Quelques points pour compléter le tableau de @SergeZaka qui, à raison, nuance l'importance de l'augmentation tendancielle des rendements mondiaux.
Ce qui compte, à la fin, c'est la production totale et la consommation totale. Et les flux et stocks... 1/
Cette année, pour la 7e année consécutive, la production mondiale de grains a été "un peu inférieure à la consommation". 2269 millions de tonnes produites, 2271 consommées. Depuis 7 ans, le monde "déstocke" et ne "stocke pas". 2/ igc.int/en/gmr_summary…
Les stocks mondiaux dans les années 1960 - période de stabilité climatique - étaient d'environ 1,2 années de consommation mondiale. Ils sont de 4 mois aujourd'hui. 3/
Cela veut dire qu'en 1962, le monde aurait pu "rater une moisson" et ne pas mourir de faim. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Une année "totalement cataclysmique" sur le plan des récoltes causerait des problèmes absolument ingérables. Rassurez vous, c'est "peu probable". 4/
Mais cette probabilité d'année 'totalement cataclysmique" sur le plan agricole pour l'ensemble des grains bassins de production existe. Et elle n'est pas nulle. Or, si la tendance au déstockage continue, dans 10 ans, du grain... Il n'y en aura plus en stocks. 5/
Bon, rassurons-nous : diminuer les stocks était aussi la conséquence de l’essor du marché mondial du grain. Indéniablement plus efficace qu'en 1960. Même s'il ne concerne que 20% du grain produit (80% étant consommé dans les pays de production), il est crucial. 6/
Crucial, mais fragile. Le marché mondial assure la sécurité alimentaire mondiale. Il permet de transporter à faible coûts des grains de manière massive et assez rapide, des zones d'excédent aux zones de production. 7/
Cela a aussi contribué à l'arrêt de la production dans les zones "peu rentables" (à faible rendement) et donc... Donc à faire augmenter les rendements moyens à l'échelle mondiale. Simple question de maths. 8/
Le rendement est crucial dans le monde agricole. Son augmentation permet de maximiser le potentiel des terres. Mais à côté de l'augmentation du rendement, ce qui a été aussi crucial pour la sécurité alimentaire a été la stabilisation des rendements. 9/
Stabilisation qui repose sur la pérennité des moyens de production (tracteurs, engrais, carburants, hommes et animaux), la pérennité des sols, la stabilité du climat, l'adaptation des variétés et la disponibilité de mécanismes adaptatifs (arroser quand il fait sec ?)... 9,5/
Les récoltes sous l'ancien régime étaient très aléatoires. Le froment au moyen-âge c'est "autour de 5 quintaux à l'ha". Mais il peut en fait varier de 1 à 10... la stabilisation des rendements a été un des grands acquis du progrès agricole. Aujourd'hui on est "autour de 80" en 🇫🇷
L'effort de stabilisation des rendements dans le monde doit se poursuivre, mais il sera de plus en plus difficile face aux extrêmes climatiques.
Revenons à la production globale et à la consommation : objectivement, de puis 7 ans, la production mondiale stagne. 11/
L'agression russe a effacé en 2 ans plus de 20 ans de croissance de l'agriculture ukrainienne, une des plus prometteuses du monde pour assurer la sécurité alimentaire. La sensibilité du transport maritime n'est plus à démontrer... Le moindre pépin fait fuir les armateurs. 12/
Et les conflits d'usage apparaissent. Lorsque la Chine ne trouve pas de maïs sur les marchés pour ses porcs et volailles, elle achète du blé tendre, qui manque pour l'alimentation humaine ou devient trop cher pour certains... 13/
La pression augmente sur la biomasse . En France et ailleurs. Le maïs est de plus en plus demandé pour l'énergie et la chimie. Et la demande de l'élevage ne fléchit pas. La décarbonation de l'aviation repose sur des hypothèses de biocarburants... "Optimistes" (@CyrusFarhangi) 14/
Tout ça menace la sécurité alimentaire de certains producteurs qui sont tentés par réflexe protectionniste de restreindre leurs exportations. Ce qui tend encore le système mondial et aura des effets procycliques sur les pénuries. 15/
Fondamentalement, la tendance du rapport "production / consommation" n'est pas bonne et l’inertie des systèmes agricoles importante. Et l'organisation du commerce mondial peu apte à gérer vite les conflits d'usage sur les matières autrement que par les prix de marchés. 16/
Je ne fais pas partie de ceux qui pensent "solutions simples" : nous avons besoin de petites fermes locales pour une partie du filet de production de l'alimentation locale ET de grands ensembles d'agrobusiness. 17/
Nous avons besoin de stocks accrus ET d'un marché mondial fonctionnel. Nous avons besoin de progrès techniques pour augmenter et stabiliser les rendements ET de faire des choix sur l'élevage monogastrique (porcs et poulets ne mangent QUE du grain) 18/
Ce qui n'est pas le cas des ruminants qui, par les rotations de cultures fourragères et le transfert de fertilité - poke @DenhezFred peuvent contribuer à la fertilité des sols SANS concurrencer l'alimentation humaine (mais faudra en manger moins aussi - et moins gras). 19/
Bref : cette habitude rassuriste qui consiste à prolonger certaines courbes qui montent depuis 1960 en se disant que la science sera plus forte que le climat et les ressources ne fonctionnera sans doute pas pour le système agricole mondial. 20/
Oui à la science et au marché, mais avec des stocks et des mécanismes de régulation, nationaux, régionaux et mondiaux. Sinon le monde va manquer de grains et ce ne sont pas les riches qui auront faim. Au début. FIN
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Je ne sais pas bien si on mesure ce que cela représente en termes de risques pour les institutions de voter des textes avec en toute connaissance de cause la certitude qu'une bonne partie est non constitutionnelle... 1/
Voter un texte en sachant que des dispositions sont frontalement non constitutionnelles (et pas "en ayant un petit doute sur un point"), c'est en fait "démissionner" sur le plan politique et s'appuyer, par calcul, opportunisme ou lâcheté, sur le juge constitutionnel. 2/
Mais la bataille politique qu'on refuse ou croit gagner, on la décale sur la justice constitutionnelle. Cela fait de cette justice constitutionnelle un enjeu politique, alors qu'elle devrait être au dessus du jeu politicien. 3/
Nouvel épisode qui confirme l'extrême sensibilité du transport maritime mondial au risque de guerre. En mars 2022 les armateurs avaient fui les eaux ukrainiennes assez rapidement, malgré des pertes limitées à deux petits navires coulés... 1/
Cette fois, au large du Yémen, les armateurs commencent à s'éloigner de cette route. Le mouvement n'est pas aussi rapide et massif qu'au large d'Odessa, mais il est également motivé par des actions nettement moins importantes que celles de la Russie en Mer Noire. 3/
La frégate française Languedoc a abattu deux drones houthis au large du Yémen... C'est parti, nous sommes aussi impliqués, après l'US Navy. Quelques remarques à chaud... 1/
Globalement, ce qu'on peut dire, c'est que sur le plan tactique cette interception est une belle réussite et... Sur le plan économique un désastre. Combien ont couté ces deux drones houthis ? Quelques dizaines de milliers de dollars sans doute. 3/
J'ai répondu à quelques question d'@atlantico_fr à propos de la situation en Ukraine et de son évolution.
Je vous la fait courte : si en 2024 nous, Européens, refusons de nous engager dans un effort industriel substantiel et durable, la Russie gagnera. 1/atlantico.fr/article/decryp…
Pour l'heure, l'aide européenne, elle a consisté à vider les placards de stocks militaires anciens et à fournir une aide financière, principalement sous la forme de prêts. 74 milliards sur 2 ans. 0,2% du PIB de l'UE. 2/eeas.europa.eu/delegations/un…
Depuis le début de l'invasion russe, les dirigeants européens font tout pour ne pas s'engager - vraiment - dans une économie de guerre. Pas je pense par "manque de vision" comme le dis The Economist, mais par peur de l'impossibilité de "vendre" cet engagement à leurs opinions.2/
Les Chinois ont bien compris l'excellence du calibre qui est un judicieux compromis pour le tir vers la terre, d'autres navires ou la défense antiaérienne. 100mm, mécaniquement, sur le plan de la puissance, de l'emport des munitions, de la cadence de tir c'est un optimum. 1/ 🧶
Alors que nous avions, de manière très rationnelle, construit cet optimum avec des séries de tourelles de 100mm très réussies, nous l'avons quitté pour le 76mm sur les nouvelles frégates. Un calibre trop petit pour le tir vers la terre... 2/
Une bonne allonge, mais pas assez de puissance. Un 76mm OTO tire 120 coups de 6,3kg par minute. 756kg de bordée/minute, à 20 km (40km avec obus spéciaux)... 3/
Les tentions montent en Amérique du Sud, alors que le Vénézuélien s'apprête à... Annexer les deux tiers du Guyana. Bin ouais, pourquoi s'embêter. La Russie le fait bien dans le Donbass. Alors, hein, bon... 1/
Au delà de la farce tragique, si un conflit éclate, il a le potentiel de déstabiliser toute la sous-région (ainsi que la Guyane française). Il semble que le Brésil soit à la fois en capacité et en volonté d'aider le Guyana. 2/
Vu les liens du Venezuela avec Moscou, il est vraisemblable que la Russie paralyserait le Conseil de Sécurité une fois de plus. Resteront bien entendu les condamnations de l'Assemblée Générale de l'ONU et sans doute de l'Organisation des États Américains. 3/