Juliette Campion Profile picture
Oct 15 144 tweets 19 min read Read on X
Mardi 15 octobre, septième semaine au procès des viols de #Mazan au tribunal d’Avignon. Assez peu de public, très peu de journalistes. On devrait entendre aujourd’hui les expertises psychologiques des sept accusés de la semaine. LT à suivre pour @franceinfo Image
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L'audience est ouverte. On entend la première expertise psychologique de la journée : celle de Dominique D., 45 ans : il comparaît détenu pour être allé cinq fois au domicile de Gisèle et Dominique Pelicot, entre 2016 et 2020. #Mazan
Dominique D. n'a jamais connu ses parents : il a été placé à six mois dans une famille d'accueil. "Il a une faible capacité d'attachement" envers ses deux familles d'accueil, souligne la psychologue.
Il a redoublé sa sixième, puis sa troisième, puis sa seconde, au sein d'un lycée technique. Il n'a pas eu le bac. Il s'est engagé dans l'armée en 2 000. Il est devenu militaire à Valence, et est resté à l'armée pendant huit ans. Puis il est devenu chauffeur routier.
Il explique qu'au moment des faits, il n'était pas épanoui sexuellement dans son couple. "Avec ma femme, on a dû avoir des rapports sexuels moins de dix fois en douze ans", déclare-t-il à l'experte. Il cherchait donc autre chose et s'est inscrit sur Coco.
Dominique Pelicot l'a fait venir chez lui. "C'était un délire sexuel", estime Dominique D. "Il faisait trop chaud, j'ai eu des problèmes d'érection, c'était pas l'éclate", précise-t-il, ajoutant : "je n'arrive pas à voir ça comme un viol". #Mazan
L'experte psychologue relève plusieurs "éléments en faveur d'une personnalité de type perverse", notamment car il ne manifeste "pas d'empathie" vis-à-vis de la victime : "il tente de la placer comme actrice des faits".
Dominique D. "ne laisse percevoir aucun questionnement de s'être retrouvé dans ce cadre et interroge la complicité potentielle de la victime. Il se retranche derrière ses troubles d'érection, et se déculpabilise en rejetant la faute sur Dominique Pelicot", détaille-t-elle.
"Au final, la victime n'existe pas dans son discours", insiste l'experte.
La souffrance psychique de Dominique D. remonte "à la petite enfance" où il a forgé un "sentiment de non-appartenance familiale", note la psychologue. "Sa relation à l'autre a été entravée trop tôt pour qu'il puisse se construire", poursuit-elle.
"Vous présentez peu d'éléments favorables", observe le président. "Monsieur s'est construit depuis sa naissance en se protégeant de l'autre, parce que l'autre était insécurisant. Il y a tout un travail de reconstruction, de remodelage, à faire au long cours", estime-t-elle.
"Avez-vous déjà rencontré ce type de profil ?", lui demande l'avocat général. La psychologue acquiesce. "J'ai déjà pu voir que des évolutions étaient envisageables, s'il y a un vrai désir d'évoluer de la part de la personne concernée", précise-t-elle.
L'avocat Emile-Henri Biscarrat, qui représente Dominique D., estime que le portrait fait par l'experte est très à charge, et s'étonne qu'elle le dépeigne comme "un homme solitaire", alors qu'il a passé plusieurs années dans l'armée et faisait partie d'un groupe de chasseurs.
"L'armée c'est un espace où les gens qui ont manqué de cadre familial vont le chercher. C'est un cadre très strict, minimaliste : on agit, on est un corps. L'armée était là pour essayer de combler quelque chose", analyse l'experte psychologue.
"La chasse, c'est le même type d'activité. Il y a quelque chose de très cadré. Monsieur D. a conscience de ses limites, il rame avec ça", poursuit-elle.
L'avocat s'étonne qu'elle ait estimé que Dominique D. puisse être "un manipulateur". "C'est presque une bonne nouvelle, parce que je le trouve très basique depuis le début de ce dossier", déclare-t-il.
"Je ne l'évoque pas comme un manipulateur sur le reste de l'expertise : je dis qu'il a manipulé les mots", nuance-t-elle.
Précision : les enquêteurs ont conclu que Dominique D. était allé cinq fois à #Mazan, entre 2016 et 2020. Mais l'intéressé a admis y être allé dès 2015, dans la nuit du 14 février (il n'existe toutefois pas de vidéos de ces faits). L'accusé y serait donc allé six fois au total.
Après une longue série de questions, l'avocat termine en estimant que "les conclusions" de l'expertes étaient, dans l'ensemble, "un peu hâtives".
On passe à la deuxième expertise psychologique : celle de Cyprien C., 43 ans. Il dit avoir eu une "mère adorable, aimante, qui a subi des violences conjugales". Il décrit son père comme "un homme violent, alcoolique, qui ne s'est jamais occupé de ses enfants."
Quand Cyprien C. avait 3 ans, sa mère a décidé de le placer avec son frère, pour les protéger. De ses 3 ans à ses 8 ans, il a connu une première famille d'accueil. Puis une autre de ses 10 ans à ses 18 ans. A partir de ses 18 ans, il est retourné chez sa mère.
Il a d'abord travaillé dans des usines. Puis il a intégré la mairie de Carpentras, en travaillant pour les camions poubelles. Il a ensuite travaillé pour une usine de recyclage. A partir de 2014, il s'est mis à boire et à consommer de la cocaïne.
Au total, il déclare avoir eu une dizaine de condamnations pour des vols avec son frère. Il estime que le seul but de ce dernier est "de lui pourrir la vie".
Cyprien C. a eu une diverticulite en 2015, avec une perforation du petit et du grand intestin. Il a subi trois opérations et a dû rester quatre mois à l'hôpital.
Concernant les faits, qui remontent à novembre 2017, il analyse : "à l'époque, je n'avais plus de copine, je sortais de l'hosto, je suis tombé dans la drogue, j'ai rencontré un couple, j'y suis allé, je n'aurais pas dû".
L'experte estime qu'il fait preuve de "beaucoup d'empathie" vis-à-vis de la victime. "Son discours est ponctué de pleurs, avec un sentiment de culpabilité", poursuit-elle, notant qu'il a "le regard baissé, le dos courbé, comme un homme qui a honte de ce qu'il a fait".
Pour elle, Cyprien C. "n'a pas été en mesure de se construire une bonne image de lui-même : le seul élément stable était son frère, mais il a engendré de nombreux comportements délictueux".
"C'est un homme vulnérable, en besoin de sécurité, d'affection", conclut-elle.
Le président tâcle Emile-Henri Biscarrat, l'avocat de Dominique D., qui a longuement critiqué l'expertise de la psychologue tout à l'heure. "C'est dommage qu'il soit sorti, car il aurait vu que vous individualisez parfaitement vos expertises", considère Roger Arata.
"Le procès qui a vous a été fait tout à l'heure est regrettable, vous n'êtes pas là pour essuyer des assauts comme ça. Vous avez fait votre travail, c'est ce qu'on attend d'un expert. Je vous en félicite", ajoute le président de la cour criminelle du Vaucluse.
"Je note que, dans les déclarations de Monsieur C., c'est toujours la faute de l'autre", relève Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot. "En tout cas, il s'est construit sur un versant où il subit", observe l'experte psychologue.
"Tout dans sa vie semble être de la faute de [l'autre], il n'est pas maître de ce qui lui arrive", ajoute-t-elle, soulignant "un manque total de confiance en soi" chez Cyprien C.
On entend à présent la troisième expertise psychologique, concernant Mohamed R., 70 ans, qui comparaît détenu. Les faits le concernant remontent à mai 2019 et ont eu lieu à l'Ile-de-Ré, dans la maison de Caroline Darian et de son mari.
Mohamed R. est l'aîné d'une fratrie de sept enfants. Il est né au Marco et est arrivé en France en 1980. "Il n'a plus de lien avec aucun membre de la fratrie depuis le décès de leur mère en 2014", souligne l'experte, car il est perçu comme responsable de sa mort par ces derniers.
Mohamed R. a un parcours professionnel "éclectique". Il n'a aucun diplôme et est d'abord devenu ouvrier à 18 ans dans une station d'épuration, puis dans une usine textile. Ensuite, de 1980 à 1988, il devient cariste, puis vendeur, puis responsable, dans un magasin de peintures.
A partir de 1990, il entre dans une société de poudres explosives. En 1992, il dit avoir ouvert une discothèque. En 1999, il est victime d'une attaque au couteau : il a commencé à percevoir une pension comme adulte handicapé.
Puis, en 1999, sa fille dépose plainte pour viol contre lui. Il a été condamné. Deux autres de ses filles, qui ont témoigné hier, ont estimé à la barre qu'il s'agissait de déclarations calomnieuses. L'une d'elles a parlé d'une "erreur judiciaire".
Il s'est marié en 1997 et a eu quatre enfants : une fille et un fils, avec qui il n'a plus de contacts, une fille qui a été assassinée, et une autre qu'il voit un peu. Puis il a divorcé et s'est remarié. Il a eu deux filles, qu'il voit toujours (elles ont témoigné hier).
Il a divorcé de cette deuxième union en 2013. Il a de gros problèmes de santé, notamment une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Pour autant, "il fume une dizaine de cigarettes par jour", relève l'experte.
L'experte observe un "discours autocentré" de Mohamed R., "s'évoquant lui-même comme victime". "Il n'avançait que la parole qu'il souhaitait avancer, le reste étant passé sous silence", ajoute-t-elle.
"Il a montré une émotivité importante. Il a insisté sur le fait qu'il présentait un risque suicidaire accru. Son comportement était excessif", poursuit l'experte. Elle dit avoir ressenti "de l'agacement" à son égard lors de l'entretien.
Elle qualifie son intelligence de "moyenne/faible", le considère comme "égocentré". "Il a mis un point d'honneur à mettre en avant son mal-être", souligne-t-elle.
"Ses propos sont faussement empathiques", tranche la psychologue. Et d'ajouter : "la victime n'existe pas dans sa perception, face à tout ce que lui est en train de vivre".
Roland Marmillot, l'avocat de Mohamed R., observe que l'experte résume "70 ans d'existence en quelques heures". "Dans ce cas, on peut remettre en cause l'ensemble des expertises", rétorque-t-elle.
L'avocat constate qu'elle a été "agacée" par son client. "Ce n'est pas classique dans une expertise", reconnaît-elle.
"Ca n'a pas faussé votre perception ?", l'interroge Roland Marmillot. "Dans la vie courante oui, mais là j'étais dans le cadre de mon travail", répond l'experte.
"Aucun des hommes que vous avez expertisé n'a trouvé grâce à vos yeux", estime-t-il. "Vous avez dit que c'était 'un entretien lisse'. Qu'entendez-vous par là ?", interroge Roland Marmillot. "Il n'y avait pas de nuance, pas d'élaboration : c'était très factuel", précise-t-elle.
L'audience est suspendue quelques minutes. #Mazan
Je partage mon article du jour, pour @franceinfo dans lequel je parle de l'engouement du public pour ce procès des viols de #Mazan, et l'empathie très forte des femmes pour Gisèle #Pelicot
francetvinfo.fr/faits-divers/a…
@franceinfo Reprise d'audience. On procède à l'interrogatoire de personnalité de Mohamed R., 70 ans, qui comparaît détenu.
@franceinfo "Vous reconnaissez la notion de viol ?", lui demande le président. "Il n'y a pas eu de viol, je n'ai pas violé Madame", rétorque le septuagénaire d'une voix chevrotante depuis son box.
@franceinfo "Si je peux me permettre, je présente mes excuses à madame Pelicot : j'ai eu la maladresse de dire 'je suis autant victime que Madame Pelicot'. Mais je suis victime dans le sens que Dominique Pelicot m'a manipulé", précise-t-il. Gisèle Pelicot soupire, lève les yeux au ciel.
@franceinfo Mohamed R. est prolixe sur sa vie, et dit avoir eu comme "fil conducteur" sa "responsabilité comme aîné d'une famille de six enfants", après la mort du père, décédé jeune.
@franceinfo "Je me suis toujours dévoué pour subvenir aux besoin de la famille, c'est pour ça que j'ai quitté le Maroc. Ma mère patrie, c'est la France. Je me suis marié très jeune car ma première femme était enceinte : c'était pour légitimer notre enfant", poursuit-il.
Il revient sur l'assassinat d'une de ses filles et affirme, ému, connaître le nom du commanditaire. Le président le coupe : "essayez de vous canaliser, je sais que vous avez beaucoup de choses à dire".
Mohamed R. aborde ensuite "le lynchage médiatique" à propos de sa fille, qu'il est accusé d'avoir violé en 1991 : il a été condamné pour ces faits, mais il conteste fermement.
"Monsieur R., écoutez moi : cette affaire, on sait qu'elle a existé, on sait qu'il y a eu une condamnation. Votre avocat s'est exprimé là-dessus", coupe le président. Mohamed R. essaye reprendre la parole. "Ecoutez le président !", l'interrompt son avocat.
"On ne peut pas refaire ce dossier : il n'a pas sa place dans ce débat", tranche le président.
Il tente ensuite de revenir sur son rôle d'aîné dans sa fratrie. "Ça, c'est dit dans l'enquête de personnalité. C'est plutôt votre vie sentimentale, assez dissolue, dans le monde de la nuit, qui nous intéresse… Vous confirmez avoir eu des maîtresses ?", demande le président.
"Oui", répond-il sans détours. "Mais je ne suis pas un libertin : je ne connais pas les codes du libertinage. Si je connaissais les codes, je ne serais jamais tombé dans ce piège", assure-t-il, en levant la voix.
Le président l'interroge sur sa santé. "Mon état de santé aujourd'hui, sincèrement, monsieur le président... Je voudrais finir ma vie auprès des miens. Je suis condamné, mes jours sont comptés, mais je ne veux pas mourir en prison", dit-il en pleurant.
Mohamed R. souffre d'un cancer.
Le président le coupe de nouveau : "je chargerai votre avocat de nous renseigner précisément sur votre état de santé : ça a son importance".
Le magistrat l'interroge ensuite sur son suivi psychologique en détention. "Bien sûr j'ai un suivi, et j'ai été reconnu comme handicapé", ajoute l'homme.
"Ma cliente a sursauté en entendant que votre vie a été marquée par un profond 'respect pour la femme'. Et pourtant, vous êtes jugé deux fois en 25 ans pour des faits de viol. Vous ne voyez pas une contradiction ?", lui demande Stéphane Babonneau, l'avocat de Gisèle Pelicot.
"Je ne comprends pas du tout votre question", répond le septuagénaire. Le président reformule.
"Je ne suis pas autant victime que Madame Pelicot : son mari en a fait sa chose ! Son objet !", lance-t-il. L'intéressée lève les yeux au ciel, agacée.
"Donc, si je suis votre raisonnement : vous, vous êtes la victime secondaire ?", poursuit Stéphane Babonneau. "Oui, mais pas autant que madame", rétorque Mohamed R., qui dit vouloir "porter plainte pour manipulation et abus de faiblesse".
"Je me permets juste humblement de faire une remarque : le tableau clinique que je vais remettre à la cour sur les affections physiologiques mais aussi psychologiques et psychiatriques de mon client, l'amènent à avoir cette attitude", précise son avocat, Roland Marmillot.
"J'ai été le premier surpris, et le premier agacé. J'ai eu ce premier ressenti, que je qualifierais presque de désagréable. Mais il n'est pas capable de s'exprimer autrement", assure-t-il.
L'audience est suspendue, elle reprendra à 14h.
L'audience a repris. On entend l'expertise psychologique de Mahdi D., rencontré en avril 2022, alors qu'il était en détention provisoire : il comparaît libre aujourd'hui.
Ses parents se seraient séparés en 1994/95 : sa mère est venue habiter en France avec les enfants, son père est resté en Algérie. "J'étais fusionnel avec mon papa : c'était un peu dur au début", relate-t-il.
Mahdi D. dit avoir beaucoup déménagé et se décrit comme un bon élève. Il a eu le bac, et s'est inscrit à l'université pour effectuer une licence AES mais qu'il n'a pas terminée. Il est entré dans la vie active et, au moment des faits, il était employé en CDI.
Les faits reprochés remontent à octobre 2018. "J'ai été accusé de faits de viol : ce n'est pas représentatif de moi ou de ma personnalité", assure-t-il à l'experte.
Il assure que Dominique Pelicot lui a indiqué, au moment de son arrivée que son épouse venait "de prendre sa douche" et qu'elle avait "moins l'habitude que lui". "Ce n'est pas moi, je n'ai jamais voulu faire de mal à personne", a-t-il déclaré à l'experte en pleurant.
L'exposé de l'experte est assez court, très ramassé. Une assesseuse remarque que ses conclusions, notamment sur le passé familial de Mahdi D., diffèrent grandement de celles de l'enquêtrice de personnalité.
Il semble avoir enjolivé son enfance auprès de l'experte psychologue, car il a expliqué, au cours de l'enquête de personnalité, que sa mère avait porté plainte contre son père, pour faire en sorte qu'il ne puisse plus voir ses enfants.
"Le sujet s'adapte… Est-ce qu'il a voulu donner une bonne image à l'expert ?", s'interroge la psychologue.
L'avocat général souligne que l'enquêtrice de personnalité a estimé que "son seul défaut était sa grande gentillesse" et qu'il n'a qu'une "capacité limitée à voir le mal chez autrui".
"Il y a très certainement une petite immaturité, mais ce n'est pas non plus quelque chose de notoire", précise l'experte.
On entend maintenant la cinquième expertise psychologique : celle de Cyril B., 46 ans. Il dit n'avoir "aucun antécédent judiciaire". Au moment où l'experte le rencontre, en détention, "il prend un antidépresseur, un anxiolytique et un somnifère".
Cyril B. comparaît libre, pour des faits remontant à novembre 2018. Son père était boulanger, sa mère vendeuse dans le commerce. Il rapporte que ses parents "essayaient d'être présents le plus souvent possible" mais que son père "avait de gros horaires de travail".
Il décrit sa mère comme "assez douce, patiente". "Mon père, quand il a quelque chose à dire, il le dit, sans prendre de gants. Moi je n'aime pas trop les confits, donc je ne dis jamais rien", explique Cyril B.
Il a passé un CAP qu'il n'a pas obtenu, puis a effectué son service militaire, à 18 ans. Mais il ne s'est pas engagé par la suite : "me faire traiter comme un chien toute la journée, je ne peux pas", justifie-t-il auprès de l'experte.
Il effectue ensuite une formation pour devenir chauffeur routier : il exerce cette profession depuis 22 ans.
L'experte estime qu'il a des difficultés à gérer ses émotions. L'accusé déclare d'ailleurs : "quand ça déborde, c'est un ouragan, j'ai du mal à me contrôler. Quand ça lâche, ça lâche".
Cyril B. eu des relations de couple, mais aussi beaucoup d'aventures passagères. "En 2016, il rencontre sa compagne : tous deux vivaient séparément et se voyaient le week-end", rapporte l'experte. L'accusé fait état d'une "sexualité classique, sans préliminaires".
Répondant à une question de la partie civile, sur son niveau d'intelligence et de conscience le soir des faits, elle estime que Cyril B. "a des outils cognitivo-intellectuels suffisants pour élaborer".
On passe au deuxième interrogatoire de personnalité de la semaine : celui de Cyprien C. L'homme de 43 ans s'approche de la barre, est vêtu d'un pull bleu marine, rayé blanc et beige. Il garde les mains dans le dos quand il s'exprime.
"Je suis né à Mazan. A 3 ans, j'ai été placé à la DASS, jusqu'à mes 7 ans. J'ai ensuite été placé en famille d'accueil. A mes 11 ans et demi, le mari de la famille d'accueil m'a ramené de l'école, la maison était vide : il s'était séparé de sa femme", raconte-t-il.
"Puis j'ai intégré une autre famille d'accueil. Et à 18 ans, je suis retourné chez ma mère pour m'occuper d'elle, car elle était malade", poursuit le quarantenaire.
Il ajoute : "j'ai perdu ma soeur en 2014. Ensuite j'ai été malade : j'ai tout arrêté professionnellement. C'est de là que sont partis mes problèmes". Le casier de Cyprien C. comporte neuf condamnations, notamment pour "vol et recel" et "vol par ruse avec effraction".
En 2019, il rencontre une nouvelle compagne. "On est restés ensemble jusqu'à ma détention et à ma sortie, on s'est séparés", rapporte-t-il. "Ensuite, j'ai eu un CDI pendant an puis j'ai été licencié économique : mon patron a fait faillite. Je n'ai plus de travail depuis un an".
Le président l'interroge sur son frère aîné. "Il n'a pas toujours été de bons conseils. On vous a décrit comme un suiveur", rapporte Roger Arata. "En essayant de l'aider, je me suis perdu. Je me suis dit : 'il vaut mieux que je m'aide moi'", répond Cyprien C.
"L'enquêtrice de personnalité s'est trompée quand elle a dit que j'avais eu des violences de ma mère. Elle s'est échappée des griffes de mon père. Elle nous emmenait dans des hôpitaux de jour...", se souvient-il, ajoutant que celle-ci a la maladie d'Alzheimer.
Une assesseuse lui demande s'il a fait des démarches pour voir son fils. "Je n'ai pas de nouvelles de lui : les seules nouvelles que j'ai, c'est sa mère qui écrit. Elle ne veut pas que je le revoie. Je peux comprendre, je n'ose pas le regarder en face", répond-il en pleurant.
Son avocate lui demande pourquoi il a refusé de faire citer plusieurs de ses amis comme témoins. "Je veux protéger au maximum les gens, je ne veux pas qu'ils soient… Je ne veux pas qu'ils soient mêlés à tout ça", justifie Cyprien C.
Il est allé voir son père en sortant de détention provisoire. Il est mort trois jours après. "Je ne l'avais pas vu depuis huit ans", souligne Cyprien C.
On passe à la sixième expertise psychologique de la journée : celle de Redouane A. L'accusé de 40 ans comparaît détenu, poursuivi pour être allé deux fois à Mazan : en mars et en avril 2019.
Lorsque les enquêteurs l'identifient sur les vidéos de Dominique Pelicot, Redouane A. était déjà incarcéré, depuis août 2020.
Il avait été condamné à deux ans et et demi d'emprisonnement, notamment pour menace de mort et outrage à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, violences sur conjoint, et menaces de mort réitérées sur conjoint.
Redouane A. est né au Maroc "mais a grandi en France", souligne l'expert. Il a été élevé par son père, sa mère l'a abandonné à l'âge d'un an. Il a eu un enfant d'environ 13 ans, avec qui il n'a plus de contacts.
"Je bois beaucoup, c'est pour ça que j'ai déconné avec ma compagne, j'étais soûl", déclare-t-il à l'expert psychologue.
Celui-ci fait état d'une "personnalité très peu structurée, immature, avec des dispositions psychiques en rapport avec un contexte éducatif carent : violences, abandons, absences de repères stables".
"Il décrivait les faits de manière volubile, sans prise en compte de leur caractère transgressif", relève l'expert. Selon lui, les caractéristiques de sa personnalité "sont très peu susceptibles d'être modifiées par la psychothérapie".
"C'est un tableau assez péjoratif…", constate le président, rappelant que Redouane A. totalise "20 mentions à son casier". "Il a passé sept années en prison", souligne Roger Arata.
Apparté : on entend très mal l'expert dans la salle d'audience. Il parle dans sa barbe, d'une voix peu audible, trop loin du micro.
L'avocat de Redouane A. souligne que son client a été diagnostiqué schizophrène en prison.
On passe à la dernière expertise psychologique, concernant Ahmed T., 54 ans, poursuivi pour des faits remontant à juin 2019.
Ahmed T. est né au Maroc mais n'y a vécu que quelques années. Il est issu d'une fratrie de cinq enfants. Au moment des faits, il était avec sa compagne depuis trente ans, avec laquelle il a eu trois filles et deux petites filles.
"Il n'a pas d'antécédents victimant de nature sexuelle", précise l'expert. Au moment des faits, il décrit Dominique Pelicot comme "un homme insistant". Ahmed T. déclare : "ça m'a dégoûté d'être l'outil de quelqu'un".
Dominique Pelicot "m'a dit 'chut', et j'ai compris qu'un truc n'était pas normal : je me suis déshabillé, je suis parti", a-t-il relaté.
L'expert ne relève pas "d'anomalie du fonctionnement intellectuel ou cognitif du sujet, qui est parfaitement capable de faire face à sa situation judiciaire : c'est un sujet sans antécédents".
"C'est un parcours de vie ponctué de réussites sur le plan social, professionnel, associatif", note le président. Ni l'avocat général, ni la partie civile, ni l'avocate d'Ahmed D. n'ont de questions. Les expertises psychologiques des sept accusés sont terminées.
Plusieurs témoins ne se sont pas présentés. On lit la déposition de Fatima B., une ex-compagne de Mahdi D. "Je l'ai rencontré deux jours avant son anniversaire, nous avons parlé de son travail. En partant il m'a embrassé, il n'a pas eu de gestes déplacés", rapporte-t-elle.
"Il a la tête sur les épaules. Je n'ai jamais passé une nuit complète avec lui. On a eu des relations sexuelles mais il n'était pas vraiment porté sur ça : on pouvait passer des heures à discuter. Nous avions des rapports classiques", poursuit-elle.
L'audience est suspendue avant un autre interrogatoire de personnalité. LT à suivre pour @franceinfo
Reprise d'audience. On entend maintenant Dominique D., qui répond aux questions de la cour depuis son box. Il revient sur ses années en tant que militaire. L'homme de 45 ans s'est engagé dans l'armée en 2000 : il y est resté huit ans. Puis il est devenu chauffeur routier.
"Ce qu'on veut savoir, c'est si vous avez ramené un stress post-traumatique, lié au retour de scènes de guerre. On doit prendre en compte votre état antérieur", précise le président.
"A chaque retour de mission, on est traités par un psychologue. Dès qu'il y a un fait d'arme", assure-t-il.
"Vous avez fondé un foyer avec une dame un peu plus âgée que vous, qui avait déjà d'autres enfants. Votre fils naît en 2009. Il a 15 ans. Il est avec sa maman ?", l'interroge le président. "Affirmatif", répond l'homme, précisant qu'ils sont désormais divorcés.
"Je l'ai tous les soir au téléphone, je suis de très près sa scolarité. Je le vois au parloir tous les quinze jours. On a de très bons liens avec mon ex-femme, on s'entend très bien", assure Dominique D.
Le président lui demande pourquoi il est allé sur le site Coco, où il a rencontré Dominique Pelicot. "J'avais un manque de sexualité avec ma femme, c'était pour la recherche d'une nouveauté", explique l'homme vêtu d'un pull noir, crâne rasé.
"Je cherchais un couple", précise celui qui a eu une relation extraconjugale "avec une femme célibataire". "C'était contraignant parce qu'elle voulait du long terme. Moi, ce n'était pas ce que je cherchais. Je voulais un plan sans prise de tête", détaille-t-il.
Dominique D. est "en détention provisoire depuis le 25 mars 2021", rappelle le président. Pour rappel : le quarantenaire est poursuivi pour s'être rendu cinq fois à Mazan. L'intéressé a même reconnu un sixième fait.
"Vous êtes le plus jeune d'une fratrie de seize enfants", souligne le président.
"Je n'ai pas de nouvelles de mes seize frères et sœurs. Je n'ai fait aucune recherche. Je sais qu'il y a eu un divorce entre ma vraie mère et mon vrai père. Ma mère a eu quatre autres enfants derrière : elle a donc vingt enfants", souligne l'accusé en riant.
"C'est les familles du nord ça ! Rien qu'au niveau de ma mère adoptive, ils sont onze frères et sœurs", ajoute Dominique D. d'un ton amusé. Il est originaire de Fenain, dans le Nord.
On entend maintenant Cyril B. sur sa personnalité. Il est poursuivi pour des faits remontant à novembre 2018.
Apparté : il ne parle pas dans le micro, je fais ce que je peux pour retranscrire...
"Sur mon parcours scolaire... C'était pas trop mon truc. Il n'y a pas de mauvais élève, il n'y a que des mauvais profs il paraît", glisse-t-il. L'accusé de 46 ans, qui comparaît libre, précise avoir fait son service militaire à 18 ans et avoir enchaîné ensuite plusieurs emplois.
Le président lit le rapport de son suivi sociojudiciaire. "Monsieur Cyril B. a bien respecté son contrôle judiciaire. Il décrit une bonne entente avec son employeur. Il est investi dans le parcours de soin. Son état psychologique s'est amélioré au fil du suivi", est-il noté.
"Mais il appréhende la suite de la procédure et les conséquences qu'elle pourrait avoir sur sa vie avec sa compagne", est-il précisé.
"Il est question d'une prise en charge pour des addictions sexuelles… Comment vous définiriez-vous à l'époque, avant la garde à vue ?", lui demande-t-il.
"Je sortais pas pour faire des rencontres, j'avais pas une vie débridée", assure Cyril B.
"Est-ce que, comme l'a dit un autre accusé, vous partez du principe que tous les routiers vont voir des prostituées ?", poursuit le président. L'accusé répond par la négative mais reconnaît y être allé quelques fois. "Comme tous les jeunes quand on avait 20 ans", dit-il.
Le président lui demande pourquoi il est allé sur Coco. "La curiosité, le fait de parler, on s'intéresse à d'autres personnes… Ce ne fut pas un grand succès", analyse-t-il.
Cyril B. dit ne valoir d'enfants. "Car je ne ne veux pas d'enfant qui grandisse sans son père", explique-t-il. "Sur la vie de couple, les chauffeurs routiers, ça ne dure pas longtemps quoi...", ajoute l'homme à la barre.
"Est-ce que vous en voulez à vos parents ?" demande son avocat, Guillaume de Palma. "Absolument pas", assure son client.
"S'ils avaient été plus présents, vous auriez eu une autre vie ?", insiste son conseil. "J'ai manqué de rien. Ils ont fait en sorte pour que je m'occupe : le foot, le catéchisme…", énumère-t-il, toujours difficilement audible (mais personne ne lui dit de parler dans le micro).
"Est-ce que le fait que vous aviez des activités faisait en sorte que vos parents n'avaient pas besoin de s'occuper de vous ?", poursuit Guillaume de Palma. "Si", répond Cyril B.
Son avocat l'invite à revenir sur sa vie en détention. "J'ai passé plus de six mois à dormir sur un matelas au sol. On était à deux, dans 9 m2", précise-t-il.
"Votre sexualité a été bouleversée par cette affaire ?", demande son autre avocate, Alexia Berard. "Oui oui… je ne sais pas si c'est bien ou si c'est mal maintenant ce que je dois faire. J'en ai peur", répond Cyril B.
L'interrogatoire est terminé. L'audience est suspendue. Elle reprendra demain, à 9 heures, avec la suite des interrogatoires de personnalité, le début de certains interrogatoires sur les faits et une partie des expertises psychiatriques. Merci pour votre suivi !

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Oct 7
Bonjour à tous ! On entame la cinquième semaine du procès des viols de #Mazan On se penche cette semaine sur les cas de cinq accusés et on abordera aujourd’hui leurs expertises psychiatriques. LT à suivre pour @franceinfo Image
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Dans le public, Carole, 60 ans, vient pour la deuxième fois (elle habite à une dizaine de kilomètres d'Avignon). Elle suit le procès dès qu'elle le peut, sur tous les médias possibles. Elle dit n'avoir "aucune compassion pour les accusés". Image
Sabrina, 24 ans, a "longtemps voulu voir un procès criminel" et s'intéresse à celui-ci car "c'est une affaire dont on entend beaucoup parler" et que la soumission chimique "arrive très régulièrement". Image
Read 164 tweets
Oct 4
Bonjour à tous ! Vendredi 4 octobre, 22e journée d’audience au procès des viols de #Mazan. 👉🏼 Ce matin a lieu un débat sur la diffusion des vidéos des accusés (et notamment : la possibilité qu’elles puissent être vues par les journalistes). LT à suivre pour @franceinfo
Des collages ont été repérés dans les rues d’Avignon, manifestant leur opposition au huis clos partiel pour la diffusion des vidéos. Image
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L'audience est ouverte. Le président annonce que la cour tranchera les conclusions déposées par la partie civile concernant le visionnage des vidéos : il lui "défère" ses pouvoirs, dans le cadre de l'incident soulevé par la partie civile.
Read 118 tweets
Oct 3
Bonjour à tous ! Jeudi 3 octobre, journée dense en perspective au procès des viols de #Mazan avec le début des interrogatoires sur les faits des sept accusés de la semaine. LT à suivre pour @franceinfo
Des amies sont venues d'un petit village près d'Avignon pour "soutenir Gisèle". Elles affirment avoir "de la colère" contre les accusés. "Quand ils disent : 'c'est pas un viol, 'je ne savais pas'... Qu'ils assument au moins !", s'agacent-elles en coeur. Image
Flavia a fait le déplacement avec sa mère. Elle est de passage en France, mais habite habituellement au Chili et aimerait que l'affaire soit "encore plus médiatisée", et que l'on "en parle jusqu'en Amérique latine". Image
Read 175 tweets
Oct 2
Bonjour à tous ! Mercredi 2 octobre, 21e jour d'audience au procès des viols de #Mazan. On entendra aujourd'hui les expertises psychiatriques des sept accusés de la semaine. LT à suivre pour @franceinfo Image
L'audience est ouverte. On entend Joëlle Palma, experte psychiatre, qui aborde d'abord le cas de Simone M., aîné d'une fratrie de quatre enfants. Il est né à Nouméa et est arrivé en métropole en 2001, pour intégrer l'armée.
Il décrit un complexe majeur relatif à la taille de son sexe. Il dit : "je suis juste au-dessus du micro-pénis". Il a eu son premier rapport sexuel à 24 ans, "c'est relativement tardif", dit l'experte.
Read 149 tweets
Oct 1
Bonjour à tous ! Mardi 1er octobre, de retour au tribunal judiciaire d’Avignon pour la 20e journée d’audience. On entendra aujourd’hui principalement les experts psychiatres et psychologues sur le groupe des 7 accusés de la semaine.
👉🏼 LT à suivre pour @franceinfo
Dominique Pelicot est de retour dans son box (il était souffrant hier). Il est assis sur son fauteuil, vêtu d'une polaire grise. Il semble fatigué.
On entend maintenant l'expertise psychologique de Simoné M., 43 ans. Sur les faits, voici ce qu'il dit : "j'y suis allé un soir, je me suis déshabillé dans la cuisine, je me suis allongé à côté de sa femme, Monsieur Pelicot me dictait ce qu'il fallait faire", détaille-t-il.
Read 146 tweets
Sep 30
Bonjour à tous ! On entame la cinquième semaine du procès des viols de #Mazan.
On entendra sept accusés cette semaine. LT à suivre pour @franceinfo
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Une banderole a été déployée dans la nuit devant le tribunal d’Avignon par le collectif féministe "Les Amazones". Elles s’opposent à ce qu’une partie du procès se tienne à huis clos. Image
Un débat devrait avoir lieu aujourd’hui sur ce sujet : la partie civile a déposé des conclusions, qui vont être débattues. Elle s’oppose à la décision du président de la cour criminelle d’exclure les journalistes du visionnage des vidéos des accusés. francetvinfo.fr/faits-divers/a…
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