Vu la demande et l’engouement de beaucoup d’entre vous, je vais vous parler de mon métier.
Avant tout, mes sincères remerciements pour votre enthousiasme et les messages de soutien que vous laissez fréquemment sous mes tweets. Vous êtes top! 🙏
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Dans ce premier thread d’introduction, nous allons parler de l’histoire de cette discipline, dont les concepts sont très anciens, mais qui est jeune dans l’histoire de la médecine.
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On considère souvent que l’anesthésie est née dans les années 1830-40 en Occident lorsqu’on a commencé à utiliser le protoxyde d’azote (ou gaz hilarant) et l’éther lors de chirurgie afin de diminuer les douleurs des patients.
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Il est certain cependant que la préoccupation de pouvoir supprimer la douleur lorsque nous voulons réparer un corps blessé ou malade est aussi ancienne qu’homo sapiens.
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On a retrouvé des très vieux manuscrits chinois, indiens, japonais et de bien d’autres civilisations où l’on utilisait des décoctions de plantes à ingérer ou inhaler afin de procéder à de la chirurgie. Opium, éthanol, alcaloïdes ont été utilisés depuis la nuit des temps.
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Dans notre civilisation judéo-chrétienne, on trouve la première anesthésie dans la Genèse où Dieu plonge Adam dans un profond sommeil afin de lui prélever une côte de laquelle il crée Ève (Symbole d’un patriarcat dont nous ne sommes toujours pas revenus complètement…).
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La date de la naissance de l’anesthésie moderne, semble être disputée dans la littérature. Le 16 octobre 1946 ressort néanmoins : au Massachusetts General Hospital, la démonstration par William Morton d’une anesthésie avec de l’éther.
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Il faut bien se représenter l’avancée du progrès pour la médecine que représentent l’utilisation de l’éther ou protoxyde d’azote ou chloroforme : la chirurgie avant cela était le dernier recours avant le décès, extrêmement dangereuse et tout autant douloureuse.
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En réalité c’est bien le développement de l’anesthésie moderne qui a permis à la chirurgie de se développer, non seulement avec la narcose mais également avec les anesthésiants locaux, dont la cocaïne dès la fin du XIXe siècle en ophtalmologie, ORL et dentisterie.
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Dans ses balbutiements, l’anesthésie générale a été grevée de multiples accidents et de nombreux morts. L’éther peut provoquer, entre autres, des pneumopathies mortelles. Le chloroforme peut entraîner des arythmies cardiaques et est toxique pour le foie.
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On ignorait de plus quasiment toute la physiologie du corps humain, en particulier respiratoire et des risques d’inhalation bronchique (régurgitation du contenu de l’estomac dans les poumons), mais en plus on administrait ces anesthésiants toxiques de manière incontrôlée.
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Dans la première partie du XXe siècle, on a commencé à administrer de l’oxygène aux patients anesthésiés, diminuant le risque d’accidents par hypoxie. On a aussi commencé à développer des machines pour administrer plus précisément les gaz anesthésiants.
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L’intubation, bien qu’inventée depuis plusieurs siècles, n’a commencé à se démocratiser pour l’anesthésie générale qu’avec la première guerre mondiale. L’invention plus ancienne du ballonnet au bout du tube (Dr Trendelenburg 1869) a permis de sécuriser de routine
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les voies aériennes des patients (protections de l’inhalation bronchique) mais aussi de développer la chirurgie cardiaque et thoracique ouverte grâce à la possibilité de ventilation qu’elle permet en toute sécurité (pression positive et PEEP).
(Voir mon thread intubation)
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On aussi appris à contrôler les signes vitaux des patients dont la fréquence cardiaque, la pression artérielle et l’état des pupilles et donc la profondeur de l’anesthésie et les premiers signes de surdosage des anesthésiants.
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Mais c’est après la 2ème guerre mondiale que la pharmacologie anesthésique s’est révolutionnée. L’avènement du thiopenthal intraveineux et des gaz anesthésiants halogénés (halothane) avec beaucoup moins de toxicité et d’effets secondaires, ont ouvert la voie.
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Le monitorage des patients s’est aussi développé avec l’arrivée du contrôle de la saturation en oxygène ainsi que les surveillance invasives de la tensions artérielle, et n’oublions pas le développement de respirateurs avec contrôles très fins de la ventilation.
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En parallèle nous avons fait des bonds de géants dans la compréhension de la physiologie du corps humain et de son métabolisme, des médicaments de soutien cardiovasculaire, rendant petit-à-petit l’anesthésie très sûre et bien tolérée.
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Les curares (poison amazonien 😉) de synthèse et de courte durée d’action, tout comme leurs antidotes, ont également contribué à améliorer la prise en charge des patients et leur conditionnement pour la chirurgie.
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Depuis les années 2000, l’évolution et la démocratisation des médicaments anesthésiants sûr et très bien tolérés (propofol, sévoflurane, rocuronium, sugammadex, etc) mais aussi du contrôle de leur administration (pousses-seringues « intelligents, analyseurs de gaz)…
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… ont donc permis non seulement de développer une culture de la sécurité (que l’on inspire de l’aviation civile), mais aussi de permettre l’évolution de la chirurgie par laparo-, thoraco-, coelioscopie et l’apparition des robots chirurgicaux et bien d’autres techniques.
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Sur le plan locorégional, l’invention, le développement de l’anesthésie spinale (ou rachidienne) et de la péridurale ont aussi révolutionné la prise en charge des patients. En particulier ils ont imposé un nouveau paradigme en obstétrique, autant
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dans le traitement de la douleur lors de l’accouchement de routine, que dans la prise en charge dans l’urgence et les pathologies maternelles comme l’éclampsie. Ce aussi bien pour la sécurité de la mère que de l’enfant.
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Le développement des blocs nerveux périphériques depuis les années 50-60, la démocratisation de l’utilisation de l’ultrason pour leur réalisation depuis une vingtaine d’années a également été une révolution dans la prise en charge de la douleur per- et post-opératoire.
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Notre rôle est la prise en charge personnalisée du patient afin d’assurer confort et sécurité pendant et après la chirurgie programmée, et son conditionnement afin de faciliter le travail du chirurgien.
Travail d’équipe dont la préoccupation principale est le patient.
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En ce qui me concerne, je crois bien qu’au début c’est moi qui ai choisi ce métier, mais avec les années, finalement c’est ce métier qui m’a choisi !
Prochain thread sur l’anesthésie bientôt, avec des sujets plus spécifiques et concrets.
Bisous à vous! Soyez heureux! 😘
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Il y a encore 15-20 ans, alors qu’on connaissait très bien les effets des anesthésiques - comment les utiliser et assurer la sécurité des patients - leur mécanisme profond était encore mystérieux.
Thread👇
2/ Aujourd’hui, on comprend bien mieux, et c’est passionnant !
Outre agir sur des récepteurs particuliers (GABA, NMDA, etc), l’anesthésie fait changer le cerveau d’état, comme l’eau qui peut être glace, liquide ou vapeur.
Même matière - organisation différente.
3/ Pour comprendre le concept, un rappel :
Chaque neurone - comme toute cellule - a une membrane faite de molécules constituées d’une longue queue lipidique surmontée d’une partie hydrosoluble.
Les graisses détestent l’eau, donc s’assemblent, donnant la fameuse double couche lipidique.
2/ Le diabète est une maladie chronique liée à un défaut d’insuline, l’hormone qui contrôle notre glycémie (taux de sucre dans le sang).
Deux grands types existent :
📌 Type 1 : maladie auto-immune (enfants, jeunes adultes)
📌 Type 2 : lié au mode de vie (adultes plus âgés).
3/ Ici on va parler uniquement du diabète de type 1, dit « juvénile » :
🔸 rappel sur l’insuline
🔸 court rappel sur le métabolisme énergétique de la cellule
🔸 la clinique du diabète
🔸 le décompensation diabétique (acidocétose)
🔸 Diagnostic, traitement.
Les antibiotiques ont changé le monde. Littéralement.
1/ L’espérance de vie humaine a fortement augmenté au XXe siècle.
Pourquoi ?
On pense à l’hygiène, à la nutrition, aux vaccins. À juste titre.
Mais un acteur est souvent sous-estimé : les antibiotiques.
2/ Avant leur apparition, une infection courante pouvait être fatale.
Une pneumonie, une scarlatine (une infection à streptocoque du groupe A), une plaie infectée ou une fièvre puerpérale suffisaient à tuer.
L’arrivée de la pénicilline change tout : la mortalité recule.
3/ 📈 Selon un article de synthèse (2019) :
« En un peu plus de 100 ans, les antibiotiques ont profondément transformé la médecine moderne et allongé l’espérance de vie moyenne de 23 ans. »
🔬 Épisode spécial — Études rétrospectives observationnelles
Comment les lire ?
Pourquoi ≠ preuve ?
Quels biais fréquents ?
Savoir lire une étude c’est un métier. Mais quelques petits trucs peuvent déjà aider à comprendre.
Je vous propose un petit thread tuto simple. ⏬️
1/ Ces études sont fréquentes, surtout en santé publique.
Elles consistent à analyser des données déjà existantes, en comparant deux groupes (par exemple : personnes buvant du café vs non-buveurs), et à observer la fréquence d’un événement dans chaque groupe.
2/ Elles peuvent révéler une association (ex. : les buveurs de café ont plus ou moins de maladies cardiaques),
mais ne permettent pas de dire que le café protège ou provoque quoi que ce soit.
2/ Des études observationnelles effectivement rapportent une association entre usage fréquent/prolongé de paracétamol pendant la grossesse et des troubles neurodéveloppementaux (autisme, TDAH).
3/ Mais attention !
☝️Association ≠ causalité.
Énormément de facteurs entrent en compte dans l’origine de l’autisme : familiaux, génétiques, infectieux, environnementaux, etc.