Thread by @FrancoisCame

L’islamisme chez les jeunes, c’est comme la peste.

C’est très dangereux. C’est contagieux. Et il faut tout faire pour éradiquer le mal.

Mais, comme pour la peste, il vaut mieux réfléchir, d’abord, plutôt que de hurler.

C’est plus efficace.

Un p’tit thread.🧵⤵️

https://twitter.com/BFMTV/status/1775931718618263796

Oh, bien sûr, face au mal, on peut s’agiter, prier, faire des processions expiatoires, trouver des boucs émissaires et jeter des juifs dans les puits, comme on le fit pendant la peste noire en 1348. Ca soulage. Mais ce n’est pas très efficace.

Ou bien on peut chercher à savoir⤵️

d’où vient l’épidémie, découvrir le bacille ; et donc les antibiotiques qui l’éradiqueront.
C'est mieux.

Or en matière d’islamisme chez les jeunes, il y a plein d’études qui permettent de réfléchir.⤵️

L’une d’elle, très fouillée, est celle de F. Khosrokhavar (Prisons de France. Violence, radicalisation, déshumanisation : surveillants et détenus parlent).

Que dit-elle (entre autres) ?⤵️

journals.openedition.org/lectures/22243

Ceci : c’est la "haine de la société en raison de leur sentiment d’une profonde injustice sociale à leur égard" qui, souvent associée à l’absence du père et/ou à la désorganisation de la famille, pousse "les jeunes des cités vers la délinquance".

Et vers l'islamisme.⤵️

Un islamisme vécu comme une dignité retrouvée ("On m’a jugé, désormais c’est moi qui juge et condamne la société").

Il se trouve que cette analyse recoupe très exactement ce que j'ai observé quand j'ai fait des reportages en "banlieue", auprès de ceux qui se revendiquaient⤵️

comme des « durs » et des "islamistes".

Premier constat : ces jeunes "intégristes religieux" ne connaissaient quasiment rien à leurs propres religions, à leur propres croyances.

Leur « islamisme » ne venait absolument pas d’une quête spirituelle,⤵️

mais d’une posture :

- qui permettait à ces gamins de se penser comme un groupe (ça rassure) ;

- de se forger une identité revendiquée (ça rassure aussi, quand on est adolescent) ;

- de clamer un sentiment d’injustice (sociale, notamment, et lié à la pauvreté) ; ⤵️

et dès lors de rejeter l’autorité sociétale dont ils pensaient qu’elle refusait de les accueillir.

Ils venaient pour bcp de familles où:
-les pères battaient leurs enfants violemment
-ou, au contraire, la mère (célibataire) était souvent contrainte, en raison de son travail,⤵️

de laisser ses enfants traîner dans la rue.

Rue dans laquelle ils se construisaient, au sein du milieu clos des quartiers, en séchant évidemment l'école. Et - comme toujours en milieu clos-: de façon grégaire.

L'échec scolaire qui suivait renforçait bien sûr chez eux⤵️

la haine des institutions - et d'une société dont ils pensaient qu'elle les discriminait.

Ils avaient d'ailleurs, sur ce point, largement raison. Il faut lire, par exemple :

.inegalites.fr/Emploi-les-imm…

Et ces discriminations entretenaient du même coup un cercle vicieux:

-Le sentiment d’être discriminé entraine certains vers la colère et la délinquance - qui en retour justifient qu'on les discrimine, puisqu’ils deviennent violents - Etc. Etc. ⤵️

Je répète ce que dit l’étude⤵️

de F. Khosrokhavar: c’est la "haine de la société en raison de leur sentiment d’une profonde injustice sociale à leur égard" qui, souvent associée à l’absence du père et/ou à la désorganisation de la famille, pousse "les jeunes des cités vers la délinquance". Et l'islamisme.⤵️

Ce qui me semble très juste.

L’islamisme, chez les jeunes des « quartiers » a quelque chose d’une « crise d’adolescence » - non face aux parents, mais face à la société française.

Sinon que cette crise d’adolescence :

1. N’a strictement rien de religieux;⤵️

2. Et qu’elle est très dangereuse pour cette même société (et pour ces jeunes, aussi).

Il faut évidemment y résister en réaffirmant la laïcité à l’école; en appliquant des sanctions aux auteurs de violences (y compris : de harcèlement).

Mais la seule répression ne suffit pas.⤵️

On peut vouloir mettre ces jeunes en prison – ils n’y feront que s’y radicaliser davantage.

On peut hurler contre ces jeunes; mais si c’est là tout ce qu’on fait, on ne fera que renforcer le sentiment qu’ils ont d’être rejetés.

Ce qu’il faut, comme pour la peste,⤵️

c’est d’abord agir sur les causes : sur le bacille.

Les antibiotiques, en l’occurrence, sont connus.

Cela passe, bien sûr, par une lutte féroce contre les réseaux salafistes-djihaddistes - qui sont trop contents de manipuler ces jeunes.

Mais aussi par d’autres mesures.⤵️

Notamment:

-Mieux répartir l’habitat social sur le territoire et détruire les « ghettos » –pour éviter l’effet grégaire qu’ils entraînent

-Développer l’aide à la parentalité –pour éviter que les gamins ne se forgent leur identité hors de l’école et dans la rue

-Renforcer,⤵️

voire adapter l’éducation (laîque !) en direction des plus pauvres

-Lutter avec beaucoup plus de force contre les discriminations (qui sont aussi un délit…) et le faire savoir à tout prix – pour réduire le sentiment d’injustice de ces jeunes

Etc, etc...⤵️

Evidemment, c’est bien plus compliqué à réaliser que de hurler à la mort sur les réseaux sociaux et à la télé.

Mais, encore une fois, c’est comme la peste : c’est plus difficile (et coûteux) d’identifier un bacille et les médicaments qui peuvent l’éradiquer,⤵️

que de faire de belles processions expiatoires.

Mais c’est bien plus efficace.

A mon avis.🙂⤵️

PS. Il semble que ce sujet soulève les passions (comme tout ce qui fait peur) & s'inscrit dans une "lepenisation diffuse" des esprits (qui ressemble de + en + à une guerre de religion -bref à une connerie).

Merci donc de ne réagir qu'en essayant de réfléchir.

Ou je bloque.🙂

PS2. A ts ceux qui réfutent le lien entre pauvreté et délinquance : je conseille de lire un peu. Le lien est compliqué (pauvreté? inégalités?), complexe donc contesté. Mais même G.Becker, Chicago boy, Nobel d'éco ultra-libéral, la constaté/théorisé.

Et ça ne date pas d'hier. 🙂