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Nov 4, 2024 136 tweets 18 min read Read on X
Bonjour à tous ! De retour au procès des viols de #Mazan en ce lundi 4 novembre. Après une semaine de pause, la cour criminelle du Vaucluse se penche jusqu’à vendredi sur l’avant-dernier groupe d’accusés. LT à suivre pour @franceinfo Image
"Mais les punitions étaient constantes au sein de l'institut : une des soeurs dit qu'ils ont passé une grande partie de leur vie à être punis", précise l'enquêtrice de personnalité.
Les parents ont obtenu la médaille de la famille française à plusieurs reprises. "Chaque membre de la fratrie a exprimé sa colère et le sentiment d'injustice qui les anime encore vivement : ils gardent un manque de confiance profond dans les institutions", rapporte-t-elle.
Romain V. se décrit comme naïf et idiot. Il a pu a nommer deux amis lors de l'enquête, qui ont dépeint un homme agréable et gentil. Ses sœurs décrivent deux amis au grand cœur, soutien inconditionnel de leur frère.
L'intéressé a décrit une unique relation amoureuse stable, alors qu'il était encore jeune, dans laquelle il avait trouvé équilibre, partage et bonheur : "j'avais vécu un enfer et j'ai ouvert les portes du paradis", a-t-il déclaré à l'enquêtrice de personnalité.
Il se marie avec cette jeune femme avant de partir à l'armée. Mais elle serait allée en voir un autre pendant qu'il était à l'armée. Romain V. dit avoir eu "le sentiment que tout s'écroulait autour de lui". Ils ont divorcé et il n'a eu ensuite que des relations passagères.
Il "estime avoir échoué à offrir de l'amour, n'en n'ayant jamais reçu".
Au-delà des violences physiques et psychologiques, lui et ses frères et soeurs ont vécu dans "un climat incestuel" : "le père faisait exprès de se balader nu dans la maison pour les mette mal à l'aise".
Trois membres de la fratrie disent avoir été victimes ou avoir eu connaissance de violences sexuelles d'amis des parents notamment. Romain V. déclare avoir été agressé sexuellement, ainsi que son frère, par un homme d'église, qui les emmenait faire des sorties.
En 2004, il apprend qu'il est porteur du VIH. "Cette annonce le bloque au niveau de son intimité", rapporte l'enquêtrice de personnalité. Ses frères et soeurs ont été "très émus d'apprendre qu'il était séropositif évoquant que le sort s'acharnait sur lui".
Il souffre par ailleurs de nombreux problèmes de santé, notamment des migraines, une hernies... Sa sœur dit qu'il a aussi la syphilis. Romain V. a également des troubles de la marche depuis l'enfance.
Quand il était petit, "ses parents avaient cloué les chaussures de l'intéressé à une planche de bois et il devait demeurer ainsi pendant des heures, les mains attachées dans le dos, pour ne pas qu'il se libère", rapporte l'enquêtrice de personnalité.
En prison, Romain V. "revit ses traumatismes d'enfance", souligne-t-elle, rapportant qu'il "fait des cauchemars quotidiens et fait mention d'idées noires, de pleurs et de burn-out. Il ne supporte pas d'être enfermé".
"Une soeur s'inquiète qu'il ressorte de détention les pieds devant", note l'enquêtrice.
Quand il était encore enfant, Romain V. a fait un apprentissage en cuisine "pour se nourrir et pouvoir survivre", a-t-il expliqué à l'enquêtrice. "Il aurait été employé dès l'âge de 12 ans et travaillait tous les week-ends".
Il a fait reconnaître cette compétence au sein de l'armée où il a eu la profession de cuisinier à l'époque de son service militaire. Il a ensuite travaillé dans le textile pendant huit ans.
Puis il est revenu à la cuisine et a exercé dans une entreprise sous le statut de travailleur handicapé pendant plus de vingt ans. Il se décrit "comme un travailleur acharné", ce que confirment ses proches.
L'exposé de l'enquêtrice de personnalité, très exhaustif, et parfois insoutenable, s'achève. Romain V. aura pleuré tout du long, visiblement très éprouvé.
Son avocat, Louis-Alain Lemaire, doyen du barreau d'Avignon, déclare : "j'ai rarement lu un rapport aussi terrible. Je voulais recueillir votre réaction : vous arrive-t-il souvent d'avoir connaissance d'un tel drame ?", demande-t-il à l'enquêtrice de personnalité.
"A mon niveau, en six ans d'expérience, je n'ai pas souvenir d'avoir écrit une enquête aussi difficile, d'avoir rencontré un homme avec un tel parcours", répond-elle.
L'avocat précise que, d'après sa soeur, Romain V. ne serait pas le fils de son père mais le fils son grand-père. Son père serait donc en réalité son demi-frère.
"Il n'a pas voulu avoir d'enfants par peur de reproduire ce qu'il avait subi", souligne l'avocat.
L'audience est suspendue jusqu'à 14h.
L'audience a repris. L'ex-compagne de Cédric G. demande à être entendue à huis clos car "elle craint d'être victime de représailles", fait savoir son avocate.
Le président demande à chacun de s'exprimer sur le sujet. Antoine Camus, l'avocat de Gisèle #Pelicot, craint que cela ne crée un précédent, et "que tous les témoins à venir n'en viennent à vous demander de les entendre à huis clos".
"Cela ne correspond pas à la volonté de Gisèle Pelicot quand elle a demandé la publicité totale de ces débats", ajoute-t-il.
"Mes observations vont dans le même sens. La demande qui vous est faite est unique dans le cadre de cette procédure", relève l'avocat général.
"C'est une demande qui n'est pas recevable en soi. La seule chose qu'on peut accorder, c'est d'avoir élu domicile chez son avocat. On ne lui demandera pas de donner son adresse", tranche le président. Elle témoignera donc tout à l'heure, publiquement, comme prévu.
Le président procède à la lecture de l'enquête de personnalité de Saifeddine G., 37 ans. Né en Tunisie, il est arrivé en France à 15 ans et a pris son appartement à 19 ans, dans le quartier pauvre du Pous du Plan, à Carpentras.
Il a rencontré son épouse en Tunisie : c'est une cousine éloignée. Le couple a emménagé à Carpentras "dans un endroit joli et calme", disent-ils. Ils ont eu trois enfants.
Saifeddine G. explique avoir été de moins en moins présent au troisième enfant à cause de son travail : il est chauffeur routier.
Son épouse explique avoir peu travaillé en raison de l'âge de ses enfants. Le couple aurait contracté deux crédits pour l'achat de leur maison : ils n'auraient pas de difficulté à les assumer. Saifeddine G. est payé entre 2000 et 3 500 euros, selon les heures supplémentaires.
L'argent est important pour lui : il évoque sa crainte d'en manquer dans son parcours professionnel, et ne veut pas que ses enfants en manquent.
Après cet exposé très rapide de la vie de Saifeddine G., on entend à présent celle que nous nommerons Marion, 36 ans, l'ex-compagne de Cédric G. qui souhaitait témoigner à huis clos.
"On était en couple pendant plusieurs années. On n'a jamais vécu ensemble. J'étais en couple avec Monsieur G. de 2013 à 2018. La police m'a informé des faits qui lui sont reprochés", déclare-t-elle en préambule de sa déposition.
"Vous m'avez demandé de parler en premier de sa personnalité : je ne suis pas son psy… C'est un homme qui a des problèmes psychologiques assez importants. En public il est marrant, gentil mais très sombre en privé. Il a toujours souffert de désordres émotionnels", poursuit-elle.
"En ce qui concerne les femmes ou autre, il a toujours été infidèle. Il a toujours eu des troubles comportementaux, de la sexualité… Une addiction, si je peux dire. Mais rien d'illégal", souligne la jeune femme.
"En revanche je l'ai quitté pour des raisons de danger. Je me suis rendue compte qu'il était en contact avec d'autres personnes. Au début, j'ai cru que c'était du libertinage. De l'infidélité. Je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas que ça", poursuit-elle.
"Il diffusait des photos de moi, des vidéos. Certaines intimes, d'autres plus basiques : des photos professionnelles, des photos de vacances. Il a diffusé mon identité, mon nom, ma carte d'identité, mon numéro de téléphone, mon adresse, ma profession…", détaille-t-elle.
"De façon à ce que je sois harcelée, ce qui a été le cas pendant des années", relate Marion à la barre. "Au point que j'ai dû quitter mon travail", ajoute-t-elle.
"J'ai vu aussi certaines conversations. Avec des… Excusez moi. Des conversation parfois avec monsieur Pelicot, qui disait qu'il voulait que je me fasse violer en rentrant chez moi. Tout ça, je l'ai vu en 2018", ajoute-t-elle.
"Je n'avais pas connaissance ce qui lui était reproché aujourd'hui. J'ai déposé une main courante. Et ensuite je ne l'ai plus vu. J'ai mis plus d'un an à sortir de la relation et comprendre ce qui s'était passé", ajoute la jeune femme.
Le président lui demande comment elle a su qu'il diffusait des photos et vidéos d'elle. Marion explique l'avoir appris par "une personne qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un, qui a prévenu un de (ses) proches, mais je n'avais pas d'éléments pour dire que c'était lui".
"J'ai été sidérée pendant longtemps… J'ai même été dans le déni. Mais j'ai mis longtemps à comprendre. J'étais très très sidérée, très choquée. J'ai mis du temps à me rendre compte à quel point j'avais été trahie", se souvient-elle.
"J'ai mis plusieurs années à vraiment comprendre. Ça fait six ans maintenant. J'ai eu le temps de décortiquer, travailler, en thérapie. J'ai fait un burn-out et une dépression assez grave, deux ans plus tard", ajoute-t-elle, droite, appuyée sur chaque côté de la barre.
"Est-ce que vous avez pu vous sentir différente ? Avoir eu le sentiment d'avoir été sédatée ?", lui demande le président. "Dans le quotidien, non. Par contre, en avril 2018, je me suis retrouvée inconsciente dehors, un soir. Aucune enquête n'a été ouverte", rapporte-t-elle.
"J'ai rien pu demander, ni analyse, ni rien du tout. Même pas la vérification de caméras. La mémoire ne m'est pas revenue. Ca fait six ans que je vis avec", souligne-t-elle.
"Vous aviez vu monsieur G. dans les heures qui ont précédé ?", demande Roger Arata. "C'était un mardi soir, je ne l'avais pas vu depuis le dimanche. Je n'ai pas pu trouver de lien et j'ai laissé tomber parce qu'on m'a découragé", répond Marion.
"Je me pose la question de savoir ce qui m'est réellement arrivé. J'ai lu dans la presse qu'il avait confié qu'il avait prévu de me droguer. La seule chose que je peux espérer, c'est qu'il ne l'ait pas fait", ajoute-t-elle.
"Quand on m'a retrouvée inconsciente, on ne m'a pas proposé de faire une analyse de cheveux", observe-t-elle. Cela ne lui a pas non plus été proposé en 2020, lorsqu'elle a été entendue dans le cadre de cette affaire.
Dominique Pelicot l'a appelée, en 2020. Il s'est présenté sous le prénom de Thomas. "Il m'a demandé si je voulais faire des photos", se souvient-elle. "Il avait mes numéros, tout le monde les avait", ajoute Marion.
Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot, lui demande ce qu'elle a pu lire des conversations entre son client et Cédric G. Ce dernier lui a écrit : "je rêve qu'elle se fasse violer en rentrant chez elle". "C'est une phrase qui tourne dans ma tête depuis", commente-t-elle.
L'avocate de Cédric G. relève qu'ils sont allés dans un club libertin. Marion reconnaît, mais précise qu'il n'y a pas eu d'échangisme, qu'ils ont simplement eu des relations sexuelles tous les deux.
Sa déposition est terminée. Marion sort de la salle, la tête haute, et prend le temps de regarder son ex-compagnon, droit dans les yeux. Lui est assis dans son box, aux côtés d'autres accusés.
On entend à présent la dernière compagne de Cédric G., qui était avec lui au moment de son interpellation. Cette femme brune, au cheveux bruns coupés au carré, est en chaise roulante.
"Avant le 14 septembre 2020, avant son arrestation, j'étais très amoureuse de cet homme. Je pensais que c'était mon futur mari. Quelques jours avant qu'il soit arrêté, il m'a demandé en mariage, j'ai dit oui", raconte-t-elle.
"Cet homme m'a menti du début à la fin. Au départ, j'avais du mal à avoir confiance en lui. Je sentais qu'il était fourbe, qu'il n'avait pas de personnalité. Finalement, je me suis remise avec lui, et j'ai eu confiance en lui", décrit-elle d'une voix douce.
"Peut-être que j'ai une fragilité, je ne sais pas. J'ai eu une sclérose en plaques. J'ai été diagnostiquée quelques semaines avant de la rencontrer", précise-t-elle.
"Après son arrestation, j'avais besoin de comprendre qui il était vraiment et qui j'étais. Les deux premiers parloirs ont été très compliqués pour moi, parce qu'il n'était pas honnête. Je voulais tout connaître, je voulais qu'il dise toute la vérité", explique-t-elle.
"Il m'a dit qu'il savait que c'était mal ce qu'il a fait. Il savait qu'il était déviant, mais il le faisait parce qu'il ne se faisait pas attraper. Une déviance ça ne se soigne pas, ça s'apprivoise. Il sortira quand même cet homme, il faut faire attention", insiste-t-elle.
"Après son arrestation, j'ai vu qu'il avait une autre compagne : c'était facile, parce qu'on n'habitait pas ensemble. On était ensemble qu'en fin de semaine. Les autres jours, il était avec son autre compagne", analyse-t-elle.
"Quand c'était à mon tour de venir chez lui, il changeait les photos sur le frigo. Cette fille l'appelait 'papa'. Je pensais que c'était sa fille mais c'était bien sa compagne", souffle-t-elle.
Elle dit avoir fait cette découverte en lisant une lettre que cette autre compagne lui avait laissé sur son pare-brise. "Elle y décrivait la relation qu'ils avaient, elle disait qu'il l'avait prostituée, qu'il aimait les enfants", précise-t-elle.
"Je suis là avant tout pour madame Pelicot et pour moi : je veux qu'en sortant d'ici, il sorte définitivement de ma vie. Il sait que ce qu'il a fait est mal. J'espère qu'il travaillera sur lui. Qu'il arrivera au moins à analyser", dit-elle en essuyant une larme.
Le président tente de savoir si elle a pu être droguée par Cédric G. "Avec ma sclérose, quand j'avais trop mal aux muscles, j'ai eu des médicaments qui relaxaient... Je ne pense pas qu'il ait fait ce que vous insinuez mais je n'en suis pas certaine", répond-elle.
"Vous conservez un doute ?", demande le président. "Oui", reconnaît-elle d'une petite voix.
On entend à présent l'autre compagne de Cédric G., avec qui il entretenait une double-vie. Cette femme de 34 ans s'avance à la barre, grande, mince, cheveux mi-longs bruns ondulés. Elle est assistante de vie à domicile.
Celle qui témoignait juste avant est restée dans la salle d'audience, et l'écoute attentivement. "On est restés quelques mois ensemble. On avait plutôt des relations sexuelles", décrit-elle.
"On s'est rencontrés dans un centre de formation en 2021. De là, on s'est mis ensemble. Au tout début, il était tout gentil, adorable. Et après j'ai commencé à voir sa personnalité de pervers sexuel", se souvient-elle.
"Cédric était énormément en demande. Vraiment beaucoup beaucoup beaucoup. Je voulais arrêter la relation mais il me faisait culpabiliser pour que je revienne. C'était très compliqué", poursuit-elle.
"Chaque fois qu'on se voyait, c'était juste pour le sexe, quand il m'écrivait, c'était juste pour le sexe, quand il m'appelait... C'était que ça", insiste-t-elle.
"Sur le moment, je ne voulais pas me prendre la tête : on était simplement ensemble comme ça. Il voulait fonder une famille, se marier. Il voulait qu'on vive ensemble. Il m'avait demandé en mariage", raconte la trentenaire.
"Sur le moment, je pensais que c'était sincère. Et après, je voyais que la relation elle… J'étais piégée dans cette relation. J'arrivais pas à m'en séparer", explique-t-elle à la barre.
Cédric G. a fait diffuser des photos et vidéos intimes d'elle, et son nom, son prénom, son compte Facebook… Elle a déposé plainte et les faits ont été jugés.
Le président lit ses déclarations aux enquêteurs : "il est arrivé qu'il me frappe lors de nos rapports, il m'a aussi demandé s'il pouvait me cracher et m'uriner dessus", a-t-elle relaté.
Cédric G. lui a par ailleurs confié avoir eu des relations sexuelles incestueuses avec son oncle et sa cousine par le passé.
Le président lit d'autres déclarations qu'elle a fait aux enquêteurs. "Il m'a demandé de jouer le rôle de sa fille : il me demandait de l'appeler papa. Et lui m'appelait 'ma fille'. Il voulait que je mette des jupes très courtes", a-t-elle précisé.
Et d'ajouter : "il m'avait demandé de me faire des couettes : j'ai toujours refusé".
A la barre, elle ajoute que Cédric G. l'a forcée à se prostituer.
"Vous ne lui avez jamais présenté vos enfants. Pourquoi ?", lui demande une assesseuse. "Parce qu'il m'a avoué qu'il aimait les ados. C'était un danger", répond-elle, fébrile.
"Il vous a dit qu'il aimait les petites filles c'est ça... Vous aviez connaissance des images pédopornographiques sur son ordinateur ?", poursuit la magistrate. "Pas du tout", assure-t-elle en pleurs.
"Qu'est-ce qui vous pousse à vous séparer de lui deux jours avant son interpellation ?", interroge l'assesseuse. "J'étais piégée, j'arrivais plus, il me demandait beaucoup de choses et il y a des choses que je ne pouvais pas accepter, c'était inacceptable…", dit-elle, très émue.
"Avez-vous quelques exemples ?", lui demande le président. "Déjà la prostitution, je l'ai fait, mais je regrette énormément, j'aurais jamais dû le faire", explique-t-elle en larmes.
"Le fait qu'il aime les ados, les enfants tout ça… C'est pas possible, ça ne se fait pas… C'est impossible… Au plus j'avançais dans la relation, au plus je voyais qu'il avait énormément de besoins", poursuit cette femme.
"C'était pas possible. Mais il avait tellement de photos de moi, de vidéos, j'avais peur, j'avais peur qu'il les montre à quelqu'un…", relate-t-elle.
L'assesseuse lui demande comment elle a découvert que des photos et vidéos intimes d'elles avaient été diffusées. "Je recevais des messages sur les réseaux sociaux, on me disait : 't'es belle, t'es sexy : je comprenais pas'", se remémore-t-elle.
"Et un monsieur m'a contacté, en disant qu'énormément de photos tournaient sur le net. Et c'est là que j'ai vu que j'étais diffusée sur des sites pornos, sur Coco aussi… Encore aux jours d'aujourd'hui je suis diffusée", assure-t-elle.
Le président procède à la lecture de la lettre qui a été retrouvée sur le pare-brise de Cédric G., écrit par elle.
En voici quelques extraits : "au début, je te voyais comme un chéri, puis je te voyais comme un papa, que je n'ai jamais connu. Toi, tu me voyais comme une petite fille qui faisait l'amour à son papa".
"Je me posais beaucoup de questions, surtout quand tu m'as avoué que tu aimais l'inceste, et le pire de tout, c'est quand tu m'as dit que tu aimais les petites filles et quand tu m'as parlé de ma fille et de mon fils", a-t-elle écrit.
Et d'ajouter : "tu as toujours vécu dans l'inceste et ça, ce n'est pas possible : faire un enfant avec toi, et vivre dans l'inceste, ce n'est pas possible. Plus le temps passait, plus tu m'as montré ton côté pervers".
"Le pire de tout ça, c'est quand tu m'as parlé de tes envies, la prostitution : j'ai fondu en larmes. Je me suis dit : 'c'est mon papa', et je me demandais pourquoi", ajoute-t-elle.
"Je te promets que je te considérais comme mon vrai papa : c'est dingue, ou je sais, mais je me suis dit que tu avais tout pour l'être. J'ai accepté de me prostituer par peur de perdre mon papa", dit cette femme de 34 ans dans ce courrier.
Et de conclure : "même si tu m'as poussé à faire tout ça, tu resteras tout de même une belle rencontre, tu resteras à tout jamais mon papa".
Sa déposition est terminée, elle quitte la salle d'audience.
On entend maintenant la compagne d'un autre accusé : Ludovick B. Ils vivent ensemble depuis quatorze ans. "On s'est rencontrés sur un site Internet, on ne s'est plus quittés", raconte cette femme blonde, fluette.
"On a eu deux enfants. Une petite fille et un petit garçon, né en juin 2022. C'est quelqu'un de gentil, attentionné, un bon papa. En octobre 2021, on a subi un bouleversement avec cette affaire. On est tombés des nues, ça a été très compliqué", relate-t-elle.
"On a été séparés pendant un an, de 800 kilomètres. J'ai appris que j'étais enceinte pendant cette période : on attendait notre deuxième enfant. Il a appris qu'il allait être papa par son avocate", souligne-t-elle.
"On a appris les faits : c'est une incompréhension. On est une famille où on discute de tout. Je pense qu'il s'est fait piéger. Il pensait participer à un jeu libertin d'un couple consentant de madame et monsieur Pelicot", estime la compagne de Ludovick B.
"On est un couple assez ouvert : on a pratiqué des expériences libertines qui se sont très bien passées, avec deux couples", relate-t-elle.
Au moment des faits reprochés à Ludovick B., qui ont eu lieu fin décembre 2019, sa compagne venait d'accoucher, leur fille avait trois mois.
"J'ai eu une grossesse assez compliquée en 2019 : on n'a pas eu trop de rapports, et j'ai eu les soins de suite après l'accouchement. Je pense que ce drame est intervenu dans cette période-là", analyse-t-elle.
"Je le mène toujours vers le haut et je serai toujours là pour le soutenir. On a mis beaucoup de temps à avoir nos enfants. Il a un amour fusionnel pour ses enfants. C'est la prunelle de ses yeux", dit-elle en conclusion.
On entend ensuite un ami de Ludovick B. qui le connaît depuis l'âge de "17/18 ans". "C'est une personne avec qui il n'y a jamais eu de problèmes. Une personne normale. Un père normal, affectueux avec ses enfants", décrit-il.
"Je ne l'ai jamais vu hausser le ton sur ses enfants, sur sa femme", précise-t-il.
Une autre amie de Ludovick B., qui le "connaît depuis très longtemps" s'exprime à son tour. "C'est quelqu'un qui est drôle. Quelqu'un avec des valeurs. Qui ne m'a jamais semblé borderline ou quoi que ce soit", assure-t-elle.
On entend à présent le médecin généraliste de Ludovick B., qui vient des Yvelines pour témoigner. Il déclare suivre toute sa famille depuis 45 ans.
"J'ai connu un enfant riant, sympathique, amusant. Et au fil des années, au collège, les choses se sont gâtées. On a mis ça sur le compte des séparations de ses parents. En fait, c'était plus profond", observe-t-il aujourd'hui.
"J'ai vu un ado vers 17/18 ans avec des signes de dépression, des problèmes d'addiction au cannabis. Je l'ai vu avec une psychiatre pendant des années. Et il a été hospitalisé pour ses addictions", décrit le médecin.
"Jusqu'au jour où j'ai vu des jeunes gens atterrés, effarés à l'idée que Fabrice Motch sorte de prison. Ils venaient en consultation pour dire : 'il va sortir, il va sortir'. Ludovick m'en a parlé un peu aussi", relate-t-il.
"Fabrice Motch était un pompier qui était responsable des jeunes recrues de sapeurs-pompiers", résume le médecin. Ludovick B., vêtu d'un sweat noir à capuche, l'écoute en pleurant, la tête dans ses mains, assis à quelques mètres.
"Il a été arrêté et inculpé : il a fait une quinzaine d'années de prison pour des viols multiples sur les sapeurs-pompiers, il a aussi abusé de ses enfants, de son frère, de sa soeur… Il devait sortir dans les années 2015", se souvient-il.
"J'ai vu arriver ces jeunes gens et j'ai dit à Ludovick : il est arrivé quelque chose, j'ai compris que les dix ans, les quinze ans de galère avaient un lien. Il me dit : 'je ne l'ai jamais dit à personne mais oui, il est arrivé quelque chose'", rapporte le médecin.
"On n'est jamais rentrés plus dans les détails. Monsieur Fabrice Motch devait sortir, mais il a été rattrapé par une histoire plus ancienne, avec l'assassinat du mari de sa maîtresse qu'il a dépecé, découpé… Ca a fait la une de tous les journaux", pointe-t-il.
"Ludovick était voisin de monsieur Motch et il lui est arrivé d'aller dormir chez lui. Il était jeune sapeur-pompier mais il ne voulait plus y aller. Il n'a pas voulu entamer une procédure contre Fabrice Motch", explique-t-il.
"Depuis qu'il avait rencontré son épouse, il était quand même plus apaisé. Quand il a été arrêté dans cette affaire, je lui ai dit : 'tu ne peux pas aller à ce procès, sans parler de ton passé, si tu le fais, j'irai témoigner pour que les gens sachent ce que tu as vécu", dit-il.
Ludovick B. a finalement porté plainte contre Fabrice Motch et a eu une confrontation avec lui. "J'ai été entendu dans cette procédure et j'ai dit : 'oui, je le crois, Monsieur B. a dit la vérité'. C'est pour ça que je suis venu devant ce tribunal", poursuit le médecin.
"Pourquoi il n'a pas parlé plus tôt ? C'est toujours un peu comme ça", explique-t-il.
"Je crois que ce gamin a été massacré par monsieur Fabrice Motch. Sur le plan civique, en dehors de mon métier de médecin, je suis président d'une association sportive, je m'occupe beaucoup de handicapés : on a toujours une vigilance", poursuit-il.
"Et j'étais médecin capitaine des pompiers. Et quand on n'a pas pu protéger, c'était mon devoir de témoigner. Je suis persuadé que Ludovic ne serait pas là aujourd'hui s'il n'avait pas rencontré monsieur Fabrice Motch", insiste le médecin.
"Je pense qu'il avait une face que je ne lui connaissais pas : si j'avais dû confier mes enfants à garder, je l'aurais fait", estime-t-il à propos de Fabrice Motch, répondant aux questions de l'avocat de Ludovick B.
"Je demande de le décrire car monsieur B. a indiqué que la nuit des faits, il a le sentiment qu'il a eu ce côté directif, imposant, charismatique de monsieur Pelicot qui l'a drivé. Est-ce que pour vous, ça vous paraît crédible ?", lui demande le conseil de Ludovick B.
"Oui tout à fait : quand il a été incarcéré, Ludovick m'avait fait part de ce parallèle. Je lui ai demandé pourquoi il ne s'était pas dégagé de ce piège infernal, c'est ce qu'il m'avait répondu", rétorque le docteur.
On entend ensuite la compagne de Paul G., 31 ans, qui est avec lui depuis un an. "C'est quelqu'un qui a un grand coeur, généreux, attentionné, il a toujours été là pour me soutenir", décrit-elle.
"Il est papa d'un petit garçon de 6 ans, il s'en occupe très bien. Je le considère comme mon fils. C'est quelqu'un qui aide à la maison. On est deux à travailler. On partage les choses de la maison sans difficulté", poursuit cette femme au cheveux châtain clair.
Elle assure être au courant de l'affaire. "Il m'a expliqué la situation, comment ça s'est passé. Après, je lui ai donné mon opinion : je suis une femme. Mais c'est un acte qu'il a fait avant qu'on se connaisse", souligne-t-elle.
"Aujourd'hui, j'ai voulu être témoin car je n'ai rien à reprocher par rapport aux actes qu'il a fait", estime cette préparatrice de commandes, qui habite à Sorgues.
Une assesseuse lui demande comment il lui a présenté les choses. "Il a eu des contacts avec monsieur Pelicot par rapport à ce site Coco, il est venu le chercher, lui a donné des ordres, lui a dit de faire des choses… J'ai pas de détails plus que ça", répond-elle.
"Bien sûr qu'il regrette… C'est pour ça qu'il n'y est allé qu'une fois", estime-t-elle.
"Je trouve que la description que vous nous donnez est un peu loin de crimes qui lui sont reprochés", estime l'avocat général. "J'ai pas dit qu'il était obligé. Mais monsieur Pelicot lui a dit de faire certaines choses", assure-t-elle.
"Moi, je lui ai dit ouvertement. Madame Pelicot était droguée et endormie et je lui ai dit : 'comment vous pouvez faire ça à une femme qui est endormie ?'", rapporte-t-elle à la barre.
"Si monsieur G. était condamné, comment vous voyez les choses ?", lui demande le magistrat. "Son fils, il fait partie de mon avenir, si je prends quelqu'un avec un fils, c'est mon fils aussi", répond-elle, soulignant que le petit "n'a plus de maman", sans en dire plus.
"Quoi qu'il ait fait je l'aime. Il a commis un acte reprochable, j'en suis consciente. Je resterai avec lui, je le soutiendrai, et je resterai à ses côtés. Un jour où l'autre, il sortira, je serai toujours là pour lui et son fils", promet-elle.
"Est-ce que monsieur G. vous a laissé entendre que sa situation était imputable à la responsabilité de monsieur Pelicot ?", lui demande Béatrice Zavarro. "Oui", répond-elle, hésitante.
Elle répond ensuite aux questions de l'avocate qui substitut son avocat. "S'il était ce genre de personne : il aurait peut-être récidivé entre temps. Et il m'imposerait des choses qu'il ne m'impose pas", estime-t-elle.
Cette première journée de reprise du procès des viols de #Mazan est terminée. On entendra demain les expertises psychologiques des accusés, et peut-être commencera-t-on leurs interrogatoires de personnalité. Merci d'avoir suivi le fil de cette audience pour @franceinfo

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Feb 24
Bonjour à tous ! Aujourd'hui débute le procès-fleuve de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, jugé devant la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, pendant plus de trois mois. C’est la plus importante affaire de pédocriminalité que la France ait connue. LT ici pour @franceinfo Image
A ce jour, 467 journalistes et dessinateurs de presse sont accrédités, représentant environ 110 médias dont 40 médias étrangers.
Aujourd'hui âgé de 74 ans, Joël Le Scouarnec est poursuivi pour des viols et agressions sexuelles aggravées sur 299 patients, la plupart mineurs au moment des faits. Ces actes auraient été perpétrés entre 1989 et 2014, dans des hôpitaux où il a exercé.
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Dec 20, 2024
200 Espagnoles sont rassemblées devant le tribunal d’Avignon. Elles ont fait la route depuis l’Espagne cette nuit, en car et en voiture, pour venir apporter leur soutien à Gisèle #Pelicot et à toutes les femmes victimes de violences sexuelles.
Elles viennent surtout de Catalogne, mais aussi de Madrid. Certaines arrivent même d’Estrémadure (à côté du Portugal) et de Majorque.
Dans la foule, beaucoup de panneaux "merci Gisèle" Image
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Dec 16, 2024
Bonjour à tous ! Lundi 16 décembre, dernière semaine du procès des viols de #Mazan On entend aujourd’hui les deniers mots des accusés. Puis la cour criminelle du Vaucluse partira délibérer, en théorie jusqu’à jeudi. LT à suivre pour @franceinfo Image
Le public est toujours au rendez-vous, les journalistes aussi. Une jacinthe a été accrochée aux grilles du tribunal, pour Gisèle Pelicot. Image
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Les accusés auront 15 minutes maximum pour s’exprimer, s’ils le souhaitent. Dominique Pelicot devrait parler en premier.
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Dec 10, 2024
Mardi 10 décembre au procès des viols de #Mazan. On continue à suivre les plaidoiries de la défense, au tribunal judiciaire d’Avignon. LT à suivre pour @franceinfo Image
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On entend la plaidoirie de Margot Cecchi pour Hugues M., 39 ans. Elle débute en se disant "abasourdie, triste, un peu en colère, surtout en colère" car le dossier de son client a, selon elle, "été emporté dans le dossier Pelicot".
"Je suis en colère de voir à quel point la justice s'affranchit de son courage face à l'ampleur de ce dossier qui a manifestement dépassé les membres de l'institution", poursuit-elle d'une voix calme.
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Nov 27, 2024
Bonjour à tous ! Mercredi 27 novembre, 52e jour d’audience au procès des viols de #Mazan On termine ce matin les réquisitions pour les derniers accusés. Puis on entendra cet après-midi la plaidoirie de Béatrice Zavarro, l’avocate de Dominique Pelicot. LT à suivre pour @franceinfo Image
Il reste quatre accusés pour lesquels les réquisitions doivent être prononcées.
L'audience est ouverte. On entame l'examen de Jérôme V., 46 ans, poursuivi pour être venu six fois à Mazan : en mars 2020, deux fois avril 2020, deux fois en mai 2020 et en juin 2020.
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Nov 26, 2024
Mardi 26 novembre, 51e jour d’audience au procès des viols de #Mazan On poursuit aujourd’hui les réquisitions pour les 30 accusés restant. LT à suivre pour @franceinfo Image
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Gisèle #Pelicot est arrivée, les caméras toujours braquées sur elle
L'audience est ouverte. On entame cette 2e journée de réquisitions fleuve avec Boris M., 37 ans. Il comparaît libre et est poursuivi, comme la grande majorité des accusés, pour "viols avec plusieurs circonstances aggravantes".
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