Puisque, apparemment, certains catholiques (en France et hors de France) ont décidé de concourir à la médaille d'or des cris d'orfraie quelques remarques en désordre sur la citation de la Cène dans la cérémonie d'ouverture et sur le blasphème 1/22 (sorry) ⤵️
Disclaimer: je ne suis pas fan des jeux artistiques sur la Cène de Leonardo. Un exercice éculé, qui aurait en grande partie perdu de sa force de provocation si les vierges effarouchées de la défense du Catholicisme™ ne fonçaient tête baissée sur le moindre chiffon rouge 2/
Et honnêtement je trouve qu'on est ici dans un registre potache et puéril qui interroge en retour la puérilité et l'immaturité de ceux qui se sentent agressés 3/
Je n'entre pas dans le débat sur est-ce que c'est une référence à Leonardo (ou à Veronèse, ou au festin des Dieux), à la fois parce que ces autres oeuvres font références à la Cène de Leonardo et parce que la scène anticipe une réception par rapport à la Cène de Leonardo. 4/
La première chose est qu'ici on est pas simplement dans le registre de l'allusion mais bien dans celui de la citation (sans être cependant dans celui de la référence directe, ni dans celui de la parodie) 5/
Et ce notamment parce que c'est aussi une référence à la Cène de Leonardo mais aussi à la longue tradition de détournement de cette Cène tant dans l'art contemporain que dans la pop culture 6/
Cette tradition de détournement s'inscrit dans un contexte où les églises chrétiennes ont depuis longtemps perdu leur monopole sur la censure des images et y compris de leur propre iconographie 7/
En même temps, la citation dans la cérémonie des jeux joue sur une des tonalités fondamentales de cette tradition : représenter par la citation de la Cène l'inclusion des exclus et mettre les églises devant leur propre responsabilité dans ces exclusions 8/
Ici cela fonctionne assez bien. Et le fait que d'aucuns soient offensés parce que les exclus qui sont représentés sont des drag-queens en dit long d'abord sur leur homophobie 9/
Quant à parler de blasphème c'est une tout autre question. Une qui relève de la théologie propre à chaque religion et à chaque tradition chrétienne 10/
Et une des choses qui semblent claires dans la petite colère que se paient un certain nombre de mes coreligionnaires est que cette cette théologie du blasphème semble bien oubliée... 11/
Celui qui a organisé ce tableau est-il catholique? Quid des performers? A t-il l'intention de blasphémer? Dieu est-il offensé ici? L'action est-elle un blasphème en soi? Etc... 12/
Pour ma part, parmi toutes ces questions une retient particulièrement mon attention. La tradition contemporaine de détournement de la Cène de Leonardo est elle blasphématoire? 13/
Il y a des raisons de penser que dans sa valorisation des exclus elle est au contraire profondément eucharistique et que c'est une intuition juste et profondément catholique qui la sous-tend. 14/
Au lieu de cela, certains ont préféré penser immédiatement que l'intention du metteur en scène et des performers était directement et nécessairement blasphématoire? 15/
Rien ne permet de le supposer et le supposer est justement en soi quelque chose qu'aucun catholique ne peut moralement se permettre. Sans parler du simple principe de "sauver la proposition du prochain" 16/
C'est aussi une ignorance profonde du rapport de bien des personnes LGBT+ au catholicisme. 17/
Il y a en ce moment une course à se sentir insultée en catholicisme dont on attendrait que nos pasteurs la régulent plutôt que de s'y abandonner. 18/
Et je ne parle même pas de ceux qui vont jusqu'à dire qu'en de telles circonstances, non seulement on ne doit pas se laisser "cracher à la figure", mais que Dieu nous demanderait de cesser d'être miséricordieux. 19/
En bonne théologie la miséricorde est le plus grand attribut de Dieu. Dieu y renonce donc moins encore qu'à sa justice ou à sa souveraineté. Offenser ainsi l'infinie miséricorde de Dieu voilà bien une hérésie parfaitement blasphématoire 20/
Et si enfin, blasphème il y avait vraiment eu et qu'il faille réparation, le catholique que je suis se contentera d'avoir entendu la cérémonie se terminer sur cette phrase chantée par cette splendide artiste catholique, "Dieu réunit ceux qui s'aiment". 21/
Ceux qui supposent une intention blasphématoire feraient bien de se demander pourquoi le metteur en scène a fait ce choix, probablement pas inconscient et d'interroger leur propre propension à ne juger des intentions que s'ils peuvent les supposer mauvaises 22/
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A self proclaimed psychoanalyst (with a degree in psychology) Anatrella has played a major role in France, in Rome and in the Global Church.
French bishops and Church leaders turned to him as a leading expert on homosexuality and more general questions over sexuality. They sent many young men to him (particularly seminarians) for therapy. He has been accused of using therapy to sexually abuse some of these young men.
Parmi les questions que posent cette affaire et que ce communiqué laisse entièrement de côté: celle des protecteurs de Tony Anatrella. On attend toujours que le diocèse de Paris dise quoi que ce soit là dessus alors que désormais les faits sont reconnus par le DDF 1/13
Pour mémoire, les premières dénonciations - sur fond de rumeurs déjà insistantes - interviennent en 2006, soit dix ans avant l'ouverture - un peu contrainte et forcée - de l'enquête diocèsaine en 2016 et concernent des faits commis en 2001 pour une partie d'entre elles 2/
Quid de l'enquête que le diocèse avait ordonné à ce moment là et notamment du rapport remis par le jésuite chargé de recevoir le témoignage de la victime? Qu'est-elle devenue? Pourquoi n'y a-t-il eu ni enquête canonique ni sanction à ce moment? 3/
11 évêques, un choc et en même temps quelque chose qui ne devrait étonner personne. Notre propre stupéfaction dit beaucoup de ce que nous n'avons pas intégré de cette crise 🧵 1/22 (sorry...)
Selon tous les rapports que nous possédons, autour de 5-6% des membres du clergé se sont rendus coupables des violences sexuelles sur mineurs. Il faut y ajouter ceux qui ont commis des violences sexuelles sur des personnes majeures et nous n'avons pas de chiffres /2
Ces chiffres, nous n'en disposons pas parce que le corps épiscopal français n'a pas voulu engager d'enquête sur ce sujet /3
Sinon, je viens de lire dans une revue de théologie catholique un article qui tranquille pépère essaie de nous rejouer la querelle janséniste en reprenant les arguments les plus éculés des polémistes du XVIIe siècle sur les 5 propositions 1/5
L'auteur n'est même pas pas capable d'aller dans les archives voir la manière dont les jansénistes ont défendu leur héros et de voir qu'il reproduit leur stratégie de repli: une fois qu'ils ne peuvent pas défendre les propositions, ils leur inventent un "sens catholique" 2/5
Il est tendance en ce moment dans certaines fractions du catholicisme d'essayer de faire revivre des controverses du passé, et plus, de le faire dans les termes mêmes du passé.3/5
Alors, là non, non et encore non. Long (27...)🧵à cette occasion sur théologie, agency féminine, église et patriarcalité des pouvoirs à l'époque moderne.
2/ Une certaine historiographie, essentiellement française des années 80-90 (Marcel Bernos, Agnès Walch) a voulu nuancer les constats antérieurs sur le lien entre catholicisme et domination masculine à l’époque moderne.
3/Tout en apportant une pierre importante au dossier documentaire (les manuels de confesseurs, les textes de spiritualité à destination des époux, et surtout des épouses), cette historiographie est marquée par des biais méthodologique et herméneutique.
On the statistical discrepancies in the French report on sexual abuse ⤵️
As many have already noted there are strange discrepancies both between the numbers put forward by the French report on sexual abuse, and between those numbers and those of other studies coming from the rest of the catholic world.
The report acknowledges a minimal number of abusers around 3000 priests (ie around 2,8%) of the clerical population. It also acknowledges around 216000 (or rather between 165000 and 270000) victims.