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Guillaume Nicoulaud Profile picture
Mar 22 32 tweets 5 min read Read on X
Nombre d’entre nous, notamment les plus jeunes, sont perdus face à leurs bulletins de salaire. Je vous propose donc ci-dessous un petit point pédagogique pour remettre l’église au milieu du village.

Un #Thread
Si vous êtes salariés, vous avez en principe signé un contrat de travail par lequel vous vous engagez à fournir un travail en contrepartie d’une rémunération fixe qui tombe tous les mois.
Sur votre contrat, la somme que votre employeur s’engage à vous payer s’appelle « salaire brut » mais vous avez sans doute déjà observé que la somme virée sur votre compte est substantiellement inférieure à ce montant.
C’est parce que cette notion de « salaire brut » est une fiction juridique. C’est bien le montant contractuel (i.e. légal) de votre salaire mais ça n’existe que parce que nos lois l’imposent.
Ci-dessous, un exemple chiffré basé sur le simulateur de l’Urssaf (avec les options par défaut) pour un salaire brut médian de 2'600 euros par mois.

Source :
mon-entreprise.urssaf.fr/simulateurs/sa…
Image
Note à l’attention des fâcheux : j’utilise les chiffres de l’Urssaf. Si vous n’êtes pas d’accord, merci de vous adresser directement à eux (et n’hésitez pas à nous faire part de leur retour. Juste pour rire.)
Dans le graphe ci-dessus, l’employeur débourse 3'413 euros par mois pour rémunérer son salarié. Là-dessus, il paie 813 euros de « cotisations patronales » qui nous donnent un brut de 2'600 euros.
Et, dans le même mouvement, paie 564 euros de « cotisations salariales » qui nous donnent un salaire net de 2'036 euros (sur lequel sera aussi prélevé l’impôt sur le revenu).
On a donc bien 3'413 euros qui sortent de la poche de l’employeur, 2'036 euros (moins l’IR) qui arrivent sur le compte du salarié et donc, 1'377 euros de « cotisations patronales et salariales » (813+564) qui partent entre les deux.
De là, vous pourriez à bon droit vous demander à quoi sert ce « salaire brut » au milieu. À la fin de l’histoire, les 1'377 euros de « cotisations » sortent de la poche de votre employeur et ne rentrent pas dans la vôtre.
De fait, c’est une fiction juridique : on pourrait tout aussi bien regrouper les 813 euros de « cotisations patronales » et les 564 euros de « cotisations salariales » sans rien changer aux équilibres économiques du bidule.
Sauf que cette fiction juridique a bel et bien des effets sur la réalité qu’on peut classer en deux catégories : (i) des effets économiques de court terme et (ii) des effets purement cosmétiques.
Pour les effets économiques, il faut bien comprendre que votre salaire contractuel est négocié sur la base du brut. C’est la loi : ni vous ni votre employeur n’y pouvez rien.
Par ailleurs et de la même façon, les taux de cotisation (« patronaux » ou « salariaux ») sont aussi assis sur le salaire brut. C’est l’État qui les fixe en fonction des besoins.
C’est-à-dire que si l’État a besoin d’argent pour financer (par exemple) les retraites, il peut augmenter le taux des « cotisations patronales », le taux des « cotisations salariales » ou une combinaison des deux.
S’il décide d’augmenter le taux des « cotisations patronales », ça se traduit par une augmentation des « cotisations patronales » : vos salaires bruts et nets n’ont pas bougé mais votre employeur doit sortir plus d’argent.
Inversement : si l’État décide d’augmenter les « cotisations salariales », votre employeur ne débourse pas un centime de plus mais c’est votre salaire net qui est impacté à la baisse.
Ça ne change rien au fait que cet argent sort de la poche de votre employeur et ne rentre pas dans la vôtre mais, à court terme, ça permet de piloter qui va supporter l’augmentation des « cotisations ».
Pourquoi « à court terme » ? Eh bien parce qu’une augmentation des « cotisations patronales » plombe les comptes de votre employeur ; lequel va sans doute essayer de compenser aussi vite que possible.
En fonction des cas, ça peut être votre prime de fin d’année, l’augmentation (en net) que vous espériez ou les embauches qui étaient prévues pour soulager votre charge de travail.
Symétriquement, si l’État décide d’augmenter les « cotisations salariales » (et donc de réduire votre salaire net), il y a de fortes chances pour que ça ne vous plaise pas du tout.
En fonction de l’état du marché du travail, vous allez négocier une augmentation de votre brut, aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ou, au minimum, rentrer plus tôt à la maison pendant un moment.
Bref, oui : le brut et la distinction entre « cotisations patronales et salariales » ont bien un effet mais ils ne durent en général que très peu de temps et ce, d’autant plus que nous avons tous une certaine tendance à anticiper.
Exemple : si, dans un monde alternatif, LFI avait une chance d’arriver au pouvoir, tous les employeurs de France (publics comme privés) anticiperaient une hausse (massive) des « cotisations patronales ».
Ce qui, concrètement, se traduirait par un gel des salaires bruts et des embauches pour absorber par anticipation la hausse parfaitement prévisible des masses salariales.
De façon plus réaliste, c’est aussi l’effet que provoque l’état de nos finances publiques : à moins de vivre dans une grotte, tout le monde anticipe une augmentation substantielle des prélèvements obligatoires.
Et c’est là que l’effet cosmétique entre en jeu : augmenter les « cotisations salariales » c’est affreusement impopulaire tandis que « faire payer les patrons », c’est au contraire très facile à vendre.
À la fin de l’histoire, ça ne changera rien mais en termes d’effet d’affichage c’est le jour et la nuit : ça n’est pas pour rien que les « cotisations patronales » de mon exemple sont à 813 euros contre 564 pour les « cotisations salariales »…
Sérieusement : combien êtes-vous à croire (a priori de bonne foi) qu’une réduction des « cotisations patronales » est un « cadeau fait au patronat » ?
En résumé, il y a 3 réalités : (i) le montant que débourse votre employeur, (ii) ce que vous touchez à la fin du mois et (iii) les « cotisations » qui disparaissent entre les deux. Le reste, c’est de la (mauvaise) littérature.
(Note aux pseudo-libéraux : il va de soi que si nos employeurs nous payaient nos salaires complets, nos cotisations retraite, santé (etc.) seraient à *notre* charge. Arrêtez de croire au Père Noël.)
La vraie question est donc : est-il opportun de priver l’État de cet instrument de pilotage à court terme pour gagner en transparence ?

Ma réponse est : OUI, clairement. #Fin Image

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Mar 18
Première loi de la guerre nucléaire.

Il n’existe rien de tel qu’une guerre nucléaire limitée.

Un #Thread
Jusqu’en 1983, on a cru qu’il était possible d’utiliser l’arme nucléaire de façon limitée, pour sidérer un adversaire et le forcer à cesser les hostilités — c’était notamment la doctrine américaine du *Escalate to De-escalate*.
Proud Prophet, un jeu de guerre mis en place par les américains en 1983 a démontré que c’était une pure vue de l’esprit. L’initiative de l’usage de l’arme nucléaire ne peut rien donner d’autre qu’une réponse massive de l’adversaire.
Read 13 tweets
Dec 14, 2023
Accélérer la ligne 1
Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, la ligne 1 du métro de Paris est déjà pratiquement au maximum de ce qu’elle peut offrir.

Un #Thread Image
La ligne 1 du métro de Paris c’est 25 stations sur 16.5 km et un temps de parcours total, des terminus La Défense à Château de Vincennes, de 36 minutes.
Ça nous donne donc une vitesse commerciale — c’est-à-dire en tenant compte des 23 arrêts intermédiaires — de 27.5 km/h.
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Dec 9, 2023
Order without Design
— Alain Bertaud Image
« The order created by markets manifests itself in the shape of cities. Markets transmit through prices the information generating the spatial order. When prices are distorted, so is the order generated by markets. »
« The professionals in charge of modifying market outcomes through regulations (planners) know very little about markets, and the professionals who understand markets (urban economists) are seldom involved in the design of regulations aimed at restraining these markets. »
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Dec 7, 2023
Et donc, vous l’avez lu, « à Paris, un logement sur cinq est inoccupé » et, déjà, les propositions de taxes et autres bricolages règlementaires basés sur ce constat se multiplient comme des petits pains. #Thread Image
L’étude de l’@__Apur__, sur laquelle est basé ce constat, est là :


Résumons.apur.org/fr/nos-travaux…
En 2020, on recensait 1’393'800 logements à Paris. Là-dessus, 1'131'600 logements (81.2%) sont des résidences principales et donc considérées comme « occupées » (par leurs propriétaires ou des locataires).
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Dec 1, 2023
L’idée de départ des assignats, celle de mai 1789, c’était une sorte d’emprunt gagé sur les biens de l’Église (qui venaient d’être confisqués) dans le but de renflouer les caisses de l’État. #Thread Image
Le problème c’est qu’entre l’idée initiale et sa mise en œuvre (à partir d’avril 1790) un certain nombre de petits génies se sont dit que ces choses-là pourraient tout aussi bien être du papier-monnaie.
C’est exactement ce que craignaient Talleyrand, Mirabeau et Dupont de Nemours et Necker, principal initiateur du projet initial et ministre des Finances, remettra même sa démission.
Read 18 tweets
Nov 14, 2023
Ce matin, j’ai utilisé une densité de 4 pax/m² en prenant bien soin de dire que c’était un grand maximum. En fouillant un peu, j’ai trouvé quelques éléments de visualisation. #Thread
Ci-dessous, c'est une densité de 1 pax/m² -- évidemment, c'est assez large. Image
Sur une photo prise un peu en hauteur, ça donne une foule pas trop dense. Image
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