Qu’est-ce que le demi-habilat et pourquoi nous énerve-t-il autant ?
Quelques éléments de réponse⬇️
Le demi-habilat est la classe socio-culturelle issue de l’accès accru à l’éducation supérieure, de la multiplication des filières, de la fragmentation des savoirs, de l’effacement des grands récits et de la dislocation du sens commun.
Le demi-habile, aussi dénommé 𝑚𝑖𝑑𝑤𝑖𝑡, est suffisamment bien né ou intelligent pour faire des études supérieures, mais trop limité intellectuellement pour acquérir une expertise.
Il compense cette infériorité par sa culture générale, son aplomb,
et sa présence dans les médias/ sur les réseaux sociaux. Cela lui permet de bien montrer qu’il est plus intelligent que les gens moins éduqués que lui et de les humilier dès qu’il en a l’occasion.
C'est la personne du milieu sur le meme de la courbe des QI.
Le demi-habile prétend être le summum de l’inquiétude de la pensée, de la dissidence éclairée et du contact avec le réel alors que c’est l’être le plus consensuel de notre société. Sa caractéristique n°1 est qu’il est convaincu d’avoir l’esprit critique et la rigueur scientifique
Il « pense contre lui-même », « exerce le doute méthodique », « ne sait qu’une chose c’est qu’il ne sait rien », ne forme d'opinion « qu’en consultant le consensus scientifique ».
Il raffole de ce genre de formules qui permettent de manifester au monde sa supériorité réflexive.
Mais il est en fait souvent incapable d’effectuer un raisonnement de base : il a du mal à saisir que chaque discipline et chaque fait requièrent des niveaux de précision et d’explication différents.
Par exemple, il ne maîtrise pas la différence entre explication logique et explication psychologique, entre arguments d’autorité scientifique et argument scientifique, entre 𝑎𝑑 ℎ𝑜𝑚𝑖𝑛𝑒𝑚 et sophisme 𝑎𝑑 ℎ𝑜𝑚𝑖𝑛𝑒𝑚, etc.
En fait, le demi-habile ne pense pas vraiment : il ne raisonne que par association d’idées et de personnes. Il déploie tout un système d’étiquetage et de renvois qui débouche sur un jugement quasi-automatique.
Par exemple, le demi-habile 𝑛𝑜𝑓𝑎𝑘𝑒𝑠𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 raisonnera toujours selon le même algorithme : quelqu’un exprime un doute sur l’efficacité des vaccins, sur la méthode de comptage des morts du COVID, etc.➡️« mêmes idées que Raoult »➡️« antivax »➡️« complotiste »
Le demi-habile étatdedroit aura son algorithme à lui : quelqu’un fait un lien entre immigration et criminalité ➡️« classer les gens par couleur de peau »➡️« interdit par la loi »➡️«même rhétorique que l’extrême-droite »➡️« fascisme ».
Demander à Raphaël Enthoven si la République est un bon régime est inutile : il ne s’est jamais posé la question.
Demander à Philippe Corcuff si « extrême-droite » est un concept pertinent est inutile : il ne s’est jamais posé la question.
Le demi-habile est donc mauvais raisonneur. Mais il peut l’être de 3 manières différentes : il est soit paradoxiste, soit réductionniste, soit nuanciste.
Le demi-habile paradoxiste est le plus souvent de droite. Il pense que l’activité de penser consiste précisément dans cette habilité à dénicher des paradoxes, des « vérités profondes qui s’opposent à d’autres vérités profondes », des « apories ».
Son algorithme à lui débouche toujours sur des oppositions contradictoires indécidables (nature et culture, foi et raison, individu et universel, etc.) qui lui permettent de placer une citation de Nietzsche ou de Montaigne bien sentie. « C’est plus compliqué ».
Il est caractérisé par sa posture «ni droite ni gauche», sa position « au-dessus de la mêlée ».
Il emploiera alors à foison des concepts chargés («post-vérité», « libéralisme libertaire») alors que les présupposés philosophiques de ces concepts sont incompatibles avec ses vues.
Le demi-habile réductionniste, lui, est le plus souvent marxiste ou gauchiste.
Il pense, lui, que penser c’est déglinguer un des termes des paradoxes dont raffole son congénère de droite et choisir intégralement l’autre : il n’y a pas de nature, il n’y a que du social ;
Il n’y a pas de nations, il n’y a que des classes ; il n’y a pas de races, il n’y a que des cultures ; il n’y a pas de savoir, il n’y a que des rapports de pouvoir.
Il n'y a pas de pensée honnête, il n'y a que de la domination.
Il pense avoir fait un suprême travail de réflexion quand, après avoir cité Bourdieu, Fanon ou Clouscard, il en arrive à la conclusion que « X n’existe pas, c’est le produit de la fausse conscience/lutte des classes/racisme systémique ».
Enfin, le demi-habile nuanciste est universitaire et érudit. Sa seule activité consiste à traiter chaque généralité comme une règle mathématique absolue, et crier eurêka quand un contre-exemple est trouvé.
Son algorithme est de la forme : « Les Européens au Moyen-Âge étaient-ils blancs ? »➡️« St. Maurice était noir »➡️« Les Européens étaient donc ethniquement pluriels. Affirmer le contraire est non seulement raciste mais anti-scientifique. »
En bref, le demi-habile nous énerve parce qu’il fait semblant d’examiner ses préjugés et d’être ouvert à la raison alors qu’il ne fait que reformuler la position adverse de manière à ce qu’elle soit ridicule ou intenable.
En conclusion: ne soyez pas des demi-habiles. Faites des hommes d’acier, pas des hommes de paille. Appliquez le principe de charité.
Et surtout : étudiez la logique et la métaphysique classique. Ca vous évitera de dire beaucoup de bêtises.
FIN
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Cet article d’Acermendax raconte tout simplement n’importe quoi à tous les niveaux possibles. J’accède à la demande populaire et vous propose donc un petit (énorme) fil de métaphysique en 10 points pour analyser tout ça ⬇️
1. C'est fort, il ne lui aura fallu que 5 lignes pour sortir une première erreur grossière : la supposée identification 𝑖𝑚𝑚𝑒́𝑑𝑖𝑎𝑡𝑒 de l’être nécessaire et de Dieu. C’est faux : on démontre *d’abord* l’existence d’un ou des être(s) nécessaire(s) et on procède *ensuite* à
l’identification de l’être nécessaire ultime, qu’on reconnaît comme Dieu. C’est pas bien compliqué, il suffisait juste de lire les 5 premières pages de la 𝑆𝑢𝑚𝑚𝑎 pour se rendre compte qu’il y a bien 2 phases distinctes à l’argument. Ce qu'Acermendax n'a bien sûr pas fait.
Les définitions sont effet importantes et c'est pourquoi je ne comprends pas bien l'intérêt de redéfinir de manière ad hoc et nulle (et certainement pas « très précise ») des termes techniques qui font très bien le boulot. Petit fil pour expliquer la définition de la vertu ⬇️
La vertu n'est précisément 𝑝𝑎𝑠 n'importe quel « habitus vers le bien », la définition classique d'𝐸𝑡ℎ𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑎̀ 𝑁𝑖𝑐𝑜𝑚𝑎𝑞𝑢𝑒 II, 6 est suffisamment claire pour le rappeler : c'est une disposition *décisionnelle* (hexis prohairetike) qui se traduit concrètement
en une forme de médiété (mesoteti ousa) entre deux vices : un par excès, un par défaut, cette médiété étant déterminée par la raison particulière (horismene logos) telle qu'elle est exercée et sentie par l'homme prudent (phronimos).
On gagnerait tous bcp de temps si on séparait clairement le catholicisme du déisme thérapeutique moralisant que professe ici Tondelier. L'amour chrétien passe par une théologie et une morale précises que rejette Tondelier et la tolérance n'est pas une vertu centrale chez nous.
Chez les chrétiens, la charité ne peut se faire que dans la vérité. La vérité implique de prononcer un jugement rationnel sur les comportements erronés : aimer, c'est vouloir le bien de l'autre, et ce bien a une structure objective (la loi naturelle, les vertus, l'imitation du
Christ). Rien à voir avec une « tolérance » creuse à géométrie variable, qui est bien plus souvent une excuse pour ne pas avoir à dialoguer, comprendre et éventuellement (horresco referens) pardonner ces nouveaux publicains que sont les « intolérants ».
Ça parle de demi-habilisme et du 𝑀𝑎𝑟𝑐𝑢𝑠𝑒 de MacIntyre... Franchement que veut le peuple, allez tout de suite voir l'entretien de Fitoussi avec @Valent1Pierre chez @Transmission et procurez-vous l'excellent bouquin de @SamuelFitouss10.
Petit fil à ce sujet ⬇️
La thèse de Fitoussi est importante et brillamment amenée. Fitoussi s’exprime à partir d’une tradition intellectuelle qui n’est pas la mienne (libéralisme classique et psychologie évolutive) mais sa maîtrise des concepts est sereine, les raisonnements sont précis et rigoureux.
Surtout, je souscris à l'une de ses idées centrales : notre usage de la raison est toujours tiraillé entre sa fonction épistémique (dire la vérité) et sa fonction évolutive (sécuriser/améliorer notre position sociale).
Vous êtes maintenant plus de 8000 à me suivre, je vous remercie de votre soutien sans faille. Certains d’entre vous sont venus me demander des conseils de lecture pour débutants en MP. Les rendre publics me semble une bonne idée. Voici donc mes recommandations ⬇️
1. L'𝐴𝑝𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑒 𝑑𝑒 𝑆𝑜𝑐𝑟𝑎𝑡𝑒, de Platon. C’est LE livre à lire par excellence pour se remettre dans le bain si vous avez arrêté la philo après le lycée. Très court (3h de lecture), aucun jargon, et l’œuvre de Platon probablement la plus fidèle au Socrate historique
2. Le 𝑀𝑒́𝑛𝑜𝑛, de Platon. Très court et lisible lui aussi, c’est une bonne entrée en matière pour comprendre la méthode socratique de la maïeutique et la théorie de la réminiscence de Platon.
Twitter m'empêche d'ajouter plus de posts au fil ci-dessous. Je me vois contraint de le poursuivre ici.
Comme je le disais dans mon dernier tweet, le 𝑠𝑖𝑚𝑖𝑙𝑒, dans « assimilation », implique aussi le fait d’être reconnu comme un même par notre nouveau peuple.
C’est pour ça que Barrès disait de manière assez maladroite qu’à proprement parler même l’étranger le plus aimant et le plus respectueux de notre culture ne serait jamais complétement assimilé, dû à toutes ces petites différences inéliminables ; seuls ses enfants le pourront.
On n’a pas besoin d’adhérer à 100% à son propos pour voir où il essayait d’en venir. C’est ce qu'indiquait aussi Enoch Powell dans son fameux discours des ‘Rivers of blood’, qui n’a littéralement 𝑟𝑖𝑒𝑛 à voir avec la caricature raciste et génocidaire que la gauche en a fait.