Je rebondis sur le thread de @agri_zoom pour expliquer un peu , si c’est possible , l’origine de ce qui se passe en ce moment dans l’agriculture.
Zé parti ⬇️
Dans le ras-le-bol actuel, il y a bien évidemment plusieurs causes , plusieurs facteurs , et des responsabilités très partagées .
Vous ne trouverez pas UNE cause unique qu’il suffirait de modifier pour que tout aille bien.
La première , celle de fond, celle qui sous-tend toutes les autres, est le manque de perspective, ou d’avenir favorable si vous préférez .
Aujourd’hui quand vous êtes éleveur , on ne parle de vous dans les médias que sous l’angle de la pollution, des émissions de CO2, etc.
Personne ne nie les externalités négatives de l’agriculture, mais il y a tout de même d’ÉNORMES externalités positives , la premier d’entre elle , c’est que vous, moi, pouvez manger à votre faim chaque jour, et avec des produits de qualité .
Et le fait d’être nourri convenablement, ça ne se fait pas sans rien , et ce n’est pas le cas partout dans le monde.
Il faut donc comprendre la charge mentale de l’éleveur qui entend H24 qu’il faut manger moins de viande , que ses vaches détraquent le climat, en un mot…
… que c’est bien fait pour lui si les nouvelles conditions climatiques ne lui permettent plus d’exercer son métier.
Ça ne remet pas en cause les évolutions nécessaires,MAIS il faut se mettre à la place des premiers concernés:c’est un discours absolument, totalement , déprimant .
Sachant qu’en plus, l’agriculture est probablement le seul secteur à avoir la capacité à absorber des gaz à effet de serre , y compris au delà de ce qu’elle émet : l’agriculture fait partie des solutions plus qu’elle ne fait partie du problème .
Mais en tout état de cause , investir dans l’élevage aujourd’hui, c’est aller à contre courant de ce qu’on lit ou de ce qu’on entend dans les médias.
Quel avenir à horizon 5 ans, 10 ans, quand les politiques ou les institutions vous disent de réduire votre cheptel de 30%?
Et on ne parle même pas de ce que les agriculteurs irrigants ramassent dans la tête , essayez d’expliquer que oui, vous allez créer une réserve d’eau et que oui, tout est étudié et validé par les autorités: vous aurez une manif quand même devant chez vous.
Un autre point est purement financier : comme il est dit dans le thread de Nadège , pour produire , il faut acheter des intrants , de l’énergie, et du matériel.
Le coût de tout cela a flambé d’une façon folle en quelques années.
L’année dernière, il était encore possible de vendre très cher notamment ses céréales , ce qui a permis à la plupart de passer l’année .
Mais les achats d’énergie , ça se fait à la fin du contrat, pour un ou deux ans, au cours du jour.
Certains ont donc un tarif d’électricité / gaz bloqué à un prix élevé pour 2 ans .
De même pour les engrais : une fois que c’est acheté, c’est acheté, même si c’est cher
Or le prix de vente du produit fini (céréales, viande, etc), ne couvre plus aujourd’hui le prix de production
On est donc coincés : des coûts de productions élevés et verrouillé pour les mois à venir , et des prix de vente qui fondent .
L’augmentation de la taxation du carburant agricole est d’ailleurs à l’ordre du jour , ce qui va encore dégrader les revenus des agriculteurs.
Et les prix ne vont pas remonter : au moment des négociations avec la grande distribution, le gouvernement fait pression pour faire redescendre les prix , pression retransmise sur les industriels, et, in fine… sur les producteurs .
Vous voyez le truc ? Vous savez que vos prix de vente ne vont pas couvrir vos coûts de production, mais vous savez aussi qu’il n’y a pas de perspective de hausse , il y a même plutôt des perspectives de baisse supplémentaire.
Vous voyez le mur arriver, mais vous ne pouvez plus freiner !
Une autre cause du mécontentement est cette fois purement Franco-Française . C’est notre extraordinaire capacité à inventer des nouvelles règles et des nouvelles normes .
C’est comme dans le sketch : avant de se lancer dans la culture du blé , il faut bien détailler toutes les règles de ce qu’on peut faire ou pas, sachant que les règles changent tout le temps !
Quand on sème des céréales, quand on fait naître des animaux, le cycle est long!
Vous ne pouvez pas vous lancer dans quelque chose si , en cours de route , on vous interdit des produits, des modes d’élevage ; et on ne parle pas d’investir dans un bâtiment qu’on paiera sur 20 ans !
Ces normes , elles ne sont pas toutes Européennes , la 🇫🇷 se targue d’être en avance sur ses voisins 🙄
Elles ont encore pour conséquence d’augmenter le coût de production, ce qui peut être neutre si votre prix de vente augmente , sauf que non.
C’est pourquoi on fait vite le raccourcis « les ecolos nous emm…💩 » sauf que ce n’est pas aussi binaire que cela .
Personne n’est par définition contre les normes, contre les règles qui toutes ou presque, se justifient pour des raisons environnementales.
En revanche il faut assumer le fait qu’il n’est pas possible d’avoir tout cela sans payer plus cher , il faut vraiment en avoir conscience.
Or, c’est tout l’inverse qui se passe !
La preuve est l’augmentation folle des importations de viande , plus de la moitié du poulet consommé hors foyer n’est plus produit en france !
Et le même problème se pose dans le lait : à force de perdre de l’argent , de nombreux producteurs ont arrêté le lait.
La chute du nombre de vaches laitières est spectaculaire: -10% en 6 ans, et -10% a venir encore pleinchamp.com/actualite/deca…
Quelle conséquence pour vous et moi ?
C’est très simple : dans 10 ans, dans 5 ans peut être , on ne produire plus en France , suffisamment de lait pour la consommation des Français .
Ce n’est pas une « perspective », c’est une certitude et c’est mécanique, on y va tout droit.
En d’autres termes , nous dépendrons de la nouvelle Zélande , de l’Allemagne ou d’autres pays pour des choses aussi basiques que le lait, le beurre , la crème ou le fromage .
On a TRÈS BIEN VU en quelques années ce que ça coûtait de ne pas être autosuffisant en alimentation ou en énergie .
Et il va falloir s’y faire : le nombre de producteurs diminue d’année en année .
Il est en train d’arriver à l’agriculture ce qui est arrivé à l’industrie 🇫🇷: une disparition lente et silencieuse , que nous voyons, nous, au jour le jour mais qui ne fait vraiment réagir personne .
Cela rejoint le manque de perspectives : on voit les voisins qui s’arrêtent , les productions qui changent , on voit des domaines à reprendre qui ne trouvent personne : ce n’est pas forcément encourageant pour l’avenir , on se dit « et moi? Y aura-t-il un repreneur pour moi? »
Il n’y a pas de solution facile à tout cela.
Le politique peut facilement agir sur les normes , et arrêter de forcer les consommateurs à importer ce qu’on s’interdit de produire en 🇫🇷
Il peut aussi aider à faire prendre conscience que ce qu’on consomme en 🇫🇷, c’est aussi de l’entrée de gamme, et que oui, on a la capacité de le produire chez nous, mais ça veut dire gérer l’irrigation et faire des installations qui sont loin de la petite maison dans la prairie
Enfin, le consommateur devra , hélas, d’une façon ou d’une autre , être cohérent entre ses exigences environnementales ou productives , et le budget qu’il est prêt à mettre pour cela, sinon il fait juste augmenter les importations en détruisant l’agriculture 🇫🇷
Je remets le thread qui résume ce que doit être une vision agricole : à ce jour on n’y arrive pas encore .
G.E. Seralini, qui était, pas de chance le SEUL disponible pour apporter une caution scientifique a @EnvoyeSpecial dans son émission sur le glyphosate ; laquelle émission avait fait la part belle aux « glyphotests » dont on a su très vite…
…Qu’ils donnaient des résultats absolument pas fiables, voir farfelus .
À l’époque quand on leur disait qu’ils avaient invité un chercheur pas crédible (!) et que leur tests étaient bidons, et que ça faisait quand même beaucoup pour le même émission…
… on s’est pris des seaux de 💩 sur la tête, on était des trolls payé par l’industrie qui de livraient à du harcèlement etc, etc.
Effectivement , s’il faut ( selon l’@ademe) 4800 m2 de surface agricole pour nourrir une personne, il faudrait , pour nourrir la Métropole de Lyon ( 1 416 545 habitants en 2020), une surface de 679 941 hectares .
Pour donner un ordre de grandeur, la Métropole de Lyon fait 53 400 hectares et le département du Rhône, 271 500 hectares.
L’autonomie alimentaire des villes de cette taille ne peut donc pas se raisonner à l’échelle de l’agglomération, ni même du département puisqu’il faudrait ici 2,5 x la surface du département
Saviez-vous que le maïs qui sert a faire de la semence (pour re-semer les grains de maïs donc) doit être « castré »?
Ça se fait à la main , c’est à la fois technique et très simple à la fois, je t’explique ⬇️⬇️
Un peu d’agronomie avant : La majorité des maïs cultivés en France sont des variétés hybrides, c’est-à-dire issues d’un croisement précis entre deux variétés.
Il existe plein de variétés différentes, et donc, une multiplicité de combinaisons d’hybrides possibles.
Chaque hybride aura des caractéristiques précises : résistance aux maladies, au manque d’eau, productivité, rapidité de développement, etc.
Il y a un mot qui revient souvent lorsqu’on parle d’agriculture, et qui, même s’il part d’une bonne intention, me chiffonne un peu.
Ce mot, c’est le mot « TRANSITION »: l’agriculture DOIT effectuer sa transition.
Petit #Thread explicatif de pourquoi je pinaille ⬇️
Je comprends bien sûr le concept : le statut quo doit évoluer vers quelque chose de « mieux ».
MAIS il y a un « mais »…
Cela signifie qu’il y a un « statut quo » agricole, une situation dans laquelle nous sommes et qui serait stable, verrouillée : un « modèle agricole »…
… défini, clair, avec ses avantages et ses inconvénients.
Cette situation serait intenable pour de nombreuses raisons, et il faudrait faire bouger tout cela pour atteindre une situation nouvelle , qui serait, elle, parée de toutes les vertus qu’on attend :
Je partage absolument cette analyse , et je vais me permettre de la compléter sur l’aspect « ressenti » côté agricole, des interprétations qui sont faites de cette publication sur les oiseaux⬇️⬇️
Les agris sont soumis à une réglementation strictes et des contrôles qui le sont tout autant.
Ces agris vont donc exercer leur métier du mieux qu’ils peuvent , en essayant d’en tirer un revenu et en jonglant avec des marchés fluctuants et une météo capricieuse .
Leur mode de production est guidé par leurs envies bien sûr , leurs préférences personnelles , mais aussi par l’entourage au sens large :
- le sol
- le climat
- les débouchés possibles de leur production
- le revenu qu’ils peuvent en espérer .