L'organisme en charge d'auditer les programmes de la NASA, le "NASA Office of Inspector General", vient de rendre ses rapport sur ce qui s'est passé lors d'Artemis I.
Conclusion: il y a encore de gros problèmes techniques qu'il va falloir corriger d'ici Artemis II.
Thread : 🧵
L'Office of Inspector General (OIG) a réalisé cet audit indépendant sur les principaux systèmes d'Artemis: le SLS, Orion, la tour de lancement et les segments sol de communication.
Et note qu'il y aura déjà 5 milliards de dollars dépensés juste pour Artemis I et II d'ici 2025.
On commence par les bonnes nouvelles: pas grand chose à dire sur SLS qui s'est comportée comme un charme. L'OIG indique qu'il faudra être prudent lors de la campagne de tir car les boosters ont une durée de vie limitée une fois assemblés. Il y a 2 modifs majeurs pour Artemis II :
Tout d'abord le système de séparation des boosters qui est entièrement revu, puis le système de sauvegarde (d'autodestruction) qui passe en mode tout automatique.
Pas de grosses inquiétudes là-dessus pour l'instant.
Maintenant on passe sur ce qui s'est un peu moins bien passé: la tour de lancement a subit pas mal de dommages lors d'Artemis I. Les réparations sont en passe d'être terminées après près d'un an et demi de travaux. Je vais vous détailler ce qui est arrivé à ce pauvre pad.
Tout d'abord la porte des ascenseurs a été arrachée et les gaz des boosters se sont engouffrés dedans, tordant les ascenseurs et les faisant sortir de leur rail. Les portes seront renforcées pour Artemis II.
60 baies électriques ont été ouvertes à cause des vibrations basse fréquence plus forte que celles de la navette pour laquelle elles avaient été dimensionnées.
Les baies seront maintenues fermées avec une bande de métal tout autour lors d'Artemis II.
La plomberie a subit de gros dégâts lors du décollage, avec de nombreuses canalisations pliées et cassées. Presque tous les tuyaux extérieurs vont devoir être remplacés car trop sensibles aux résidus acides des boosters. Un gros chantier est en cours pour réparer tout ça.
Des débris seraient aussi responsable des dégâts, débris trop nombreux d'après l'OIG. D'ailleurs une porte d'ascenseur a fini dans la clôture à 500m de là, une autre carrément dans les marécages au-delà. Un risque pour le matos et pour la fusée, comme le système de déluge abimé.
Sur les systèmes de navigation au sol et le Deep Space Network, il y a eu un black-out de 4h30 pendant la mission ce qui a abouti à la perte irrémédiable de données sur des sondes spatiales, et à une pause de la mission pour Orion.
Le système informatique doit être robustifié.
Et maintenant, le gros morceau: Orion. Tout ne s'est pas bien passé pour Orion et même pire: la capsule aurait pu être détruite lors de sa rentrée atmosphérique.
En cause: le bouclier thermique ablatif qui a beaucoup trop ablaté.
Ces traînées de matériaux de l'image précédentes étaient prévues, mais beaucoup moins fortes et moins nombreuses. Le bouclier s'est cassé à plusieurs endroits et des fragments se sont détachés. La conclusion est claire: un tel problème peut être la cause d'une perte d'équipage.
Problème: ni les simulations ni les tests au sol n'ont réussi à reproduire exactement le phénomène. Plus grave: la NASA n'a aucune idée d'où vient le problème.
Comprendre le problème est obligatoire pour le corriger avec confiance et envisager des humains sur Artemis II.
Autre problème: le bouclier thermique a 4 boulons qui tiennent le module de service européen situé juste dessous (faciles à voir ci-dessous). Ce sont donc des zones de fragilité connues, mais les boulons exposés au plasma sont conçus pour ne pas fondre le temps de la rentrée.
Mais voilà: 3 des 4 boulons ont fondu sur Artemis I, permettant à du plasma à 2700°C de pénétrer derrière le bouclier. La capsule a été en vrai danger de destruction.
La cause est identifiée (mauvais modèle théorique) et c'est corrigé, mais des tests sont encore nécessaires.
Enfin, un problème dans le module de service européen. Le boitier électrique principal a eu plusieurs "fusibles" qui ont disjoncté et la tension était mal régulée. Et avec ces fusibles qui sautaient, il n'y avait plus de redondance en cas de problème sur le boitier redondant.
La cause a été trouvée: la réaction du boitier aux radiations. En conséquence son logiciel de bord a été modifié, et des changements plus profonds seront peut-être implémentés mais pas avant Artemis III.
Enfin, on termine avec les regrets de l'OIG sur les occasions manquées d'avoir du retour d'expérience.
Tout d'abord beaucoup de caméras ont mal fonctionné pendant le décollage, en plus lors d'un tir de nuit: sous-exposition, humidité sur les lentilles, etc.
L'utilisation de caméras est indispensable pour les premiers vols, pour identifier des problèmes sur le lanceur mais aussi pour évaluer la quantité et les trajectoires des débris. Comme ceux attendus en sortie de boosters lorsque leur allumage détruit leur bouchon de protection.
De même, regret de l'OIG de ne pas avoir pu mettre la main sur les parachutes ni sur le capot avant de la capsule Orion puisqu'ils sont largués et ont coulé avant l'arrivée des équipes. Il y a eu pas mal de problèmes lors du dev des parachutes, ça aurait été bien de les analyser.
Enfin, près d'un quart (!!) des données enregistrées à bord d'Orion ont eu des problèmes d'écriture pour des raisons encore incomprises, et n'ont toujours pas été récupérées. Des logiciels sont en cours d'écriture pour les lire, mais ça retarde beaucoup les analyses.
Les conclusions sont les suivantes:
- L'OIG constate que la NASA met le paquet pour résoudre ces problèmes.
- De nombreuses modifications étaient déjà planifiées pour Artemis II (en plus des 2 déjà citées en début de thread). Elles exigent encore pas mal de test et... d'argent.
- De nouveaux problèmes sont apparus depuis Artemis I: un problème dans le système de recyclage de l'air et un autre de batterie qui pourraient mal fonctionner en cas d'éjection.
- Le report d'un an en septembre 2025 pour Artemis II est bienvenu, à voir si ça sera suffisant.
L'OIG recommande que tous ces problèmes soient parfaitement identifiés, compris et corrigés pour que Artemis II puisse embarquer des astronautes.
La NASA est donc lancée dans un marathon pour régler tout ça, et enfin renvoyer des humains vers la Lune pour la 1è fois en 50 ans.
A+
@Bottlaeric C'est l'histoire du verre à moitié plein mais pour l'instant la NASA ne sait pas d'où vient cette érosion, et ils n'arrivent à la reproduire que de façon partielle au sol.
Ils arrondissent en disant qu'ils arrivent à reproduire le phénomène au sol, mais l'essentiel reste à faire.
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Artemis ira beaucoup plus loin qu'Apollo dans l'exploration de la Lune.
Pour préparer ça, la DARPA a financé 11 industriels pour imaginer une base lunaire implémentable en 10 ans seulement. Et pas n'importe qui: SpaceX, Blue Origin et consorts.
Je vous détaille les résultats : 🧵
Pour vous donner le contexte déjà, la DARPA a sélectionné en octobre 2023 11 entreprises qui ont jusqu'à 1 million de dollars pour faire ces analyses. La présentation des résultats vient d'être faite à la Lunar Surface Innovation Consortium, rapport final attendu en juin 2024.
Dans l'ordre des présentation, voici donc Blue Origin, CisLunar Industries, Lockheed Martin+Astrobotics, Fibertek Inc, Firefly Aerospace, GITAI, Helios, Icon, Redwire, Sierra Space et SpaceX.
Ils ont des spécialités différentes, ce qui offre des présentations variées.
Vous êtes vous déjà demandé comment fonctionnent les rendez-vous spatiaux ?
Comment Crew Dragon ou Soyouz arrivent à approcher tout doucement de l'ISS, alors que tout ça file à plusieurs kilomètres par seconde ?
Je vous explique les bases dans ce thread illustré: 🧵
On va prendre ça depuis le début, la base de la base, si vous êtes novice je vais vous prendre la main et vous expliquer tout ça.
Et si vous connaissez déjà le rendez-vous spatial via KSP ou les live de SpaceX, vous devriez quand-même apprendre 2-3 choses...
On va commencer par prendre un objet auquel on aimerait s'amarrer dans l'espace. Le voici sur cette orbite équatoriale quelconque, on va l'appeler "la cible".
Cette cible a une jolie vue sur la Terre depuis cette altitude d'ailleurs. 🥰
Le rapport d'enquête sur l'échec de l'atterrisseur lunaire Hakuto-R vient de tomber, et il est bien détaillé.
Je vous explique en détail ce qui passé, comme souvent dans ce genre d'échec la frontière est fine entre succès et nouveau cratère sur la Lune. 🧵👇
Pour commencer on a confirmation de la trajectoire finale qui avait déjà été évaluée à partir des mesures Doppler faites par les radio-amateurs sur Terre: la sonde s'est quasiment arrêtée vers 5 km d'altitude puis on plongé en chute libre vers la surface.
Le hardware a semble-t-il marché comme prévu, c'est à dire que la cause du crash est purement liée à du logiciel. Et on ne parle pas ici d'un bug logiciel mais plutôt d'un mauvais réglage qui a eu des conséquences catastrophiques pour la sonde.
Initialement, tout allait bien.
Musk a tenu une conférence de presse sur Twitter sur ce qui s'est passé lors du vol du Starship. Pas mal d'infos que je vais essayer de résumer au mieux ci-dessous :
1/n
3 des 33 Raptors ont été coupés avant même le décollage, leur statut n'était pas satisfaisant. C'était le nombre maximum de moteurs sans lequel le Starship pouvait décoller. A cause de ça, la fusée est partie de travers (pas prévu) et a décollé tout doucement.
Il y a eu 5 secondes entre l'allumage des moteurs et le décollage du lanceur. C'est beaucoup trop notamment en ce qui concerne le pas de tir qui se retrouve dans une tempête de flammes pendant tout ce temps.
Sera réduit de moitié à l'avenir.
Saviez-vous que l'efficacité énergétique d'une fusée est globalement assez mauvaise ?
Par exemple, l'énergie mécanique de la navette spatiale une fois en orbite ne vaut que 28% de son énergie mécanique au décollage.
1/4
L'énergie mécanique à T0, c'est l'énergie de tous les gaz qui seront crachés au cours de l'ascension = 1.14e13 Joules.
L'énergie mécanique en orbite, c'est la somme de l'énergie potentielle gravitationnelle + cinétique.
Evidemment si on considère que l'énergie mécanique au décollage c'est l'énergie potentielle chimique de tous les ergols, c'est à dire si l'on considère aussi l'efficacité des moteurs à transformer des ergols en poussée, alors ce rendement s'effondre d'au moins un facteur 2.
3/4
Bienvenue en 2023, une année qui s'annonce encore une fois riche en évènements spatiaux.
Dans le domaine spatial faire des prédictions est souvent périlleux, et ça tombe bien on aime bien l'aventure sur Twitter. C'est donc parti pour notre sondage annuel sur ce qui va se passer !
C'est une année lunaire qui nous attend, avec un paquet de missions vers notre satellite naturel.
Parmi elles au moins 4 missions CLPS devraient décoller: XL-1, Peregrine et deux Nova-C. Combien voleront en réalité ?
Mais en 2023, outre les 4 missions CLPS, d'autres atterrisseurs lunaires devraient aller se poser : Hakuto-R (déjà dans l'espace), Chandrayaan-3 (ISRO), SLIM (JAXA) et Luna-25 (Roscosmos).
Combien de ces 3 nouvelles missions décolleront ?