Encore un "super bingo" du n'importe quoi sur la dissuasion... *soupir*.
Non, la doctrine française n'a jamais été "aucune attaque n'est acceptable". Jamais, à aucun moment, la France ou un de ses présidents, depuis que nous avons l'arme nucléaire, n'a dit ça. Jamais. 1/
La vérité est qu'il y a forcément, comme pour toute capacité militaire, un seuil d'emploi. Que ce seuil soit ambigu, secret, voire variable en fonction des circonstances, c'est une évidence. 2/
Certains des intérêts vitaux sont bien entendu évidents : la survie même de la Nation, du territoire et des populations contre une attaque nucléaire majeure. D'autres intérêts vitaux peuvent être plus compliqués à évaluer... 3/
Qui de "la sécurité de nos approvisionnements ?" Selon les matières concernées et les circonstances, on pourrait ou pas considérer une atteinte à un intérêt vital. Mais ça dépend. Des stocks, des alternatives, de la criticité notamment pour la défense nationale... 4/
C'est pour ça que je préfère parler de "zone rouge" plutôt que de "ligne rouge". Il faut imaginer un gros cercle. Au centre, il y a "la survie de la France". Et puis plus on s'éloigne, plus les intérêts qui y sont liés sont ambigus, variables. 5/
C'est un grand pré, sans clôture. Au milieu, il y a un gros taureau. Alors vous ne serez pas chargé si vous posez un orteil sur le ray grass, mais bon... Prudence hein. Il y a bien un seuil qui déclenchera sa charge (et un missile M51 va plus vite). 6/
Et l'arme nucléaire, aucun de ses promoteurs, jamais, n'a dit qu'elle était une martingale qui permettait de répondre à tout. C'est pour ça que nous ne nous en sommes jamais contentés et qu'il faut une force conventionnelle crédible. 7/
Cela ne veut pas dire que nous ne croyons pas en la dissuasion (nucléaire) ou que nous envisageons une bataille avec armes nucléaires. Non. Mais il y a bien un "seuil" en dessous duquel la France n'emploierait pas l'arme. 8/
En 1982, le Royaume Uni n'a pas utilisé d'arme nucléaire pour défendre les îles Falklands contre l'agression argentine. En 1969, l'URSS a envisagé l'emploi contre la Chine, mais a préféré une réponse conventionnelle et politique à l'agression chinoise. 9/
Et en Mer Rouge, nous n'utilisons pas d'arme nucléaire pour répondre à l'attaque délibérée de nos navires. C'est pour ça qu'il faut des moyens conventionnels. Pour nous prémunir d'actions hostiles "sous le seuil" qui nous feraient mal. 10/
Notamment face aux risques d'attaques "à la découpe". Une frappe conventionnelle d'un missile de croisière sur Toulouse ? "Bah on va pas larguer une arme nucléaire pour ça". Ouais, bon, Airbus est à l’arrêt... 11/
Et puis quelques jours après "ah, un missile sur Gare de Lyon"... Allez...Encore sous le seuil ? Si vous n'avez pas de moyens de défense aérienne, ce genre de piqure finira par vous user, saper votre moral, tuer des gens. Mais l'arme nucléaire n'est pas forcément la solution. 12/
En revanche, elle nous permet de refuser tout chantage nucléaire du genre "retirez vos troupes ou nous vitrifions Paris". Ça, c'est quelque chose que la dissuasion met en échec. 13/
La dissuasion nous permet aussi de contrer le risque d'attaque nucléaire surprise. Même si un agresseur, profitant d'un voyage présidentiel, rase Paris, Lyon, Marseille, Brest et Toulon, il y aura QUAND MÊME des représailles. Le jeu en vaut-il la chandelle pour l'agresseur ? Non.
Et, bien entendu, la dissuasion nous permet aussi d'arrêter une éventuelle invasion de grande échelle en bonne et due forme sur un territoire français. En Europe, mais aussi outre-mer. 14/
Là encore, question de seuil. Il y a près de 900 000 habitants à la Réunion. 1,5 fois le Luxembourg. En revanche, on peut penser que pour certains îlots (lesquels ? haha soyons ambigus) on se limiterait à une réponse conventionnelle. 15/
En fait les crises de la Guerre froide abondent de ces attaques et évènements "sous le seuil". Et si demain, pour une raison ou une autre, nous sommes engagés au sol aux côtés de nos alliés et partenaires à l'Est de l'Europe pour la défense collective ? 16/
Eh bien c'est pareil : selon les circonstances, qui seront clairement plus dramatiques qu'un tir de drone sur une frégate, nous aurons à évaluer la situation au regard de nos intérêts vitaux.
Bref : la dissuasion a bien un seuil, et JLM raconte n'importe quoi. FIN
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Encore un qui n'a pas très bien du lire Jaurès dans le texte. Pourtant : "Et si, malgré son effort et sa volonté de paix, elle est attaquée, comment porter au plus haut les chances de salut, les moyens de victoire ?" (l'Armée Nouvelle - 1911) 1/
Jaurès était pacifiste, mais ne refusait pas la défense nationale. Au contraire. C'est exactement la situation de l'Ukraine aujourd'hui. N'en déplaise à ceux qui l'instrumentalisent pour prêcher l'abandon à Poutine, je suis persuadé que Jaurès aurait soutenu l'Ukraine. 2/
Au delà de ce constat d'incompréhension, il y a dans cette forme de pacifisme une naïveté tragique, qui consiste à croire qu'il "suffit" de vouloir la paix pour l'obtenir, qu'il "suffit" de refuser le combat pour conjurer toute tragédie. 3/
Quelques rappels utiles : le marché international de l'armement, c'est une niche à l'échelle mondiale, pas grand chose. Une grosse centaine de milliards $ / an, à comparer aux 20 000 milliards du commerce international. Environ 0,5%. 2/
C'est aussi environ 5% des budgets militaires mondiaux (un peu plus de 2200 milliards). Est-ce que c'est important sur le plan stratégique ? Oui, clairement. Est-ce que c'est vital pour notre industrie de défense ? Oui, et on peut ajouter "hélas" parce que c'est fragile. 3/
Cela fait un certain temps que je suis sur cette ligne : je pense aussi que la Russie peut "continuer comme ça" au moins trois à cinq ans, avec une production d'armes et de munitions "inefficacement à la hausse"...
Un fil pour parler économie de guerre. 1/ 🧶
Le chiffre de trois millions d'obus produits par an circulent beaucoup à propos de la production russe. Cela fait un potentiel de plus de 8000 obus par jour. 2/ edition.cnn.com/2024/03/10/pol…
Même en considérant qu'ils gardent des stocks stratégiques et n'en utilisent "que" 6000 par jour en Ukraine, c'est toujours au moins le double de ce que reçoivent les Ukrainiens 3/ politico.eu/article/eu-to-…
Alors non, la France n'a pas de "capacités nucléaires tactiques". La FATAC, c'est fini. Le tandem Rafale/ASMPA de l'AAE est le cœur des "Forces aériennes stratégiques", les FAS, qui comme leur nom l'indique n'ont aucune dimension "tactique". Et la FANu, pareil.
Un fil ☢️1/
Le fait d'avoir deux composantes (enfin 2,5) apporte plus de souplesse, plus de résilience, nous met à l'abri d'une mauvaise "surprise stratégique" (oblitérer l'île longue et couler le sous-marin en patrouille ne suffit pas) 2/
Mais ni la doctrine ni surtout les vecteurs et les armes ne sont pensés pour un usage sur le champ de bataille (on peut sans doute spéculer sur l'intérêt possible de l'ASMPA en tactique naval extrême à la limite, mais c'est marginal). 3/ usni.org/magazines/proc…
A bien des égards, la déclaration du président français est un "non évènement". Il ne fait que traduire en mots simples une évidence : "non, on ne peut pas tout accepter vis à vis de l'Ukraine de la part de la Russie". 1/
C'est le retour à une forme d’ambiguïté dans le discours stratégique. De flou dans la notion de limite, qui complique le calcul stratégique adverse et inhibe sa capacité d'action de l'adversaire "sous le seuil" (puisque le seuil... Bin on sait pas où il est). 2/
Chose que les Occidentaux (à commencer par les Américains) n'avaient pas fait avant février 2022. En étant clair sur le fait que les Etats-Unis n'enverraient pas de troupes au sol, on traçait une ligne rouge (beurk), qui disait en substance "l'invasion ? Vous pouvez y aller". 3/
On en revient quand même à une question cruciale : la soutenabilité du machin. Donner des avions, c'est bien. Encore faut-il les faire voler, dans la durée. Des bases, des personnels formés, au sol comme au pilotage, des pièces, un maintien en condition opérationnelle. 1/
Le tout, intégré dans une chaine de commandement, fourni en munitions et avec suffisamment d'effectifs pour encaisser de l'attrition. C'est pour ça que le F16 est pertinent et prioritaire. On en a plein en Europe, c'est un avion rôdé, versatile, qu'on peut entretenir en nombre.2/
le M2000 est certainement un excellent chasseur, mais cela imposerait à l'Ukraine de doubler ses chaines de maintenance, de former des personnels à deux matériels radicalement différents, du simple mécano au contrôleur opérationnel. 3/