Sans entrer ds la polémique autour de la gestion policière des manifestations agricoles actuelles, il me semble que l'historien doit rappeler qu'il est difficile de comprendre la doctrine mise en place sans se remémorer les évènements de Montredon-des-Corbières de mars 1976 1/14
Le 4 mars 1976 est une date-clé de l'histoire du mouvement social en France, qu'on a curieusement tendance à oublier (mais bon, c'est loin de Paris...) : c'est en effet la dernière fois qu'on doit déplorer des morts par balles lors d'une manifestation en métropole 2/14
Les années 70 dans le Languedoc sont marquées par un grave crise viticole qui a vu une partie des vignerons se radicaliser avec la création en 1975 du Comité d'action viticole (oui le même qui a fait un attentat contre un batiment à Carcassonne récemment). 3/14
En 1976, les vignerons entendent protester contre les importations de vins étrangers, notamment italiens, qui font l'objet de négociations avec le ministère de l'agriculture. Le mouvement, qui oscille alors entre la gauche et les milieux occitanistes, bascule dans la révolte 4/14
Début mars, une vague de violences touche la région de Narbonne : incendies de perceptions, destructions de relais-tv et de transformateurs électriques, attaque de la sous-préfecture et du commissariat de Narbonne, blocage dss gares. La tension est à son comble 5/14
Les vignerons bloquent l'accès ferroviaire et routier à Narbonne en se positionnant à Montredon-des-Corbières. Le 4 mars, ils sont 3000 à y être rassemblés, un train de fret est incendié, des rails démontés. Un premier convoi de CRS tente de passer pour rejoindre Narbonne 6/14
Les derniers véhicules et leur hélicoptères essuient des tirs de fusil de chasse. La 2e CRS envoyée est chargée de faire évacuer les manifestants par la force. Lee face à face est tendu. A 15h, des premiers coups de feu retentissent, venus des rangs des vignerons. 7/14
Plusieurs policiers sont blessés. Commence alors une série de fusillades de part et d'autre qui va durer une 1/2 heure et c'est le drame : un commandant et un vigneron sont tués, une dizaine de vignerons et une vingtaine de policiers blessés par balle 8/14
Le choc est national. Le Comité d'action viticole appelle les vignerons à stopper la mobilisation. Et presque 50 ans après, la blessure reste vive : chaque année une cérémonie réunissant viticulteurs et policiers commémore la tragédie 9/14 lindependant.fr/2023/03/05/nar…
Puisque la mémoire de cet évènement est réactivée chaque année, il est difficile de ne pas y penser pour expliquer la doctrine du maintien de l'ordre vis-à-vis des agriculteurs au-delà de présumées connivences politiques. 10/14
Même s'il semble délicat pour l'Etat d'admettre qu'un groupe social, pas forcément violent (mais qui peut être aussi violent envers lui-même si on mesure le taux de suicide chez les agriculteurs) mais tout de même armé (pour la chasse, certes) peut être compliqué à gérer 11/14
Et je tiens à préciser que je ne porte aucun jugement sur les agricultures mobilisés, dont je mesure pour beaucoup la situation dans laquelle ils sont et le désespoir qui peut se faire jour quand on est à la fois mal représentés et pas entendus/écoutés depuis des années 12/14
Et je pense qu'on gagnerait à rajouter un peu de complexité dans les analyses, tant sur la diversité des profils agricoles que sur la multiplicité des orientations politiques ou la sempiternelle opposition agriculteurs/écologistes alimentée de tout côté 13/14
Là aussi, il faudrait analyser les basculements, les bifurcations. Qd on sait que l'un des fondateurs du Comité d'action viticole a travaillé main ds la main ds les années 80 avec les écolos pour le label bio pr le vin, on se dit qu'on ne manque pas d'occasions ratées... 14/14
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Cette scène fait bondir la communauté historienne, à juste titre. Ici l'écart entre la simplification journalistique et l'analyse historique est d'autant plus flagrant qu'il touche un évènement sensible, tant par son atrocité que par le clivage qu'il suscite 1/12
Il révèle cependant très bien la difficulté pour l'historien à intervenir en tant qu'historien dans le débat public. C'est le cas aussi en histoire environnementale où l'analyse historienne n'est jamais aussi binaire que celle des militants écolos ou de leurs opposants 2/12
Et je ne parle pas de la question du roman national qui guide parfois les questions du public ou des journalistes au détriment du discours historien. Clairement, on veut très souvent nous faire dire que notre analyse va dans le sens de notre interlocuteur 3/12
Jusqu'au milieu du XXe s., au mois de juin, les habitants de nombreuses villes se pressaient autour des tilleuls bordant les avenues, les places, les chemins et les jardins pour une activité saisonnière aujourd'hui oubliée : la cueillette des fleurs de tilleul. 1/12
Le propos de ce fil se concentrera uniquement sur la cueillette urbaine.
Que ce soit pr leur consommation personnelle ou pr tirer un revenu complémentaire en revendant la récolte, il était de coutume pr les municipalités de tolérer cette pratique populaire. 2/12
Derrière cette pratique se dessine un rapport urbain aux arbres qui n'est pas qu'ornemental. Cependant, la pratique commence à inquiéter à partir du début du XXe siècle : on craint de plus en plus les dégâts occasionnés aux arbres par des cueilleurs peu scrupuleux. 3/12
Nouvelle tentative de défense du maire de Carnac ce matin dans le @LeTelegramme dans laquelle il reprend la comparaison avec la Joconde comme élément de langage et réduit le nombre de menhirs à 4. Visiblement, il n'a toujours pas lu le rapport de diagnostic de 2015... 1/4
On peut lui donner raison sur le fait que le site ne ressemble pas aux alignements visités chaque année par les touristes à Carnac mais ça ne change rien à leur valeur. D'autant que cet alignement, s'il n'a pas de connexion visible avec les plus célèbres, n'est pas isolé 2/4
comme le montre toujours le même rapport de diagnostic. Évidemment, pour confirmer ces hypothèses (la science fonctionnant par hypothèses à vérifier), il aurait fallu une étude plus poussée désormais rendue impossible par la destruction du précieux site 3/4
Le communiqué de la DRAC botte en touche mais pose question sur la chaîne de responsabilités.
Un diagnostic positif et une fouille prescrite en 2015 qui n'a pas été effectuée (abandon des travaux). Ce qui signifie que le promoteur et la mairie était au courant du potentiel 1/4
Pourtant le même promoteur revient avec un autre projet et le même maire le valide. Entre temps, la zone qui avait été l'objet d'une prescription n'est plus sujette à avis du Service régional d'archéologie ? A quel moment le potentiel archéologique du site a été tranchée ? 2/4
La lecture du rapport de diagnostic de 2015 est sans appel sur ce point et demande un complément d'études sur ces stèles "en élévation" 3/4
Les petits détails qu'on aime : deux personnages jouant au jeu de paume sur le Pré-aux-Clercs représentés sur le plan de Paris dessiné vers 1550 et imprimé par Truschet et Hoyau. 1/5
Il faut lire cet article pour saisir pleinement la rupture consommée entre le monde politique et la recherche. La recherche publique en France, c'est environ 10 000 chercheurs en SHS et quels profils choisit Macron pour s'informer de l'état du pays ? 1/11 lemonde.fr/politique/arti…
Quatre "chercheurs" nous dit le Monde (je préfère mettre des guillemets), quatre "sociologues" (sic et re-sic) : un directeur de recherches à la retraite qui avait candidaté pour LREM, un économiste universitaire et médiatique, un cadre d'institut de sondage et un essayiste 2/11
Pour les 2 derniers vous chercherez en vain des publications scientifiques. D'entrée, le casting affiche le mépris présidentiel pour la diversité (et la richesse) de la recherche publique en SHS. Mais bon, qqfois qu'un méchant gauchiste entre dans les salons de l'Elysée... 3/11