Les principaux médicaments de l’anesthésie générale.
Aujourd’hui je vais tenter de vulgariser ce domaine qui peu paraître mystérieux même pour certains inquiétant. On va essayer ensemble de le démystifier.
Mes excuses aux collègues qui me liront et qui me trouveront trop simpliste : cette publi est à l’attention des profanes.
Nous avons vu dans mon thread sur l’histoire de l’anesthésie qu’aux balbutiements de la discipline, on devait doser des substances toxiques sans réel monitorage, pour que le patient dorme vraiment.
Tout ça, ça avait des sacrés inconvénients…
Ces substances étaient toxiques, on ne comprenait pas tout de leurs actions sur un organisme dont nous ignorions le fonctionnement, bref il y avait souvent des accidents et des décès. Les effets secondaires étaient quasiment systématiques au réveil.
Mais heureusement depuis la seconde guerre mondiale : les molécules anesthésiantes n’ont pas arrêté d’évoluer. En parallèle notre compréhension de la physiologie s’est révolutionnée, alors …
… nous avons développé l’anesthésie balancée.
Anesthésie balancée = utilisation de plusieurs médicaments ciblant un aspect spécifique de l’anesthésie générale.
But: utiliser des relativement faibles doses de plusieurs substances pour une anesthésie optimale sans effets toxiques et avec un minimum d’effets secondaires.
L’anesthésie générale balancée, c’est typiquement l’association de trois médicaments.
- Un hypnotique (code couleur en Europe jaune)
- Un analgésique (bleu)
- Un relaxant musculaire = curare (rouge).
L’hypnotique fait dormir.
Le Propofol en est l’exemple typique. Mais ce n’est pas le seul: il y a l’Etomidate, la Kétamine, le Thiopental et les gaz anesthésiants.
NB: Contre-intuitivement, ce n’est pas parce qu’on dort qu’on n’a pas mal.
L’analgésique pour et durant l’anesthésie générale c’est un opiacés, de préférence de synthèse et de courte demi-vie: Fentanyl et dérivés (Sufentanyl, Alfentanyl, Remifentanyl).
Le curare est un relaxant musculaire très puissant qui bloque la conduction neuro-musculaire.
Il nous permet d’intuber en toute sécurité et éviter les lésions des cordes vocales par exemple.
Le curare permet aussi de maintenir une anesthésie profonde sans augmenter les hypnotiques et donc d’éviter les effets secondaires.
Il est très important dans les laparoscopie, thoracoscopie (quand on opère avec une caméra et dans ouvrir) alors que le patient doit être immobile.
La succinylcholine (ou suxamethonium, ou « scoline ») est un curare de courte durée d’action dit dépolarisant, car il provoque une contraction musculaire soutenue en bloquant les canaux sodiques de la plaque motrice et libérant le potassium concentré dans la cellule musculaire.
On l’utilise typiquement dans la séquence d’induction rapide lorsque par exemple le patient n’est pas à jeun et a l’estomac plein: le but étant d’intuber le plus rapidement possible avant que le contenu de l’estomac ne risque de remonter dans les poumons.
Le Rocuronium est un curare non dépolarisant, plus lent d’action et plus long que la scoline. Son délai d’action est d’environ 3 minutes et son élimination dépend essentiellement de la fonction rénale. Il est donc contre-indiqué dans l’insuffisance rénale sévère.
Chez les nouveaux nés et chez les insuffisants rénaux terminaux nous utilisons l’Atracurium ou le Cistracurium qui sont des curares non dépolarisants éliminés selon la voie de Hoffmann, un processus métabolique indépendant des enzymes du foie et des reins.
Note importante!
Récemment le Fentanyl est au devant de la scène médiatique. Il est très addictif, engendre des fortes dépendances et décime des vies et des familles.
Alors un mot : les médicaments que nous utilisons sont très dangereux. Les opiacés et certains hypnotiques pour
… leur potentiel addictif puissant, pour la dépression respiratoire qu’ils engendrent et certains leur toxicité.
On a une règle en tant qu’anesthésiste: NE JAMAIS PRENDRE LES DROGUES D’ANESTHÉSIE SOI-MÊME.
Utilisés dans un cadre protégé et ponctuellement est la seule sécurité.
L’anesthésie générale peut être vue comme un vol en avion: on assure le décollage, la surveillance en vol et l’atterrissage en toute sécurité.
D’ailleurs nos standards de sécurité s’inspirent directement de l’aviation civile: check-liste, team communication.
Dans la sécurité de l’anesthésie il est important de parler des antidotes.
La naloxone, l’antidote des opiacés est peu utilisée dans notre discipline pour plusieurs raisons, d’une part les opiacés des synthèse sont de courte durée d’action. D’autre part, on compte sur leur
… effet résiduel pour traiter la douleur immédiate au réveil.
Par contre l’antagoniste des curares a toute sa place: récemment le Sugammadex qui inhibe instantanément et complètement l’effet du Rocuronium en le trappant.
Voilà, je crois avoir parlé de l’essentiel de ce sujet très vaste.
Prochains threads: monitoring, anesthésiques locaux pour la loco-régionale, déroulement de l’anesthésie, rôle de l’anesthésiste au bloc.
Puis situations particulières: anesthésie pédiatrique, obstétrique, etc.
Soyez heureux les gens, prenez soin de vous et de vos proches, aimez-vous!
À bientôt pour de nouvelles aventures et réjouissances. Des bisous. 😘
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Vu la demande et l’engouement de beaucoup d’entre vous, je vais vous parler de mon métier.
Avant tout, mes sincères remerciements pour votre enthousiasme et les messages de soutien que vous laissez fréquemment sous mes tweets. Vous êtes top! 🙏
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Dans ce premier thread d’introduction, nous allons parler de l’histoire de cette discipline, dont les concepts sont très anciens, mais qui est jeune dans l’histoire de la médecine.
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On considère souvent que l’anesthésie est née dans les années 1830-40 en Occident lorsqu’on a commencé à utiliser le protoxyde d’azote (ou gaz hilarant) et l’éther lors de chirurgie afin de diminuer les douleurs des patients.
Au vu de l’intérêt et des nombreuses questions des mutus suite à un post où je mentionnais une intubation difficile, voici comme promis un thread. 🔽
Mais pourquoi l’intubation?
Dans l’anesthésie générale de routine, le tube permet d’assurer la ventilation (l’oxygénation et l’élimination du gaz carbonique) d’un patient endormi.
En urgence et en réanimation aussi, l’intubation permet d’assurer la ventilation du patient en détresse vitale (arrêt cardiaque, coma, détresse respiratoire).
Aujourd’hui nous allons parler du syndrome
d’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES.
Thread ⏬️
Les symptômes très curieux de ce syndrome ont été décrits au milieu du siècle passé, et c’est le psychiatre anglais John Todd qui a été le premier à les réunir dans une publication et à les nommer à partir du romand de Lewis Caroll.
Ses patients, pour beaucoup migraineux, décrivaient des épisodes de distorsions sensorielles très curieuses…
Patiente de 37 ans en bonne santé se présente vers 13h aux urgences pour des fortes douleurs à la tête, frontales, apparues très brutalement depuis 2h de temps et des vomissements.
Les collègues urgentistes reconnaissent immédiatement les signes d’appels : un CT scan cérébral est réalisé en priorité et révèle un anévrisme de sur l’artère communicante antérieure.
L’artère communicante antérieure est une branche des artères carotides (pour les initiés: partie antérieure du polygone de Willis).
MPox, variole humaine, éradication, alerte mondiale de l’OMS.
“Mais elle est éradiquée oui ou non cette maladie??! Et pourquoi on m’a pas vacciné??…”
[Mes excuses aux immunologues et infectiologue, je vais simplifier abusivement pour me rendre compréhensible.]
Pour comprendre, il faut remonter un peu le temps et l’origine de la maladie issue des poxvirus (pox = pustule).
Ce sont des virus à ADN (doubles brins) qui causent des maladies plus ou moins sévères chez différentes espèces d’animaux (dont l’homme).
Lorsque l’être humain a commencé à se sédentariser et élever des bovins, il s’est exposé à beaucoup de bactéries et virus qui se sont adaptés à lui au fil du temps.
On pense que la variole humaine est issue d’un virus cowpox initialement infectieuse chez les bovins.
Pour que les profanes comprennent : la goutte est une arthrite microcristaline caractérisée par la formation de cristaux d’acide urique dans les articulations, typiquement le gros orteil, qui provoquent une inflammation très douloureuse localement.
L’acide urique en excès dans le sang est appelé hyperuricémie n’est que rarement causée par la consommation de viande, comme cru dans le passé.
Cette maladie atteint surtout les hommes après la cinquantaine et est lié à des facteurs génétiques principalement.
La consommation excessive d’alcool peut être un facteur aggravant, l’insuffisance rénale aussi mais certaines personnes avec une hyperuricémie importante ne développeront jamais de goutte.