Thread by @AudrandS

Ce qui me confirme un peu dans mon hypothèse que j'émets depuis quelques mois : le Donbass est considéré comme "perdu" par le commandement ukrainien, l'acharnement à la défense est devenu contre productif. Petit fil d'opinion sur le conflit. 🧶
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https://twitter.com/escortert/status/1839316633753628975

Abandonner le Donbass, cela fait sens, vu l'ampleur des destructions, la pollution de la région aux mines et engins explosifs et la capacité de la Russie d'y mener une bataille méthodique avec succès. Y épuiser l'armée ukrainienne ne ferait gagner que quelques mois. 2/

Quand je lis parfois que c'est là que "tout se joue", je disconviens. Ce qui s'y joue ce n'est "que" le Donbass : une province ravagée, ruinée, dont le potentiel industriel a été largement détruit par la guerre. 3/

L'Ukraine lutte pour sa survie de manière existentielle. Poutine ne s'arrêtera pas au Donbass, même s'il est probable que son armée doive faire une pause après la conquête. Ce qu'il souhaite, c'est toujours la capitulation de l'Ukraine. 4/

Bien entendu, les transferts de troupes ukrainiennes vers le saillant de Koursk laissent perplexe. Indéniablement. Est-ce qu'il n'y a pas un acharnement contre productif ? Possible. Possible aussi que l'Ukraine attend beaucoup (trop ?) de Soudja et de son robinet de gaz. 5/

Possible aussi que le commandement ukrainien tienne absolument à conserver un pied en Russie pour des raisons politiques et/ou pour pouvoir relancer une offensive l'an prochain. J'avoue que les orientations opérationnelles actuelles de l'Ukraine son peu claires. 6/

En même temps, c'est un peu la quadrature du cercle, un cauchemar en termes d'options stratégiques : une armée dont la préservation conditionne à la fois la survie militaire et la survie démographique du pays, une aide internationale irrégulière, une érosion du moral national, 7/

une faiblesse croissante des infrastructures ; le tout face à un adversaire qui, s'il subit des pertes terribles, semble encore en avoir "sous le pied" pour un peu plus longtemps que l'agressé. Que faire ? Jouer la montre en défense ? Pas très engageant sur le plan militaire. 8/

Frapper dans la profondeur ? Il faut avoir les autorisations, certes, mais surtout les missiles en quantité. Gripper la machine russe est sans doute possible, notamment sur le ferroviaire et la log munitionnaire ou les bases aériennes, mais ce serait long. 9/

Je pense que le commandement ukrainien est, comme beaucoup de gens, suspendu au résultat de l'élection américaine. Cela explique sans doute pourquoi ils "continuent comme ça", en attendant "la pluie et Kamala", ou "le gel et Trump". 10/

Le résultat de l'élection américaine donnera le ton, conditionnera l'attitude allemande déjà fragile et dira au commandement ukrainien "ce qu'il peut planifier" pour 2025. D'ici là, au final, se réserver des options et acter l'abandon du Donbass, c'est sans doute plus sage. 11/

Un point quand même : Israël. C'est un gouffre sans fond d'aide américaine. Aujourd'hui, Benjamin Netanyahou est peut-être, involontairement, le plus grand soutien de Poutine. Hier, les USA ont annoncé un package d'aide de... 8.7 milliards à Israël. 12/
timesofisrael.com/us-defense-sec…

Dans le même temps, l'Ukraine se voyait promettre... 373 millions.
Tout ça c'est de la politique intérieure US. L'administration démocrate veut donner des gages de soutien à Israël et limiter le coût du soutien à l'Ukraine. 13/
defense.gov/News/News-Stor…

Là encore, on peut espérer que, en novembre, une victoire de Kamala Harris changerait la donne et renverserait en partie la tendance. En partie seulement. Ou pas. Car il faudra en fait attendre les élections à la Chambre des représentants. 14/

Je crois qu'un jour on se dira que le destin de l'Ukraine s'est joué le 07 octobre 2023 à Gaza, autant que le 25 février 2022 à Hostomel.
Et, bien entendu, de son côté l'Europe manque à la fois de moyens et de volonté sur cette question ukrainienne. 15/

Les Français ont la volonté, les Allemands les moyens. Et cela ne suffit pas.
Oui, les perspectives sont sombres. Pas de risque de collapsus ukrainien comme au printemps 2024, mais une lente descente aux enfers. 16/

La Russie paye le prix de son agression, mais elle progresse. Et personne ne semble prêt en Occident à faire ce qu'il faut pour l'arrêter. Tout au plus sommes nous engagés dans une perfusion durable. Nous sommes des donneurs de soins palliatifs. 17/

Alors, faut-il se résigner à voir le drapeau russe fin 2025 sur la moitié de l'Ukraine ? A voir le pays dépecé par le Kremlin en 2026 ? A voir aux frontières de l'OTAN en 2027 une Russie triomphante et renforcée ? 18/

C'est un peu comme si, pour Londres, Paris et Washington, la dissuasion nucléaire était devenue "théologie de l'inaction" : dès qu'on pense qu'elle pourrait être en jeu, même de loin, on s'auto limite à des modes d'action indirects, à l'emploi des mots, à la terreur des actes.19/

C'est un peu ce que je disais à @pierresautreuil hier pour La Croix : nous sommes dans une situation où, en permanence, c'est Poutine qui nous accuse devant les opinions, alors que nos propres dirigeants sont inaudibles sur le sujet. 20/
la-croix.com/international/…

Bref : Vuhledar tombe. Au delà de ce que cela représente sur le plan opérationnel - un point clé de la conquête du Donbass - c'est surtout le symbole de la situation de l'Ukraine, placée en soins palliatifs par ses soutiens, en attendre d'un "miracle Harris". Terrible.
FIN