virus, mais des gouvernements (Chine, États-Unis) et des scientifiques font obstruction à l'exploration de l'hypothèse d'un virus sorti d'un laboratoire.
Pour un résumé de la présentation du rapport, le mieux est de se référer à @alisonannyoung, journaliste scientifique qui est spécialisée dans les incidents de biosécurité. Et directement au texte plutôt qu'aux commentaires biaisés. thelancet.com/journals/lance…
Très courageux premier rapport de SAGO, le comité de sages formé par l'OMS @WHO, qui appelle entre autres à une enquête sur la possibilité d'une émergence liée aux laboratoires de Wuhan. Un document très précieux qui fera référence à l'avenir. who.int/publications/m…
La partie sur l'origine du Sars-CoV-2/Covid-19 ne traite pas seulement de l'origine en laboratoire et donne de très bonnes recommendations sur l'analyse des données et la recherche sur une possible origine animale et la nécessité d'études rétrospectives approfondies à Wuhan.
Il presse nettement la Chine de reprendre les analyses sérologiques de 76000 échantillons de fin 2019 qui avaient été très largement ignorés en resserrant exagérément les critères diagnostics, ne considérant que 92 d'entre eux pour le rapport de l'OMS du printemps 2021.
A la fois très heureux qu'un éditorialiste français se saisisse du sujet, mais SCANDALISÉ par les erreurs dans cet édito de Patrick Cohen, et surtout sur l'impasse TOTALE sur le travail de confrères français, dont je fais partie, qui ont couvert ce dossier.
D'abord, ce qui est très bien, c'est de ne pas conclure - mais de parler de Defuse, ce projet américain d'avril 2018 en partenariat avec les laboratoires de Wuhan visant à insérer un site de clivage à la furine, et qui constitue en quelque sorte la recette exacte du Sars-CoV-2.
Par contre, il y a plusieurs formules très malheureuses. Jamais @JeffDSachs ni ceux qui ont enquêté en profondeur sur le sujet ne disent que le virus aurait été fabriqué par les Américains et pas les Chinois. Ils demandent juste la transparence des institutions américaines.
La chercheuse @Ayjchan, en pointe sur l'origine du virus, juge que si l'on avait reconnu en janvier 2020 la possibilité d'un accident de laboratoire (et l'existence du projet Defuse), cela aurait justifié une action internationale beaucoup plus vigoureuse, et limité les dégâts.
Les dirigeants et scientifiques impliqués ont visiblement au contraire fait le calcul exactement inverse. Que l'éventualité d'un accident sapait la confiance des populations et donc la capacité d'action des autorités sanitaires. Biggest own goal in history!
C'est la raison pour laquelle la question de l'origine du virus (et l'histoire de sa gestion par les autorités) n'est pas un débat scientifique abstrait, mais un débat politique majeur, et très concret. Que se sont dits les décideurs et scientifiques informés en janvier 2020 ?