Les révélations récentes sur McKinsey mettent un nouveau coup de projecteur sur le rôle des cabinets de conseil dans l'Etat.
J'étais hier dans le débat qui a suivi @cashinvestigati
Je l'ai répété (et il faut le redire) : mieux réguler McKinsey n'est pas *la* solution.
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D'après Cash investigation, le coût pour l'Etat du recours à Mc Kinsey représentait environ 15 millions€ par an entre 2017 et 2022.
Avec @nosservicespub nous avons calculé le coût du recours total à l'externalisation publique : 160 *milliards* € par an.
C'est 10 000 fois plus.
En réalité, les cabinets de conseil (dont Mc Kinsey n’est qu’une petite partie) ne sont que la point émergée de l’iceberg de l’externalisation publique.
Depuis le milieu des années 1990, il y a un mouvement de fond pour confier au privé un nombre croissant de missions publiques.
Une des principales raisons à cela est la réduction des moyens des administrations publiques.
Ne serait-ce que pour l’Etat, entre 2007 et 2012, ce sont 160 000 postes qui ont été supprimés avec le fameux “non remplacement d’un fonctionnaire sur deux” partant à la retraite.
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C’est un 1er élément déterminant : on recourt à des cabinets de conseil parce qu’il y a moins de fonctionnaires mais pas moins de missions à exercer (bien au contraire)
Mais allons plus loin. On recourt également aux cabinets de conseil parce que, parfois, on n’a pas le choix :
Quand vous êtes gestionnaire public, on vous donne un budget mais avec des contraintes strictes pour son exécution.
Pour le dire clairement : nous avons parfois de l'argent que l'on peut utiliser pour faire un chèque à un cabinet de conseil, mais pas pour recruter un collègue
Cela prend plusieurs formes, de la plus simple à la plus compliquée.
On se contentera de citer le “plafond d’emplois”. Dans chaque ministère, vous avez interdiction de recruter plus que ce qui est autorisé sous votre "plafond". Même si le chèque à McKinsey coûte plus cher.
C’est un paradoxe à s’arracher les cheveux : sous prétexte de « maîtrise des dépenses » (“les fonctionnaires ça coûte cher”), on est parfois obligés de payer des cabinets 1000€, voire 1500€ HT *par jour* parce qu’on n’a pas le droit de recruter.
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En bref : le recours à l'externalisation est plus souvent une contrainte qu'un choix stratégique.
Or le recours à des prestataires privés a des conséquences réelles. Et la première d'entre elles, c'est que l’externalisation entraîne une perte de savoir-faire des services publics
Ça interroge sur notre modèle de société : veut-on conserver une puissance publique capable de faire ses propres choix ? Et si on donnait aux services publics les moyens de réfléchir par eux-mêmes ?
Mais pour cela il faudrait dépasser un tabou :
Si on externalise trop, par manque de moyens ou par contrainte, et que ça coûte trop cher…
Peut-être qu’en ré-internalisant on pourrait faire des économies 💡 ?
➡️ C'est *le* sujet clef de ce débat sur McKinsey : redonner aux services publics les moyens de faire leur travail.
C'est aussi *le* sujet que l'on contourne lorsqu'on se contente de dire qu'il faudrait réguler le recours aux cabinets de conseil.
Ok, soit, très bien.
Mais allons jusqu'au bout : il faut planifier la réinternalisation, au sein des services publics, des compétences stratégiques
Osons même une proposition : “faire confiance aux agents publics”.
Qu'à budget donné, l’utilisation de l’argent (donc le recrutement) soit décidée au niveau opérationnel.
Ca ne paraît pas, mais ce serait une révolution.
Bref, il reste du boulot pour @nosservicespub.
A suivre !
PS : Ces analyses sont notamment tirées de notre note sur l’externalisation publiée en avril 2021 : “160 Md€ d’externalisation publique. Quand la puissance publique sape sa capacité d’agir”.
Disponible sur ... et vous pouvez même nous y rejoindre :)nosservicespublics.fr
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Depuis un mois, derrière la bataille électorale, s'affrontent deux camps dans une bataille larvée, déontologique, au sein de la fonction publique.
Devrons-nous "obéir" si l'extrême droite prenait le pouvoir ?
Derrière le débat juridique, la question est profondément politique⤵️
Dans cette bataille déontologique, un premier pôle regroupe, d'une part, tout un pan d'agents des services publics qui sont conscients que leur rôle ne se limite pas à servir l'État mais l'intérêt général.
Des agents conscients que la démocratie ne se limite pas au suffrage.
Cette tension entre Etat et intérêt général est d'ailleurs le point de départ de la réflexion.
Si se pose la question de l'obéissance, c'est bien que le projet de l'XD remet profondément en cause l'État de droit, l'égalité, les libertés fondamentales, la séparation des pouvoirs.
Depuis 10j, face à la menace du RN au pouvoir, la question de la désobéissance est particulièrement présente chez les fonctionnaires.
C'est une question déontologique et politique.
Mais le droit de la fonction publique énonce aussi des principes clairs, qu'il faut marteler ⤵️
Le premier statut de la fonction publique était marqué par une urgence :
En 1946, à peine un an après la fin de la 2nde guerre mondiale, il reconnaissait que les fonctionnaires ne devaient plus être des "sujets", mais citoyens à part entière. Et pour cause...
Parmi les principes forts de ce statut, l’article 11 de était ainsi rédigé : “Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées”.
“Responsable”, le mot est écrit.
Il est toujours en vigueur.
Le lendemain de ma sortie de l'ENA, en pleine campagne présidentielle de 2017, Donald Trump était élu président des États-Unis.
Depuis, une question m'obsède : que se passerait-il pour nous, fonctionnaires, si l’extrême-droite arrivait au pouvoir en France ?
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Cette question "fonctionnaires et extrême-droite" se réactive à chaque échéance électorale :
Évidemment 2017
En 2022, avec un stress accru
Plus récemment, avec une boule dans le ventre, avec le vote de la loi asile-immigration et de la préférence nationale blogs.mediapart.fr/collectif-nos-…
Évidemment, la dissolution de l'Assemblée nationale hier soir par E. Macron a réactivé ce spectre plus fortement que jamais : que ferions-nous ?
J'en vois déjà me dire que la question ne se pose pas. Que les fonctionnaires sont fait pour obéir, pour "fonctionner". Et pourtant...
🚨La direction de Radio France aurait-elle anticipé financièrement le licenciement abusif de Guillaume Meurice ?
Une enquête insomniaque dans les comptes de Radio France ⤵️
Il faut se renouveler un peu, lorsqu'on est habitué aux insomnies.
Alors cette nuit-là, j’ai épluché la comptabilité de Radio France.
C'était quelques jours après la suspension et la convocation de @GMeurice.
Et il y avait des choses qui ne tournaient pas rond...
L'humoriste est convoqué pour "entretien préalable [...] pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée du contrat".
Le procédé est plus qu'étonnant : répéter une blague classée sans suite constituerait une faute grave de nature à justifier un licenciement ?
Encore aujourd'hui, je reste marqué par une phrase prononcée le tout premier jour de mon arrivée dans la fonction publique :
"Vous êtes désormais titulaires. Faites en bon usage : prenez des risques."
Une vision ambitieuse du statut aux antipodes des discours récents...
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Ces mots étaient prononcés par le secrétaire général de ma juridiction, s'adressant à mes cinq collègues et moi, nouvellement arrivants.
"Votre statut vous confère une vraie sécurité dans l’exercice de vos fonctions. La bonne manière de s'en servir, c'est de prendre des risques."
Autant dire que cette vision ambitieuse du statut semble pour le moins battue en brèche récemment.
Comme si celles et ceux qui parlent du statut comme d’un « verrou » et du licenciement comme d’un « tabou » avaient oublié la signification même du statut de la fonction publique.
Vous remarquerez que le décret annule des autorisations d'engagement pour tout pile 10 000 000 000€ (et zéro centimes)
Cela tombe parfaitement juste : signe que les économies sont TB justifiées... ou la communication bien huilée🙃legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTE…
A noter également que les suppression de postes dans la recherche ne peuvent être estimées précisément.
Elles pourraient être potentiellement du double (jusqu'à - 15 000 postes) : les crédits sont délégués à des opérateurs dont hors T2.