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Oct 23, 2024 134 tweets 19 min read Read on X
Bonjour à tous ! Mercredi 23 octobre, c’est la 35e journée d’audience au procès des viols de #Mazan On entend aujourd’hui Gisèle #Pelicot : il y a donc beaucoup de public pour l’occasion, devant le tribunal d’Avignon 👉🏼 LT à suivre pour @franceinfo Image
@franceinfo "On finissait le repas, quand il y avait un match de football, je le laissais regarder. Il m'apportait ma glace au lit, à la mi-temps. Je lui disais : 'la chance que j'ai, t'es un amour, tu prends vraiment soin de moi'", poursuit Gisèle Pelicot.
@franceinfo Dominique Pelicot a raconté vendredi qu'il écrasait les cachets de Temesta dans la nourriture de son épouse, et notamment dans cette fameuse glace, qu'il avait l'habitude de lui préparer.
@franceinfo "Je n'ai pas eu de vertiges, je n'ai pas eu le coeur qui s'est emballé. J'ai dû sombrer très très vite dans le néant. Le lendemain, je me réveillais avec mon pyjama. J'étais plus fatiguée que d'autres matins", se souvient Gisèle Pelicot.
@franceinfo "Mais je marchais beaucoup. Je mettais ça sur le compte que j'avais peut-être trop forcé. Et bien sûr, j'ai eu des problèmes gynécologiques. Plusieurs matins, je me réveillais avec l'impression d'avoir perdu les eaux : j'ai eu plein de signaux, mais on n'a jamais su les décoder".
@franceinfo "J'ai appris que j'avais été violée en pleine journée, ça m'a posé question. Je prenais mon petit-déjeuner dans la cuisine : jus d'orange, miel, confiture, pain grillé, café. Il a très pu le verser dans mon jus d'orange, ou dans mon café", estime-t-elle.
@franceinfo "Mais je n'ai pas senti le moment où je partais. Sauf la fois où j'ai pris rendez-vous chez la coiffeuse : je partais sur le côté. Il m'a dit : 't'es pas bien, je t'emmène'. Je me souviens avoir poussé la porte du salon de coiffure (...)"
@franceinfo "La coiffeuse a pensé que j'avais fait un AVC. Elle m'a fait ma couleur, coupé les cheveux, fait le brushing : je n'ai aucun souvenir. Après, je suis rentrée, et c'est le trou noir", décrit-elle.
@franceinfo "Dans le mobile, est-ce qu'il pourrait y avoir une part de vengeance ? Une forme d'humiliation, accolée à des actes sexuels ?", lui demande le président.
@franceinfo "J'y ai pensé. Au regard des vidéos diffusées dans cette salle. Je ne les regarde plus. Je les ai toutes visionnées en mai / juin : j'ai vu les pinces, j'ai vu les sextoys…", détaille-t-elle.
@franceinfo "Ca m'a effleuré l'esprit de me dire : 'est-ce qu'il ne s'est pas jamais remis du coup de canif dans le contrat, du fait que j'ai eu un amant dans ma vie ?'. Je me suis sentie responsable de cette part de vengeance chez lui", déclare Gisèle Pelicot.
@franceinfo "Mais on en a beaucoup parlé. Lui aussi a eu des maîtresses. On se disait : 'ce qui compte aujourd'hui, c'est qu'on soit ensemble'", précise-t-elle.
@franceinfo Le président l'interroge sur "la racialisation des contacts". "Est-ce qu'il n'y avait pas un désir d'ajouter quelque chose qui puisse être interprété comme une forme humiliation supplémentaire ?", demande Roger Arata.
@franceinfo "C'est intéressant, car on m'a posé la question au tout début, de savoir si j'étais raciste. Les gens de couleur, les races, ne me posent aucun problème. Mais en matière de sexualité, j'ai encore le droit de choisir : mon partenaire, c'était monsieur Pelicot", répond-elle.
@franceinfo Quant à l'humiliation, "je ne pourrais pas répondre à sa place", ajoute-t-elle.
@franceinfo Une assesseuse lui demande des précisions sur la manière dont elle a annoncé son infidélité à son mari. "Je lui ai annoncé cette relation, j'étais dans la salle de bain. Il avait des doutes, il a fini par me dire : 'j'ai besoin de savoir'. Et je lui ai avoué", rapporte-t-elle.
@franceinfo "Et ça, pour lui, ça a été extrêmement dur. Il m'avait mise sur un tel piédestal, qu'il ne pouvait pas imaginer ça une seconde", analyse Gisèle Pelicot.
@franceinfo Son amant était ingénieur et travaillait dans la même société qu'elle. "C'était un ami, car j'étais la marraine de son fils. Ce n'était pas quelqu'un qui était associé à monsieur Pelicot", souligne-t-elle.
@franceinfo "Vous êtes toujours dans un sentiment de culpabilité ? De vous penser responsable de ce qui vous arrive ?", lui demande son avocat, Stéphane Babonneau.
"Aujourd'hui, je ne me sens responsable de rien : j'ai été victime. Mais les victimes ont énormément de mal à cheminer par rapport à ça : il y a une culpabilité. Il y a des choses à comprendre et à faire évoluer, par rapport à cette culture du viol", considère la septuagénaire.
"Je voudrais revenir sur autre chose qui m'a profondément blessée. L'avocat d'une accusé a dit : 'à quel moment avez-vous eu l'impression de commettre un viol ? Pendant la fellation ou après la pénétration ?'", relate-t-elle.
"J'avais l'impression qu'on échangeait une recette de cuisine : 'on met la farine avant les oeufs ou le sucre après les oeufs ?' Pour moi, cette question était insultante", affirme-t-elle.
Son avocat l'interroge ensuite sur une phrase, prononcée par une avocate de la défense, qui "faisait une différence entre le viol, projeté dans la salle, de Monsieur Pelicot sur vous, qui avait des paroles très crues" et "les gestes doux" de certains accusés.
"Pour moi, un viol en lui-même est une violence inouïe. Dans cette vidéo, je dis : 'j'ai mal'. Mais quand on voit ces hommes venir soit disant me caresser : elle est où la différence ? Ils sont en train de me souiller", dit-elle, indignée.
L'avocat général lui demande ce qu'elle pense des excuses formulées par une partie des accusés à son égard. "Elles sont inaudibles. Car, quand ils s'excusent, ils s'excusent eux-même", estime Gisèle Pelicot.
"Vous avez pu vous exprimer à deux reprises, avec beaucoup de dignité et de force. Comment tenez-vous aujourd'hui ? Et dans la perspective des semaines qui viennent ?", poursuit l'avocat général.
"Autour de moi, j'entends beaucoup de femmes et d'hommes qui me disent : 'vous avez énormément de courage'. Ce n'est pas du courage, c'est de la volonté et de la détermination, pour faire avancer cette société", lance Gisèle Pelicot d'une voix assurée.
"Pour moi, le courage, c'est aller sauver quelqu'un en mer… Dans mon cas, c'est de la volonté et de la détermination : c'est pour ça que je viens tous les jours. Je suis les débats de près. J'entends des choses inaudibles. Mais tout homme a droit à une défense", observe-t-elle.
"Et je tiens parce que toutes ces femmes et ces hommes sont derrière moi aujourd'hui. Toutes ces femmes et ces hommes victimes de viols dans cette société", conclut-elle, en réponse à l'avocat général.
L'avocate générale s'arrête sur "un complexe d'infériorité" qu'aurait eu Dominique Pelicot à l'égard de son épouse. La magistrate reprend les mots de celle-ci et lui demande ce qu'elle entend par là.
"Quand j'ai rencontré Dominique, j'ai toujours été entourée d'amour : ma grand-mère, mes tantes, j'ai baigné dans cette atmosphère-là. Mais Dominique, c'était tout le contraire : il avait un père tyrannique, qui ne laissait rien passer", se souvient-elle.
"Et je pense que c'est ça qui a fait la différence. Il est rentré dans la famille, il est venu travailler dans l'entreprise de mon cousin. Il a découvert un monde avec de l'harmonie, de la douceur, de la compréhension, que lui n'avait pas", estime Gisèle Pelicot.
"Donc c'est plus le registre affectif, que le niveau social", analyse l'avocate générale. Gisèle Pelicot acquiesce. "J'ai essayé de compenser les moments difficiles de son enfance. Il a commencé à être heureux quand il m'a rencontré", considère-t-elle.
L'avocate générale lui demande si elle n'a pas observé de la jalousie de sa part, envers des personnes qui auraient mieux réussi que lui. "Je n'ai jamais ressenti de la jalousie, mais je peux me tromper, car je me suis quand même pas mal trompée", glisse-t-elle.
Elle estime que son frère, Joël Pelicot, "a beaucoup menti à cette barre". "Il dit que ses parents ne sont pas comme ci, pas comme ça. Je l'ai rencontré à 19 ans : il n'avait pas un centime car il donnait tous à ses parents", assure-t-elle.
Le compte-rendu du témoignage de Joël Pelicot, très à charge contre son petit frère, est ici👇🏼francetvinfo.fr/faits-divers/a…
"Ca a choqué sa soeur aussi, qui a suivi dans la presse ce qui a pu se dire. Elle a été profondément blessée", assure Gisèle Pelicot.
"Vous indiquez qu'il a menti. Est-ce qu'il a menti sur tout ?", l'interroge Guillaume de Palma, avocat de la défense.
"Il a dressé un tableau idyllique. Il a la mémoire courte quand il dit que leur mère était heureuse avec leur père. Non, cette femme n'a pas été heureuse. Il était tyrannique, autoritaire, il avait raison sur tout", décrit la septuagénaire.
"Il s'est permis de donner des photos de notre mariage, sans me consulter. Il a donné des photos de la résidences de sa nièce. Je n'ai jamais compris comment il avait pu se permettre de donner une interview à 'Paris -Match' en parlant de moi. Je n'ai pas pardonné", dit-elle.
"De votre mari, j'ai l'impression que vous vous estimez plus trahie que violée", observe un autre avocat de la défense, Stéphane Simonin. "Non : trahie et violée. Il n'y a pas de distinguo", tranche Gisèle Pelicot.
Une autre avocate de la défense cite des déclarations qu'elle avait faite auprès de la juge d'instruction, avant le procès, dans lesquelles Gisèle Pelicot disait ne pas vouloir parler aux médias, refuser de faire "les choux gras" de la presse.
"Je n'ai pas souhaité aller dans les médias dans un premier temps. Maintenant, j'ai cheminé, et j'ai pris la décision de lever ce huis clos, en me disant que mon exemple pourrait servir aux autres. Je n'ai pas regretté mon choix depuis le 2 septembre", répond-elle sans hésiter.
Le témoignage de Gisèle #Pelicot, à mi-parcours du procès, s'arrête ici : il aura duré 1h30. L'audience est suspendue, elle reprendra à 14 heures.
L'audience a repris : voici mon compte-rendu de la matinée👇🏼francetvinfo.fr/faits-divers/p…
L'audience a repris, avec l'enquête de personnalité de Patrice N., 55 ans. Il se décrit spontanément "comme une personne généreuse, plutôt extravertie avec ses amis, mais pouvant aussi être timide avec les femmes", détaille l'enquêtrice.
Une ex-compagne "lui reproche un côté trop exubérant, qui manque de discrétion et une tendance à être pote avec tout le monde".
Dans son entourage, "personne ne conçoit qu'il puisse adopter des attitudes inappropriées avec les femmes", relève-t-elle.
"C'est une personne saine, il a une bonne réputation", lui a assuré l'un de ses amis, qui témoignait ce matin à la barre.
On passe à l'enquête de personnalité de Jean-Luc L., 46 ans. Cet homme, né le 1er septembre 1978 au Vietnam, comparaît détenu pour être allé deux fois à Mazan.
Il est le cadet d'une fratrie de trois enfants. Jean-Luc L. a émigré avec une partie de sa famille à l'âge de 6 ans, vers la Thaïlande, "à la recherche d'une situation matérielle plus décente".
Une de ses soeurs se souvient d'une "traversée sur un bateau quand ils étaient enfants". La fratrie est arrivée en Thaïlande avec leur mère. Tous sont restés quatre ans dans un camp de réfugiés vietnamiens. Quand Jean-Luc L. avait 9 ans, ils ont émigré en France.
La famille a été prise en charge par un centre de réfugiés à Créteil, puis elle a été envoyée à Miramas, dans un foyer. La mère de Jean-Luc L. et son conjoint, qu'elle a rencontré en Thaïlande, ont travaillé dans la culture du melon, à Cavaillon.
Jean-Luc L. n'a revu son père que bien plus tard, à l'âge de 20 ans. Mais il affirme à l'enquêtrice "ne pas avoir souffert d'un manque d'amour" car il était "très soudé" avec sa mère et sa fratrie.
Jean-Luc L. a passé un CAP menuiserie aluminium. Puis il a travaillé dans une entreprise de vérandas. Son employeur parle de lui comme "un bon exécutant, très respectueux de tout le monde, qui correspond à l'image que l'on se fait d'un asiatique : discret, travailleur".
L'enquêtrice de personnalité dit n'avoir "pas entendu de critiques à son égard" par son entourage. "Professionnellement, il très bien considéré", ajoute-t-elle.
"Certains pensent qu'il est un peu naïf", relève l'enquêtrice de personnalité.
On entend maintenant l'ex-compagne de Quentin H., 34 ans. Elle est auxiliaire de puériculture. Ils se sont rencontrés en septembre 2018, sur un site de rencontre. Les faits le concernant datent de novembre 2019.
"Il était normal au début. Puis il a commencé à changer. Il est devenu égocentrique. Tout tournait autour de lui tout le temps. Il mentait…", décrit-elle à la barre.
"Essayez de développer", lui demande le président. "J'ai découvert par des courriers qu'il ne payait pas les loyers, qu'on avait une menace d'huissier de tout saisir", illustre cette femme, qui parle d'une voix très calme.
Le président lui demande de décrire leurs rapports intimes. "Dans le respect", dit-elle. "La fréquence ?", poursuit Roger Arata. "Je dirais une fois par semaine", répond-elle.
Il était surveillant pénitentiaire à Meaux, en Seine-et-Marne, au début de leur rencontre. Il a été muté en août 2019 au Pontet, à Avignon. "C'est lui qui a demandé à être muté dans le Vaucluse ?", lui demande une assesseuse. "Oui, moi, ça m'était égal", répond-elle.
"Vous avez parlé d'un aspect manipulateur de sa part", relève l'avocate générale. "Quand on voit de quoi il est accusé, on peut douter de tout", estime-t-elle.
"Depuis votre séparation, vous avez du ressentiment ?", lui demande l'avocate générale. "Je n'ai plus aucune considération pour lui, mais la séparation s'était bien passée", répond-elle.
L'avocate de Quentin H. lui demande si elle est certaine de ne plus avoir de ressentiment vis-à-vis de son client, étant donné qu'elle l'a traité de "grosse merde" sur Facebook, espérant "qu'il allait prendre 20 ans de prison". "Oui, je l'ai dit", répond simplement l'intéressée.
On entend à présent une amie d'enfance de Quentin H. "On se connaît depuis la maternelle". "En 2015, j'ai été victime d'un accident, je me suis retrouvée seule, avec des soins médicaux longs et douloureux et c'est surtout Monsieur H. qui a été là pour moi", assure-t-elle.
"Il m'a aidée à monter ma société. Je l'ai vu évoluer pendant toutes ces années, devenir quelqu'un de responsable, impliqué dans son travail. Impliqué avec sa filleule", détaille-t-elle, relevant qu'il "est un peu influençable et a gardé une part d'immaturité".
"Quand on m'a annoncé qu'il était en garde à vue, je ne l'ai pas cru. J'ai cru qu'on me faisait une très très mauvaise blague. Je suis vraiment tombée des nues. Sciemment, jamais il aurait pu commettre ce genre de faits", estime-t-elle.
"Au début, j'ai eu un gros effet de choc. Je lui ai dit : 'il faut que tu me racontes ce qu'il s'est passé réellement'. Il m'a raconté les faits", poursuit-elle, sans préciser ce qu'il lui a dit.
Elle reconnaît toutefois avoir été surprise d'apprendre qu'il allait sur Internet pour tromper sa compagne. "Ce n'est pas le genre de chose avec lesquelles je peux être d'accord", dit-elle. "Après, s'il pouvait avoir envie de tester quelque chose…", avance-t-elle.
On passe à présent à l'expertise psychiatrique de Quentin H., menée par le docteur Serge Suissa, qui s'exprime en visioconférence.
"Il n'a jamais eu affaire à la police et la justice jusqu'à présent", relève le psychiatre.
"Il est fils unique. Ses parents étaient fonctionnaire", poursuit-il, parlant d'une "enfance sans particularité". "Il dit qu'il n'a manqué de rien, il ne présente pas de carences affectives, ni éducatives", détaille l'expert.
Dans un premier temps, il a été embauché dans la police comme adjoint à la sécurité, de 2010 à 2015. Puis il se fait embaucher comme agent de sécurité privée, de 2015 à 2017. Il deviendra ensuite agent pénitentiaire.
Le psychiatre lui demande pourquoi il est tant attiré par le domaine de la sécurité ? "Je voulais me lever chaque jour et avoir affaire à des éléments aléatoires, du nouveau", a déclaré Quentin H., assurant "ne pas supporter la routine".
Il parle d'un "sujet calme, coopérant, bien adapté à l'examen". "Son discours est cohérent, il ne présente pas de signe de confusion mentale. Il sait ce qui est interdit et ce qui ne l'est pas", souligne l'expert psychiatre.
"Il n'y a pas de symptômes psychotiques chez lui, pas de trouble de la personnalité de type psychopathique, antisociale, paranoïaque. Seulement des traits d'immaturité affective et d'instabilité, mais sans dimension de pathologie franche", expose-t-il.
Sur les faits, voici ce qu'il déclare au psychiatre : "sur le site Coco, j'ai rencontré le mari de cette femme. Il me vend ça comme un fantasme de couple. Je lui donne mon numéro de téléphone. Il me recontacte deux semaines après, pour me proposer un créneau", rapporte l'expert.
"On convient d'une date. Je rentre dans sa maison. Il commence à avoir une relation sexuelle avec sa femme. Après, il m'invite à avoir une relation avec cette femme. Il y a eu pénétration vaginale. Le rapport aurait duré une demi-heure", poursuit l'expert psychiatre.
"Il ne m'avait pas dit que c'était sa femme", soutient Quentin H. à l'expert. "Il disait que c'était une amie", ajoute-t-il. "J'ai été pris un peu pris dans un piège, même s'il ne m'a pas forcé", reconnaît-il.
Il s'attendait à être interpellé quand il a vu l'affaire sortir dans les médias : "j'étais pas serein dans ma vie de tous les jours", déclare-t-il à l'expert. "J'ai joué, j'ai perdu", estime cet amateur de casinos.
"Il évoque un sentiment de honte, parle des conséquences pour lui, dit qu'il va perdre son emploi, sa compagne", poursuit l'expert, qui note qu'il a "peu de considération pour la victime".
Le président souligne que Quentin H. consommait régulièrement de la MDMA au moment des faits, qu'il s'échangeait d'ailleurs avec un autre accusé. Il lui demande si ça pourrait "influer sur sa responsabilité". L'expert estime que non.
L'assesseur souligne que l'experte psychologue a parlé hier de "paraphilie autour d'une forme de domination", ce que n'a pas relevé le psychiatre. Elle a également décelé chez lui "des traits psychopathiques", ce qu'il ne relève pas non plus. Les expertises sont assez opposées.
L'avocate générale s'interroge sur "une ambivalence" chez Quentin H., observant qu'il a "un attrait pour les métiers d'autorité" et, en même temps, "une propension a transgresser la loi pénale, puisqu'il a pu acheter des produits stupéfiants, en consommer et même en revendre".
Le psychiatre y voit un attrait pour "la découverte de choses nouvelles", "une curiosité", relevant que celui-ci a déclaré "ne pas avoir pris de plaisir".
"Il n'a pas pris de plaisir, c'est ce qu'il déclare. Mais il n'a pas fait demi-tour non plus", souligne l'avocate générale.
Fanny Pierre, l'avocate de Quentin H., remercie le psychiatre, dont le rapport tranche avec celui de la psychologue hier. Elle regrette que celle-ci ait qualifié son client de "psychopathe" et que ça ait été repris dans les médias.
Elle déplore également que la défense soit "vilipendée depuis le début de ce procès" quand elle veut émettre des doutes sur le fait que Gisèle Pelicot ne se soit jamais rendue compte de rien.
On entend maintenant Quentin H., invité à s'exprimer dans le cadre de son interrogatoire de personnalité. "J'ai vécu mon enfance dans le nord de la France, chez mes parents. J'ai une demi-soeur et un demi-frère plus âgés que moi", déclare-t-il d'un ton calme.
"Au niveau des faits, j'ai aucun souci particulier, toute ma famille me soutient, toute ma famille est derrière moi. Mes parents ne sont pas fiers, tout comme moi : ils ont été déçus. Mais ils ont toujours été là pour moi et le sont toujours actuellement", affirme Quentin H.
"J'ai passé le concours d'adjoint à la sécurité, en formation à l'école de police. J'ai été affecté comme CRS autoroutière à Villeneuve-d'Ascq", détaille-t-il, précisant avoir loupé son concours au sein de la police, qui lui aurait permis de monter d'échelon.
Il a ensuite passé une formation d'adjoint à la sécurité privée, à la suite de laquelle on lui a proposé un CDI en sécurité privée. Puis il a passé le concours de surveillant pénitentiaire, qu'il a obtenu.
Il a travaillé de 2017 à 2019 à Meaux, en Seine-et-Marne. Et à Avignon, "ils cherchaient une quarantaine de personne : j'ai postulé, j'ai été pris", relate-t-il, précisant qu'il n'avait "pas d'attaches, pas d'enfants".
Après ses poursuites, dans le cadre de ce procès, il a voulu démissionner du pénitentiaire, "mais ça a été refusé", assure-t-il. Il a dû longuement insister. Ils ont fini par accepter. "Ca m'a permis de passer le concours d'ambulancier", explique-t-il.
Quentin H. est désormais auxiliaire ambulancier depuis "plus ou moins un an".
Il a eu plusieurs relations d'une durée d'un an ou plus. "Au début de mes relations, j'étais plus demandeur (sur le plan sexuel). Et au fil du temps qui passe, c'était plutôt une fois par semaine, la routine", explique-t-il.
"Le site Coco, je m'en suis servi pour revendre de la MDMA et de l'ecstasy, j'en suis pas fier. C'était pas pour faire des rencontres", assure Quentin H.
Il explique avoir acheté et revendu ces drogues de synthèse pour arrondir ses fins de mois. "J'ai eu un prix de 300 euros, je pouvais revendre 3 ou 4 fois plus cher", précise-t-il.
"Vous êtes en couple ?", lui demande une assesseuse. "Oui, ça va faire deux ans en décembre", répond Quentin H."Vous êtes rarement resté seul", observe-t-elle. "C'est vrai qu'en tout et pour tout, j'ai peut-être eu un an de célibat", relève le trentenaire.
Quentin H. a expliqué ne pas avoir été "serein" à partir de novembre 2019. "Oui parce que, dans le cadre de mon travail, j'étais abonné à des pages de la police et de la justice. J'ai vu l'article comme quoi monsieur Pelicot avait été arrêté", relate-t-il.
"J'ai fait le rapprochement et je me suis dit que tôt ou tard, la police allait venir frapper à la porte", poursuit-il. "Cette absence de sérénité date de quand monsieur Pelicot a été interpellé ? Pas du moment où vous êtes sorti du domicile ?", demande l'assesseuse.
"Si, si, je me suis rendu compte une fois dans mon véhicule que j'avais fait une grosse erreur et j'ai voulu sortir ça de ma mémoire", explique Quentin H.
L'avocate générale revient sur sa revente de MDMA et s'étonne qu'il se soit lancé là-dedans, au regard de son métier de surveillant pénitentiaire. "J'ai pas d'explications, j'ai eu la possibilité, je l'ai fait, même si c'est pas légal, pas entendable", reconnaît-il.
"J'étais pas serein d'avoir fait ce choix là. J'ai fait ça comme un débile. Je l'ai remonté dans le train. La proportion du risque par rapport au bénéfice dégagé n'était vraiment pas intéressante", ajoute-t-il.
"Pourquoi on consomme plus de MDMA dans le nord que dans le sud ?", lui demande son avocate.
"Dans le nord, on est à côté de la Belgique et des Pays-Bas, on fait plus de soirées électroniques et technos que dans le sud. Y'en a qui écoutent du rap et fument des pétards. Et y'en a qui écoutent de la techno et prennent de la MDMA", analyse-t-il.
L'avocate lui demande pourquoi ses parents, sa soeur, sa conjointe actuelle n'ont pas témoigné. "Je n'ai voulu faire venir personne : c'est mon problème et j'assume", explique-t-il.
On passe à l'interrogatoire de Jean-Luc L., qui s'exprime depuis son box, détenu pour être allé deux fois à Mazan. Il revient sur sa première union, avec son ex-compagne. Ensemble, ils ont eu deux enfants. Celle-ci l'a mise à la porte et est ensuite décédée dans un accident.
Jean-Luc L. a eu une seconde union avec sa compagne actuelle, venue témoigner ce matin. Il est toujours avec elle. L'homme s'occupe donc de ses deux premiers enfants et en a eu deux autres avec elle.
Son plus jeune fils a une grave maladie. "Ils ont ouvert deux fois sa tête, pour faire de la place au cerveau", décrit-il.
Il revient sur son départ du Vietnam, quand il était enfant, pour la Thaïlande. "On a passé sept jours en mer. Au début, il y avait manger et à boire. Mais après, c'était la catastrophe, il n'y avait plus rien", relate-t-il, très calme.
"On est arrivés en Thaïlande, on est restés quelques années dans un camp fermé. Ils ont distribué un mètre carré par personne. On dormait dans une moustiquaire. C'était dur. Il y avait des rats, c'était sale", relate-t-il, précisant qu'ils sont restés "trois ou quatre ans".
"Ma mère a fait une demande aux Etats-Unis pour rejoindre mon père, mais ça a été refusé. Donc elle a fait
une demande en France. Ca a été accepté. On a pris l'avion, on est arrivés à Créteil, je suis resté deux semaines. On est descendus à Miramas", détaille-t-il.
"Ma mère a trouvé un travail : de la fabrication de cagettes. J'avais 10/11 ans. On est restés à Miramas pendant six mois. J'étais en CM2. Je ne connaissais même pas le français. A Cavaillon, je redoublais chaque classe", précise-t-il.
"Vous avez pu acquérir les fondamentaux ?", demande le président. "Un tout petit peu. J'ai fait une troisième Segpa. J'ai passé un CAP, j'ai pas réussi. J'ai eu le pratique mais pas le théorique. Mais mon patron m'a embauché. Je suis resté 21 ans", relate-t-il.
Jean-Luc L. reconnaît avoir testé une fois l'échangisme. Et avoir eu une relation homosexuelle, mais indique que ça ne lui a pas plu.
On passe au dernier interrogatoire pour le groupe d'accusés de cette semaine : celui de Patrice N., 55 ans. Cet homme grand, mince, grisonnant, comparaît libre. Il est vêtu d'une chemise bleu marine.
Il est né le 9 juin 1969, en Isère. "Je suis arrivé ici à 2 ans. Mes grands-parents ont vendu le restaurant en Isère et ont pris un bar à Carpentras. Mon père était barman chez eux. On les a suivis", relate-t-il.
"A 14 ans, je sentais mon père qui était pas bien. Un jour, il me dit : 'j'ai quelque chose à te dire'. Il me prend les mains et me dit : 'je vais partir'. Je dis : 'où tu vas partir papa ?' Il me dit : 'je m'en vais, je retourne en Normandie'", se souvient l'accusé.
"Ma mère n'était pas au courant. Elle me dit : 'mais non, tu as dû mal comprendre'. Mais il a confirmé : ça a été plus conflictuel... Un jour, il n'avait pas les clefs de la maison, il a hurlé sur ma mère, je lui ai mis un coup de poing", rapporte-t-il.
"Pendant neuf ans, j'ai pas voulu le revoir. Je l'avais au téléphone, je l'insultais. Pour moi, il m'avait abandonné", estime Patrice N.
Un an avant sa mort, il apprend que son père a une grave maladie. "Je suis allé à l'hôpital, j'ai rencontré ma demi-soeur. Ca s'est très bien passé toute la semaine. J'étais triste d'avoir perdu tout ce temps avec mon père. On est jeune, on est con...", déclare-t-il, ému.
Il parle d'une première union, avec une certaine Lydia, rencontrée quand elle avait 20 ans, lui 28 ans. Ils ont eu deux enfants. Se sont séparés début 2005. Puis il a rencontré Céline, avec qui il est resté dix ans. Ils se séparent en 2015.
Celle-ci l'a accusé de l'avoir frappé, mais "il y a eu une relaxe", souligne-t-il.
Puis il rencontre Frédérique. "Je pensais que je finirais mes jours avec, j'étais fou amoureux d'elle. Je lui ai même acheté un camping-car", glisse Patrice N., ce qui faire sourire le président. "Quelle preuve d'amour", glisse le magistrat avec une pointe d'humour.
"Je n'ai pas eu trop le temps de m'en servir. Ca a duré trois ans. Elle a voulu arrêté. Elle n'avait pas les mêmes optiques que moi. Elle a vécu 25 ans avec quelqu'un. Dès qu'ils ont commencé à se reparler, je sentais du changement dans son comportement", relate-t-il.
Le président note un "parcours professionnel linéaire", au cours duquel il a "correctement gagné" sa vie en tant qu'électricien. "J'avais une entreprise individuelle, avec des salariés", précise Patrice N.
Il parle de sa compagne actuelle, Sonia, qui a apporté un témoignage très positif le concernant ce matin. "Cette dame, elle est exceptionnelle. Je pense que j'ai trouvé chaussure à mon pied", lance-t-il avec enthousiasme.
"Son témoignage m'a ému ce matin. Parfois, quand on se dispute, je lui dis : 'tu es avec un violeur'. Elle me dit : 'arrête, je ne veux pas t'entendre dire ces mots là'. Je vous dis : j'ai trouvé une chaussure qui vraiment me va comme un gant !", se réjouit-il.
Son avocate souligne que Patrice N. a payé lui-même ses rendez-vous chez la psychologue. "J'ai payé des séances, parce que j'en avais besoin, et il y avait de l'hypnose en plus", pointe-t-il.
Il tient à relativiser le portrait qui a pu être fait de lui, parlant de rencontres avec des prostituées, de libertinage etc...
"Les prostituées, ça m'est arrivé une fois : j'avais 18 ans, c'était pour mon anniversaire. Et les sites pornographiques, non : des amis m'envoyaient des photos, mais rien d'autre. Le libertinage, j'y allais quand j'avais rien à faire, c'était pas ma passion", détaille-t-il.
L'audience est suspendue. On entendra demain les six accusés de la semaine sur les faits. Merci à tous d'avoir le fil de cette journée, très dense, pour @franceinfo

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Feb 24
Bonjour à tous ! Aujourd'hui débute le procès-fleuve de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, jugé devant la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, pendant plus de trois mois. C’est la plus importante affaire de pédocriminalité que la France ait connue. LT ici pour @franceinfo Image
A ce jour, 467 journalistes et dessinateurs de presse sont accrédités, représentant environ 110 médias dont 40 médias étrangers.
Aujourd'hui âgé de 74 ans, Joël Le Scouarnec est poursuivi pour des viols et agressions sexuelles aggravées sur 299 patients, la plupart mineurs au moment des faits. Ces actes auraient été perpétrés entre 1989 et 2014, dans des hôpitaux où il a exercé.
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Dec 20, 2024
200 Espagnoles sont rassemblées devant le tribunal d’Avignon. Elles ont fait la route depuis l’Espagne cette nuit, en car et en voiture, pour venir apporter leur soutien à Gisèle #Pelicot et à toutes les femmes victimes de violences sexuelles.
Elles viennent surtout de Catalogne, mais aussi de Madrid. Certaines arrivent même d’Estrémadure (à côté du Portugal) et de Majorque.
Dans la foule, beaucoup de panneaux "merci Gisèle" Image
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Dec 16, 2024
Bonjour à tous ! Lundi 16 décembre, dernière semaine du procès des viols de #Mazan On entend aujourd’hui les deniers mots des accusés. Puis la cour criminelle du Vaucluse partira délibérer, en théorie jusqu’à jeudi. LT à suivre pour @franceinfo Image
Le public est toujours au rendez-vous, les journalistes aussi. Une jacinthe a été accrochée aux grilles du tribunal, pour Gisèle Pelicot. Image
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Les accusés auront 15 minutes maximum pour s’exprimer, s’ils le souhaitent. Dominique Pelicot devrait parler en premier.
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Dec 10, 2024
Mardi 10 décembre au procès des viols de #Mazan. On continue à suivre les plaidoiries de la défense, au tribunal judiciaire d’Avignon. LT à suivre pour @franceinfo Image
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On entend la plaidoirie de Margot Cecchi pour Hugues M., 39 ans. Elle débute en se disant "abasourdie, triste, un peu en colère, surtout en colère" car le dossier de son client a, selon elle, "été emporté dans le dossier Pelicot".
"Je suis en colère de voir à quel point la justice s'affranchit de son courage face à l'ampleur de ce dossier qui a manifestement dépassé les membres de l'institution", poursuit-elle d'une voix calme.
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Nov 27, 2024
Bonjour à tous ! Mercredi 27 novembre, 52e jour d’audience au procès des viols de #Mazan On termine ce matin les réquisitions pour les derniers accusés. Puis on entendra cet après-midi la plaidoirie de Béatrice Zavarro, l’avocate de Dominique Pelicot. LT à suivre pour @franceinfo Image
Il reste quatre accusés pour lesquels les réquisitions doivent être prononcées.
L'audience est ouverte. On entame l'examen de Jérôme V., 46 ans, poursuivi pour être venu six fois à Mazan : en mars 2020, deux fois avril 2020, deux fois en mai 2020 et en juin 2020.
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Nov 26, 2024
Mardi 26 novembre, 51e jour d’audience au procès des viols de #Mazan On poursuit aujourd’hui les réquisitions pour les 30 accusés restant. LT à suivre pour @franceinfo Image
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Gisèle #Pelicot est arrivée, les caméras toujours braquées sur elle
L'audience est ouverte. On entame cette 2e journée de réquisitions fleuve avec Boris M., 37 ans. Il comparaît libre et est poursuivi, comme la grande majorité des accusés, pour "viols avec plusieurs circonstances aggravantes".
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