Thread by @LehmannDrC

Je reviens sur cette démonstration tentée par Céline Pina sur l'humanité et l'inhumanité. "Politologue et journaliste à Causeur", ce pourrait être la fin de la blague, mais on ne va pas s'arrêter là parce que le caractère profondément ignoble de cette diarrhée verbale déguisée en

https://twitter.com/letheoricien228/status/1720389501296509046

cours de philosophie humaniste mérite qu'on s'y attarde. En gros, Pina nous explique qu'il y a une différence entre l'enfant qui prend une bombe sur la gueule en "dommage collatéral" et l'enfant qui voit des hommes, face à lui, qui lui veulent du mal, à lui et à sa famille, et

torturent et tuent. Pour Pina, le premier enfant mourra mais, rassurons nous, n'aura pas l'impression qu'en face de lui l'humanité a trahi tout ce qu'il était en droit d'attendre. Dans le second cas, l'enfant part en emportant une image d'inhumanité, d'atrocité et de mépris de ce

qu'il est. Et la conclusion... si on n'explique pas bien "le règne de l'émotion met le signe égal entre toutes les victimes". Il n'y a, évidemment, rien qui va dans ce charabia putride. Mais allons-y pour l'autopsie:

L'enfant de Gaza qui est pulvérisé par une bombe, dans l'"esprit" de Céline Pina, ne voit pas des hommes méchants qui veulent le tuer, ca lui permet de ne pas désespérer de l'humain, de mourir en ayant confiance en la vie, on imagine, parce que bien entendu il a été fauché viteuf

sans se rendre compte de rien: l'instant d'avant il était un enfant, l'instant d'après de la purée, mais ça a été fait avec humanité et coeur par des gens sympa qui n'avaient pas le choix, vraiment, et vont mal dormir la nuit. Ce premier enfant, gazaoui, meurt donc sans avoir

l'impression que l'humanité a trahi ce qu'il était en droit d'attendre.... Ah, ok... Moi j'aurais pensé qu'il était en droit d'attendre une vie. une vie normale. d'avoir un jour dix ans, puis douze. de l'acné. un premier baiser. un diplôme. une passion pour les Pokemon ou Gillian

Anderson. Une vie, quoi. Mais apparemment non. Pour Céline Pina, tu vis à Gaza, t'es en droit d'attendre de finir en purée, c'est dans la logique des choses. Le second enfant, qui meurt dans l'effroi sadique, lui son humanité a été trahie. Et donc là c'est vraiment monstrueux.

( Spoiler: CA L'EST). Mais ce serait céder au règne de l'émotion que de mettre un signe égal entre ces deux vies. entre ces deux morts. entre ces deux crimes..... Bon, on aura compris que Céline Pina fait l'apologie de la mort à distance, et considère qu'une seule de ses deux

morts est inhumaine. L'autre, c'est un peu con quoi, fallait juste pas être au mauvais endroit au mauvais moment, mettez-y un peu du vôtre, les Palestiniens, qui va élever des enfants dans une zone de guerre... Etrangement, je comprends ce que Céline Pina a voulu dire, parce que

quelqu'un d'autre a parlé de l'horreur que représente le fait d'être tué par un humain. L'horreur de savoir qu'on est haï à ce point. Il y a quelques jours, Christine Angot lisait une chronique sur @franceinter , une chronique sur la philosophe Simone Weil. Et parce que cette

@franceinter chronique, pas facile, est importante, je vais la reproduire entièrement ici:

@franceinter

@franceinter

@franceinter

Je reprends: « Qu’est-ce qui m’empêche au juste de crever les yeux à cet homme, si j’en ai la licence et que ça m’amuse ?
Ce qui la retiendrait ( ma main) , c’est de savoir que si quelqu’un lui crevait les yeux, il aurait l’âme déchirée par la pensée qu’on lui fait du mal...

Il y a depuis la petite enfance jusqu’à la tombe, au fond du cœur de tout être humain, quelque chose qui, malgré toute l’expérience des crimes commis, soufferts et observés, s’attend invinciblement à ce qu’on lui fasse du bien et non du mal....

C’est cela avant toute chose qui est sacré en tout être humain."

On dirait que Céline Pina a écouté Christine Angot, ou lu Simone Weil, sans jamais s'être interrogée sur son propre aveuglement. L'enfant gazaoui est tellement pour elle une non-personne qu'elle ne peut une seconde imaginer qu'il sait qu'on lui veut du mal, quand il a vu tomber

des bombes, mourir ses amis, des membres de sa famille, et qu'il attend son tour. Non, dans ce qui sert d'esprit à Céline Pina, l'enfant gazaoui n'a pas l'atroce révélation qu'a eu l'enfant israélien. Il est tué à distance par des gens qui ont un bon rationnel pour ce qu'ils font

et pas d'animosité personnelle, selon elle, juste des gens qui sont légitimés dans ce qu'ils font par des salopards de plateaux. Des salopards de plateaux qui enfoncent bien le clou en expliquant que mettre un signe égal serait céder au règne de l'émotion.

Terry Pratchett écrit: "“Sin, young man, is when you treat people like things. Including yourself. That’s what sin is.” "Le mal, jeune homme, c'est de traiter les êtres comme des choses. Vous inclus. Voilà ce qu'est le mal".

et c'est exactement ce que fait Céline Pina, politologue, journaliste à Causeur, apologue de génocide noyé sous les arguties. Pour elle, l'enfant gazaoui est une chose. Elle ne peut imaginer qu'il meurt terrifié en sachant que des hommes lui veulent du mal. Il faudrait pour ça

qu'elle imagine qu'il ait une âme capable de ressentir la terreur.